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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2000, Publication : 88ème session CIT (2000)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement est disposé à donner à la commission toutes les informations nécessaires sur l'application de la convention. Le gouvernement s'est efforcé d'avoir un dialogue constant, approfondi et sincère, tant avec les travailleurs et les employeurs qu'avec l'OIT, et de fournir à la commission les informations propres à mettre en évidence les progrès effectués dans ce domaine.

Le Congrès de la République a adopté le projet de loi no 184 soumis par le gouvernement, en vertu duquel des dispositions de la législation ont été modifiées, supprimées ou introduites pour aligner celle-ci sur les conventions nos 87 et 98. Il convient de souligner que le droit d'association a été renforcé: les organisations syndicales jouissent d'une plus grande autonomie, les restrictions prévues par la loi à l'affiliation syndicale et à l'enregistrement de syndicats ont été supprimées et les autorités civiles (les maires) ont été habilités à enregistrer des syndicats. De plus, il suffit de présenter des modifications de statuts pour qu'elles soient approuvées. Ainsi, il est tenu compte des articles 2, 3, 4 et 5 de la convention no 87. Les revendications collectives en cas de retenues de salaire sont maintenant autorisées et certaines sanctions, comme l'interdiction du droit syndical aux dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat, ont été supprimées, ainsi que les conditions de nationalité et d'exercice d'une profession déterminée pour être dirigeant d'un syndicat, d'une fédération ou d'une confédération. De même, en favorisant le versement de cotisations syndicales, on a renforcé les fédérations et les confédérations. La protection liée à l'activité syndicale a été étendue aux fonctionnaires et les permis syndicaux ont été réglementés. De plus, la procédure que doit suivre un dirigeant syndical pour démontrer qu'il jouit du privilège syndical a été simplifiée.

La loi susmentionnée constitue un progrès considérable et, comme l'a reconnu l'OIT, des institutions modernes ont été mises en place pour la faire appliquer. Elle prévoit que les délégués participant à la négociation collective peuvent être des travailleurs de la profession, du secteur ou de l'activité économique intéressés. De plus, elle indique que des syndicats parties à un conflit peuvent inviter le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à assister aux réunions qu'ils convoquent, après une négociation directe, pour décider par un vote de saisir le tribunal d'arbitrage ou de déclarer la grève. Désormais, sans que les autorités du travail n'interviennent, des travailleurs en grève peuvent décider seuls de la lever ou de saisir un tribunal d'arbitrage. De plus, la loi tient compte des observations de la commission d'experts pour ce qui est de la capacité des autorités administratives du travail de procéder d'office à des inspections. Désormais, celles-ci ne peuvent le faire que si les syndicats ou les organisations de deuxième ou de troisième degré en font la demande.

A propos des observations de la Commission d'experts sur l'exercice du droit de grève, il faut indiquer d'abord que le gouvernement a élaboré un projet de loi qui définit les services publics essentiels. Ce projet a été inscrit à l'ordre du jour de la Commission tripartite de concertation des politiques salariales et du travail. Une fois que les partenaires sociaux (employeurs, travailleurs et gouvernements) l'auront examiné, il sera soumis au Congrès. L'orateur s'est félicité que ce projet, qu'ont examiné les experts du BIT de la mission de contacts directs, reprenne leurs principales recommandations. Le projet prévoit aussi que c'est dorénavant la juridiction du travail qui est chargée de déterminer si une grève est conforme à la loi.

Le gouvernement colombien a amplement démontré que, en ce qui concerne l'exercice du droit syndical, il est attaché à défendre l'autonomie des organisations de travailleurs, puisqu'il a soumis au Congrès un projet de loi qui met un terme aux restrictions législatives à ce droit. Il convient de souligner que ce projet de loi résulte d'un accord entre les partenaires sociaux et démontre que chacun est disposé à construire une nouvelle culture des relations du travail, fondée sur le dialogue et la concertation sociale. Le gouvernement a communiqué au BIT l'intégralité du texte de la loi sur la liberté syndicale et il lui a demandé de le transmettre aux membres de la commission. Le gouvernement colombien a remercié l'OIT de l'aide sans faille qu'elle lui a apportée afin de lui permettre d'aligner sa législation sur la convention.

Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait été discuté à de nombreuses reprises durant la dernière décennie et que les conclusions de cette commission avaient été reprises dans un paragraphe spécial à deux occasions. Des missions de contacts directs ont eu lieu en Colombie en 1996 ainsi qu'en février de cette année. De nombreuses plaintes en violation de la liberté syndicale, y compris de nouvelles plaintes présentées par plusieurs organisations syndicales relatives à des actes de discrimination antisyndicale et de violation du droit de négociation collective, ont été récemment déposées. Au cours de la 86e session de la Conférence, une plainte au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT a été présentée.

Par ailleurs, les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts avait soulevé, dans le passé, trois questions majeures. La première concerne les conditions requises pour la création d'un syndicat, et en particulier la clause de nationalité obligatoire, d'aptitudes professionnelles, ainsi que l'existence d'un casier judiciaire. La deuxième question est relative aux dispositions sur l'arbitrage obligatoire et les restrictions au droit de grève. Enfin, la troisième question concerne le climat de violence et d'impunité qui règne dans le pays. Les membres travailleurs ont pris note qu'un avant-projet de loi du gouvernement se propose d'abroger une série de dispositions législatives contraires à la convention. Toutefois, ils observent que les experts ont constaté que de nombreuses dispositions posent toujours problème, notamment celles relatives à la surveillance par des fonctionnaires de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales. Une autre disposition qui pose toujours problème au regard de la convention est celle relative à la permission octroyée aux fonctionnaires du ministère du Travail de convoquer des dirigeants syndicaux ou des travailleurs syndiqués pour leur demander des informations sur leurs missions, ou de présenter des livres, registres ou autres documents. Les membres travailleurs ont constaté que, depuis la promesse du gouvernement de soumettre ce projet de loi, aucune suite n'a été donnée. En fait, au lieu de progresser, il semble que la situation se soit détériorée suite à l'adoption le 30 décembre 1999 de la loi no 550 qui constitue une atteinte directe à la liberté syndicale et à la liberté de négociation.

Par ailleurs, les membres travailleurs ont noté les observations de la commission d'experts selon lesquelles certaines dispositions relatives au droit de grève qui ont fait l'objet de commentaires depuis de nombreuses années n'ont pas été prises en compte dans les modifications proposées par le projet de loi. Ces dispositions concernent, entre autres, l'interdiction de grève dans plusieurs services publics ainsi que le licenciement de dirigeants syndicaux ayant participé à une grève. S'agissant de l'application du droit de grève en pratique, ils se sont référés aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 1916, selon lesquelles la notion de services essentiels doit être interprétée au sens strict du terme. A cet égard, les membres travailleurs ont donc appuyé les experts et demandé une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette disposition.

Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde préoccupation en ce qui concerne la situation de violence à l'encontre des travailleurs et des syndicalistes qui prévaut dans le pays. Les témoignages des organisations de travailleurs nationales, régionales et internationales relatifs aux violences antisyndicales sont accablants et soulèvent la question du respect effectif de la liberté syndicale dans le pays. Depuis juin 1998, au moins 125 syndicalistes ont été assassinés et, depuis novembre 1999, le chiffre s'élève déjà à 39 syndicalistes assassinés. Selon les informations émanant de différentes confédérations syndicales internationales, des 123 syndicalistes assassinés dans le monde en 1998, 98 étaient colombiens. De plus, des 1.336 syndicalistes assassinés en Colombie entre 1991 et 1999, 226 étaient des dirigeants syndicaux. Cette continuité dans la violence qui touche en grande partie des syndicalistes de ce pays est tout simplement insupportable, puisque c'est dans leur qualité de syndicalistes que ces travailleurs sont visés. En effet, leur engagement et leurs activités publiques en font des cibles systématiques, comme le prouvent de nombreux témoignages. L'impunité des assassins est totale et l'impuissance du gouvernement intolérable. D'autant plus intolérable que le gouvernement, en ratifiant la convention no 87, s'est engagé à assurer les conditions minimales pour son application effective. Ainsi, les membres travailleurs ont insisté à nouveau sur l'interaction nécessaire des instruments de l'OIT et des principes énoncés dans sa Constitution, afin de créer un climat de paix sociale. Enfin, ils ont prié instamment le gouvernement de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec les principes de la liberté syndicale au sens large. Cela implique impérativement la création d'un climat politique et juridique ainsi que la mise en place de dispositions concrètes qui mettent fin à l'impunité et à la terreur antisyndicale. Ils ont donc proposé que les conclusions soient reprises dans un paragraphe spécial.

