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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Myanmar (Ratification: 1955)

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La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement des informations orales et écrites fournies par le représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en juin 2005, ainsi que de la discussion qui a eu lieu au sein de cette commission et du paragraphe spécial qui en a résulté dans le rapport de la Commission de la Conférence au sujet du défaut continu d’application de la convention. La commission prend note également des conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2268 (333e rapport, paragr. 642-770 et 337e rapport, paragr. 1058-1112).

Par ailleurs, la commission prend note des observations datées du 31 août 2005 reçues de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) sur les questions suivantes: législation obscure, système syndical unique, ordonnances et décrets militaires limitant davantage la liberté syndicale, interdiction des syndicats, «les comités de travailleurs» organisés par les autorités, la Fédération indépendante des syndicats indépendants (FTUB) - organisation indépendante de travailleurs forcée de travailler dans la clandestinité et accusée de terrorisme, répression des marins même à l’étranger, détention de syndicalistes et violations spécifiques de droits syndicaux en 2004. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations dans son prochain rapport au sujet des commentaires formulés par la CISL.

A. Violations des libertés civiles fondamentales. 1. Assassinats et tortures de syndicalistes. La commission rappelle que, dans ses commentaires antérieurs, elle avait demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs et les employeurs puissent exercer les droits qui leur sont garantis par la convention dans un climat de sécurité totale exempt de toute menace ou de toute crainte. Elle prend note des conclusions de la Commission de la Conférence selon lesquelles le respect des libertés civiles est essentiel pour l’exercice de la liberté syndicale et que les travailleurs et les employeurs devraient être capables d’exercer leurs droits en matière de liberté syndicale dans un climat de liberté et de sécurité totales, à l’abri de la violence et des menaces.

Par ailleurs, la commission prend note avec regret des conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2268 au sujet du décès de Saw Mya Than, membre de la FTUB et fonctionnaire de la KEWU, ainsi que des commentaires exprimés par les membres travailleurs de la Commission de la Conférence concernant Koe Moe Naung qui, selon l’allégation, a été arrêté le 19 mai à sa résidence à Ranong à la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar par deux hommes non identifiés, amené au régiment 431 d’infanterie légère basé dans le village et torturé à mort au cours de l’interrogatoire; ce dernier était un dirigeant syndicaliste qui s’occupait de l’organisation syndicale des pêcheurs de Burmese et des travailleurs migrants du Myanmar dans la province de Ranong.

La commission déplore vivement ces allégations de violations des libertés civiles fondamentales de syndicalistes et dirigeants syndicaux et rappelle qu’un climat de violence, où surviennent impunément des assassinats et disparitions de dirigeants syndicaux, constitue un grave obstacle à l’exercice des droits syndicaux et que de tels actes exigent de sévères mesures de la part des autorités (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 29). En ce qui concerne plus particulièrement les tortures, sévices et mauvais traitements, la commission souligne que les syndicalistes, comme toute autre personne, doivent bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (voir l’étude d’ensemble, op. cit., paragr. 30). La commission demande en conséquence au gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures adoptées et les instructions établies sans délai de manière à assurer le respect des libertés civiles fondamentales des syndicalistes et des dirigeants syndicaux.

2. Arrestations, condamnations et emprisonnement pour activités syndicales notamment des contacts avec des organisations à l’étranger. La commission rappelle que, dans ses commentaires antérieurs, elle avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que nul ne puisse être sanctionné pour avoir été en contact avec un syndicat ou une association de travailleurs, tout en notant que les jugements de la Cour suprême, faisant référence à des contacts avec des organisations illicites à l’étranger, étaient ambigus à ce propos. La commission note à ce sujet, d’après le rapport du gouvernement, que les trois organisateurs de la FTUB, Nai Min Kyi, Aye Myint et Shwe Mahn (et non Nai Yetka comme indiqué dans le précédent rapport de la commission) qui avaient été précédemment condamnés à de lourdes peines de prison pour activités liées au BIT, ont été finalement libérés après que leurs jugements eurent été commués en peines plus légères. Shwe Mahn a été libéré le 29 avril 2005 alors que Nai Min Kyi et Aye Myint ont été graciés et libérés en janvier 2005. Par ailleurs, la Cour suprême a indiqué au cours de la procédure d’appel que «la communication et la coopération avec le BIT ne constituent pas une infraction aux termes de la législation en vigueur du Myanmar». La commission prend note de ces informations.

