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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1995, Publication : 82ème session CIT (1995)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1949)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental a rappelé les données essentielles de ce cas. Le Centre de communications du gouvernement (GCHQ) a pour fonction de rassembler et d'analyser des informations à des fins de renseignements et fait partie intégrante du système de renseignement du Royaume-Uni. Son statut a été modifié par la loi de 1994 sur les services de renseignement. Il fournit aux administrations gouvernementales et à l'état-major de l'armée des renseignements d'importance vitale et entretient des liens essentiels avec les services de renseignement de nombreux autres pays. La loi a clairement établi que les services de renseignement que fournit le GCHQ le sont "dans l'intérêt de la sécurité nationale et, en particulier, de la politique étrangère et de la politique de défense" du gouvernement. Dans la loi, l'expression "GCHQ" vise le Centre de communications du gouvernement ainsi que tout service ou toute section de service des forces armées dont le concours est requis pour l'assister dans ses fonctions. Ces fonctions sont remplies directement ou indirectement par l'armée dans de nombreux pays. C'est la nécessité de garantir la continuité du fonctionnement du GCHQ qui a amené le gouvernement à y restreindre la représentation du personnel à la suite des troubles qu'a entraînés la perte de 10 000 journées de travail entre 1979 et 1981 en raison d'actions revendicatives. Le gouvernement a la responsabilité primordiale d'assurer la sécurité nationale et ne peut permettre que le fonctionnement du GCHQ puisse être menacé par l'action revendicative.

Le premier problème majeur tient à ce qu'en Grande-Bretagne un accord entre un syndicat et un employeur n'a pas force exécutoire et que, par conséquent, une offre d'engagement de non-recours à la grève de la part d'un syndicat ne saurait garantir contre une interruption du service. En réalité, un projet de convention de non-interruption proposé par le Conseil des syndicats de la fonction publique (CCSQ) en 1984 a été rejeté par la suite par deux des principaux syndicats. Autoriser le personnel du GCHQ à s'affilier aux syndicats nationaux impliquerait un risque d'interruption.

Un deuxième problème important tient à une divergence d'appréciation entre le gouvernement du Royaume-Uni et la commission d'experts quant à l'exclusion du personnel du GCHQ du bénéfice des dispositions de la convention no 87 en vertu de son article 9. Ce personnel comprend des fonctionnaires relevant de l'autorité du ministre des Affaires étrangères, mais également des militaires sous l'autorité du ministre de la Défense. Imposer un statut militaire à ceux d'entre eux qui ont toujours été des civils et ne se considèrent pas comme des militaires reviendrait à leur imposer un changement de statut arbitraire et inacceptable. Il ne s'agit néanmoins que d'une différence de définition et non d'une véritable différence de fonction. La Cour européenne des droits de l'homme a conclu en 1985 que l'attitude du gouvernement à l'égard du GCHQ n'était pas une violation de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège la liberté d'association, dans la mesure où le GCHQ était une institution à caractère particulier dont l'objet est, dans une large mesure, analogue à celui des forces armées et de la police, pour autant que le personnel du GCHQ remplisse, en assurant la sécurité des communications officielles et militaires du gouvernement, des fonctions vitales de protection de la sécurité nationale. La commission d'experts a, en pratique, adopté un point de vue identique dans son étude d'ensemble de 1994 en exposant que les exceptions autorisées par la convention no 87 étaient justifiées "par les responsabilités des personnes concernées en matière de maintien de la sécurité externe et interne de l'Etat" (paragr. 55).

En outre, les dispositions de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, qui autorisent le gouvernement à déterminer l'étendue des droits à l'appartenance syndicale des agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel, s'appliquent au GCHQ. Il est insatisfaisant que la commission d'experts ait rejeté cet argument sans en indiquer les raisons.

Il ressort de ces éléments que la situation du personnel du GCHQ doit être considérée comme particulière et qu'il s'agit d'un cas spécial qui ne relève pas du champ d'application normal de la liberté syndicale.

Depuis la dernière discussion de ce cas par la commission en 1992, et suite aux assurances données par le gouvernement qu'il poursuivrait le dialogue avec les syndicats en vue de rechercher une solution acceptable, un ensemble de discussions détaillées et constructives se sont tenues entre le gouvernement, la direction de la fonction publique et les secrétaires généraux des syndicats de fonctionnaires. Une Fédération du personnel des communications du gouvernement (GCSF) s'est constituée et a été reconnue par la direction du GCHQ aux fins de négociations; plus de la moitié du personnel du GCHQ en fait partie. Dès 1985, la GCSF a été homologuée par le greffier responsable de l'homologation des syndicats et des associations d'employeurs, qui a reconnu qu'elle fonctionnait pour l'essentiel de la même manière que d'autres petits syndicats représentant les intérêts de leurs membres. Le gouvernement est disposé à permettre l'affiliation de la GCSF au CCSU, mais ce sont les syndicats de la fonction publique qui ne sont pas disposés à l'accepter. Les syndicats n'ont plus fait de propositions formelles depuis leur rencontre avec le Premier ministre en décembre 1993, mais des contacts informels sont maintenus sur la question.

Le gouvernement a ainsi clairement démontré sa volonté de parvenir à résoudre ce problème par la voie d'un véritable dialogue. Les propositions avancées par le Premier ministre ont traduit un changement important par rapport à la position qui était celle du gouvernement en 1984. Prenant note de la dernière observation de la commission d'experts, le gouvernement estime qu'il reste de nouvelles voies de progrès à explorer et il est, pour sa part, déterminé à examiner toute nouvelle proposition de règlement de cette question.

Contrairement à certains bruits dont la presse s'est fait l'écho, le gouvernement n'envisage pas de se retirer de l'OIT, et aucune menace n'existe à cet égard. L'examen de l'appartenance à l'OIT fait partie de l'évaluation qu'a entrepris le gouvernement de son appartenance à toutes les organisations internationales et des coûts qui en résultent.

