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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1991, Publication : 78ème session CIT (1991)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant du gouvernement de la Colombie, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a indiqué que les observation de la commission d'experts mettaient l'accent, s'agissant de la convention no 87, sur les changements apportés par la loi no 50, qui a permis d'améliorer la situation en ce qui concerne la personnalité juridique des syndicats. Il appartient désormais aux tribunaux du travail de résoudre les conflits qui pourraient surgir en la matière. L'Assemblée constituante a approuvé l'enregistrement d'un certain nombre de syndicats qui ont maintenant le droit de s'engager dans les négociation collectives et de conclure des conventions collectives. Ces syndicats représentent environ un tiers des travailleurs et il est désormais possible de former des syndicats mixtes.

Le représentant gouvernemental a relevé certaines inexactitudes dans le commentaire de la commission d'experts, qui indique que l'élection des dirigeants syndicaux doit être soumise à l'approbation des autorités administratives en violation de l'article 3 de la convention. A l'appui de cette affirmation, la commission d'experts mentionne des résolutions datant de 1952, 1972 et 1979. Or le texte de la résolution de 1958 ne fait aucune référence à l'approbation de l'élection des dirigeants responsables syndicaux: il ne s'agit que de communiquer les noms aux autorités. De même, selon la commission d'experts, l'article 380, paragraphe 3 nouveau, du Code du travail prévoirait la suspension pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association, des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat. Or il ne s'agit pas d'une mesure administrative, mais d'une faculté à la disposition du gouvernement en cas d'infraction aux normes, avec la possibilité de recourir aux tribunaux du travail. S'agissant de l'interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques, l'article mentionné du Code du travail a été abrogé en 1990. Les dirigeants syndicaux ont toujours été libres d'être actifs en matière politique - bon nombre d'entre eux sont membres du Congrès. S'agissant de la référence faite par la commission d'experts au nouvel article 450 du Code du travail tel qu'amendé en 1990 le représentant gouvernemental a indiqué que la suspension ou la dissolution de la personnalité juridique d'un syndicat, à la suite d'un arrêt de travail illégal, nécessite une décision préalable du tribunal du travail. Le nouvel article 450 du code du travail prévoit donc la suspension ou le retrait de la personnalité juridique, mais pas par voie administrative.

En ce qui concerne le droit de grève, le représentant gouvernemental a estimé que les procédures constitutionnnelles et le Règlement de la Conférence devraient permettre de discuter cette question de façon appropriée dans le cadre de l'OIT. Selon la commission d'experts, en Colombie, la grève n'est pas seulement interdite dans les services essentiels au sens strict, mais aussi dans toute une série de services publics qui n'ont pas nécessairement ce caractère "essentiel". Si la Constitution interdit la grève dans les services publics, c'est qu'en Colombie tous les services publics sont considérés comme "essentiels". Son gouvernement a proposé à l'Assemblée constituante des dispositions législatives qui selon lui seraient conformes à la convention no 87. Ces circonstances sont prévues dans la Constitution étant donné que quand les autorités appliquent des mesures qui sont de leur compétence, elles doivent tenir compte du fait que les grèves doivent être liées à des questions économiques d'intérêt direct pour les travailleurs. Il a été fait mention du pouvoir du ministre du Travail d'autoriser le licenciement de tous les travailleurs d'une entreprise dans certaines circonstances, notamment si une grève n'est pas résolue par l'arbitrage. La loi de la majorité doit aussi prévaloir dans le cas d'un syndicat. En outre, son gouvernement estime qu'il importe de maintenir les mesures législatives de 1968 qui prévoient certaines restrictions en cas de grève affectant l'économie nationale. Mais, même dans ce cas, un accord de la Chambre du travail de la Cour suprême est nécessaire.

