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Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - France (Ratification: 1937)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - France (Ratification: 2016)

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La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention.Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la loi no 87-432 du 22 juin 1987 avait modifié le Code de procédure pénale en conférant au travail des prisonniers un caractère volontaire. Elle avait constaté que les détenus employés peuvent être affectés soit au service général des établissements pénitentiaires, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements tels que la maintenance ou l’hôtellerie, soit à des activités de production. Dans le cadre des activités de production, le travail s’effectue: a) dans les ateliers du service de l’emploi pénitentiaire (SEP), par l’intermédiaire de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP); b) pour les entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire; ou c) dans les établissements à gestion mixte. Dans ce dernier cas, l’organisation des activités de production est l’une des fonctions déléguées à l’entreprise privée dans le cadre du marché de fonctionnement des établissements à gestion mixte. Il résulte de cette organisation du travail pénitentiaire que les détenus peuvent être amenés à exécuter un travail au profit d’une entreprise privée. Bien qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention les prisonniers ne peuvent pas être concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales de droit privé, la commission a admis que lorsque le travail était exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement du prisonnier et entouré d’un certain nombre de garanties, il pourrait ne pas entraver l’application de la convention. A cet égard, elle a pu noter dans ses précédents commentaires que les principes directeurs de la législation régissant le travail dans les prisons répondaient, sur un certain nombre de points essentiels, aux critères énoncés par la commission pour que le travail effectué par un prisonnier pour une entreprise privée puisse être comparé à une relation de travail libre et ainsi échapper à l’interdiction énoncée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission souhaite toutefois attirer l’attention du gouvernement et obtenir davantage d’informations sur certains de ces critères qui permettent de se rapprocher d’une relation de travail libre.

a) Consentement au travail et absence de menace. La commission avait relevé qu’il ressortait des dispositions des articles 720, paragraphe 1, et 721, paragraphe 1, du Code de procédure pénale qu’il existait un lien entre l’acceptation ou non d’un travail et la perspective d’une réduction de peine. Selon l’article 721, paragraphe 1, une réduction de peine pouvait être accordée aux détenus s’ils avaient donné des preuves suffisantes de bonne conduite, l’article 720 précisant que les activités de travail et de formation professionnelle étaient prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. Elle avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que ce lien pouvait avoir une incidence sur le libre consentement aux activités de travail. Le gouvernement a indiqué à cet égard, dans son rapport reçu en 2004, que le juge de l’application des peines apprécie les gages de réinsertion et de bonne conduite selon bien d’autres critères que la seule participation à des activités de travail, notamment le comportement en détention, l’implication dans les activités socio-éducatives, la qualité de l’indemnisation des parties civiles, le sérieux de la préparation des projets de sortie, l’existence de liens familiaux, etc. Par ailleurs, il existe un certain nombre d’établissements dans lesquels l’offre d’emploi ne permet pas de satisfaire l’ensemble des demandes, ce qui ne saurait se traduire par une discrimination concernant les remises de peine.

La commission prend note de ces informations. Elle relève que, suite à l’adoption de la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, l’article 720 est devenu l’article 717-3 et les dispositions de l’article 721, paragraphe 1, ont été modifiées. Désormais, chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation. Ce crédit de réduction de peine peut être retiré par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné en détention. La commission constate que la législation semble avoir supprimé le lien existant entre l’acceptation d’un travail et le droit à la réduction de peine. Elle souhaiterait néanmoins que le gouvernement indique si, dans la pratique, le refus de travailler peut être pris en compte pour déterminer la mauvaise conduite d’un détenu.

b)Conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. La commission rappelle que, selon l’article D102, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales de travail libre. Dans ce contexte, la commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations supplémentaires sur les points suivants qui concernent la rémunération du travail pénitentiaire et l’existence d’un contrat de travail lorsque le travail est exécuté au profit d’entreprises privées.

Rémunération

La commission avait souligné que les prisonniers travaillant à des activités de production au profit d’entreprises privées (dans le cadre d’un contrat de concession entre l’établissement pénitentiaire et une entreprise privée ou dans les établissements à gestion mixte) et les détenus affectés au service général des établissements à gestion mixte ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention et devaient par conséquent bénéficier de rémunérations brutes se rapprochant de celles pratiquées pour les mêmes activités à l’extérieur des prisons. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports fournis en 2004 et 2006 concernant la revalorisation des rémunérations des détenus qui participent aux activités de service général. D’après ces informations, ces rémunérations sont revalorisées chaque année en fonction de l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et, entre 2002 et 2006, la rémunération moyenne journalière nette des détenus affectés au service général a augmenté d’environ 20 pour cent (20,3 pour cent pour la classe I, 18,5 pour cent pour la classe II et 19,2 pour cent pour la classe III). Le gouvernement précise qu’il reste opportun de fixer par classe un montant minimum en deçà duquel aucune rémunération ne saurait être versée.