Les membres employeurs ont rappelé que la commission a déjà fréquemment examiné le cas de l'application de la convention par la Colombie. L'observation de la commission d'experts contient une liste de divergences avec les dispositions de la convention d'importance variable. Les membres employeurs sont d'avis que les points relatifs au droit de grève ne constituent aucune violation de la convention, puisque le problème du droit de grève n'est selon eux pas couvert par la convention no 87. Cependant, de nombreux autres points constituent des violations claires de la liberté syndicale. Ils ont noté que, avec l'assistance du BIT, un certain nombre de projets d'amendements ont été élaborés et que les projets de loi en question ont été approuvés en première lecture en juillet 1999 par le Congrès. La question se pose clairement quant au nombre de lectures nécessaires avant que ce projet ne soit finalement adopté en loi. Les projets d'amendements résolvent onze des problèmes énumérés par la commission d'experts concernant l'application de la convention. A cet égard, les progrès enregistrés devraient être reconnus, puisque la législation en question donnait aux autorités de larges pouvoirs d'intervention dans les affaires internes des syndicats.

Les membres employeurs ont rappelé que la commission d'experts continue néanmoins de critiquer à raison l'amendement proposé à l'article 486 du Code du travail car il donne pouvoir à l'Etat d'exercer un contrôle sur l'administration interne des syndicats. Ils ont noté la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle des cours d'arbitrage ont été créées dans le pays. Cependant, des informations sont demandées sur l'indépendance des procédures d'arbitrage appliquées par ces cours face aux interventions de l'Etat. Les membres employeurs appuient l'opinion des membres travailleurs selon laquelle ce processus a eu lieu dans un climat d'extrême violence. Ils ont souligné que, bien que ces informations soient importantes pour la compréhension du cas, le gouvernement est toujours tenu de donner effet aux dispositions de la convention dans la législation nationale. Même une situation assimilable à une guerre civile ne saurait être invoquée comme excuse pour ne pas se conformer à ces exigences. En conclusion, ils en ont appelé au gouvernement pour fournir des informations sur le nombre de lectures nécessaires pour l'adoption des projets d'amendements et sur le temps qu'il faudra pour clôturer la procédure législative. De nombreuses restrictions à la liberté syndicale subsistent cependant dans le pays et les projets d'amendements des nombreuses dispositions existantes qui violent la convention sont un premier pas dans la bonne direction.

Le membre travailleur de la Colombie a indiqué qu'une fois encore les travailleurs en général et les Colombiens en particulier assistent au spectacle lamentable d'un gouvernement qui cherche à dévier l'attention de la communauté internationale avec des informations et des justifications éloignées de la réalité en Colombie en ce qui concerne la convention no 87, la liberté syndicale et l'application des droits de l'homme. On est toujours surpris par l'énorme facilité avec laquelle le gouvernement utilise tous les moyens pour embrouiller les membres de la commission sur des questions comme le projet de loi no 184 qui a été approuvé la semaine précédente mais pour lequel, jusqu'à présent, on ne sait toujours pas s'il a été promulgué. Si les aspects juridiques concernant l'application de la convention no 87 constituent des motifs de préoccupation, comme l'a exprimé de manière très précise et brillante le porte-parole des membres travailleurs, il est vrai que les préoccupations des travailleurs concernent davantage les questions qui ont aujourd'hui un impact sur l'ensemble des travailleurs et du peuple colombien. Le gouvernement sait qu'un projet de réforme du droit du travail en matière de flexibilité a été élaboré et que, s'il devait être approuvé, il conduirait à des discussions au sein de la présente commission pendant de nombreuses années. Il en est de même du projet relatif à la sécurité sociale ainsi que des effets négatifs de la loi no 550 du 30 décembre 1999 qui en eux-mêmes constituent une série de menaces à l'encontre des travailleurs en ce qui concerne la négociation collective et la liberté syndicale. A cela s'ajoutent les graves préoccupations sur la résurgence du statut des travailleurs non syndiqués ou des "plans de bénéfices" qui constituent des pratiques visant à empêcher le développement du mouvement syndical, violant ainsi les dispositions de la convention no 87.