Les membres travailleurs ont rappelé que seul le premier point de l'observation de la commission d'experts faisait l'objet de la discussion. L'ancienneté de ce cas et l'absence persistante de toute solution constituent une menace pour l'ensemble du système normatif. Dès l'origine, la position de la commission d'experts a été claire et sans ambiguïté: refuser au personnel du GCHQ le droit de s'affilier au syndicat de leur choix constitue une violation de la convention no 87. Le gouvernement persiste pourtant à refuser d'accepter les observations de la commission d'experts et insiste sur sa propre interprétation de la convention no 87. Sa référence à la convention no 151 n'est pas pertinente car celle-ci ne saurait supplanter la convention no 87. L'argument selon lequel le GCHQ devrait être considéré comme une institution militaire doit être écarté car, si le gouvernement reconnaît qu'il ne peut mettre son personnel en uniforme, c'est bien qu'il ne s'agit pas de militaires dans le cadre de la convention. La question du droit de grève doit être distinguée de celle du conflit de loyauté. Le gouvernement a indiqué que l'existence même du GCHQ n'avait été reconnue publiquement que récemment mais, pourtant, il doit aussi être dit publiquement que des syndicats ont existé dans cet organisme pendant une quarantaine d'années avant que le droit d'organisation ne soit supprimé dans ce secteur. En dépit du nombre d'heures de travail perdues lors des grèves, la continuité du fonctionnement a été assurée car les syndicalistes du GCHQ sont des citoyens dont la loyauté à l'égard de leur pays ne peut être mise en cause.

Lors de la discussion de ce cas en 1992, ce ne sont pas seulement les membres travailleurs, mais également les membres gouvernementaux et employeurs qui ont exhorté à l'instauration d'un dialogue entre le gouvernement et les syndicats. La commission avait alors exprimé "sa profonde préoccupation quant au refus persistant du gouvernement d'appliquer la convention aux travailleurs du GCHQ qui continuent de ne pas jouir du droit de s'affilier à l'organisation syndicale de leur choix". Trois ans après que la commission a "exprimé le très ferme espoir d'être en mesure de prendre note de progrès substantiels", cette discussion devrait indiquer quelle devrait être la nature des conclusions à adopter sur ce cas et comment les exprimer.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a complété la déclaration des membres travailleurs en apportant certaines précisions. En premier lieu, les accords entre syndicats et employeurs peuvent avoir force exécutoire en Grande-Bretagne dès lors que les parties en conviennent, et c'est la solution qu'a proposée le syndicat lors d'une rencontre avec le secrétaire du Cabinet. Ensuite, il n'est pas rare que des personnels civils et militaires travaillent ensemble: tel est le cas au ministère de la Défense où des milliers de civils travaillent avec des militaires et dirigent ou sont dirigés par des militaires.

Suite aux assurances qu'il avait prodiguées en 1992, le gouvernement indique que le dialogue avec les syndicats a repris et reste ouvert, et qu'il continue à rechercher par ce moyen une solution qui garantisse la sécurité du pays tout en étant acceptable pour les parties. Il est exact que les discussions avec le secrétaire du Cabinet et la rencontre avec le Premier ministre ont été marquées par la bonne foi. Le problème qui continue d'opposer les deux parties est celui du conflit de loyauté. Il convient de préciser les raisons pour lesquelles les travailleurs ont rejeté l'affiliation de la GCSF au CCSU. Tout d'abord, les travailleurs ont demandé si la GCSF serait libre de s'affilier au Congrès des syndicats (TUC). Il est apparu que la réponse serait négative en raison d'un éventuel conflit de loyauté, bien que le gouvernement ait été disposé à envisager de lever le veto opposé par le directeur du GCHQ. La GCSF n'était donc pas aussi indépendante qu'elle était censée l'être. En outre, cette solution n'aurait pas été conforme à la convention no 87 en l'absence de libre choix. Enfin, elle n'aurait été avantageuse pour personne, comme le CCSU n'était plus en mesure de négocier avec le gouvernement, sauf pour les questions de pension, parce que le gouvernement mettait fin à la négociation collective.

Lors de leur rencontre avec le Premier ministre, les travailleurs ont fait des propositions sur des points techniques concernant les travailleurs de la sécurité nationale qui pouvaient être acceptées par le gouvernement. Les travailleurs ont proposé d'envisager la conclusion d'accords de non-recours à la grève qui auraient force exécutoire, mais les ministres du gouvernement ont estimé qu'il y avait un conflit de loyauté à être membre d'un syndicat national en étant salarié du GCHQ. Aussi, malgré la volonté affichée par le gouvernement de poursuivre le dialogue, aucune proposition ne semble pouvoir être faite par les travailleurs pour surmonter ce conflit de loyauté.

La déclaration du ministre responsable selon laquelle, en cas d'adoption d'un paragraphe spécial, la position du Royaume-Uni à l'OIT serait mise en péril préoccupe gravement les travailleurs britanniques. A l'occasion de conversations récentes, des ministres ont dit que les paragraphes spéciaux étaient faits pour les dictatures militaires. Or, les mêmes règles doivent être appliquées à tous les pays quels que soient leur stade de développement, leur taille ou leur contribution au budget de l'OIT. La question est comment favoriser la jonction entre les parties quand le problème existe seulement dans la tête des ministres. Le gouvernement n'a pas de proposition et dit que c'est aux syndicats d'en avoir. Aussi doit-il y avoir une solution ou un paragraphe spécial: voilà onze ans que le gouvernement a soudainement pris une décision en violation de la convention no 87.

Les membres employeurs ont estimé qu'il n'était point besoin de revenir en détail sur l'historique bien connu d'un cas qui avait fait sa première apparition à l'ordre du jour des travaux de la commission au milieu des années quatre-vingt. De surcroît, ils ne sont pas directement intéressés par un problème auquel n'ont pas pris part les employeurs privés. Le cas se caractérise par une attitude peu commune des deux parties à rester sur leurs positions respectives.

Peu d'éléments nouveaux sont intervenus depuis la dernière discussion de ce cas. Des discussions et des négociations ont eu lieu, y compris au plus haut niveau, avec le Premier ministre, mais sans qu'il ait été possible de parvenir à un accord. La proposition gouvernementale d'une association du personnel indépendante a été rejetée, tandis que le gouvernement ne veut pas voir les agents du GCHQ s'affilier au Congrès des syndicats (TUC). Sans doute, le problème aurait-il été résolu si cet organisme avait été mis sous l'autorité du ministère de la Défense ou si les travailleurs avaient été directement placés sous statut militaire, comme c'est le cas pour ce genre d'activités dans certains pays. Mais, tel qu'il se présente actuellement, il ne peut l'être qu'en conciliant deux positions de principe, comme l'avait recommandé le Comité de la liberté syndicale: la volonté du gouvernement que le service au GCHQ ne puisse être interrompu et la détermination des travailleurs que la convention no 87 leur soit pleinement appliquée.