S'agissant des commentaires de la commission d'experts sur l'interdiction de la grève associée à des sanctions administratives lorsque l'état de siège est décrété, le représentant gouvernemental a souligné que ce n'était que dans des circonstances très particulières que de telles sanctions pouvaient être décidées. La Colombie a connu de très graves difficultés du fait d'arrêts de travail - et non de grèves authentiques - qui restreignaient le droit de travailler de ceux qui ne voulaient pas participer à ces actions subversives visant, par exemple, à paralyser les transports ou à interrompre les communications. Dans ces cas particuliers, le gouvernement a pris les mesures que lui permet la Constitution, comme il y a été amené par les circonstances prévalant en Colombie qui sont bien connues.

En ce qui concerne les mesures prises contre les dirigeants syndicaux qui ont encouragé ces arrêts de travail illégaux, le représentant gouvernemental a déclaré que la loi interdit les arrêts de travail qui interviennent à des fins subversives. Or l'article 8 de la convention dispose que, dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. Pour ces raisons, il s'est dit préoccupé des imprécisions contenues dans le rapport de la commission d'experts, qui montrent la nécessité d'une définition plus claire du droit de grève dans toutes ses implications.

S'agissant de la convention no 98, la loi no 50 de 1990 autorise la formation de syndicats mixtes regroupant des travailleurs des secteurs public et privé. Un grand effort de réforme du Code du travail, qui est vieux de quarante ans, a été engagé par le gouvernement, de façon à ce que la législation se rapproche de plus en plus des dispositions des conventions. L'Assemblée constituante travaille actuellement à donner de nouvelles compétences au Congrès dans ce domaine, et c'est dans ce nouveau contexte institutionnel et législatif que le gouvernement va procéder à toutes ces réformes.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, tout en remerciant le représentant gouvernemental de sa déclaration très détaillée, a fait part de son désaccord avec la plupart de ce qu'il a dit. La commission d'experts a fort justement indiqué les points de droit nécessaires pour rendre la législation colombienne conforme aux conventions nos 87 et 98. Tout en prenant acte de certains progrès résultant de l'adoption de la loi no 50 de 1990, la présente commission et la commission d'experts se préoccupent aussi de la pratique. Et, comme on l'a vu l'année dernière, les faits sont dans ce cas particulièrement terrifiants: on peut faire la liste des dirigeants syndicaux connus assassinés, disparus, torturés, violés et, depuis l'année dernière, cette liste s'est encore allongée. Se limiter aux noms fournis par la Confédération internationale des syndicats libres et Amnesty International ou d'autres organisations de défense des droits de l'homme ne rendrait pas justice aux centaines de victimes dont les noms ne sont pas connus. Le gouvernement dira, comme l'année dernière, que cette violence contre les syndicalistes est le fait de trafiquants de drogue et de criminels. C'est en partie le cas, mais il existe des preuves concordantes que des membres des forces de sécurité ont toléré ou même directement participé à certains de ces crimes. L'attitude du gouvernement à l'égard des organisations syndicales, faite de restrictions au droit d'organisation et de détentions sans procès, participe d'une atmosphère où les criminels et les trafiquants de drogue peuvent avoir l'impression de pouvoir agir comme des agents du gouvernement. Ce sont les syndicalistes qui sont traités comme des criminels en Colombie, dès lors qu'ils cherchent à faire reconnaître leurs droits fondamentaux. Partout dans le monde, les syndicats cherchent à promouvoir leur cause pacifiquement. Si le gouvernement de la Colombie recherchait la coopération pacifique des syndicats plutôt que de les réprimer, il aurait peut-être plus de succès dans la lutte contre la criminalité régnant dans la société colombienne. On constate que les grandes forces militaires déployées contre les grèves sont mystérieusement absentes lorsque des violences sont perpétrées contre les membres des syndicats.