Diverses circonstances obligent à discuter de ce cas. Trente-neuf syndicalistes ont été assassinés au cours de l'année 2000, presque deux millions de personnes ont été déplacées à cause de la violence, le taux de chômage s'élève à 22 pour cent, l'économie informelle à 56 pour cent, des paysans sans terres et des indigènes souffrent de ce que l'on appelle à tort le développement, et en général on doit faire face à l'instabilité démocratique. Ces faits conduisent les travailleurs à chercher sur la scène internationale une attitude qui pourra dans un avenir pas très lointain contribuer à un changement de situation. Il convient de souligner que, si le gouvernement parle d'un projet de loi sur la détermination des services publics essentiels, les organisations de travailleurs n'ont pas été consultées à cet égard. La ministre du Travail a une attitude complaisante face aux licenciements de milliers de travailleurs, surtout dans le secteur public et dans les collectivités locales, où par exemple plus de 40.000 travailleurs ont été licenciés au cours des 14 derniers mois. La ministre du Travail a également autorisé le licenciement de travailleurs dans le secteur privé, et l'orateur s'est référé en particulier à un club de tennis. Il n'est pas possible de parler de liberté syndicale quand, cette année, les travailleurs se sont vu dénier la liberté syndicale à la suite de l'interdiction du droit de négocier collectivement dans l'ensemble du secteur public, les salaires y ayant été gelés par décret. Enfin, l'orateur a signalé que le peuple colombien attend ce qui se décidera au sein de l'OIT et il a demandé l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial afin que le gouvernement n'oublie pas une fois encore les engagements pris devant cette organisation.

Un autre membre travailleur de la Colombie, réfutant la déclaration du gouvernement selon laquelle il ne conviendrait pas de discuter dans cette enceinte des questions relatives à des actes de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, s'est référé à la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en juin 1970. Il a souligné que le concept de droits syndicaux manquerait totalement de signification si les libertés politiques et civiles ne sont pas respectées et si le droit à la vie n'est pas garanti. Le thème de la violence contre le mouvement syndical doit être mentionné. La création de syndicats en Colombie est difficile, dans de nombreuses circonstances ils doivent se créer dans la clandestinité pour que les travailleurs ne soient pas l'objet de licenciement de la part des employeurs ou des entités du secteur public. A cet égard, l'orateur s'est référé à une citation émanant d'un membre guérillero de la Colombie qui a indiqué qu'il est plus facile d'organiser un groupe d'insurgés que de créer un syndicat en Colombie. Il s'est demandé dans ces conditions comment les autorités colombiennes peuvent refuser de discuter de la question des assassinats et des actes de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. Il a indiqué que, si la loi visant à mettre certaines dispositions de la législation en conformité avec les conventions sur la liberté syndicale en Colombie venait d'être adoptée, le problème demeure de la non-application d'un grand nombre de lois existantes. Par exemple, il a rappelé que les conventions nos 87 et 98 ont été ratifiées par la Colombie en 1976 mais que, année après année, la non-application de ces conventions continue d'être discutée au sein de la présente commission. Il a souligné que l'OIT doit poursuivre son examen des évolutions qui ont lieu en Colombie en relation avec la violation de ces conventions. Un grand respect de l'OIT et de grandes attentes de la part des travailleurs de ce que l'OIT pourra réaliser pour la défense de leurs intérêts existent en Colombie. A cet égard, l'orateur a demandé l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial pour que le gouvernement de la Colombie réagisse et qu'ainsi, en l'an 2001, la commission puisse être tenue informée de la mise en oeuvre des suites données aux recommandations du Comité de la liberté syndicale et aux commentaires de la commission d'experts.

Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que l'intégrité physique des syndicalistes colombiens pourrait être sérieusement menacée par un programme d'aide proposé de 1 milliard 600 millions de dollars, destiné aux forces de sécurité dans le cadre du conflit interne avec les trafiquants de drogue et les mouvements de guérilla. Malheureusement, les syndicalistes colombiens sont la cible privilégiée de toutes les parties armées dans ce conflit. Au mois de février cette année, l'AFL-CIO a adopté une résolution, conjointement avec le mouvement syndical colombien, pour demander le respect des droits du travail fondamentaux en tant que condition préalable à l'adoption du programme américain d'aide à la Colombie. L'orateur a rappelé que la commission d'experts avait souligné que les récents amendements au Code du travail permettaient au ministre du Travail de mener des enquêtes sur les activités syndicales, et ce même lorsqu'il n'existait aucun soupçon raisonnable d'activité criminelle de leur part. Il a mentionné que les experts avaient omis de soulever un problème particulier, c'est-à-dire que ni la loi no 50 sur la négociation collective ni le Code du travail actuellement en vigueur ne permettent la mise sur pied de mécanismes de négociation collective ou la désignation d'agents négociateurs par secteur ou par industrie au plan national, ce qui limite en fait la représentation syndicale et la négociation collective au niveau local et à celui de l'entreprise. L'orateur a souligné que la violence physique contre les syndicalistes colombiens et le problème récurrent d'impunité restent entiers, voire s'aggravent. Il a critiqué l'argument présenté à cet égard par le gouvernement, selon qui cette question n'était pas pertinente dans le cadre de la convention no 87, et a rappelé que le gouvernement s'était spécifiquement opposé à l'établissement d'une commission d'enquête de l'OIT au motif que ces assassinats de syndicalistes n'étaient pas systématiques mais résultaient plutôt de la violence endémique dans la société. Il a répliqué sur ce point que l'article 8 de la convention no 87 dispose que la législation nationale ne doit pas entraver l'exercice des droits prévus par la convention. Il s'est demandé quelle situation pourrait constituer une entrave plus flagrante à l'exercice des droits prévus par la convention no 87 qu'un système judiciaire incapable d'enrayer, de dissuader et de porter remède à la violence dirigée intentionnellement contre les travailleurs ou les employeurs. Il a également rappelé que la résolution sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence de l'OIT en 1970 établissait un lien entre les droits fondamentaux du travail et le droit à la sécurité physique et à la protection contre la détention arbitraire. Plus de 2.000 syndicalistes colombiens ont été assassinés ces dix dernières années. Le Programme des droits de l'homme et des droits du travail de l'Institut syndical national de Colombie a conclu que la très grande majorité des assassinats de syndicalistes en 1999 est intervenue durant des périodes de négociation collective ou durant des actions de revendication. Etant donné que cette commission a été saisie de ce cas à de si nombreuses reprises sans qu'intervienne d'amélioration notable, l'orateur s'est dit d'avis que la commission ne pouvait faire autrement que citer ce cas dans un paragraphe spécial.

Le membre travailleur du Costa Rica a rappelé que le cas de la Colombie est examiné par la commission depuis plusieurs années. On ne peut nier qu'il existe un lien étroit entre la situation juridique et les actes de barbarie qui sont commis quotidiennement contre les syndicalistes. Il s'agit ici d'une agression généralisée contre les travailleurs qui se manifeste par une législation nationale qui empêche la négociation collective dans le secteur public, qui admet l'ingérence des autorités administratives dans les activités syndicales et, en conséquence, les licenciements pour cause de grèves déclarées illégales car ce droit n'est pas reconnu aux travailleurs, l'impunité devant les assassinats, les séquestrations et les incarcérations des diri- geants syndicaux et des syndicalistes. Cette situation oblige la commission à signaler ce cas dans un paragraphe spécial dans la mesure où c'est un cas de violation des droits de l'homme dans le plus grand sens du terme. Si la commission souhaite obtenir une amélioration de la situation en Colombie, sa conclusion ne peut être de proposer l'assistance technique du BIT mais d'exprimer la condamnation de la communauté internationale.

Le membre travailleur du Guatemala a souligné que le cas de la Colombie concernant la violation systématique de la convention no 87 est examiné par la Commission de la Conférence depuis au moins les cinq dernières années. De même qu'il faut appuyer la déclaration faite par les membres travailleurs, il faut insister sur le fait que la Colombie vit une situation dramatique. La Commission des droits de l'homme de la Centrale syndicale demande systématiquement au gouvernement de la Colombie de respecter et de faire respecter la liberté d'association et le droit syndical. Malgré les observations de la commission d'experts, la situation des syndicalistes continue de s'aggraver particulièrement par des assassinats commis par des intérêts et forces obscurs du pays. Les syndicalistes et les sociétés civilisées du monde ne peuvent rester indifférents à ce que vit le mouvement syndical colombien. Il est urgent que le gouvernement indique les mesures qu'il a prises ou qu'il envisage de prendre pour faire cesser la répression syndicale. En conclusion, l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport est nécessaire.

