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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1993, Publication : 80ème session CIT (1993)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

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Un représentant gouvernemental a indiqué que quelques-unes des déclarations du ministre du Travail devant la présente commission l'année dernière sont toujours valables. Ainsi, la présence de fonctionnaires, en vertu de la loi, lors de certaines réunions syndicales, ainsi que leur ingérence dans les statuts syndicaux et dans certains autres cas (par exemple conflits internes), a été demandée par les syndicats mêmes. L'interdiction, imposée par la loi aux membres affiliés qui représentent l'employeur vis-à-vis de ses travailleurs et aux cadres d'une entreprise, de faire partie du Comité directeur d'un syndicat, a comme objectif de préserver l'autonomie et l'indépendance des organisations syndicales par rapport à l'employeur. L'orateur a rappelé qu'en 1991 une nouvelle Constitution a été adoptée et que la tâche d'harmoniser la législation avec les normes constitutionnelles exige un énorme travail et un long laps de temps qui dépassera le mandat de l'actuel gouvernement. Toutefois, le gouvernement a la volonté de consulter les partenaires sociaux pour ce qui est du développement des normes essentielles en matière de travail. A cet égard, le gouvernement voudrait réaliser une consultation en ce qui concerne la commission tripartite prévue par la Constitution (constitution, fonctions, etc.) et la définition des services publics essentiels (que la Constitution confère au législateur). Cependant, toutes les réponses sollicitées des partenaires sociaux sur ces points n'ont pas encore été reçues. Le gouvernement a exprimé l'espoir que le Congrès pourra consacrer du temps à l'harmonisation de la législation avec la Constitution et avec les conventions de l'OIT qui, d'un autre côté, font partie de la législation interne. Pour ce qui est de la préoccupation exprimée par la commission d'experts quant à la grave situation de violence à laquelle est confronté le pays, l'orateur a réitéré le critère maintenu par le ministre du Travail, l'année passée, selon lequel l'intérêt public ne fait pas partie de la convention, et il a ajouté que le gouvernement sera le premier à se rallier à cette préoccupation quant au climat de violence, bien qu'il rejette l'existence d'une politique qui viole la liberté syndicale et les autres droits de l'homme. La situation de violence est le produit de la superposition d'innombrables conflits entre ceux qui appartiennent aux groupes de guérilla et aux groupes liés au trafic de drogues. Après avoir décrit en détail les importantes réussites du gouvernement à l'encontre de ces deux fléaux, il a indiqué que les assassinats n'ont pas seulement fait des victimes parmi les syndicalistes, mais également parmi les ministres, les procureurs, les candidats à la présidence, les directeurs de journaux et les journalistes, les agents des autorités, les juges et les citoyens. Il s'agit donc d'un phénomène général qui n'affecte pas seulement les syndicalistes. Beaucoup de syndicalistes ont été assassinés dans la région d'Utabá par leurs anciens camarades d'armes lorsque certains groupes de guérilla ont décidé de s'unir au processus de paix. Enfin, l'orateur a souligné la totale adhésion de la Constitution et de son pays aux droits de l'homme et aux principes démocratiques.

