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Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Guatemala (Ratification: 1989)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention.  Obligation d’effectuer des heures supplémentaires sous la menace d’une peine. La commission prend note des observations formulées en août 2008 par le Mouvement syndical du peuple indigène et des paysans guatémaltèques qui contiennent des informations sur la question de l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires sous la menace d’une peine dans certains des cas examinés par la commission dans son observation précédente ainsi que des nouvelles allégations concernant cette pratique au sein du ministère public, de la Direction des enquêtes criminelles et de l’Institut national de médecine légale (INACIF).

Dans son observation précédente, la commission a rappelé qu’aux fins de la convention l’expression «travail forcé ou obligatoire» désigne tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré. La commission a constaté, s’agissant des allégations présentées précédemment par l’Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA) que, dans certains cas, des travailleurs du secteur public qui refusent de faire des heures supplémentaires en plus de leur journée ordinaire de travail peuvent perdre leur emploi et que, dans le secteur privé, certaines entreprises fixent la rémunération par référence à un objectif de production, de telle sorte que le travailleur se trouve dans l’obligation de travailler bien au-delà de la journée ordinaire de travail pour obtenir un salaire assurant sa subsistance. La commission a relevé que ces deux situations avaient pour dénominateur commun l’imposition d’un travail ou d’un service et que le travailleur ne peut se «libérer» de cette situation qu’en quittant son emploi ou en étant licencié, le licenciement sanctionnant son refus. Le travailleur a théoriquement la possibilité de se soustraire à l’obligation de travailler au-delà de la journée ordinaire de travail mais, dans la pratique, il n’a pas réellement de choix puisqu’il lui faut gagner au moins le salaire minimum ou conserver son emploi, ou les deux. La commission a considéré que dans ces deux situations le travail ou service est imposé sous la menace d’une peine et a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de la convention à cet égard.

La commission prend note de la réponse apportée par le gouvernement dans son rapport au sujet des différentes questions soulevées et des demandes qu’elle avait formulées, examinées ci-après.

1. Secteur public: juges de paix – organisme judiciaire; police civile nationale; Entreprise municipale de l’eau (EMPAGUA) – municipalité de la capitale du Guatemala.

a) Juges de paix. Selon les observations de l’UNSITRAGUA, dans la plupart des communes du pays, il existe seulement un juge de paix, qui doit assurer un service 24 heures sur 24, tous les jours de l’année. Le personnel auxiliaire du juge doit assurer des permanences par rotation sous la forme d’heures supplémentaires s’ajoutant à la journée ordinaire de travail. Les permanences assurées les jours fériés, les samedis et les dimanches sont compensées en temps, mais celles qui sont assurées après la fin de la journée ordinaire de travail ne sont ni compensées en temps ni rémunérées. Le refus d’accomplir les permanences susvisées constitue une infraction qui peut être sanctionnée par le licenciement. La commission a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur le cas, cité à titre d’exemple par l’UNSITRAGUA, d’un travailleur licencié pour avoir refusé de travailler 24 heures sans interruption (affaire no 25-04 contre la Cour suprême de justice). La commission a également demandé des informations sur une autre affaire citée par l’UNSITRAGUA (affaire no 566-2003 contre le ministère de la Santé publique et de l’Assistance sociale), dans laquelle le travailleur avait été licencié pour avoir manqué trois journées de travail complètes le même mois. Dans sa décision, la cinquième Chambre du travail et de la prévoyance sociale a considéré que «le travailleur avait effectivement fait l’objet d’un licenciement justifié puisqu’il n’était pas venu à son travail la journée du 23 septembre 2001 alors qu’il devait travailler 24 heures sans interruption ce jour-là; cette absence correspondant à une absence de trois journées de travail complètes». La commission avait noté l’indication du gouvernement selon laquelle les deux affaires étaient en attente de jugement et avait demandé au gouvernement de communiquer copie des décisions de justice dès qu’elles auraient été prononcées.

Le gouvernement indique qu’il a demandé l’information pertinente à la Cour suprême de Justice et qu’elle sera envoyée dès qu’elle sera disponible. Toutefois, la commission prend note des informations soumises par le Mouvement syndical du peuple indigène et des paysans guatémaltèques selon lesquelles, dans l’affaire no 25-04, la Cour constitutionnelle a rejeté la demande de réintégration du travailleur et de compensation des heures supplémentaires effectuées.