Le gouvernement a indiqué qu'il souhaitait la poursuite du dialogue, et il convient d'espérer qu'en y mettant suffisamment de bon sens et de bonne volonté il soit possible de parvenir à une solution satisfaisante. Quant à la crainte d'une soi-disant "menace" qui a été évoquée par le membre travailleur du Royaume-Uni et dont le représentant gouvernemental nous a déclaré qu'elle était sans fondement, elle n'a pas plus sa place dans les travaux de la présente commission que les perspectives électorales auxquelles il a été également fait allusion.

Le membre employeur de la Suède a souligné que la commission d'experts reconnaissait elle-même que les agents du GCHQ assumaient des fonctions identiques à celles qui sont confiées dans d'autres pays à l'institution militaire, et que l'exclusion des forces armées prévue par la convention no 87 leur aurait été pleinement applicable s'ils avaient été placés, par décision administrative, sous l'autorité du ministre de la Défense. L'ensemble du cas ne peut donc être envisagé que comme une question purement administrative; il n'a trait en rien aux droits de l'homme.

Il est regrettable que ce cas fasse figure, au Royaume-Uni comme au plan international, de préoccupation principale de l'OIT en matière de droits de l'homme et de droits syndicaux, compte tenu du nombre relativement faible de personnes concernées. Les attaques visant le gouvernement britannique depuis plus d'une décennie sont particulièrement malvenues, eu égard à presque un demi-siècle pratiquement silencieux de l'OIT sur les violations massives et systématiques des droits de l'homme et des droits syndicaux dans le bloc soviétique. Où sont les proportions? L'orateur trouve que c'est pour des raisons politiques contre un gouvernement en particulier ou certaines formes de politique que le groupe des travailleurs a donné au cas de telles proportions. Cette instrumentalisation de l'OIT à des fins qui lui sont étrangères doit être dénoncée.

Le membre travailleur des Etats-Unis a regretté qu'au bout de onze ans la seule nouveauté soit que le gouvernement fasse pression sur la présente commission en menaçant de se retirer de l'OIT si elle appliquait ses règles au Royaume-Uni. Il est sans précédent qu'un pays use ainsi de la menace financière et diplomatique pour s'attaquer à l'intégrité de la présente commission et, au-delà, de l'OIT elle-même. La loi doit être la même pour chacun, fût-il riche et puissant.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a estimé que ce cas ne concernait pas le seul Royaume-Uni, mais soulevait une question de principe. En Afrique du Sud, le gouvernement a envisagé de priver les travailleurs des services de renseignements de leurs droits syndicaux. Il en a été empêché par les syndicats qui étaient déterminés, le cas échéant, à porter cette violation de la convention no 87 devant l'OIT.

Non seulement le gouvernement du Royaume-Uni ne se conforme pas aux recommandations de la commission d'experts mais, sachant qu'il se trouve dans son tort, il en vient à des pratiques intolérables de chantage. S'agissant d'autres pays, la présente commission a aujourd'hui même insisté pour que la convention no 87 soit pleinement respectée. Sans doute s'agit-il ici d'un cas particulier, mais les principes sont les mêmes et doivent être appliqués à l'identique. Contrairement au gouvernement du Royaume-Uni, les travailleurs du GCHQ ne demandent pas un traitement de faveur, et c'est le devoir de la présente commission que de s'en tenir avec constance et fermeté à ses principes.

Le membre travailleur de l'Allemagne a déploré qu'un pays fort d'une aussi ancienne tradition démocratique bafoue les recommandations de l'OIT. La situation des syndicats au Royaume-Uni pose sans doute moins de problèmes que dans d'autres pays hors d'Europe. Mais quel genre d'interprétation pourrait justifier pour autant d'appliquer un traitement spécial à ce cas sans ruiner les principes d'objectivité et d'universalité dans le contrôle de l'application des normes, sans donner l'impression que les paragraphes spéciaux ne visent que les pays en développement? Il est vrai que ces pays ne disposent pas des mêmes moyens d'influence et de pression.

Un paragraphe spécial avait déjà été envisagé par la commission à la fin des années quatre-vingt, mais les mises en garde de l'époque n'ont pas suffi puisque aucun résultat constructif n'a encore été enregistré. Il est inexact d'affirmer que les deux parties campent avec une égale obstination sur leurs positions: les syndicats ont démontré, pour leur part, qu'ils étaient prêts à tenir compte des exigences de sécurité. Il est également abusif de réduire le problème à une question purement administrative car c'est le principe même du droit d'organisation collective qui est en cause, et les employeurs seraient bien inspirés de s'interroger sur les conséquences que pourrait avoir sur leur propre droit d'organisation le fait de tolérer une telle restriction dans ce domaine. Cet ensemble de raisons devrait amener la commission à prendre sur ce cas une position très ferme.

Le membre travailleur du Canada a souhaité réagir en premier lieu à ce qui est apparu comme une forme de chantage, le gouvernement du Royaume-Uni menaçant de se retirer de l'OIT s'il devait être traité comme tout autre gouvernement. Se référant aux déclarations du représentant du gouvernement selon lesquelles aucune décision n'a été prise de se retirer de l'OIT et qu'une telle décision nécessiterait une évaluation soigneuse, l'orateur souligna qu'il était évident que le gouvernement devait faire attention à ses déclarations dans la presse. Ce ne sont pas les travailleurs mais bien le gouvernement qui fait une utilisation hautement médiatisée de cette affaire.

Par ailleurs, certains membres gouvernementaux se disent agacés d'avoir à revenir encore sur ce cas. Mais ce sont tous les membres de la présente commission qui ont de bonnes raisons d'être agacés par l'attitude d'un gouvernement qui refuse obstinément depuis onze ans de se conformer aux recommandations des organes compétents de l'OIT.