Les membres travailleurs ont rappelé que la présente commission avait déjà longuement discuté de ce cas l'année dernière. Egalement en 1992, la commission d'experts avait noté certains progrès, mais avait continué à constater une série de divergences entre la législation nationale et les principes de la liberté syndicale. En 1993 encore, les experts, en reprenant les conclusions de 1992 de la présente commission, constatent à nouveau que des divergences existent toujours. Les membres travailleurs ont également indiqué que le Comité de la liberté syndicale a examiné sept plaintes relatives à la Colombie contenant des allégations d'une extrême gravité concernant des atteintes au droit à la vie et à la sécurité des syndicalistes et au droit de négociation collective. La commission d'experts a exprimé sa préoccupation devant cette situation de grave violence, qui rend difficile le plein exercice des droits syndicaux. A la lumière du manque de progrès, les membres travailleurs ont soutenu la demande des experts pour que le gouvernement modifie les dispositions légales qui entravent la liberté syndicale et pour qu'il mette fin aux pratiques administratives arbitraires afin de garantir les droits syndicaux dans la pratique. Pour préparer les changements nécessaires, ils ont été d'avis que le cadre approprié existe déjà et ils se sont référés à la commission nationale tripartite prévue dans la Constitution et déjà mentionnée par le gouvernement en 1992, ainsi qu'à l'assistance technique de l'OIT. L'année dernière, le gouvernement avait déclaré que ladite commission tripartite allait être constituée et avait mentionné ses objectifs définis de façon très large. Les membres travailleurs ont l'impression que, depuis lors, cette commission tripartite n'a toujours pas été établie et ne constitue plus une priorité du gouvernement. C'est pourquoi ils ont demandé, à l'instar de la commission d'experts, que la législation et la pratique soient mises en conformité avec la convention et ont suggéré à cet égard que la Commission nationale tripartite devrait être associée à ces changements. En ce qui concerne les diverses restrictions au droit de grève et la faculté, pour le ministre du Travail et pour le Président, d'intervenir dans les conflits du travail, les membres travailleurs se sont référés à la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale qui ne permet le recours à l'arbitrage obligatoire que dans le cadre des services essentiels au sens strict du terme; cette jurisprudence a été explicitement confirmée par le comité dans des cas concernant la Colombie. Ils ont réitéré leurs préoccupations quant aux mesures répressives, par exemple en considérant les grévistes comme des terroristes, prises dans un climat de violence, et insisté auprès du gouvernement pour qu'il prenne des mesures législatives et pratiques afin de garantir la pleine application de la convention. Ils ont indiqué que les conclusions de la présente commission doivent être formulées en des termes les plus fermes étant donné que des doutes existent concernant la volonté politique réelle du gouvernement pour coopérer avec les organes de contrôle de l'OIT et pour réaliser des progrès, d'autant plus que ce cas a déjà fait l'objet d'un paragraphe en 1992. Ils ont rappelé que de simples intentions de la part du gouvernement ne suffisent pas.