Le membre travailleur de l'Uruguay a rappelé que la Colombie a ratifié la convention no 87 en 1976 et que, plus de vingt ans après, la Commission d'application a été informée par le ministre du Travail que la législation devait être modifiée. Malheureusement, cette modification n'a pas eu lieu. Aujourd'hui, ni la ministre ni le secrétaire du Travail ne sont présents pour discuter et essayer de trouver des solutions à la situation de violence et de douleur vécue par les travailleurs colombiens, situation provoquée par de nombreux assassinats et la non-protection dans la réalisation de leurs activités. L'orateur a soutenu qu'il est de la responsabilité du gouvernement de protéger l'activité syndicale. Ni le gouvernement actuel ni les gouvernements antérieurs n'ont respecté et ne respectent leur engagement de mettre en oeuvre la convention no 87. Ainsi, il est manifeste qu'en ce qui concerne le droit de grève une volonté de commettre des violations persiste. L'orateur indique que la commission d'experts se réfère dans son rapport à des commentaires d'une organisation syndicale portant sur l'inobservation de l'obligation de prélever à la source les cotisations syndicales. Cette inobservation prouve que la convention est non seulement gravement violée par des menaces de mort et des assassinats de syndicalistes, mais également par des questions de moindre importance. Finalement, il a demandé que le cas soit inclus dans un paragraphe spécial et il s'est dit confiant que le gouvernement présentera des solutions concrètes dans l'année qui suit.

Le membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant au nom de plusieurs gouvernements -- Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Pays-Bas et Suède -- , s'est félicité des efforts déployés en faveur de la paix. Toutefois, il a noté avec beaucoup de préoccupation que plusieurs dispositions de la législation ne sont toujours pas conformes aux exigences de la convention no 87, alors que cette situation fait l'objet, depuis bien des années, d'observations de la commission d'experts et de débats au sein de la Commission de la Conférence. A propos du droit de grève, l'orateur a pris note des conclusions du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1916. Ces conclusions ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa session de mars 1999. L'orateur a souligné avec force que c'est à une autorité judiciaire ou à une autorité indépendante, et non au gouvernement, qu'il revient de déterminer si une grève est conforme à la loi. L'intervenant a également fait observer que le Conseil d'administration se prononcera en juin 2000 sur l'établissement d'une commission d'enquête. Enfin, l'orateur a demandé instamment au gouvernement de prendre des mesures pour rendre les dispositions susmentionnées pleinement conformes aux principes de la liberté syndicale, et exprimé l'espoir que le gouvernement colombien sera en mesure de faire état l'an prochain des progrès et que la convention est appliquée au bénéfice de tous.

Le membre travailleur de Cuba a souligné que, depuis des années, des cas de violations de la convention se produisent en Colombie, cas qui sont traités à la présente session et qui l'ont été dans d'autres. Il s'est dit très préoccupé par la gravité de la situation des syndicalistes colombiens et a exprimé toute sa solidarité à leur égard. Partout en Amérique latine, des dirigeants syndicaux colombiens sont harcelés. Il a insisté fermement sur le fait qu'on ne saurait se désintéresser des cas de syndicalistes qui ont été tués, que ces cas soient liés directement ou non aux points soulevés par l'observation de la commission d'experts. Il a exprimé l'espoir qu'il sera mis un terme au climat de violence et que les problèmes de législation seront bientôt résolus, et il a manifesté son soutien au processus de paix, lequel a un caractère impérieux.

Le membre employeur de la Colombie, se référant aux déclarations des membres travailleurs, a dit qu'il est déplaisant pour les employeurs de devoir recourir à des instances comme la commission. Il a exprimé les condoléances des employeurs pour la mort de compatriotes colombiens, y compris de syndicalistes. Lorsqu'ils déploient leurs activités, les employeurs respectent la loi. Il a souligné les efforts énormes du gouvernement en faveur du processus de paix et de concorde nationale. Il a précisé que le projet de loi que la commission d'experts a mentionné résout la plupart des questions évoquées, que le Congrès, c'est-à-dire le Sénat et la Chambre, l'a examiné et approuvé et que, conformément à la loi, le Président de la République est en train de l'examiner en vue de son adoption définitive. Il a souligné que, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat et la Chambre, beaucoup de points ont été étudiés en concertation avec les représentants des travailleurs et des employeurs. Ce n'est qu'à propos de l'article 486 du Code du travail qu'il n'y a pas eu d'accord et les employeurs et les travailleurs ont convenu de consulter l'OIT sur ce point. Il a été tenu compte de l'avis de l'Organisation dans le texte du projet de loi. L'orateur a indiqué que la Commission de concertation des politiques salariales et du travail est en train d'examiner deux points: la formation professionnelle et la définition des services publics essentiels, c'est-à-dire les cas dans lesquels la grève peut être interdite. Voilà qui démontre que les employeurs sont disposés à promouvoir et à appuyer les initiatives propres à améliorer la coexistence et l'harmonie dans le pays.