Aussi convient-il de ne pas faire de discrimination à l'encontre du gouvernement du Royaume-Uni. Après que toutes les procédures ont été utilisées pendant onze ans sans que le gouvernement se conforme à ces recommandations, il a bien mérité un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de l'Inde a résumé les principaux problèmes. Il indique qu'il est d'accord avec les déclarations faites par les membres travailleurs et que ce cas montre une pratique injuste et déraisonnable de la part du gouvernement qui viole les droits syndicaux. En outre, il allègue qu'un syndicat n'est acceptable au gouvernement que s'il est indépendant du TUC. Au cours des onze dernières années, le gouvernement a prétendument négocié, et ce délai dans la recherche de solutions constitue également un déni de justice. Le Royaume-Uni est riche et puissant; l'OIT doit donc prendre garde de ne pas appliquer un double standard ou un traitement spécial en faveur du Royaume-Uni qu'elle n'appliquerait pas également aux pays en développement. En effet, la présente commission demande toujours aux pays en développement de remédier immédiatement aux violations des conventions. Une inégalité de traitement en faveur du Royaume-Uni soulèverait la suspicion et détériorerait l'image de l'OIT. Par conséquent, le cas devrait être mentionné dans un paragraphe spécial, à moins que le gouvernement ne donne l'assurance qu'il résoudra ces problèmes dans un proche avenir, que le TUC peut revenir au GCHQ et que le statut initial concernant les travailleurs du GCHQ sera rétabli. L'argument voulant qu'un paragraphe spécial soit utilisé contre le gouvernement dans la prochaine campagne électorale est totalement inacceptable dans ce cas.

Le membre travailleur de la France a déclaré qu'au cours des dernières années le gouvernement avait fait peu d'actions crédibles et qu'il était contradictoire de donner un statut civil aux travailleurs du GCHQ si, comme il a été démontré, ils accomplissent des fonctions militaires. Le Royaume-Uni est un pays démocratique important qui fait partie de l'OCDE et du G7; néanmoins, il s'exclut fréquemment des politiques sociales de l'Union européenne et viole les droits syndicaux des travailleurs du GCHQ depuis les onze dernières années. De plus, le gouvernement a menacé de se retirer de l'OIT si la commission adoptait un paragraphe spécial. La commission ne doit pas céder à un tel chantage. Les déclarations du représentant gouvernemental donnent une mauvaise image du Royaume-Uni dans le monde. Si ce pays s'écarte de plus en plus des règles sociales de l'Union européenne et des règles sociales internationales, il se transformera en une zone franche sur le plan de la concurrence internationale, et se retrouvera dans une situation de concurrence déloyale. Promouvoir les droits sociaux au niveau international, tout en réduisant les droits syndicaux au Royaume-Uni, pays industrialisé faisant partie des pays les plus riches, constitue un paradoxe qui justifie que la commission reste ferme sur ses positions.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a expliqué que, d'une part, il est impossible de nier que la liberté d'association, incluant les droits de former ou de s'affilier au syndicat de son choix, est un droit fondamental tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. D'autre part, ce cas particulier est d'une envergure extrêmement limitée, impliquant un nombre relativement faible de techniciens hautement qualifiés travaillant dans le domaine de la sécurité nationale, un secteur militaire par nature, et que le conflit potentiel de loyauté entre l'employeur et le syndicat est bien réel. A deux occasions précédentes, la présente commission a discuté de ce cas; son gouvernement a adjoint dans une forte recommandation tripartite que le gouvernement du Royaume-Uni engage un dialogue constructif et franc de telle sorte qu'une solution mutuellement satisfaisante, en conformité avec la convention, puisse être trouvée. L'oratrice regrette que le problème n'ait malheureusement pas encore été résolu. Elle espère que la commission enverra une fois de plus un message fort et clair au gouvernement et que ce message sera, une fois de plus, unanime. Un tel message est la meilleure façon pour l'OIT, dans ce cas, d'encourager un dialogue ouvert, durable et renforcé sur la question de la liberté d'association au GCHQ et que, une fois pour toutes, ce cas sera réglé.

Le membre travailleur de l'Argentine a exprimé sa préoccupation devant l'attitude du gouvernement concernant ce cas au cours des onze dernières années où il a réussi à ne pas faire l'objet d'un paragraphe spécial par le biais de promesses non tenues. Le comité de la liberté syndicale a demandé avec insistance que le gouvernement s'efforce de respecter les dispositions de la convention no 87. Depuis de nombreuses années, le gouvernement a défendu avec éloquence l'application universelle et sans exception des conventions de l'OIT. Dans ce cas, une violation des articles 2 et 4 de la convention continue d'empêcher un groupe de travailleurs qui n'a pas été exclu du champ d'application de la convention du droit de s'organiser, et des mesures ont été prises contre sa liberté d'association. De la même manière, en 1983, la plupart des membres du syndicat ont été licenciés. Il considère que le comité doit adopter un paragraphe spécial pour démontrer son impartialité, son indépendance et la nécessité d'appliquer les mêmes règles à tous les pays.

Le membre gouvernemental de l'Inde a déclaré que la liberté va de pair avec certaines obligations; l'application de certaines restrictions raisonnables sur les droits fondamentaux de la liberté est bien reconnue. Ce qui constitue une réserve raisonnable est une question de politique. Dans le cas particulier du GCHQ, les travailleurs ne se voient pas refuser un droit de représentation car il existe un mécanisme de plaintes dans le pays. Et les employés concernés accomplissent des tâches découlant nettement de l'exercice de la souveraineté de l'Etat, ce qui les différencie des autres. Pour ces motifs, les restrictions imposées par le gouvernement du Royaume-Uni sont raisonnables, et ce cas est une illustration de la nécessité de rendre l'interprétation des conventions de l'OIT plus flexible. Ce sont les fonctions réelles de ces employés qui doivent être prises en considération et non simplement leur rattachement à un ministère civil ou militaire. Les organes de contrôle de l'OIT doivent éviter une interprétation rigide et légaliste des articles 2 et 9 de la convention. La commission doit donc recommander que le dialogue se poursuive; cependant, un paragraphe spécial dans le cas du Royaume-Uni est non seulement inapproprié, mais injuste.

