National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note du rapport du gouvernement.
Commentaires d’organisations de travailleurs. La commission prend note des commentaires des organisations de travailleurs suivantes: Confédération turque des syndicats d’employés du secteur public (TURKIYE-KAMU-SEN), concernant notamment des actes d’ingérence du gouvernement dans les activités des syndicats – interdiction de brochures, d’affiches, de publicité, de calendriers à caractère syndical dans certaines institutions (communication datée du 9 février 2006); Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), concernant des problèmes liés au droit de grève (communication datée du 17 avril 2006); Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), concernant certains aspects négatifs des projets de lois nos 2821 et 2822 (communication datée du 9 juin 2006). La commission prend également note d’une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) concernant des questions déjà abordées et des allégations d’ingérence du gouvernement dans les statuts de syndicats, de violences policières et d’arrestations de syndicalistes lors de manifestations pacifiques (communications datées des 12 juillet 2006 et 10 août 2006). La commission prend note des observations du gouvernement en date du 19 juillet 2006 concernant la communication de TURKIYE-KAMU-SEN, ainsi que de celles du 19 octobre 2006 concernant la communication de la DISK et celles du 17 octobre 2006 concernant la communication de la CISL. Compte tenu de la gravité des allégations relatives aux actes de violence, la commission rappelle que le droit des organisations d’employeurs et de travailleurs prévu par la présente convention ne peut s’exercer que dans un climat exempt de toutes violences, pressions ou menaces de quelque nature que ce soit à l’égard des dirigeants ou membres de ces organisations et qu’il appartient au gouvernement de veiller à ce que ce principe soit respecté. La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles, parce que ces allégations concernent des entreprises privées, la récolte d’informations mettra du temps et que les plaignants peuvent déposer plainte au sujet de discriminations incompatibles avec les droits syndicaux. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la lumière soit faite sur les allégations concernant des actes de violence et elle le prie de fournir ses observations sur tous les commentaires en instance.
La commission prend également note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2303 (voir 342e rapport, juin 2006), concernant notamment les amendements à la loi no 2821 sur les syndicats, et à la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out.
Nouvelles lois. La commission prend note de l’adoption, en 2004, de la nouvelle loi no 5253 sur les associations, en remplacement de la loi no 2908, et aussi d’un nouveau Code pénal. La commission examinera ces textes dès que leur traduction sera disponible.
Projets de lois. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que divers projets de textes tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats d’employés du secteur public (modifiée par la loi no 5198), la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et les lock-out, étaient en préparation. La commission note que le gouvernement indique que les consultations à ce propos avec les partenaires sociaux se poursuivent.
En outre, la commission note avec intérêt que les projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 apporteraient des améliorations quant à l’application de la convention et répondent à certaines des questions soulevées par la commission: 1) la suppression de deux conditions d’éligibilité aux fonctions de dirigeant syndical: la condition de nationalité et la condition de dix ans d’ancienneté dans l’emploi (loi no 2821, art. 14, paragr. 14); 2) l’abrogation de la disposition prévoyant la suspension des mandats des dirigeants syndicaux en cas de candidature à des élections locales ou générales et l’annulation de leur mandat syndical en cas de succès à ces élections (loi no 2821, art. 37, paragr. 3); 3) l’abrogation de la disposition prévoyant que le Gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat (loi no 2821, art. 14, paragr. 1); 4) la suppression des activités suivantes de la liste des activités dans lesquelles la grève est interdite: production de charbon pour les centrales thermiques; notaires; transports maritimes et terrestres, y compris chemin de fer et autres transports par rail (loi no 2822, art. 29); transports publics urbains par voie terrestre, maritime ou ferroviaire; production de lignite pour l’alimentation des centrales thermiques; exploration, production, raffinage et distribution du pétrole; pétrochimie basée sur le naphta ou le gaz naturel; 5) l’abrogation de l’interdiction des syndicats dans les stations de télévision et de radio, qui résulte de la loi no 3984; 6) l’exclusion des syndicats du champ d’application de l’article 43 de la loi no 2908 sur les associations, qui prévoit que les associations ne sont autorisées à inviter un étranger en Turquie ou à envoyer un de leurs membres à l’étranger que sous réserve d’une notification en bonne et due forme au Gouverneur.