Le représentant gouvernemental s'est référé à la difficile situation qui perdure en Colombie depuis plus de quarante ans, comme conséquence du conflit armé interne. Il a souligné que, lors des deux dernières années, il avait été prévu que les parties au conflit s'assoient à une table de négociation. Le 3 juillet 2000, l'une des parties s'y assoira afin de parler du cessez-le-feu, lequel changera le problème de la violence. L'orateur a mis en évidence les progrès réalisés afin de rendre conforme la législation interne aux conventions de l'OIT et plus particulièrement à la convention no 87. A cet effet, il a notamment mentionné la loi no 50 de 1990 qui introduit des modifications et des nouveautés très importantes; la Constitution de 1991 qui garantit les droits syndicaux, de grève et de négociation collective et qui prévoit également que les conventions ratifiées font partie intégrante de la législation interne; la loi no 278 de 1996 qui crée la commission de concertation tripartite, laquelle constitue une table de négociations, et le projet de loi no 184 qui contient les questions signalées par la commission d'experts. Ce dernier projet de loi a été approuvé par le Congrès à la fin de mars 2000 et est actuellement soumis pour approbation au Président de la République. L'orateur a indiqué qu'il a fait parvenir à la présente commission un document expliquant clairement les changements sollicités par la Commission d'experts. En février 2000, la mission de contacts directs a pris connaissance des projets de loi élaborés par le ministère du Travail concernant les services publics essentiels. Ces projets de loi prohibent le droit de grève et prévoient la possibilité pour une partie de soumettre le conflit à un arbitrage obligatoire. En ce qui concerne le droit à la négociation collective des employeurs publics, il permet de présenter des pétitions devant les autorités. La mission a proposé des modifications à ces projets de loi, lesquelles incluent un recours sommaire aux autorités judiciaires en ce qui concerne les décisions de l'administration déclarant illégale une grève, l'inclusion de l'expression "négociation collective des employeurs publics" dans l'un des projets de loi, le droit de grève des fédérations et des confédérations et le remplacement de l'arbitrage obligatoire à la fin de 60 jours de grève par l'arbitrage convenu entre les parties. Les projets de loi et les modifications proposés par la mission sont présentement en cours d'examen et tiennent compte du fait que certaines questions ont des répercussions économiques. Par la suite, les projets de loi seront soumis aux interlocuteurs sociaux conformément aux mécanismes légalement prévus. L'article 29 de la Constitution politique garantit ledit processus inclus dans les procédures administratives. Enfin, l'orateur a informé la commission que la ministre du Travail n'a pu être présente cette semaine car le Président de la République avait organisé, à l'intérieur de la procédure de paix, des tables de concertation concernant les pensions, l'emploi et les impôts. Certains sujets mentionnés par les orateurs antérieurs seront également abordés. Les employeurs, les travailleurs, l'Eglise et la société civile prendront part aux discussions.

Le membre travailleur de la Colombie, commentant les raisons pour lesquelles la ministre du Travail de Colombie n'était pas présente à la commission et les explications fournies par les représentants gouvernementaux à cet égard, a indiqué qu'il convenait de préciser qu'actuellement plusieurs tables de concertation se tiennent où les travailleurs ont décidé, en principe, de participer pour discuter de questions spécifiques, mais que l'absence de la ministre était due en réalité au fait que le gouvernement est en train de traverser une grave crise politique.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré que la proposition d'un paragraphe spécial ne se justifie pas, en particulier parce que le gouvernement a obtenu des résultats importants. En effet, la loi approuvée par le Congrès et les autres projets législatifs recouvrent tous les points mentionnés par la commission d'experts. On enregistre aujourd'hui, ce qui n'aurait pas été le cas autrefois, des progrès qui résultent du travail effectué conjointement avec l'OIT. De plus, le gouvernement prend résolument part au processus de paix. Quant aux questions sur le climat de violence, l'orateur a déclaré que le gouvernement ne cherche pas à éviter le débat. Bien au contraire, la ministre du Travail participera prochainement aux travaux de l'instance compétente.