Le membre travailleur du Japon a fait remarquer que la commission d'experts avait régulièrement demandé que des mesures soient prises par le gouvernement dans cette affaire. Malheureusement, ces mesures n'ont pas été prises, cela conduisant à un double standard où le gouvernement impose sa propre interprétation de la convention. Si la commission cède à un gouvernement sous la pression, cela pourrait constituer un fâcheux précédent. Dans ce cas, ce sont les principes d'indépendance, d'objectivité et d'équité du système de contrôle de l'OIT qui sont en jeu.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a présenté un résumé des problèmes et de la position de la commission d'experts et de la présente commission au cours des dernières années. Il a rappelé que la commission d'experts avait fait remarquer qu'il s'agissait d'un cas exceptionnel. Elle n'avait pas demandé directement que la législation ou la pratique au Royaume-Uni change, mais plutôt que les discussions reprennent pour en arriver à se conformer aux dispositions de la convention. Cependant, la situation ne s'est pas améliorée, et les parties auraient pu faire plus. La commission doit demander d'autres mesures, mais elle ne doit pas adopter un paragraphe spécial. L'adoption d'un paragraphe spécial requiert l'existence à la fois d'une violation continue et d'un certain degré de gravité. Bien qu'il y ait eu violation continue, celle-ci n'est clairement pas si grave en comparaison d'autres cas à l'égard desquels la commission a adopté un paragraphe spécial. Dans le présent cas impliquant 13 employés (il y a trois ans au moins) travaillant au GCHQ qui n'ont pas voulu tirer parti de trois options à leur disposition, et qui n'ont pas souffert physiquement ou économiquement, la seule question est de déterminer s'ils ont pleine liberté d'association plutôt que le droit de s'organiser. Il n'a jamais été allégué que ces employés avaient souffert de contraintes physiques ou même de préjudices financiers. Il a été mentionné à de nombreuses reprises qu'il n'y aurait aucune violation de la convention si le gouvernement du Royaume-Uni décidait seulement que ces employés étaient placés sous l'autorité du ministère de la Défense, indiquant que la question en jeu concerne plutôt la nature des fonctions accomplies. Il existe donc une grande différence en ce qui a trait à la gravité dans ce cas, ce qui rend difficile et impossible le soutien d'une proposition pour l'adoption d'un paragraphe spécial. Il y a danger que le paragraphe spécial perde de sa signification et de son importance s'il était adopté dans ce cas. Tout en reconnaissant que le gouvernement ne semblait pas disposé à prendre toutes les mesures nécessaires, l'orateur espère qu'il n'y aura pas de vote sur cette question et indique que, le cas échéant, il voterait contre un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Finlande, parlant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a déclaré que les tactiques dilatoires du gouvernement du Royaume-Uni mettent en cause l'efficacité des organes de contrôle de l'OIT. En s'opposant aux conclusions des organes de contrôle de l'OIT, le gouvernement du Royaume-Uni adopte une attitude contraire à la Constitution de l'OIT et aux règles fondamentales de son système de contrôle. Prenant en considération la durée de ce cas, des actions vigoureuses et un paragraphe spécial doivent être adoptés en vue d'assurer le respect de la convention no 87 dans un proche avenir.

Le membre gouvernemental du Canada a constaté que la possibilité pour les travailleurs du GCHQ de se joindre à d'autres organisations représente un risque qui est une source légitime de préoccupation pour le gouvernement, et que cela avait été reconnu par la commission d'experts dans ses observations. Il entre parfaitement dans le cadre de la convention no 87 d'interdire le droit de grève à des employés travaillant dans des domaines aussi sensibles liés à la sécurité. Dans d'autres pays, les fonctionnaires civils accomplissant des tâches similaires sont habituellement exclus du champ d'application de cette convention parce qu'ils font partie de l'armée ou du ministère de la Défense. Pour cette raison, un paragraphe spécial n'est certainement pas approprié dans ce cas, bien que la commission doive demander, une fois encore, au gouvernement de reprendre le dialogue. Elle a déclaré que ce cas n'est pas sérieux au point de mériter toute cette attention au vu des nombreux autres cas de violations beaucoup plus graves, mais a observé qu'il avait duré trop longtemps.

Le membre gouvernemental de l'Uruguay a constaté avec préoccupation que les efforts des parties, suite aux observations de la commission d'experts et de la présente commission, n'ont pas abouti à des résultats positifs après une si longue période. L'orateur a été surpris par les doutes émis par le gouvernement britannique, concernant la loyauté des syndicats de l'administration publique vis-à-vis de leur employeur, qui auraient dû être dissipés dès 1991 lorsque le membre travailleur du Royaume-Uni avait donné des assurances à cet égard. Une solution à ce problème pourrait être trouvée en faisant une nette distinction entre la possibilité de s'affilier librement à un syndicat et la question de limites éventuelles au droit de grève. L'orateur espère que la tradition démocratique de ce pays permettra d'éviter un vote à la présente commission et de résoudre ces problèmes au cours de la prochaine année. Néanmoins, le gouvernement du Royaume-Uni doit accepter un compromis définitif. Enfin, l'orateur a indiqué qu'il n'était pas bon que ce genre de discussions sur un tel problème se prolonge pendant tant d'années.

Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que certains gouvernements des pays en développement, dans leurs critiques contre la présente commission, ont essayé de discréditer l'OIT en alléguant que celle-ci était une organisation dominée par les pays industrialisés. Ce cas est important pour réfuter de telles accusations. Il recommande donc instamment à la commission de résister à toute tentation pour appliquer un double standard et d'adopter un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental de l'Australie, après un résumé des problèmes et de la position de la commission d'experts et de la présente commission ces dernières années, a constaté que le cas du Royaume-Uni ne constitue que l'une des 59 observations de la commission d'experts sur la convention no 87, couvrant des pays de toutes les régions et à différents niveaux de développement. Cela illustre la rigueur du processus de contrôle de l'OIT pour la protection des droits fondamentaux des travailleurs. L'orateur conclut en déclarant qu'une approche positive doit être adoptée pour assurer la protection des travailleurs dans ce cas et faciliter l'accord des parties en cause.

