National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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1. La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires formulés par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie (TÜRK-IS), la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Turquie (Türkiye KAMU-SEN), et la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK). La commission rappelle aussi la communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), en date du 15 décembre 2003, qui porte sur l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession.
2. Article 1 de la convention. Interdiction de la discrimination. La commission note que l’article 5(1) de la loi du 22 mai 2003 (no 4857) sur le travail interdit la discrimination dans la relation de travail fondée sur la langue, la race, le sexe, l’opinion politique, les convictions philosophiques, la religion, et sur d’autres motifs analogues. Cela étant, il n’est pas fait référence dans cette disposition à l’origine sociale, la couleur et l’ascendance nationale, motifs qui sont énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. L’article 5(3) de la loi en question interdit à l’employeur de prendre, au motif du sexe ou de la grossesse, des mesures discriminatoires à l’encontre d’un travailleur, directement ou indirectement, en ce qui concerne la conclusion, les conditions, l’exécution et la cessation du contrat de travail. La commission note aussi que la violation de l’article 5 constitue une infraction administrative et que les victimes de discrimination peuvent demander une indemnisation au titre de l’article 5(6) de la loi. La commission fait bon accueil à ces dispositions et demande au gouvernement des informations sur l’application dans la pratique des dispositions en matière d’égalité de traitement de la loi sur le travail, y compris sur les mesures prises par l’inspection du travail, sur les décisions judiciaires et administratives et sur toutes sanctions prises pour inobservation de la loi. Afin qu’elle puisse évaluer pleinement les dispositions en matière d’égalité de traitement de la loi sur le travail au regard des exigences de la convention, la commission demande un complément d’information sur un certain nombre de points qui figurent dans une demande directe adressée au gouvernement.
3. Discrimination fondée sur l’opinion politique. La commission rappelle ses observations précédentes qui portaient sur la nécessité d’empêcher que des journalistes, des écrivains ou des éditeurs soient privés de leur emploi ou de leur profession pour avoir exprimé pacifiquement leur opinion politique. A cet égard, elle prend note du rapport du gouvernement et des informations fournies par le gouvernement au Comité des ministres du Conseil de l’Europe (annexe II de la Résolution intérimaire ResDH(2004)38, que le Comité des ministres a adoptée le 2 juin 2004), à savoir que plusieurs modifications avaient été apportées à la législation pour rendre la législation turque conforme aux exigences de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier l’abrogation de l’article 8 de la loi antiterrorisme et les modifications de l’article 7 de la même loi, ainsi que des articles 159 et 312 du Code pénal. La commission compte sur le gouvernement pour qu’il continue de prendre des mesures afin que les journalistes, écrivains et éditeurs ne soient pas restreints dans l’exercice de leur emploi ou de leur profession en raison des opinions politiques qu’ils expriment. Elle lui demande de l’informer de toute mesure législative ou autre prise à cette fin. Le gouvernement est aussi prié de l’informer sur le nombre, la nature et le résultat des cas de condamnation de journalistes, d’écrivains et d’éditeurs, dans le cadre de la loi antiterrorisme ou du Code pénal, et d’indiquer si des peines d’emprisonnement ont été prononcées dans ces cas.
4. Discrimination fondée sur la religion ou le sexe. Rappelant ses commentaires précédents sur les restrictions dont font l’objet les étudiants universitaires qui portent le foulard islamique, la commission prend note des indications du gouvernement, de la DISK, de la TÜRK-IS et de la DISK selon lesquelles ces restrictions sont conformes à la Constitution nationale et à la Convention européenne des droits de l’homme. Ces restrictions étaient nécessaires, la question du foulard islamique étant utilisée par certains partis politiques pour promouvoir des modifications à la Constitution qui, en fin de compte, auraient pour effet d’abolir les garanties établies qui protègent les droits de l’homme. La commission prend note du jugement, du 29 juin 2004, de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Leyla Şahin/Turquie, jugement dont le gouvernement communique copie dans son rapport. Dans cette affaire, la cour a estimé que les réglementations qui prévoient des restrictions au port du foulard islamique à l’université constituaient une ingérence dans l’exercice par l’intéressée du droit de manifester sa religion. Toutefois, la convention européenne n’a pas été enfreinte étant donné que, dans le contexte turc actuel, des restrictions étaient nécessaires dans une société démocratique pour protéger les droits et libertés d’autrui. La commission note que la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un jugement, le 10 novembre 2005, qui confirmait la décision du 29 juin 2004.
5. La commission rappelle que, en principe, lorsque des restrictions ou des exclusions fondées sur une pratique religieuse sont décidées et qu’elles ont pour effet d’empêcher ou de compromettre l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession, il se peut qu’elles entraînent des discriminations telles que définies dans la convention. La commission indique à nouveau que les restrictions au port d’un foulard peuvent avoir pour effet d’empêcher ou de compromettre l’accès à l’université des femmes qui se sentent obligées ou qui manifestent le souhait de porter un foulard en raison de leurs obligations ou de leur conviction religieuse. La commission compte sur le gouvernement pour qu’il continue de suivre l’évolution de la situation afin de déterminer si cette restriction d’ordre général reste nécessaire, et de veiller à ce que le droit d’égalité d’accès à l’éducation et à la formation, à l’université, en faveur des femmes qui se sentent obligées de porter un foulard en raison de leur conviction religieuse, ou qui le souhaitent, n’est pas restreint dans des conditions contraires à la convention. La commission reste préoccupée par les restrictions actuelles qui, dans la pratique, peuvent empêcher des femmes de fréquenter l’université et la formation. Afin qu’elle puisse mieux comprendre la situation, la commission demande au gouvernement d’évaluer dans son prochain rapport l’impact qu’a l’interdiction actuelle, pour les étudiants universitaires, de porter des vêtements qui mettent en évidence leur religion, sur la participation des femmes à l’enseignement supérieur, et d’indiquer le nombre d’étudiantes qui ont été exclues d’universités au motif qu’elles portaient un foulard dans les locaux de l’université.