Les membres employeurs ont indiqué qu'il est clair que le pays connaît un climat d'extrême violence et qu'il faut réfléchir sur les conséquences à en tirer pour ce cas. Ils ont signalé que, tout en ayant constaté certains progrès l'année passée, la commission d'experts a mentionné cette année dix points à améliorer qui présentent des poids différents. Pour ce qui est des divergences avec la convention qui concernent la gestion interne des syndicats, les membres employeurs se sont ralliés aux observations de la commission d'experts selon lesquelles ces divergences réduisent clairement la liberté syndicale. En ce qui concerne les restrictions au droit de grève, ils se sont référés à leur position exprimée en 1992. Le gouvernement a montré souvent sa volonté d'agir, comme le prouvent un projet de loi en matière de grève soumis au parlement et la nouvelle Constitution de 1991. Cependant, pour ce qui est des services essentiels qui, d'après la Constitution, seront définis par la loi, les membres employeurs ont déclaré que ce principe est bon, mais qu'il faudra attendre l'adoption de la loi et son application dans la pratique pour pouvoir évaluer les résultats. Pour ce qui est de l'intervention des autorités dans les conflits collectifs en saisissant un tribunal d'arbitrage obligatoire, les membres employeurs ont exprimé leur accord avec la position de la commission d'experts. Ceux-ci précisent toutefois que, lorsque la déclaration d'illégalité de la grève est basée sur une norme nationale contraire aux principes en matière de liberté syndicale, le licenciement des dirigeants syndicaux pour fait de grève, quand bien même serait-il légal, serait contraire à la convention. Les membres employeurs ont déclaré qu'il leur est difficile de comprendre cette précision, étant donné que la commission d'experts part d'une hypothèse fondée sur une base qui sort une fois de plus du champ d'application de la convention. Pour ce qui est des autres points mentionnés par la commission d'experts concernant des modifications nécessaires, les membres employeurs ont constaté que des progrès sont déjà intervenus, mais que d'autres restent encore à réaliser. Etant conscients des difficultés objectives auxquelles la Colombie doit aujourd'hui faire face, les membres employeurs ont estimé que la situation de ce pays exige, soit une plus grande patience, soit une plus grande sévérité. De nombreuses violations dans la pratique de la convention ne sont pas imputables au gouvernement; c'est pourquoi il faudrait absolument poursuivre un dialogue critique malgré les changements déjà intervenus et notés par la commission d'experts et malgré la situation extrême. Les membres employeurs ont souhaité que le gouvernement fournisse un rapport très détaillé et ont espéré pouvoir examiner ce cas en détail l'année prochaine.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a déclaré qu'il souhaitait tout particulièrement s'associer à la discussion de ce cas, compte tenu de la gravité des allégations formulées. La commission d'experts, à laquelle il convient de rendre hommage pour sa compétence et sa neutralité a, toutefois, en faisant état d'une "grave situation de violence" empêchant le "plein exercice des activités syndicales", gravement sous-estimé les manoeuvres d'intimidation et les horribles conditions de vie que connaissent actuellement les syndicalistes en Colombie. Il ressort clairement des informations du rapport de la commission d'experts et des informations complémentaires communiqueés par les travailleurs qu'il se déroule une campagne délibérée de sape et d'obstruction légales, tandis qu'ont lieu des assassinats sauvages et des manoeuvres d'intimidation, en vue de miner les organisations de travailleurs et la négociation collective en Colombie. En continuant d'essayer d'exercer leurs droits dans une situation si dangereuse, les travailleurs et les dirigeants syndicaux en Colombie donnent à tous une grande leçon d'humilité. Ce cas fait ressortir avec force l'inquiétude de la commission d'experts, telle qu'elle est exprimée dans ses commentaires du paragraphe 111 de son rapport relatifs à l'inadaptation des sanctions visant à assurer le respect des conventions, particulièrement lorsque, comme c'est le cas, il s'agit d'une violation flagrante des droits fondamentaux de l'homme.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que l'activité syndicale dans son pays est gravement entravée par la "criminalisation". Le décret antiterroriste instituant une juridiction d'ordre public adopté par le gouvernement, au motif de combattre le trafic des stupéfiants, s'est traduit, en 1992, par l'incarcération de quelque 618 personnes, dont 6 pour cent seulement sont effectivement des trafiquants et des guérilleros. La loi antiterroriste institue un système de procédure méconnaissant les droits de la défense et le principe de publicité de la procédure, les magistrats, les témoins, les preuves et les expertises restant secrets. En application de cette loi, 17 travailleurs des TELECOM ont été emprisonnés et le président de la principale raffinerie colombienne a été arrêté après avoir négocié des revendications et obtenu un accord satisfaisant les travailleurs. L'orateur lui-même a été menacé par le procureur d'une procédure pénale au motif d'entrave à la justice après avoir participé à une discussion sur l'application de ce système au syndicalisme. Le décret antiterroriste alourdit démesurément les peines, instaure des modalités spéciales de collaboration, laisse le jugement de la conduite essentiellement à l'appréciation du juge et transforme la lutte syndicale en un délit politique. L'orateur a précisé en outre que diverses dispositions pénales frappent les activités syndicales. L'article 290 du Code pénal, qui qualifie de délit l'entrave à la liberté du travail, a été invoqué pour condamner les dirigeants syndicaux des cimenteries à une peine de prison de 6 mois assortie d'une amende de l'équivalent d'un million de dollars. Dans le secteur bancaire, des syndicalistes ont été condamnés pour "obstruction au travail". Des syndicalistes de l'administration nationale des archives et de l'enregistrement ont été condamnés pour avoir diffusé des affiches jugées calomnieuses et, sur les instances d'un employeur, le secrétaire général et le président de la Fédération nationale des ouvriers du cacao ont été arrêtés pour présomption de falsification d'un acte syndical et ont vu leurs biens confisqués. L'orateur déplore que le gouvernement se borne à répéter qu'il mettra sa législation en conformité avec les conventions en fonction des indications de la commission tripartite tout en prenant des décisions unilatérales, comme dans le cas du relèvement du salaire minimum ou dans celui du licenciement de 40 000 agents de la fonction publique. De la même manière, le gouvernement a rejeté un projet de loi du travail qui avait été présenté avec le soutien d'un million de signatures au motif que l'initiative populaire, prévue par la Constitution, n'était pas réglementée. Enfin, l'orateur a dénoncé, outre les innombrables assassinats de syndicalistes, l'impunité contre laquelle le gouvernement n'agit pas et il a demandé à la commission de consacrer un paragraphe spécial de son rapport à ce cas.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déploré d'avoir à dénoncer une fois encore la situation des travailleurs de ce pays en ce qui concerne la liberté syndicale et les droits de l'homme. Il considère que son pays ne garantit pas l'exercice de l'activité syndicale, à en juger par le nombre de syndicats anéantis au moment même de leur constitution et développés dans la clandestinité. Il n'est pas certain que la nouvelle législation assure l'automaticité de l'enregistrement légal d'un syndicat, attendu que les mêmes obstacles juridiques subsistent dans ce domaine. Il a déclaré que son pays ne respecte pas la convention et s'oriente dans un processus inquiétant de pénalisation, et même de criminalisation de la lutte syndicale, avec les graves répercussions qui en résultent pour les travailleurs. On peut citer à cet égard la situation des contrôleurs aériens ou des entreprises comme ECOPETROL et TELECOM, dont les travailleurs ont fait l'objet d'une violente répression pour avoir voulu défendre la souveraineté nationale, contre la privatisation de l'entreprise. A ce jour, pour avoir exercé leurs droits, 13 travailleurs ont été arrêtés et sont jugés par des "juges sans visage", sous l'accusation de terrorisme, avec des témoignages et des preuves secrètes et des limitations considérables pour la défense. Trois autres dirigeants du syndicat de TELECOM, dont le président Eberto López, sont poursuivis et vivent dans la clandestinité. Les entreprises se militarisent, la situation s'oriente vers une répression humiliante pour les travailleurs. Les assassinats de syndicalistes se poursuivent sans que le gouvernement ne prenne de mesures adéquates contre le fléau de la violence. De l'avis de l'orateur, ce n'est pas par des déclarations de guerre intérieure mais par de profondes transformations sociales que la situation pourra s'améliorer. Considérant le nombre d'assassinats de travailleurs qui en résulte, il est à ses yeux inacceptable que l'on mette en rapport guérilla et syndicalisme. L'orateur dénonce par ailleurs les décrets de restructuration et de privatisation de décembre 1992 ayant entraîné le licenciement de plus de 50 000 travailleurs de la fonction publique ainsi que l'utilisation abusive de la notion de service public essentiel, que l'on a même vu étendu à l'hôtellerie. Il a prié la commission de prendre des mesures pour que cessent les atteintes au mouvement syndical et pour empêcher la condamnation des syndicalistes de TELECOM à de lourdes peines de prison et il a demandé que ce cas fasse l'objet d'un paragraphe spécial en raison de la violation persistante des droits des travailleurs et des droits de l'homme. Il a remis au BIT un dossier contenant des informations sur les divers aspects soulevés dans son intervention afin qu'il soit porté à la connaissance de la commission d'experts.