Le membre gouvernemental de la France a indiqué qu'il s'agissait d'un cas délicat et important puisqu'il touche les principes de la liberté syndicale que tout gouvernement se doit de respecter, a fortiori s'il a ratifié la convention. Il estime que le Royaume-Uni doit être traité comme tous les autres Etats et qu'il faut éviter les débats passionnés. Les outils à la disposition de la présente commission vont de la conclusion nuancée plus ou moins pressante à l'adoption d'un paragraphe spécial. Selon une jurisprudence ancienne, et qui paraît sage, le paragraphe spécial s'applique à tous les Etats Membres, quels que soient leur situation géographique ou leur niveau de développement économique, pour autant que les circonstances présentent une double caractéristique: il faut constater un manquement grave, un refus répété ou une attitude de blocage de la part de l'Etat Membre, et qu'il s'agit de violations graves des droits de l'homme, telles que l'esclavage, les voies de fait, les arrestations ou assassinats de syndicalistes. Il considère que les deux conditions habituelles ne sont pas réunies dans le présent cas, et il est donc contre l'adoption d'un paragraphe spécial. Il se rallie à la position du membre gouvernemental de l'Inde favorisant le dialogue et la discussion entre les parties pour traiter un conflit sérieux, relativement grave, mais assez limité.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas a suggéré que le gouvernement du Royaume-Uni pourrait accepter une mission-conseil de l'OIT afin de faciliter les négociations entre les parties concernées.

Le membre gouvernemental de l'Afrique du Sud soutient la proposition du gouvernement des Pays-Bas, compte tenu de la durée de ce cas et sur la base de sa propre expérience montrant comment des conflits très difficiles peuvent être résolus par une mission de contacts directs de l'OIT.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a soutenu la proposition de demander au gouvernement du Royaume-Uni d'inviter une mission de consultation pour agir en médiateur et aider à la recherche d'une solution. Son gouvernement soutiendrait des conclusions de la présente commission dans cette direction.

Le membre gouvernemental de la Turquie a fait part de son objection à l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial.

Le membre gouvernemental des Emirats arabes unis, parlant au nom des membres gouvernementaux de l'Arabie saoudite, de l'Oman et du Koweït, appuie la recommandation de la commission d'experts, recommandant instamment au gouvernement de reprendre le dialogue avec les syndicats afin de rechercher une solution satisfaisante pour toutes les parties concernées. Afin d'en arriver à une solution, on doit tenir compte du fait qu'il s'agit d'un problème limité qui doit être considéré dans ses dimensions appropriées. Une nette distinction doit être faite entre le droit des syndicats de s'organiser et le droit de faire la grève. Le statut civil ou militaire des travailleurs concernés doit aussi être pris en considération. En outre, tous ces éléments doivent être examinés dans le contexte, la culture et la tradition du Royaume-Uni. La commission doit trouver une solution recommandant instamment aux parties de reprendre les discussions, mais ce cas n'exige pas un paragraphe spécial.

Le membre travailleur des Pays-Bas, se référant à la déclaration du membre gouvernemental de la France, a indiqué qu'il était inexact que le deuxième critère justifiant l'adoption d'un paragraphe spécial soit la gravité de la situation et le fait qu'il s'agit d'une question de droits de l'homme. Il a indiqué que d'autres types de violations peuvent aussi faire l'objet d'un paragraphe spécial, et que telle est la règle suivie par la commission, faute de quoi les paragraphes spéciaux ne pourraient être dirigés que contre des dictatures militaires.

Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni s'est félicité du débat qu'il a suivi avec beaucoup d'intérêt, et il s'est montré d'accord avec le membre gouvernemental de la France sur le climat du débat qui avait été sobre et responsable. Beaucoup d'orateurs ont reconnu la complexité de la situation et la difficulté de trouver des solutions. Il a souligné qu'il n'était pas vrai, comme on l'a suggéré, que le Royaume-Uni avait décidé de se retirer de l'Organisation si un paragraphe spécial était adopté. La commission doit décider selon le bien-fondé du cas et non pas en fonction d'informations extravagantes de la presse. En ce qui concerne les circonstances de l'adoption de paragraphes spéciaux, il est essentiel que tous les pays soient traités également dans l'examen de la conformité aux conventions de l'OIT. Le gouvernement du Royaume-Uni ne veut pas être traité différemment des autres pays. Toutefois, les paragraphes spéciaux doivent être réservés aux cas graves. La question de la proportionnalité est importante ici et a été soulignée par plusieurs orateurs. La situation des travailleurs est très particulière et ceux-ci ont un droit légal d'appartenir à des syndicats dans la très grande majorité des lieux de travail au Royaume-Uni; s'ils étaient licenciés ou si leurs droits étaient violés, ils disposeraient alors de recours légaux. Le représentant gouvernemental a rejeté l'idée que les droits des travailleurs au Royaume-Uni sont bafoués. Il conclut en déclarant que la proposition d'envoyer une mission au Royaume-Uni, qui n'est pas de son ressort, si elle devait être adoptée, serait considérée par son gouvernement.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que certaines déclarations précédentes contenaient quelques erreurs. Le membre employeur de la Suède se trompe, car le transfert du personnel civil du GCHQ au ministère de la Défense ne changerait rien car, dans cette organisation, les syndicats existants sont ceux de la fonction publique. Par conséquent, le problème se poserait de la même façon, car cette catégorie de personnel continuerait à être privée de ses droits syndicaux. Il a ensuite souligné que son syndicat ainsi que tous les syndicats de la fonction publique au Royaume-Uni sont apolitiques et fiers de servir le gouvernement, quelle que soit sa politique.

L'orateur a tenu à préciser au représentant gouvernemental de l'Allemagne que ce n'était pas 13 mais 7 000 travailleurs qui s'étaient vus privés de leurs droits syndicaux au GCHQ en 1984. Il a ajouté que 14 personnes ont été licenciées.

Pour ce qui est de l'intervention de la représentante gouvernementale du Canada concernant la volonté du personnel du GCHQ de s'affilier à d'autres syndicats, il a tenu à préciser que depuis onze ans le personnel du GCHQ n'a pas eu le droit de s'affilier à des syndicats, mais uniquement de faire partie de l'association du personnel. Aucune garantie précédente n'a été violée par les syndicats. Deux syndicats de la fonction publique ont transgressé les accords en 1984, mais il a rappelé que c'était le gouvernement lui-même qui avait le premier répudié ces accords en 1984.

L'orateur a appuyé la proposition du membre travailleur des Pays-Bas d'un paragraphe spécial, même si, au fond, ce qu'il souhaite, c'est la restauration des droits garantis par la convention no 87 dont le GCHQ a été privé il y a onze ans. Il a renouvelé son offre d'entamer un dialogue réel avec le gouvernement, tout en faisant observer que le gouvernement n'a fait aucune proposition de dialogue sérieux. Il a fait observer que les personnes employées au GCHQ sont les seules qui n'ont pas le droit de recours judiciaire en cas de licenciement. Elles ont été contraintes d'accepter 1 000 Š en compensation de la perte de leurs droits.