Les membres travailleurs, après avoir écouté les différents orateurs, ont constaté qu'en ce qui a trait aux observations des experts aucun progrès n'a été constaté. Les témoignages entendus confirment qu'en Colombie les travailleurs syndicalistes s'exposent à la violence par l'exercice même de leur engagement en faveur des travailleurs et en leur qualité de syndicalistes. Les membres travailleurs ont réitéré leurs profondes inquiétudes devant une situation qui dure depuis près de vingt ans et qui, du fait de sa gravité, a figuré en quasi-permanence à l'ordre du jour de cette commission ou de celui du Comité de la liberté syndicale. Ils ont demandé à nouveau que les conclusions figurent dans un paragraphe spécial. Ils ont par ailleurs regretté que les membres employeurs n'aient pas partagé leur appréciation de la situation. Ils ont insisté une nouvelle fois avec fermeté sur la gravité de la situation dans ce pays et déploré que, dans de trop nombreux cas, les travailleurs colombiens ont payé de leur vie.

Les membres employeurs ont souligné la nécessité de prendre en compte la situation générale du pays. Ils ont rappelé, que depuis plusieurs années, la commission d'experts appelle l'attention sur plusieurs dispositions de la législation nationale qui violent la convention. L'orateur a souligné que, maintenant, plusieurs des points relevés par la commission d'experts sont sur le point d'être réglés par un projet de loi qui a récemment été présenté au parlement et qui est en attente de l'approbation du Président. Toutefois, la commission d'experts considère toujours que l'un de ces amendements contrevient aux dispositions de la convention. En ce qui concerne les commentaires présentés par la commission d'experts relatifs à l'exercice du droit de grève, les membres employeurs ont réitéré qu'à leur avis cette question ne devrait pas être examinée dans le cadre de la convention no 87. Ils ont fait remarquer que tous les orateurs ont souligné l'importance des conflits existants dans le pays. Néanmoins, ces conflits ne doivent pas être invoqués comme excuse pour maintenir des dispositions violant la convention. Effectivement, la situation dans le pays est extrêmement sérieuse et elle affecte toutes les parties concernées; mais s'agissant d'un problème de nature politique, il ne doit pas être examiné seulement au regard de la convention. Les amendements prévus par les projets de loi contiennent d'importants changements, lesquels sont demandés par la commission d'experts depuis de nombreuses années. Il est toutefois du devoir du gouvernement d'examiner toutes les questions en suspens et de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures prises de même que sur l'adoption du projet de loi.

La commission a pris note des informations orales communiquées par les représentants gouvernementaux ainsi que du débat qui a suivi. La commission a noté avec une grande préoccupation que les divergences majeures ou persistantes entre la législation et la pratique et les dispositions de la convention ont conduit à plusieurs plaintes devant le Comité de la liberté syndicale et à une plainte formelle présentée par un certain nombre de délégués travailleurs à la Conférence internationale du Travail de juin 1998, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, relative au défaut d'application de la convention no 87. La Commission de la Conférence a discuté de l'application de la convention no 87 à plusieurs reprises, sans pouvoir noter de progrès dans la mise en oeuvre de la convention. La commission a rappelé, une fois encore, que la commission d'experts a instamment prié le gouvernement de lever tous les obstacles qui entravent le droit des travailleurs de créer des syndicats de leur choix et d'y adhérer, d'élire librement leurs représentants, et le droit des organisations de travailleurs d'organiser leurs activités sans ingérence des autorités publiques restreignant ou empêchant l'exercice de ces droits. La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental selon lesquelles un projet de loi a été adopté par le Congrès le 29 mai 2000. Elle a souligné qu'il appartiendra à la commission d'experts d'examiner la compatibilité de cette législation avec les exigences légales de la convention. Cependant, elle a noté que de nouvelles plaintes concernant notamment la violence antisyndicale continuaient à être présentées à l'OIT. La commission a rappelé que le respect complet des libertés civiles est essentiel à la mise en oeuvre de la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre d'autres mesures afin de mettre sa législation et sa pratique en complète conformité avec la convention le plus rapidement possible. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournisse un rapport détaillé à la prochaine réunion de la commission d'experts sur les progrès réels accomplis en droit et en pratique pour assurer l'application de cette convention. La commission a fermement espéré être en mesure de noter, à sa prochaine session, des progrès concrets et définitifs sur la situation syndicale dans le pays.

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