La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucun travailleur n’est soumis à l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires au-delà des limites fixées par la législation sous peine de perdre son emploi, ceci dans la mesure où cette situation relève du travail forcé au sens de la convention. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les progrès réalisés pour assurer le respect de la convention.

b) Travailleurs d’EMPAGUA. Selon l’UNSITRAGUA, dans l’affaire concernant l’entreprise EMPAGUA, les travailleurs sont tenus de travailler 24 heures consécutives, suivies de 48 heures de repos, et cette organisation du travail permet d’éviter le paiement des heures effectuées au-delà de la journée ordinaire de travail. Le refus de travailler dans de telles conditions peut donner lieu à un licenciement et à des poursuites pénales, compte tenu du statut de fonctionnaire public conféré à ces travailleurs. La commission avait pris note des commentaires communiqués par le Syndicat des opérateurs des installations et puits de l’Entreprise municipale de l’eau et ses annexes (SITOPGEMA) et avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.

Le gouvernement indique qu’au mois de juin 2008 la sixième Chambre du travail et de la prévision sociale a prononcé une décision arbitrale qui établit la durée hebdomadaire de travail à 48 heures et prévoit que les heures supplémentaires seront rémunérées conformément à la loi. Le gouvernement ajoute que l’entreprise EMPAGUA a été avertie que les journées de travail ne peuvent excéder 12 heures.

Sur cette affaire, la commission prend note des informations communiquées par le Mouvement syndical du peuple indigène et des paysans guatémaltèques selon lesquelles le recours présenté par 103 travailleurs de cette entreprise pour non-paiement des heures supplémentaires a été rejeté par une décision de la cinquième Chambre du travail et de la prévision sociale en date du 16 avril 2008. Cette décision a été infirmée par la troisième salle de la Cour d’appel du travail et de la prévision sociale (dossier J-371-2008).

La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur le suivi du cas en instance devant la Cour d’appel et sur le respect des conditions de travail établies dans la décision arbitrale, de manière à ce que la réalisation d’heures supplémentaires sous la menace de licenciement ou de poursuites pénales ne sois plus imposée.

c) Ministère public, Direction des enquêtes criminelles et Institut national de médecine légale (INACIF). Le Mouvement syndical du peuple indigène et des paysans guatémaltèques se réfère dans ses observations à des cas dans lesquels une permanence de 32 heures continues est imposée. En outre, selon le syndicat, compte tenu du volume de travail, les employés sont contraints de travailler pendant leurs jours de repos pour pouvoir respecter les délais dans lesquels ils doivent remettre leurs rapports. Les travailleurs subissent des pressions et des menaces de licenciement pour réaliser les permanences et des tâches qu’il est impossible de réaliser dans le cadre du temps de travail normal. Le gouvernement n’a pas communiqué de réponse au sujet de ces nouvelles allégations.

La commission espère que le gouvernement fournira de informations au sujet des mesures prises ou envisagées pour protéger cette catégorie de travailleurs contre l’imposition de travail obligatoire au-delà de la journée ordinaire de travail.

2. Secteur privé: plantations. Dans ses précédentes observations, la commission a pris note des commentaires de l’UNSITRAGUA concernant le cas d’entreprises qui fixent à leurs travailleurs des objectifs de production tels que ceux-ci doivent, pour percevoir le salaire minimum, travailler au-delà des limites de la journée ordinaire de travail, ce temps de travail supplémentaire n’étant pas rémunéré.

Dans son rapport, le gouvernement indique que: la fixation du salaire minimum en fonction de la productivité a pour objectif d’inciter les entreprises à aller au-delà du salaire minimum; dans les plantations de production de bananes, le salaire minimum est largement dépassé; et l’Inspection générale du travail est intervenue dans les exploitations de production de bananes où des cas avaient été dénoncés par les travailleurs.

La commission prend note des statistiques concernant les plaintes déposées auprès de l’inspection du travail en ce qui concerne le paiement des salaires minima. Elle relève qu’un total de 11 plaintes présentées en 2007 a été rejeté. La commission souligne l’incidence que peut avoir sur la convention le lien existant entre l’augmentation de la durée de la journée de travail, le paiement d’un salaire minimum basé sur la productivité et la menace de licenciement. La commission exprime l’espoir que le gouvernement fournira des informations sur l’issue des plaintes déposées en 2008 (en cours à la date d’envoi du rapport) et qu’il continuera à communiquer des informations sur les mesures prises pour s’assurer que, dans le secteur des plantations, aucun travail ne soit imposé au-delà de la journée ordinaire de travail sous la menace d’une peine.

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