S’agissant plus précisément des activités de service général dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte, le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que, depuis janvier 2002, le financement des rémunérations et des cotisations sociales des personnes détenues employées à ces activités est pris en charge directement par l’administration pénitentiaire. La gestion des crédits budgétaires affectés au service général est assurée site par site par le chef d’établissement. De même, le nombre de personnes détenues affectées au service général et leur répartition dans les trois classes de rémunération, selon le barème fixé par la direction de l’administration pénitentiaire, relèvent des décisions prises par le chef d’établissement. La commission constate, d’après ces informations, que la fonction «service général» n’est plus déléguée à l’opérateur privé dans le cadre du marché de gestion. Elle prie le gouvernement de bien vouloir préciser si tel est le cas et de continuer à fournir des informations sur tout changement dans la répartition des fonctions dans le cadre des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte, dès lors que ces fonctions touchent au travail des détenus. Prière à cet égard de communiquer copie d’un exemple de contrat de marché de fonctionnement de ces établissements. Par ailleurs, la commission relève que la loi d’orientation et de programmation de la justice (2003‑2007) prévoit la construction de 13 200 places, dont 10 800 dans de nouvelles prisons avec de nouvelles formes de partenariats public-privé. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur la nature de ces nouveaux établissements pénitentiaires en indiquant le rôle joué par l’opérateur privé dans la fourniture du travail aux détenus.

En ce qui concerne le niveau des rémunérations des détenus effectuant des activités de production dans le cadre d’un contrat de concession ou dans les établissements à gestion mixte, la commission a pris connaissance du rapport d’information réalisé en 2002 par le sénateur Paul Loridant au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation «sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904‑11 de la RIEP». Elle note que la rémunération journalière moyenne pour les activités de production est de 24 euros quand le travail est proposé par la RIEP, de 19 euros quand il est réalisé dans le cadre des contrats de concession et de 16 euros dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte. Selon ce rapport, dans les établissements à gestion mixte, le marché a institué un indicateur contractuel dénommé SMAP (salaire minimum de l’administration pénitentiaire) concernant le taux horaire minimum de rémunération des détenus en production. Le SMAP oscille entre 41 et 44 pour cent du salaire minimum horaire. La commission note que le relèvement du SMAP à 50 pour cent du salaire minimum fait partie des mesures proposées dans ce rapport.

La commission constate, d’après le dernier rapport du gouvernement, que le SMAP a été remplacé par le seuil minimum de rémunération (SMR). Le gouvernement indique que le principe d’une rémunération qui ne saurait être inférieure au SMR, applicable dans les établissements à gestion mixte, a été étendu aux ateliers concédés des établissements à gestion publique. Le SMR est un instrument utilisé par l’administration pour contrôler les rémunérations pratiquées par les groupements privés. Il ne s’agit cependant pas d’un droit du détenu travailleur et il n’y a pas de rémunération minimale garantie. La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate que, pour l’année 2006, le SMR représente 44,7 pour cent du SMIC. Relevant que, d’après le rapport d’information du Sénat de 2002 cité ci-dessus, les salaires moyens attribués aux détenus lorsqu’ils exercent des activités de production au profit d’entités privées (concessions et établissements à gestion mixte) sont inférieurs à ceux pratiqués par la RIEP, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les salaires moyens attribués aux détenus exerçant des activités de production (pour la RIEP et pour des entités privées). Prière également d’indiquer s’il est envisagé de conférer au SMR une valeur contraignante.