Il a salué la proposition du représentant gouvernemental des Pays-Bas d'envoyer une mission d'enquête et de conciliation au Royaume-Uni si cela pouvait stimuler un dialogue fructueux.

Les membres travailleurs ont salué la suggestion du représentant gouvernemental des Pays-Bas, car une mission de l'OIT pourrait être utile dans ce cas. Cependant, ils regrettent que cette suggestion n'ait été faite que tard dans le débat. Ils croient qu'une telle mission pourrait changer le point de vue de son groupe sur le paragraphe spécial.

Les membres travailleurs ont constaté que, bien que ce cas ait été entouré d'une certaine aura dramatique, il est partie intégrante des cas qui défilent lentement devant la commission. Il présente cependant des caractéristiques importantes qui doivent être soulignées.

En fait, en tenant compte de la plupart des déclarations faites par les membres gouvernementaux, les travailleurs devraient menacer de quitter l'OIT plutôt que le Royaume-Uni, puisque certaines des déclarations faites dans ce cas ont été, au mieux, pernicieuses et, au pire, malfaisantes, et ont eu pour objet que les débats au sein de la commission oscillent entre tergiversation et fausse représentation. En fait, la question du paragraphe spécial a influencé l'entière teneur des débats.

Par leur déclaration, les membres employeurs ont tenté de minimiser la question qui paraissait plutôt embarrassante et devait disparaître. Ils ont cependant contribué significativement aux débats en ce qu'ils ont rappelé les deux points qui avaient été soulevés par le Comité de la liberté syndicale lorsqu'il a examiné le cas la première fois: premièrement, advenant le règlement de ce cas, il devrait y avoir un service ininterrompu au GCHQ et, deuxièmement, le droit de s'affilier au syndicat de leur choix devait être reconnu aux employés. En fait, c'est l'avis de la commission d'experts, entièrement partagé par les membres travailleurs qui ne peuvent être accusés d'avoir adopté une position extrémiste à cet égard. Ils croient cependant que l'abcès doit être crevé pour régler la situation. Les membres travailleurs ont rejeté, par la suite, les remarques insultantes et fausses faites par le membre employeur de la Suède à l'effet que les membres travailleurs sont demeurés silencieux lorsque des violations des droits de l'homme étaient perpétrées en Union soviétique et dans le bloc de l'Est.

En ce qui concerne le commentaire fait par le membre gouvernemental des Etats-Unis, insistant sur le nombre restreint de personnes au sein du GCHQ et sur le fait qu'ils étaient professionnels et techniciens, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que de tels travailleurs bénéficient, autant que n'importe quel autre travailleur, de droits syndicaux et qu'ils ne devraient pas être mis de côté pour la simple raison que leur nombre est réduit.

Se référant aux interventions faites par les membres gouvernementaux de l'Allemagne et de la France, les membres travailleurs ont noté que les raisons fondamentales qui justifiaient un paragraphe spécial étaient des violations persistantes, le refus systématique du gouvernement de prendre en considération les avis de la commission d'experts ou les conclusions de la commission, ou les deux à la fois. Cependant, la pratique de la commission révèle que des paragraphes spéciaux ont été octroyés, pour des raisons variées, incluant des cas de nature purement technique qui n'impliquaient aucune allégation de mort, d'outrage ou de violation des droits humains. Il est important que la commission clarifie cette confusion qui a été utilisée pour justifier qu'il ne soit pas discuté de paragraphe spécial en ce qui concerne le GCHQ et qu'il n'y ait plus de discussion à cet égard, s'il n'était pas question de graves violations des droits humains.

Pour ce qui est de l'argumentation présentée par le membre gouvernemental du Canada, à l'effet qu'il n'y a aucune raison de se plaindre puisqu'il existe un syndicat au sein du GCHQ, les membres travailleurs ont indiqué que ce syndicat était en fait contrôlé et financé par le gouvernement, et était sous l'entière égide du directeur du GCHQ. Les membres travailleurs ont signalé que l'argumentation à l'effet que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, avait préséance sur la convention avait été délaissée depuis longtemps par la commission d'experts.

En ce qui concerne les déclarations d'autres membres gouvernementaux, la question de la nature militaire des activités, fortement débattue tout au long de la discussion, doit être relevée. En fait, l'un des membres gouvernementaux a même affirmé que, si le GCHQ avait été sous l'égide du ministère de la Défense, les travailleurs ne seraient pas couverts par la convention. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que ce n'est pas le cas puisqu'ils ne sont pas des militaires. Ils ne portent pas d'uniformes, ils ne font pas de service militaire et ne reçoivent pas de salaire à cet égard. Cette confusion doit être mise de côté.

En ce qui concerne la question du paragraphe spécial proprement dit, les membres travailleurs ont indiqué qu'ils ne recherchent pas un paragraphe spécial en soi. Ils ne croient pas, à la lumière de la position prise par les représentants gouvernementaux du Royaume-Uni, qu'un paragraphe spécial changerait la situation. Cette question est devenue une sorte de jeu politique au sein des autorités gouvernantes au Royaume-Uni. Les membres travailleurs ne désirent pas être partie de ces manoeuvres politiques. Il ne s'agit pas d'une question politique pour les membres travailleurs. Ils recherchent une solution et, dans ce contexte, un paragraphe spécial, bien qu'il ne représente pas une solution, constitue, au mieux, un incitatif à l'action ou la frustration ultime de la commission. Bien qu'un paragraphe spécial soit plus que justifié dans ce cas, les membres travailleurs recherchent avant tout une solution. Ils ont donc appuyé la suggestion faite par le membre gouvernemental des Pays-Bas, corroborée par d'autres, à l'effet qu'une mission de conciliation pourrait conduire vers une solution. Dans ce contexte, les membres travailleurs ont insisté sur la nécessité que la conclusion soit acceptée presque unanimement par les membres de la commission, et qu'elle prie instamment le gouvernement du Royaume-Uni d'accepter la mission offerte. Il n'y a aucune humilité de sa part à accepter une telle offre, et le refus postérieur d'accepter la requête, ou le fait de ne pas prendre en compte les recommandations qui seront faites, sera considéré par tous les membres de la commission comme minant le travail normatif de la commission. Les membres travailleurs ont indiqué ne vouloir menacer personne ni imposer des délais, mais il est évident qu'un temps considérable s'est déjà écoulé. Ils ont exprimé l'espoir que la mission, si elle était acceptée, ait lieu aussi vite que possible et que des conclusions soient rendues en temps opportun, de façon à ce qu'une discussion ait lieu l'année prochaine au sein de cette commission. C'est donc sur cette base que les membres travailleurs ont accepté de formuler une conclusion sur ce cas cette année, qui pourrait ne pas être incluse dans un paragraphe spécial.