Le membre travailleur du Panama s'est déclaré préoccupé par la situation évoquée par les membres travailleurs de la Colombie et par les explications du représentant gouvernemental qui lui semblent vouloir excuser l'assassinat de syndicalistes par le fait que des magistrats ou des candidats aux élections sont eux aussi assassinés en Colombie. Il considère que cette situation constitue un cas grave de violation des droits de l'homme, qui devrait faire l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission.

Le membre travailleur de la France déplore que les pays soient de plus en plus nombreux à tarder à mettre leur législation en conformité avec les conventions. L'orateur relève que, à la lecture du rapport de la commission d'experts, pour constituer un syndicat en Colombie, il faut deux tiers de membres colombiens, ce qui exclut les travailleurs étrangers, lesquels n'ont donc pas la possibilité de s'exprimer. Il constate en outre que la grève ne peut être déclarée que par entreprise, en présence d'un représentant des autorités, ce qui constitue une ingérence caractérisée du gouvernement dans les activités syndicales. Il s'interroge enfin sur la protection des syndicalistes contre le licenciement dans un pays qui s'engage dans la voie de l'ouverture de son marché dans le cadre du Pacte andin.

Le membre travailleur de l'Espagne a déploré qu'on entende toujours développer exactement la même argumentation de la part du gouvernement de la Colombie devant la commission, celui-ci déclarant qu'il assiste aux réunions syndicales, à la demande des syndicats eux-mêmes, tandis que les syndicats récusent cette assertion et qu'il n'y a pas que des syndicalistes qui soient assassinés en Colombie, mais aussi des journalistes, des hommes politiques et des magistrats. Il se déclare préoccupé par la "justice sans visage" contraire aux principes du droit les plus élémentaires, et devant l'amalgame systématique entre syndicalisme et terrorisme.

Le membre travailleur du Botswana a déclaré que la répression légale généralisée du mouvement syndical colombien préoccupe profondément les syndicalistes africains. Huit cents syndicalistes sont morts dans ce pays depuis 1987 et le pays détient tristement le record en la matière pour l'année 1992. Les syndicats se heurtent à des intimidations continuelles dans l'exercice de leurs activités légitimes de négociation politique ou syndicale, et de revendication économique, sociale ou humanitaire. L'impunité des auteurs des atteintes à la liberté d'association et aux droits de l'homme reste préoccupante et, pour cette raison, il appuie sans réserve la proposition des membres travailleurs tendant à ce que les conclusions pour ce cas soient très fermes.