Les membres employeurs ont constaté que la commission d'experts avait enregistré un certain nombre de progrès dans la nouvelle législation par rapport aux conventions nos 87 et 98. S'agissant d'un cas qui fait l'objet de discussions depuis plusieurs années, on ne peut que se féliciter de tout changement positif. Mais il demeure une longue liste d'insuffisances persistantes. Des quatre points soulevés à propos de la convention no 87, les deux premiers concernent la création et le fonctionnement interne des organisations syndicales. Les dispositions visées sont manifestement contraires à la convention tout en étant superflues. Elles doivent être modifiées. Le représentant gouvernemental a fait état d'une amélioration sur un certain nombre de points mais il n'est pas évident que tous les aspects qui ont fait l'objet de l'observation de la commission d'experts aient été rectifiés, et il est nécessaire qu'un rapport mentionnant clairement les modifications apportées et envisagées soit fourni. En ce qui concerne les points 3 et 4, la situation est moins évidente. Il s'agit de la distinction, souvent difficile, entre syndicats et organisations politiques. Sans doute ne peut-on pas interdire des activités ou des réunions de caractère politique, mais il doit être possible de distinguer entre les organisations politiques et celles qui ne le sont pas. Et il est évident que les organisations à vocation réellement politique ne sont pas couvertes par la convention. Quant à la possibilité d'apporter des restrictions au droit de grève, les employeurs ont déjà indiqué en 1989 qu'ils ne partageaient pas le point de vue de la commission d'experts, selon lequel ces restrictions ne pourraient s'appliquer qu'aux services publics au sens strict du terme. Une limite à l'interdiction du droit de grève doit exister, sans toutefois être trop restrictive, et la situation en Colombie doit aussi être modifiée à cet égard.

Au sujet de la convention no 98, la commission d'experts a pris note avec satisfaction de l'augmentation des amendes sanctionnant les actes antisyndicaux. Les membres employeurs ont souligné, une fois de plus, qu'il n'y avait pas lieu de mentionner ainsi les montants, dans la mesure où les articles 1 et 2 de la convention prévoient une protection "adéquate", tandis que l'article 4 mentionne "des mesures appropriées aux conditions nationales". Un autre point concerne l'interdiction faite aux membres de la fonction publique de mener des négociations collectives, qui s'étend aux travailleurs des entreprises commerciales ou industrielles appartenant à l'Etat. Les membres employeurs et aussi les travailleurs ne devraient pas être privés du droit de négociation collective. Comme le représentant gouvernemental a indiqué que certaines restrictions ont été supprimées, il est nécessaire qu'un rapport détaillé soit soumis par écrit pour permettre l'examen de tous ces éléments.

Des divergences considérables demeurent, s'agissant notamment de la convention no 87, qui appellent des changements importants, et la présente commission doit insister pour qu'ils aient lieu rapidement, tant dans la législation que dans la pratique.

Un membre travailleur de la Colombie a remercié l'OIT ainsi que tous ceux qui ont exprimé leur préoccupation et leur tristesse quant au sort terrible des travailleurs colombiens. Se référant à la déclaration du représentant gouvernemental, il a rappelé que l'ensemble des organisations syndicales faisaient l'objet d'une ingérence indue de la part de l'Etat dans tous les aspects de leur fonctionnement. C'est une véritable guerre qui est ainsi engagée contre le mouvement syndical en Colombie, comme le reflète la législation la plus récente mentionnée par la commission d'experts dans son rapport. Le mouvement syndical demande depuis de nombreuses années une réforme démocratique du droit du travail, mais s'est toujours heurté à la résistance du gouvernement et des employeurs. Lorsque le gouvernement a déclaré qu'il allait procéder à des réformes en concertation avec les travailleurs et les employeurs, les syndicats ont cru que leur souhait allait être exaucé. Mais c'est un projet rétrograde qui est devenu la loi no 50 de 1990. Le gouvernement tente de faire croire à l'opinion publique mondiale que cette réforme est favorable aux travailleurs, alors qu'elle ne fait qu'adapter les lois aux exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Certes, on peut enregistrer une certaine amélioration par rapport à 1989 et 1990 mais, bien que les conventions nos 87 et 98 aient été introduites dans le droit colombien depuis 1976, et en dépit de toutes les lois adoptées depuis, leurs dispositions n'ont jamais été appliquées. Le représentant gouvernemental a prétendu que ce n'était par les grèves qui étaient interdites, mais seulement les arrêts de travail illégaux. Or, lorsque les quatre confédérations syndicales ont organisé le 14 novembre 1990 une grève visant exclusivement à défendre les intérêts des travailleurs, le gouvernement a répondu à cette action pacifique par des mesures telles que, entre autres, des peines d'emprisonnement de trois ans pour les instigateurs, la confiscation des avoirs syndicaux, la censure de la radio et de la télévision des syndicats. Les forces militaires ont été déployées dans un but d'intimidation et le gouvernement a orchestré une campagne de désinformation pour faire croire que la grève était un échec. En conclusion, l'orateur a estimé que le travail de la commission d'experts devait se poursuivre et suggéré qu'une mission de contacts directs se rende de nouveau sur place afin d'établir clairement comment s'appliquait dans les faits la loi no 50 de 1990.