Contrat de travail

La commission relève qu’aux termes des articles 717, paragraphe 3, et D103, paragraphe 2, du Code de procédure pénale les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Dans ses précédents commentaires, la commission avait espéré, compte tenu des informations positives communiquées par le gouvernement, que des mesures seraient prises en vue de proposer aux détenus travaillant pour une entreprise privée un contrat de travail avec l’organisme employeur, qu’il s’agisse de l’entreprise pour laquelle le travail est effectué ou d’un organisme relevant de l’administration pénitentiaire. Le gouvernement indique dans son rapport de 2004 que le Plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2) s’est fixé trois objectifs dont celui de rapprocher le travail pénitentiaire du droit commun. L’administration pénitentiaire s’engage dans une dynamique visant à rapprocher le plus possible les conditions d’exercice du travail pénitentiaire des conditions existantes à l’extérieur. Une circulaire a enjoint aux établissements l’utilisation du support d’engagement professionnel: ce document permet de clarifier et de formaliser les règles de participation des détenus aux activités de travail en production et au service général. Il précise les points concernant l’embauche effective, la durée, la rémunération, la période d’essai, les conditions de suspension et de rupture, les exigences en matière d’assiduité, etc. Le gouvernement ajoute que le support d’engagement professionnel est un élément essentiel dans le cadre d’une démarche visant la réinsertion des détenus en ce qu’il constitue une préparation à l’exercice d’une activité de travail et leur confère une protection et des droits en contrepartie d’un engagement professionnel.

La commission relève par ailleurs que le rapport d’information du Sénat, ci-dessus mentionné, souligne la nécessité d’introduire le droit et le contrat dans la relation de travail en prison. Il pose le principe du contrat de travail, tout en reconnaissant que l’exercice du travail en détention présente des particularités qui nécessitent des ajustements par rapport aux règles générales du contrat de travail. Le rapport préconise de proposer aux employeurs une option entre, d’une part, un contrat de travail de droit commun, signé directement entre l’employeur et le détenu, avec certains ajustements et, d’autre part, un contrat de travail pénitentiaire sui generis de droit public, signé entre l’administration pénitentiaire et le détenu, la mise à disposition du détenu auprès de l’employeur final se faisant par le biais d’un contrat de concession se rapprochant d’un contrat de travail. En outre, la commission a pris connaissance de l’avis adopté par le Conseil économique et social en février 2006 sur «les conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France» et du rapport de la Cour des comptes «Garde et réinsertion – la gestion des prisons», publié en 2006. Ces deux autorités soulignent la nécessité de fixer un cadre juridique adapté au travail des détenus, précisant leurs droits et obligations ainsi que les règles applicables en matière de rémunération. Selon le rapport de la Cour des comptes «l’absence de contrat de travail entre les personnes incarcérées et les entreprises qui ont recours à elles illustre la situation ambiguë des détenus, à laquelle le développement des “supports d’engagement professionnel”, souhaité par l’administration, n’est qu’une réponse partielle puisque ces derniers sont dépourvus de portée juridique et ne sont pas systématiques». La commission espère que le gouvernement pourra fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Elle le prie de bien vouloir fournir de plus amples informations sur la nature et l’utilisation du support d’engagement professionnel.

2. Exploitation du travail d’autrui. La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’application des dispositions des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal relatifs au délit d’obtention de fourniture de services non rétribués auprès d’une personne vulnérable ou en état de dépendance, et au délit de soumission d’une personne vulnérable ou en état de dépendance à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. La commission note que la loi no 2003‑239 du 18 mars 2003 a élargi les éléments constitutifs de ces infractions. Ainsi, pour caractériser ces infractions, il suffit désormais que la vulnérabilité ou l’état de dépendance soient apparents ou connus de l’auteur du délit. La loi a également précisé que les mineurs ou les personnes victimes de ces faits à leur arrivée sur le territoire national sont considérées comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance, ce qui, selon le gouvernement, permet de simplifier la caractérisation de ces infractions lorsqu’elles sont commises à l’égard d’étrangers. Par ailleurs, les peines applicables à ces délits ont été alourdies. La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations, y compris statistiques, sur l’application pratique des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal, et notamment de communiquer copie des jugements pertinents prononcés dans ce contexte. A ce sujet, la commission note avec intérêt l’interprétation donnée par la Cour de cassation de la notion de dignité humaine.

3. Traite des personnes. La commission relève avec intérêt que la loi no 2003-239 a inséré dans le Code pénal une section sur la traite des êtres humains (art. 225-4-1 à 225-4-8). Ces dispositions définissent la traite des êtres humains et sanctionnent leurs auteurs d’une peine de prison de sept ans et de 150 000 euros d’amende, peine qui peut être aggravée dans un certain nombre de circonstances. Les auteurs de cette infraction encourent également la confiscation de l’ensemble de leurs biens (art. 225-25). La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur l’application pratique de ces nouvelles dispositions du Code pénal, en communiquant copie des décisions de justice prononcées en la matière. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les autres mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes en vue de leur exploitation sexuelle ou de l’exploitation de leur travail. Elle souhaiterait en particulier recevoir des informations sur les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics pour lutter contre ce phénomène et sur les mesures prises pour inciter les victimes à s’adresser aux autorités et assurer leur protection.

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