Toutefois, un certain nombre de préoccupations demeurent; il s’agit des suivantes:
Article 2 de la convention. 1. L’exclusion d’un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (art. 3(a) et 15 de la loi no 4688). La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que les critiques concernant les articles 3(a) et 15 seront prises en considération lors de la révision de la loi no 4688 et que le Conseil consultatif tripartite a convenu à l’unanimité, à sa réunion du 19 mai 2005, de la nécessité de modifier cette loi de manière à autoriser les fonctionnaires à adhérer à un syndicat ou à en constituer un pendant leur période probatoire. La commission note en outre que, dans sa réponse à l’un des commentaires de TURKIYE-KAMU-SEN, le gouvernement indique que tous les fonctionnaires, à l’exception des salariés ayant le statut de «travailleur», sont couverts par la loi no 4688, comme disposé à l’article 2 de cet instrument (les «travailleurs» employés dans le secteur public ont les mêmes droits que ceux du secteur privé puisqu’ils sont couverts par les lois nos 2821 et 2822); toutefois, l’article 15 de la loi no 4688 reconnaît le droit de se syndiquer aux fonctionnaires qui ne sont pas employés par les administrations de la justice, de la sécurité ou de la «supervision centrale» et dont les attributions ne concernent pas non plus l’administration de l’Etat. La commission rappelle que, en vertu de l’article 3(a) de la loi susmentionnée, la définition de l’«employé du secteur public» ne se réfère qu’à une personne employée de manière permanente et ayant accompli sa période probatoire. A l’égard des fonctionnaires, la commission rappelle que, selon l’article 6 de la loi no 4688, un fonctionnaire doit avoir été employé pendant deux ans avant de devenir un membre fondateur d’un syndicat. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le Conseil consultatif tripartite a décidé à l’unanimité le besoin d’amender la loi no 4688 afin de permettre aux fonctionnaires de joindre ou former un syndicat pendant la période probatoire. L’article 15 énumère diverses catégories d’employés du secteur public pour lesquelles l’adhésion à un syndicat est interdite. La commission souligne que l’article 2 de la convention dispose que les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, et que la seule exception envisagée par la convention concerne les membres des forces armées et de la police. Il s’ensuit en particulier que le droit des employés du secteur public de se syndiquer ne saurait dépendre de la durée de leur contrat d’emploi. S’agissant des employés du secteur public occupant un «poste de confiance», la commission rappelle à nouveau qu’il n’est pas compatible avec la convention d’exclure totalement ces fonctionnaires du droit de se syndiquer. Néanmoins, interdire à ces fonctionnaires d’adhérer à des syndicats représentant d’autres travailleurs n’est pas nécessairement incompatible avec la convention, dans la mesure où deux conditions sont satisfaites: premièrement, que les fonctionnaires en question aient le droit de constituer des organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts propres et, deuxièmement, que la catégorie d’employés considérée ne soit pas définie si largement que cela entraîne un affaiblissement des organisations des autres employés du secteur public, qui se trouveraient de ce fait privées d’une part substantielle de leur audience potentielle. La commission prie le gouvernement d’assurer que la réforme législative en cours prend en compte les préoccupations mentionnées, afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, aient le droit de former et de se joindre à l’organisation de leur choix et prie le gouvernement de la tenir informée des développements à cet égard.
2. Les critères suivant lesquels le ministre du Travail détermine à quelle branche d’activité appartient un lieu de travail (les syndicats doivent être constitués sur la base de la branche d’activité) et les conséquences de cette détermination par rapport au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et à celui de s’affilier à de telles organisations (art. 3 et 4 de la loi no 2821). Dans son rapport, le gouvernement indique que le classement d’un travail dans une branche d’activité se fonde sur des normes internationales et tient compte des avis des confédérations d’employeurs et de travailleurs. Les parties concernées par une telle décision du ministre du Travail peuvent l’attaquer au tribunal du travail local, et il peut être fait recours de la décision du tribunal local devant la Cour de cassation. Le gouvernement indique dans son rapport que le projet de loi sur les syndicats comporte un nombre moins élevé de branches d’activité de manière à rendre la classification plus rationnelle et favoriser l’apparition de syndicats plus puissants. La commission rappelle qu’elle considère que, s’agissant de branches d’activité, la détermination de larges catégories de classification dans le but de clarifier la nature et le champ d’action des syndicats du niveau d’un secteur d’activité n’est pas en soi incompatible avec la convention. Mais elle estime que cette classification et sa modification devraient s’effectuer suivant des critères spécifiques, objectifs et déterminés d’avance, se basant notamment sur la nature des fonctions déployées par les travailleurs sur le lieu de travail concerné, de manière à éviter toute détermination arbitraire et à garantir ainsi pleinement le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et celui de s’affilier à de telles organisations. La commission prie le gouvernement de préciser les critères sur la base desquels un lieu de travail spécifique est classé comme appartenant à une branche d’activité donnée. La commission prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les membres d’un syndicat pouvant être affectés par la modification de la liste des branches d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2 de la convention.
Article 3. 1. Les dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 sur le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la raison à la base de ces dispositions détaillées des lois nos 4688, 2821 et 2822 est de garantir un fonctionnement démocratique des syndicats et protéger les droits de leurs membres. Il précise néanmoins que les projets de lois nos 2821 et 2822 rendront cette législation moins détaillée. La commission rappelle qu’en la matière des dispositions législatives qui vont au-delà des prescriptions formelles risquent d’entraver la constitution et le développement des organisations et de constituer par le fait une interférence contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la convention (étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 110 et 111). Il est admissible que la législation prescrive aux syndicats de se doter de dispositions pour régler divers aspects, mais elle ne doit aucunement dicter le contenu de ces dispositions. Les indications de détail peuvent toujours faire l’objet d’orientations annexées aux lois, que les syndicats resteraient libres de suivre. La commission veut croire que cette question sera prise en considération dans le projet de législation et prie le gouvernement de la tenir informée à cet égard.