Un autre membre travailleur de la Colombie, après avoir écouté les déclarations du représentant gouvernemental, a déclaré à la commission que la situation des travailleurs colombiens ne pouvait être pire. La nouvelle législation du travail n'est pas seulement en infraction avec les principes fondamentaux de l'OIT, mais elle peut être considérée comme visant à détruire le mouvement syndical de Colombie. Plutôt que de prévoir une "élimination" des obstacles à la formation de syndicats, la loi autorise l'emploi sur la base de contrats précaires afin de rendre impossible au travailleur l'adhésion au syndicat, en raison du caractère temporaire de son emploi. Ces travailleurs savent que, s'ils adhèrent à un syndicat, ils risquent de ne pas voir renouveler leur contrat. Du fait de l'institutionnalisation de l'emploi précaire - alors que la loi interdisait autérieurement les contrats de moins d'un an ", il est impossible en pratique d'appartenir à un syndicat et de conclure des conventions collectives. La nouvelle loi a aussi introduit des changements sur les conditions de déclenchement d'une grève. Il est très difficile de voter la grève car la décision doit désormais être prise par une assemblée au niveau de l'entreprise, à laquelle peuvent participer des travailleurs non syndiqués. Le gouvernement propage l'idée fallacieuse selon laquelle ce n'est pas la grève qui est interdite, mais uniquement les arrêts de travail. Mais la grève du 14 novembre 1990 visait précisément à protester contre l'introduction de la nouvelle loi sur laquelle les travailleurs n'avaient pas été consultés. Ils ont pu assister aux réunions de la commission discutant le projet de loi, mais sans droit de parole, alors que d'autres parties ont pu exprimer leur avis. L'arrêt de travail en question n'avait aucun caractère subversif et les confédérations ont publiquement appelé les groupes de la guérilla à n'intervenir d'aucune façon; or cet arrêt de travail a été déclaré illégal avant même de commencer. Une autre dégradation introduite par la loi nouvelle concerne l'âge minimum d'admission à l'emploi ramené de 14 à 12 ans, ce qu'il est difficile de qualifier de progrès. L'orateur a demandé l'envoi d'une mission en Colombie qui se rendra compte de la situation réelle. Enfin, il s'est référé à un rapport du Comité de la liberté syndicale demandant aux autorités de prendre des mesures pour assurer la réintégration d'un groupe de travailleurs licenciés de façon injustifiée dans le secteur textile. Le gouvernement n'a, à ce jour, fourni aucune information à ce sujet, ce qui montre la différence entre ce que dit le gouvernement pour l'opinion publique et ce qu'il fait en réalité dans son pays.