La commission prend note avec regret, cependant, des conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2268 concernant la condamnation du secrétaire général de la FTUB pour haute trahison, la condamnation et l’emprisonnement de Myo Aung Thant sur la base, selon l’allégation, d’une confession obtenue sous la torture, ainsi que la condamnation et l’emprisonnement de Khin Kyaw, membre du syndicat des marins de Birmanie; selon l’allégation, les deux derniers n’ont pas bénéficié d’un procès équitable avec accès aux services d’un avocat de leur choix.

La commission prend note également avec un profond regret du texte du jugement daté du 9 avril 2004, rendu par le tribunal du Township Ma-ha-aung-mye, lequel a condamné 10 travailleurs (U Hla Soe, U Than Win, U Win Kyi, Daw Hnin Pa Pa (aka) Myint Myint Tun, Myint Oo (aka) Ni Ni, Aung Aung Naing (aka) Ba Gyi Aung, Htay Lwin Oo, Aung Naing Thu (aka) Po Htaung, Ye Tun Min, Zaw Min Naing, U Tin Oo] à sept ans d’emprisonnement conformément à l’article 5(j) de la loi de 1950 sur les dispositions en matière d’urgence pour avoir accompli «des activités en vue de la constitution d’un syndicat au Myanmar». La commission note, d’après le libellé du jugement du tribunal que les accusations portent notamment sur le fait d’avoir pris contact avec les forces d’opposition à Maesod, Thaïlande, reçu un appui financier de la part de groupes exilés, reçu une formation syndicale de la part des organisations susmentionnées, diffusé des informations de l’intérieur du pays vers les forces d’opposition exilées et de s’être réunis pour constituer un syndicat. Le tribunal conclut qu’en prenant part à de telles activités interdites «les accusés avaient l’intention de détruire la stabilité et la sécurité de l’Union en vue de ruiner la moralité publique et d’inciter à un comportement aberrant».

La commission déplore très vivement la condamnation de syndicalistes à l’emprisonnement pour l’exercice de ce qui semble être des activités syndicales régulières telles que la constitution d’organisations de travailleurs, la communication avec des organisations internationales de leur choix et l’acceptation d’une assistance financière et d’une formation de la part de celles-ci. Elle souligne à nouveau que le respect des libertés civiles est essentiel pour l’exercice de la liberté syndicale et que les travailleurs et les employeurs devraient être capables d’exercer leurs droits en matière de liberté syndicale dans un climat de liberté et de sécurité totales, à l’abri de la violence et des menaces. Les autorités ne devraient pas utiliser les activités syndicales légitimes comme prétexte aux arrestations et détentions arbitraires. La commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour libérer immédiatement tous ceux qui ont été emprisonnés pour exercice d’activités syndicales et pour garantir qu’aucun travailleur n’est sanctionné pour avoir exercé de telles activités, en particulier pour avoir eu des contacts avec des organisations de travailleurs de son choix. La commission veut croire que le gouvernement sera en mesure d’indiquer dans son prochain rapport le progrès réalisé à cet égard.