Le membre travailleur de l'Allemagne s'est déclaré très préoccupé par la situation en Colombie, où les syndicalistes sont victimes d'arrestations arbitraires massives, d'une justice sommaire et de persécutions organisées par des formations paramilitaires. Il s'étonne par ailleurs que les employeurs mettent en question les constatations de la commission d'experts au sujet de l'exercice du droit de grève et du licenciement de syndicalistes dans ce pays. Considérant les principes proclamés par l'article 8, deuxième alinéa, de la convention, l'orateur fait observer que, si un droit interne est en contradiction avec la convention, en l'occurrence, si un licenciement est contraire à la convention, il appartient aux employeurs de prendre nettement position sur la base de ces principes. Enfin, il invite la commission à formuler des conclusions très fermes et à consacrer dans son rapport un paragraphe spécial à ce cas.

Le représentant gouvernemental a évoqué les principes qu'énonce la nouvelle Constitution, le "statut du travail" que le congrès doit adopter, l'intégration des conventions ratifiées dans l'ordre juridique interne, la définition des services publics essentiels et la réglementation élaborée par la commission tripartite créée en application de la Constitution, qui nécessite néanmoins l'élaboration d'une législation régissant sa composition et son fonctionnement. Se référant aux propos des membres travailleurs de la Colombie quant à la soumission au Congrès d'un projet de "statut du travail", il a déclaré que l'initiative populaire prévue par la Constitution n'a pas été réglementée et que, en tout état de cause, la décision appartient au Congrès et non au gouvernement. S'agissant de la loi contre le terrorisme et de son application aux travailleurs de TELECOM, il a expliqué que la grève en question avait été déclarée illégale parce qu'elle avait des motivations politiques, et que le gouvernement avait demandé à la justice, d'une part, de défaire la personnalité juridique du syndicat de TELECOM et, d'autre part, d'enquêter sur les faits délictuels en rapport avec la grève. La première a été rejetée et par décision du procureur la deuxième a été séparée en deux procédures différentes, l'une pour les juridictions ordinaires et l'autre pour la juridiction antiterroriste. L'orateur a exposé que les licenciements intervenus dans le secteur public étaient imputables à des restructurations de l'Etat dans l'économie nationale. A titre d'exemple, il a mentionné la suppression du secteur du contrôle préalable des dépenses publiques, qui a laissé sans emploi quelque 7 000 travailleurs, et les suppressions d'emplois dans les douanes, avec l'ouverture des frontières, qui ont laissé sans travail les agents chargés des permis d'importation. Des plans de reclassement et de mise à la retraite anticipée ont cependant été introduits au bénéfice de nombreux travailleurs. Il conteste avoir tenté d'excuser les assassinats de syndicalistes par le fait que ces assassinats frappent aussi d'autres victimes. Il consteste aussi avoir invoqué la nécessité de prendre en considération le contexte de la situation du pays et enfin avoir établi un lien entre guérilla et syndicalisme. Il a déclaré que son gouvernement s'employait à démilitariser le pays, à preuve que, pour la première fois depuis 1948, le ministère de la Défense et la Direction de l'administration de la sécurité ne sont pas confiés à des militaires. Quant à l'intégration du pays dans le Pacte andin, il considère qu'une zone de libre-échange posera assurément des problèmes d'ajustement mais que le gouvernement s'efforcera d'apporter tout le soutien nécessaire à l'industrie et à l'agriculture nationales pour affronter la concurrence. L'orateur a conclu en soulignant que son gouvernement est fermement attaché aux droits de l'homme, et il s'est d'ailleurs soumis volontairement à la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

La commission a pris note des informations écrites et orales communiquées par le représentant gouvernemental. Elle a manifesté sa compréhension au sujet de la grave situation de violence qui règne dans le pays. Elle observe qu'il subsiste des divergences nombreuses et graves entre la législation et la pratique nationales et les principes consacrés par la convention en ce qui concerne les divers points soulevés par la commission d'experts depuis plusieurs années. La commission a noté avec intérêt que le gouvernement est disposé à traiter des questions de travail avec les partenaires sociaux. Toutefois, la commission regrette de constater qu'aucun progrès n'a été enregistré depuis la dernière fois qu'elle a examiné ce cas, en juin 1992. Elle exprime le ferme espoir que le comité tripartite chargé de l'élaboration des projets de loi accomplira sa tâche dans un bref délai. Elle reste profondément préoccupée par la situation de fait et de droit dans le domaine syndical, et elle appelle instamment le gouvernement à adopter d'urgence les mesures nécessaires, au besoin avec l'assistance technique du BIT, afin de mettre sa législation en conformité avec la convention, de sorte que la commission puisse constater dans un proche avenir des progrès effectifs et importants en la matière.

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