Un autre membre travailleur de la Colombie a souligné que les travailleurs colombiens ont connu une des décennies les plus difficiles de leur histoire. Le représentant gouvernemental n'a pas rendu compte de la réalité ni de la politique d'ajustement structurel qui n'est pas, en fait, décidée en Colombie mais à Washington par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Il s'agit d'un néo-libéralisme imposé par une politique cruelle de soi-disant développement qui n'hésite pas à détruire la base démocratique du mouvement syndical pour imposer son nouvel ordre économique en Amérique latine. Ce n'est pas par hasard que les dirigeants actuels en Amérique latine ont reçu des instructions sur le nouvel ordre économique qui se met en place au détriment de la justice sociale. En Colombie, cette politique frappe cruellement les secteurs les plus pauvres et les plus défavorisés de la population. La nouvelle loi ne fait que se plier à ces exigences et l'avenir en conséquence est plutôt sombre. L'orateur a souligné qu'il fallait poursuivre les efforts de lutte contre la répression des intérêts des travailleurs colombiens, car ce sont aussi les intérêts des travailleurs d'Amérique latine, du tiers monde et du monde en général.

Le représentant gouvernemental de la Colombie, revenant sur les interventions des membres des confédérations syndicales colombiennes, a appuyé leur proposition pour qu'une mission de l'OIT se rende rapidement en Colombie pour étudier sur place les différentes questions soulevées ici. Son gouvernement pourra ainsi aider l'OIT à mieux connaître la situation du pays. Se référant à la déclaration des membres travailleurs le représentant gouvernemental s'est élevé énergiquement contre l'assertion selon laquelle des terroristes et des trafiquants de drogue agiraient comme des agents virtuels du gouvernement. Leurs actes sont condamnables et aucun n'est attribuable, de quelque façon que ce soit, au gouvernement. Dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le peuple, le gouvernement a tout fait pour combattre ces actes subversifs. Par ailleurs, le représentant gouvernemental a rejeté l'insinuation selon laquelle une puissance étrangère pourrait s'immiscer dans les affaires intérieures du pays. Des interventions ont eu lieu dans le passé en Amérique latine. Elles sont aujourd'hui oubliées et les relations avec les Etat-Unis sont excellentes. S'agissant de la longue liste des syndicalistes victimes d'attentats, si le représentant gouvernemental n'en a pas parlé, c'est parce que le rapport de la commission d'experts n'en traitait pas. Il n'y a pas que les syndicalistes qui sont victimes d'attentats mais aussi des candidats à l'élection présidentielle, des magistrats, des policiers, des soldats, des chefs d'entreprise, des entrepreneurs, des citoyens. Tous les Colombiens sont affectés par cette situation douloureuse et les syndicalistes savent mieux que personne qu'il est nécessaire de mettre fin à ces attaques subversives. Se référant aux commentaires des membres employeurs, le représentant gouvernemental a déclaré qu'il en avait pris bonne note et que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Afin de clarifier les choses, il a répété que la nouvelle loi avait aboli la suppression de la personnalité juridique des syndicats par l'autorité administrative: tout ce qui concerne le retrait ou la suspension de la personnalité juridique est désormais de la compétence des tribunaux. En outre, il a répété que l'article 450 de la nouvelle loi avait été cité de manière erronée. Enfin, il a renouvelé ses voeux que l'OIT se livre à une étude attentive de tous les aspects du droit de grève, et répété qu'une mission devrait visiter le pays pour constater les progrès accomplis, des progrès qui ont, dans une certaine mesure, été reconnus par les dirigeants syndicaux qui se sont antérieurement exprimés.