2. L’annulation du mandat des membres de l’instance exécutive d’un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation qui devraient être laissées à la libre détermination des organisations (art. 10 de la loi no 4688). La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’annulation du mandat d’un membre d’une instance exécutive d’un syndicat ne peut être prononcée que par décision d’un organe judiciaire. La commission estime que les organisations de travailleurs doivent pouvoir organiser leur gestion et leurs activités loin de toute intervention des autorités publiques invoquant des raisons incompatibles avec l’article 3 de la convention. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’amender l’article 10 de la loi no 4688 afin de permettre aux organisations de travailleurs de déterminer librement si un dirigeant syndical peut continuer ses fonctions pendant sa candidature ou élection à des élections locales ou générales.
3. Le droit de grève dans la fonction publique (art. 35 de la loi no 4688). La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne précise pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer dans la fonction publique. La commission note que le gouvernement indique qu’un amendement constitutionnel est nécessaire pour procéder à une révision des restrictions concernant le droit de grève dans la fonction publique. La commission souligne que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique ne devraient concerner que les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui assurent le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme (étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158 et 159). Lorsque le droit de grève est interdit ou limité suivant des modalités compatibles avec la convention, des garanties compensatoires, consistant par exemple en procédures de conciliation et de médiation ou, en cas d’impasse, en un arbitrage présentant des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité, doivent être assurées aux fonctionnaires concernés (étude d’ensemble, op. cit., paragr. 164). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le respect des principes mentionnés ci-dessus.
4. Le droit de grève dans le cadre de la loi no 2822. La commission rappelle que ses commentaires ont porté à plusieurs reprises sur certaines dispositions de la loi no 2822 relatives au droit de grève qui sont incompatibles avec la convention: l’article 25, qui interdit les grèves à fins politiques, les grèves générales et les grèves de solidarité (l’article 54 de la Constitution interdit en outre l’occupation des lieux de travail, les grèves perlées et les autres formes d’obstruction); l’article 48, qui restreint fortement la pratique des piquets de grève; les articles 29 et 30, qui interdisent la grève dans de nombreux services ne pouvant être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme, et l’article 32, qui rend obligatoire l’arbitrage à la demande de l’une des parties dans les services où la grève est interdite; les articles 27 (renvoyant à l’article 23) et 35, qui imposent un préavis de grève d’une longueur excessive. La commission note à cet égard que, selon le gouvernement, ce délai d’attente imposé entre le début des négociations et le moment où la grève peut commencer se trouve considérablement raccourci dans le projet de loi modifiant la loi no 2822, puisqu’il sera désormais de trente jours au maximum, et de quarante-cinq si les parties recourent à la médiation; les articles 70-73, 77 et 79, qui prévoient de lourdes sanctions, y compris l’emprisonnement, en cas de participation à des «grèves illégales» dont l’interdiction se trouve justement contraire aux principes de la liberté syndicale. La commission note à ce propos que le gouvernement indique que certaines des restrictions du droit de grève telles que celles prévues à l’article 25 nécessitent un amendement de la Constitution. Cependant, plusieurs restrictions devraient disparaître avec l’amendement de la loi no 2822. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès accompli quant à l’adoption du projet de loi modifiant la loi no 2822.
La commission prie le gouvernement de veiller à ce que tous les problèmes soulevés soient abordés dans le texte final des projets de lois et que la législation future soit pleinement conforme à la convention. En outre, elle le prie à nouveau de communiquer copie du nouveau projet de modification de la loi no 4688. La commission rappelle à nouveau qu’il est loisible au gouvernement de faire appel à l’assistance technique du BIT à cet égard.
Autres questions. 1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de donner des informations sur les mesures prises afin que l’article 312 du Code pénal, qui prévoit des peines d’emprisonnement en cas d’«incitation à la haine», ne soit pas applicable à l’égard de syndicalistes exerçant des activités syndicales légitimes. Dans son rapport, le gouvernement indique que l’article 312 a été remplacé par les articles 215, 216 et 218 et que ces articles (aussi bien les anciens que les nouveaux) visent toute personne, sans considération de son statut ou de sa fonction syndicale, qui se rendrait coupable d’éloge d’un crime commis ou de criminels, d’incitation à la haine ou à l’hostilité d’un groupe à l’égard d’un autre, ou encore d’injure à une partie de la population. Ces délits n’ont pas de rapport avec des activités syndicales légitimes et ne visent pas des syndicalistes qui exercent légitimement le droit de mener leurs activités syndicales.
2. Concernant les poursuites engagées contre la DISK en raison de l’élection de ses représentants, la commission note que le gouvernement ne donne pas d’information concrète. Dans ces circonstances, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces poursuites soient abandonnées.
En outre, la commission prend note de la communication de la Confédération des syndicats d’employés des services publics (KESK) en date du 2 septembre 2006 relative à l’application de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations concernant cette communication de la KESK.
La commission soulève par ailleurs un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.