Le membre employeur de la Suède, se référant à l'interprétation faite par les membres travailleurs de sa déclaration antérieure, a déclaré ne pas avoir accusé ce groupe de ne pas avoir critiqué le bloc soviétique mais d'avoir plutôt parlé de l'importance disproportionnée donnée à ce cas.

Ses explications ont été acceptées par les membres travailleurs.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a répété les commentaires qu'il avait faits au cours de la séance précédente à l'effet qu'il rejetait les accusations selon lesquelles des raisons politiques justifiaient le fait de soulever la plainte relative au GCHQ par le TUC, à la demande du Conseil des syndicats des services publics, syndicats affiliés au GCHQ avant l'interdiction. Tous les syndicats faisant partie du Conseil des syndicats des services publics ne sont pas affiliés au Parti travailliste et sont fiers de demeurer apolitiques, de façon à ce que le service public du Royaume-Uni soit non partisan et qu'il serve de façon efficace tous les gouvernements de quelque origine politique que ce soit.

Les membres employeurs se sont abstenus de commenter ce qui avait été dit par chaque représentant parce que ceux-ci n'ont pas la possiblité de répondre à nouveau. Ils n'ont pas non plus pour habitude de faire des supputations sur le sens à donner à une intervention. Ils s'en tiennent à ce qui a été dit et veulent encore faire des remarques de fond sur deux sujets. La question de l'autorité des organes de contrôle a été soulevée, et un certain nombre de personnes ont exprimé leur préoccupation en disant que cette autorité était remise en question. Cette remarque n'est pas tout à fait appropriée, puisqu'elle ne tient pas compte de la différence entre la loi nationale et la manière dont cette loi est appliquée et le droit international. Le droit international est basé sur la volonté d'un Etat de devenir membre d'une organisation internationale, ce qui signifie que le respect des règles de cette organisation dépend de la volonté de cet Etat. Il n'y a pas de mesure de contrainte si ce n'est d'essayer de convaincre les Etats d'obéir aux règles. L'OIT a en revanche une méthode de contrôle du respect de ces conventions qui a fait ses preuves, et les longues heures de discussion sur ce cas en sont un excellent exemple.

Un deuxième point qui a joué un rôle important dans la discussion se rapporte à la question du traitement égal. Cela a été soulevé en de multiples occasions, notamment à propos du paragraphe spécial. Dans le cadre de la terminologie spécifique de l'OIT, le traitement égal signifie d'éviter de recourir à deux poids deux mesures. L'emphase qui a été mise sur ce point semble somme toute exagérée, puisque personne ne peut dire qu'il n'est pas en faveur d'un traitement égal. Cependant, le traitement égal ne saurait être mesuré en centimètres ou en étalons, des éléments divers et variés devant être pris en considération, incluant, entre autres, le laps de temps pendant lequel le cas a existé et a fait l'objet de discussion. Il existe, en fait, une série de cas qui ont été traités pendant une durée beaucoup plus longue que le cas du Royaume-Uni. Quelques cas ont une tradition qui remonte à plus de vingt ans. Dans beaucoup de cas, il n'y a pas eu de paragraphe spécial puisque ce qui était déterminant n'était pas la durée elle-même du cas, mais son contenu proprement dit. Les membres employeurs ont indiqué qu'ils croient que le cas du Royaume-Uni était un cas tout à fait spécifique et qu'il était atypique dans le cadre de la convention. Ses répercussions sont relativement limitées et ne mettent pas en cause la liberté syndicale pour l'ensemble de l'Etat, mais plutôt celle d'un petit groupe relevant du domaine para-militaire. Cependant, la commission doit trouver une solution pour ce cas, et les membres employeurs ont regretté que jusqu'à maintenant il n'y ait pas de solution pour le régler. Ils ont demandé que des efforts sérieux soient déployés de façon à trouver cette solution. Elle doit être trouvée par ceux qui sont parties au différend. Il faut qu'elle soit acceptée par eux et qu'ils soient en mesure de la mettre en application. Mais il pourrait être utile qu'une mission soit envoyée au Royaume-Uni pour apporter une assistance additionnelle à cet égard.

En ce qui concerne la question du paragraphe spécial, plusieurs déclarations théoriques ont été faites sur l'utilité et les dommages qui pourraient être entraînés par une telle mesure. Les membres employeurs n'ont pas à prendre position à cet égard, puisqu'un tel paragraphe spécial n'a pas été envisagé.

La commission a pris note des informations fournies oralement par le représentant gouvernemental ainsi que du vaste débat qui a eu lieu par la suite. Plusieurs références ont été faites, dans les discussions, au temps qui s'est écoulé depuis la première fois où la commission a été saisie de ce cas et aux opinions exprimées par la commission lors d'examens antérieurs.

La commission a regretté et a déploré profondément le fait que le gouvernement n'ait pas pris de mesure pour résoudre les problèmes sous-jacents au cas.

Dans ces circonstances, la commission a considéré la possibilité d'adopter un paragraphe spécial à propos de ce cas. Alors qu'un nombre significatif de membres de la commission étaient favorables à l'adoption d'un paragraphe spécial, la majorité était disposée à donner au gouvernement une dernière possibilité de régler ces questions.

A cet égard, la commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle la poursuite du dialogue était possible et souhaitable.

La commission a exprimé l'espoir qu'il sera possible, avec du bon sens et de la bonne volonté, de parvenir à une solution satisfaisante du cas dans un avenir proche. La commission a invité le gouvernement à recevoir une mission consultative de l'OIT pour faciliter ce processus.

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