Les membres travailleurs ont estimé que deux éléments sont nécessaires pour améliorer la situation: une législation pleinement conforme aux principes et aux obligations des conventions, et une application pratique de ces principes et obligations. Sur le premier point, le rapport de la commision est clair: s'il enregistre certains progrès avec satisfaction, il rappelle qu'une série de questions fondamentales n'ont pas été réglées. Quant à l'application pratique, la commission a entendu les interventions des membres travailleurs. Par ailleurs, le Comité de la liberté syndicale est saisi de plusieurs plaintes, qui demandent au gouvernement de prendre des mesures pour mettre fin à la violence contre les syndicalistes et à renforcer la protection des travailleurs et des dirigeants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale. Sur tous ces points, la déclaration du représentant gouvernemental est regrettable, quant à la forme, et préoccupante quant au contenu. Il est regrettable qu'alors que ce cas fait l'objet d'un paragraphe spécial depuis deux années consécutives, aucune réponse écrite n'ait été apportée, mais seulement un déclaration orale qu'on ne peut examiner en profondeur. Il est préoccupant que le gouvernement, qui connaît bien le point de vue de la commission d'experts et de la présente commission, se borne à donner des assurances sur le fait qu'un jour on parviendra à une meilleure situation. La présente commission doit insister pour que le gouvernement prenne des mesures non seulement pour répondre aux questions soulevées, mais aussi pour changer la législation et la rendre conforme aux conventions. Les membres travailleurs souhaitent poursuivre le dialogue mais il faut maintenir la pression. Ils avaient tout d'abord envisagé de proposer que ce cas soit mentionné dans le rapport de la présente commission comme un cas de défaut continu d'application et de reprendre ce cas pour la troisième fois dans un paragraphe spécial. Mais, au vu des progrès notés par les experts, ils peuvent y renoncer, dans la mesure où le gouvernement a demandé une mission de contacts directs et à la condition que cette mission ait lieu rapidement.

Les membres employeurs ont retenu de la discussion que la situation en Colombie était inquiétante et dépassait largement le cadre des conventions considérées. En ce qui concerne celles-ci, un changement est clairement nécessaire et toutes les mesures doivent être prises dans ce sens. Concernant la proposition d'une mission de contacts directs, il faut rappeler qu'une telle mission a déjà eu lieu en 1988. Ce n'est pas toujours le moyen de régler les problèmes, mais il faut présumer la bonne volonté. L'an dernier, les conclusions de la présente commission enregistraient la demande du gouvernement d'une assistance technique de l'OIT. Cela peut être répété, mais il faut que cette mission ait lieu dès que possible et qu'elle obtienne des résultats.

Le membre employeur de l'Algérie a fait part de sa vive préoccupation concernant la détérioration de la situation en Colombie en ce qui concerne les normes les plus fondamentales de l'OIT, à savoir les conventions nos 87, 98 et toutes celles liées à la non-discrimination. Le cas discuté n'est pas nouveau pour la présente commission, et il faut souligner que les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent pouvoir jouir des droits démocratiques découlant des conventions nos 87 et 98. L'orateur a observé dans son propre pays qu'il était aisé, pour le pouvoir, de qualifier de "subversive" la lutte pour les droits démocratiques. Ainsi que l'ont exprimé les membres travailleurs, c'est une obligation morale de maintenir la pression à son plus haut niveau, quels que soient les progrès enregistrés. La mission de contacts directs doit avoir lieu et il faut souhaiter que l'on n'ait plus à revenir sur ce cas dans les années à venir. La situation est très sérieuse, et chacun est tenu de prendre les responsabilités qu'il a acceptées au titre de la Constitution de l'OIT.

La commission a noté les informations fournies par le gouvernement ainsi que le débat qui a eu lieu en son sein et les soumet à l'attention de la commission d'experts. Elle a pris note de la demande qui a été adressée au BIT de l'envoi d'une mission de contacts directs. La commission a noté avec intérêt certaines améliorations législatives intervenues dans l'application des conventions nos 87 et 98 depuis l'année dernière. Cependant, compte tenu de la profonde préoccupation qu'elle exprime depuis plusieurs années à l'égard des nombreuses et graves insuffisances qui subsistent dans la loi et dans la pratique en ce qui concerne l'application des conventions, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de communiquer aux organes de contrôle de l'Organisation internationale du Travail, aussi rapidement que possible, des informations précises sur les mesures prises ou envisagées pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les exigences de ces conventions. Eut égard à la gravité de la situation syndicale confirmée par le Comité de la liberté syndicale lors de l'examen des cas en instance, la commission insiste pour que le gouvernement puisse faire état de progrès réels et substantiels dans son prochain rapport.

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