B. Articles 2, 3, 5 et 6 de la convention. Cadre législatif. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté l’absence totale de progrès par rapport à l’établissement d’un cadre législatif permettant la constitution d’organisations de travailleurs libres et indépendantes, et ce en dépit des commentaires qu’elle formule sur cette question depuis la ratification de la convention il y a cinquante ans. La commission avait prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires de manière à adopter un cadre législatif permettant la constitution d’organisations de travailleurs libres et indépendantes et pour que les ordonnances nos 6/88 et 2/88 ainsi que la loi de 1908 sur les associations illégales ne s’appliquent pas à l’exercice du droit syndical. La commission rappelle que 1) l’ordonnance no 6/88 du 30 septembre 1988 dispose que «les organisations qui souhaitent se constituer doivent en demander l’autorisation au ministère de l’Intérieur et des Affaires religieuses» (art. 3(a)) et prévoit qu’est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de trois ans quiconque est reconnu coupable d’être membre d’une des nombreuses organisations qui n’ont pas été autorisées ou d’aider, encourager ou utiliser ces organisations (art. 7); 2) l’ordonnance no 2/88 interdit les rassemblements ou manifestations de cinq personnes ou plus, que ce soit dans le but de troubler l’ordre public ou de commettre un délit; et 3) la loi de 1908 sur les associations illicites qui prévoit des peines d’emprisonnement de deux à trois ans et une amende à l’encontre de quiconque est membre d’une association illicite, prend part à des réunions de ce type d’association, contribue à ses objectifs, bénéficie de son aide ou la sollicite ou, de quelque façon que ce soit, participe à ses activités (art. 17.1).

La commission note, d’après les informations fournies dans le rapport du gouvernement et par le représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en juin 2005, que les organisations de travailleurs concernées qui avaient été supprimées depuis 1988, pourraient être rétablies une fois que le Myanmar aura sa nouvelle Constitution. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement du Myanmar a adopté un plan de route en sept étapes, dont la première consiste à reconvoquer la Convention nationale. Ce processus qui a débuté en 1993 et a été interrompu en 1996 était destiné à établir les principes de base en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution. Au cours de ses sessions qui se sont tenues entre 1993 et 1996, la Convention nationale a adopté les principes de base. La session de la Convention nationale qui a débuté le 20 mai 2004 a organisé des discussions au sujet des principes de base pour le secteur social, et notamment les droits des travailleurs et les droits de prévoyance sociale. Les discussions ont également porté sur le principe de base de la constitution des organisations de travailleurs. Au cours du processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution d’Etat, ces principes de base devraient fournir un cadre pour l’élaboration de dispositions légales détaillées. Au total, 104 principes de base ont été adoptés par consensus, et il était indiqué que «l’Etat promulguera les lois nécessaires destinées à protéger les droits des travailleurs». Le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’une nouvelle législation verra le jour avec la nouvelle Constitution.

La commission souligne que le processus du plan de route en sept étapes, en vue de l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui devrait finalement ouvrir la voie à la formation d’organisations de travailleurs appropriées, a commencé en 1993 et se trouve toujours dans sa phase initiale. La commission constate que les documents annexés au rapport du gouvernement comportent une liste des sujets qui devraient à l’avenir être traités par la législation, et notamment des sujets aussi généraux que «les différends du travail» et les «organisations du travail» sans aucune autre proposition quant au contenu des «principes de base détaillés» relatifs à ces questions. Par ailleurs, aucun texte législatif n’a été annexé au rapport et il n’existe aucune indication quant aux mesures destinées à abroger les ordonnances nos 2/88 et 6/88 ainsi que la loi sur les associations illicites, comme demandé précédemment par la commission.

La commission note avec un profond regret que les informations fournies par le gouvernement continuent à montrer une absence totale de progrès par rapport à l’établissement d’un cadre législatif en vertu duquel des organisations de travailleurs libres et indépendantes peuvent se constituer ainsi que l’absence totale de tout dialogue réel à ce propos. Notant qu’il est urgent que des mesures soient prises pour modifier la législation et la Constitution avec la participation totale et réelle de tous les secteurs de la société, quelles que soient leurs opinions politiques, la commission, tout comme la Commission de la Conférence, demande à nouveau instamment au gouvernement de communiquer tout projet de loi pertinent et de fournir un rapport détaillé sur les mesures concrètes prises pour promulguer une législation garantissant à tous les travailleurs et employeurs le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations, ainsi que les droits de ces organisations d’exercer leurs activités et de formuler leurs programmes d’action et de s’affilier aux fédérations, confédérations et organisations internationales de leur choix sans ingérence de la part des pouvoirs publics. Elle demande aussi instamment au gouvernement, dans les termes les plus fermes, d’abroger les ordonnances nos 2/88 et 6/88 ainsi que la loi sur les associations illicites, de manière qu’elles ne puissent être appliquées de façon à enfreindre les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2006.]

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