6. Article 2. Egalité de chances et de traitement entre hommes et femmes. La commission note avec intérêt que l’article 10 de la Constitution a été modifié et prévoit maintenant que l’Etat doit garantir l’égalité effective des hommes et des femmes. La commission note également que, à la suite de l’adoption du nouveau Code civil qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, d’importants progrès ont été accomplis dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. La commission estime que le nouveau Code civil pourra contribuer à faire avancer l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession. Dans le même temps, la commission prend note avec préoccupation des informations statistiques qui indiquent que la participation des femmes au marché du travail reste très faible. Selon des statistiques que le BIT a réunies sur la population active, le taux d’activité des femmes est passé de 26,9 pour cent en 2002 à 25,4 pour cent en 2004. Le taux d’activité des hommes s’est accru pour passer de 70,5 pour cent à 73,3 pour cent pendant la même période. La commission note aussi, à la lecture des données fournies par le gouvernement, que les femmes ayant étudié à l’université sont sous-représentées aux postes exécutifs et de direction par rapport aux hommes qui ont le même bagage; 58 pour cent des femmes économiquement actives étaient employées dans le secteur agricole en 2003, et 80 pour cent d’entre elles travaillaient pour leur famille sans être rémunérées. La commission note aussi que, s’il est vrai que des progrès ont été accomplis dans le sens d’un taux de participation égal des garçons et des filles à l’éducation, les filles continuent d’être particulièrement touchées par l’analphabétisme, et qu’elles sont moins nombreuses que les garçons à presque tous les niveaux d’enseignement, en particulier l’enseignement supérieur. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes dans l’éducation et l’emploi, et à continuer de fournir des informations sur les progrès réalisés. Le gouvernement est également prié de fournir des informations sur les mesures concrètes qui ont été prises pour garantir l’égalité effective entre les hommes et les femmes dans l’emploi, conformément à l’article 10 de la Constitution.
7. Egalité de chances et de traitement, quelles que soient la race, la couleur, l’ascendance nationale et l’origine sociale. Dans son observation précédente, la commission avait demandé au gouvernement des informations sur les mesures prises ou envisagées pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession, de tous les groupes de la population, quelles que soient la race, la couleur, l’ascendance nationale ou l’origine sociale. La commission note que l’article 5 de la nouvelle loi sur le travail interdit la discrimination fondée sur la langue et la race. La commission recommande au gouvernement d’inclure, dans l’article 5 de la loi sur le travail, les motifs interdits de discrimination qui suivent: la couleur, l’ascendance nationale et l’origine sociale. De plus, elle demande au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir et promouvoir l’égalité d’accès à l’emploi et à la profession dans la pratique, qu’elle soit d’origine ethnique ou sociale.
8. Article 3 d). Enquêtes de sécurité. La commission rappelle que, en vertu de la réglementation du 14 février 2004 sur les enquêtes de sécurité et la consultation des archives, le personnel que l’on envisage d’employer dans des entités et des institutions publiques qui détiennent des informations ou des documents classés secrets fait l’objet d’enquêtes de sécurité. La commission note, à la lecture du rapport du gouvernement, que des enquêtes de sécurité doivent être réalisées sur les personnes susceptibles d’être occupées dans tout un ensemble d’institutions publiques chargées de questions qui n’ont pas trait à la sécurité de l’Etat - entre autres, recherche, éducation, questions sociales et du travail, médias, culture, histoire, météorologie, statistiques et commerce. La commission rappelle aussi que les enquêtes de sécurité comportent non seulement la vérification des éventuelles condamnations pénales des candidats mais aussi la demande de renseignements aux services de police et de renseignement. La commission reste préoccupée par le fait que ce type d’enquête sur la sécurité peut conduire à des exclusions de l’emploi, qui vont à l’encontre des exigences de la convention, par exemple au motif d’avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques. La commission insiste de nouveau sur la nécessité de veiller à ce que les mesures prises par les autorités qui sont autorisées à demander et à réaliser des enquêtes de sécurité soient, dans la pratique, conformes aux exigences de la convention. Elle demande au gouvernement d’évaluer la mesure dans laquelle des enquêtes de sécurité se sont traduites par des exclusions de l’emploi public, et d’indiquer les motifs de ces exclusions. Enfin, la commission encourage le gouvernement à examiner la possibilité, dans le cadre des réformes en cours en Turquie, de restreindre davantage la portée des enquêtes de sécurité. Elle invite le gouvernement à indiquer les mesures prises à cet égard.
La commission soulève d’autres points ainsi que des points apparentés dans une demande adressée directement au gouvernement.