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Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Türkiye (Ratification: 1998)

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La commission a pris note de la réponse du gouvernement à sa demande directe précédente, ainsi que des observations communiquées par la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK), annexées à ce rapport.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 a), de la convention. 1. Utilisation des conscrits à des fins non militaires. Dans sa précédente demande directe, la commission s’était référée aux observations qu’elle avait formulées à propos de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, également ratifiée par la Turquie, dans laquelle elle prenait note de certaines dispositions prévoyant que les conscrits dont l’effectif excède les besoins de l’armée peuvent être tenus de travailler dans des entreprises publiques sans leur consentement, en lieu et place du service militaire et sous le régime de la discipline militaire. La commission note la réponse que le gouvernement a donnée dans ses rapports de 2003 sur l’application de la convention no 29 et de la convention no 105, et se réfère aux observations qu’elle formule à propos de la convention no 105.

2. La commission demande à nouveau au gouvernement d’indiquer toutes dispositions applicables aux officiers et autres personnels militaires de carrière, en ce qui concerne leur droit de quitter le service en temps de paix, à leur demande et à des périodes déterminées, soit à des intervalles raisonnables, soit moyennant un préavis d’une durée raisonnable.

Article 2, paragraphe 2 b). La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays et constituant une obligation civique. Elle demandait donc des éclaircissements au sujet de cette disposition. En l’absence d’une réponse du gouvernement, la commission le prie une nouvelle fois d’indiquer en quoi consiste ce «travail physique ou intellectuel» qui peut être imposé comme «une obligation civique» et de fournir copie des dispositions correspondantes.

Article 2, paragraphe 2 c). 1. Travail des prisonniers détenus sans condamnation. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne comprend pas tout travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle a également noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi sur l’application des peines (no 647 du 13 juillet 1965) et de l’article 198 du règlement no 6/8517 tel que modifié, relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, adopté le 5 juillet 1967 par décision du Conseil des ministres, le travail carcéral est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission a rappelé que le travail carcéral obligatoire est exclu du champ d’application de la convention seulement si ce travail est exigé comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire.

La commission prend note avec intérêt de l’indication que le gouvernement a fournie dans son rapport selon laquelle un projet de loi sur l’exécution des peines a étéélaboré par une commission créée au sein du ministère de la Justice dans le but de rendre les dispositions précitées conformes à la convention, et que cette commission nouvellement créée a tenu compte des commentaires de la commission. Elle espère donc que le projet de loi ci-dessus sera adopté prochainement et que la législation sera modifiée, de façon à s’assurer que les prisonniers attendant de passer en jugement ou détenus sans jugement (tels que les détenus provisoires ou les personnes placées sous mandat de dépôt par une décision de justice, dont il est question à l’article 198) ne sont pas obligés de travailler, ceci afin de mettre la législation en conformité avec la convention sur ce point. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès accomplis dans ce sens.

2. Travail des prisonniers pour des employeurs privés. La commission a noté précédemment qu’en vertu de l’article 17 de la loi susmentionnée sur l’application des peines et des articles 198 et 200 du règlement no 6/8517 susmentionné, certaines catégories de condamnés (par exemple ceux qui sont détenus dans des établissements carcéraux à sécurité minimale et moyenne ou dans des pénitenciers de haute sécurité qui n’ont plus que deux ans à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employées dans les secteurs public et privé. La commission a rappelé qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

La commission prend note de l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle le projet de loi sur l’exécution des peines susmentionné contient des dispositions qui réglementent l’emploi des détenus, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison. Elle espère que ces dispositions seront rédigées de façon à garantir que tout travail ou service accompli par des prisonniers pour le compte de personnes privées soit exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre; de telles mesures devraient inclure le consentement formel de l’intéressé, ainsi que -étant donné l’absence d’autres possibilités d’accès au marché du travail libre - des garanties complémentaires couvrant les éléments essentiels d’une relation de travail libre, en matière de salaire et de sécurité sociale. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les progrès accomplis à cet égard et de transmettre copie de la nouvelle loi sur l’exécution des peines dès qu’elle aura été adoptée.

Article 2, paragraphe 2 d)Pouvoir d’imposer du travail dans des cas de force majeure. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’inclut pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crise économique grave. Elle a notéégalement qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave. La commission a rappelé que la notion de force majeure - comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention - implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion de «crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas répondre à ces critères.

La commission prend note de l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport selon laquelle, en dépit du fait que le pays a traversé plusieurs crises économiques graves, aucun gouvernement turc n’a eu recours à la déclaration d’état d’urgence pour force majeure et que personne n’a été soumis à un travail obligatoire ou forcé pendant l’une de ces crises.

Notant cette indication, la commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence au strict minimum autorisé par la convention, de sorte que le recours à la réquisition de main-d’œuvre obligatoire en cas de force majeure ne se transforme pas en mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Elle espère aussi que la législation sera mise en conformité avec les conventions relatives au travail forcé et avec la pratique décrite. La commission demande au gouvernement de donner dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet effet.

Article 2, paragraphe 2 e)Menus travaux de village. La commission a pris note précédemment des dispositions de la loi no 442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles les affaires villageoises se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). Se référant au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, la commission a rappelé que l’exception des «menus travaux de village», permise à l’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). La commission a constaté que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou à des villages avoisinants, ou la construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblent pas satisfaire les critères de «menus travaux» ou «travaux de village». En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

La commission prend note des explications du gouvernement concernant les mesures prises pour répondre aux exigences et aux besoins des villageois au cours de l’exécution des travaux imposés. Elle prend note également des indications fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles des études sont encore en cours afin de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions de l’OIT et, conformément aux dispositions du plan d’action d’urgence lancé par le gouvernement en janvier 2003, les travaux nécessaires sont en cours essentiellement dans les domaines de la démocratisation et de la réforme de la législation, ainsi que dans celui des droits et libertés fondamentaux.

La commission note avec intérêt ces informations et réitère son espoir que les mesures nécessaires seront prises en vue de modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises, afin d’assurer leur conformité avec la convention. Elle espère également que le gouvernement pourra prochainement rendre compte des mesures prises dans ce sens.

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