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Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cuba (Ratification: 1952)

Autre commentaire sur C087

Réponses reçues aux questions soulevées dans une demande directe qui ne donnent pas lieu à d’autres commentaires
  1. 2019

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La commission prend note du rapport du gouvernement, des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Confédération mondiale du travail (CMT) et du débat ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes. Elle prend également note du rapport du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 2258, rapport adoptéà sa session de novembre 2003.

I. Monopole syndical

Articles 2, 5 et 6 de la convention. S’agissant de la nécessité de supprimer du Code du travail de 1985 la référence à la Centrale des travailleurs (art. 15 et 16), la commission souligne une fois de plus que le pluralisme doit rester possible dans tous les cas et que la loi ne doit pas institutionnaliser un monopole de fait; même dans le cas où une unification du mouvement syndical a eu, à un moment donné, les préférences de tous les travailleurs, ceux-ci doivent toujours pouvoir conserver le libre choix de créer, s’ils le souhaitent, des syndicats en dehors de la structure établie (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 96).

La commission prend note, de même, des commentaires de la CISL relatifs à l’affiliation obligatoire de tous les travailleurs aussi bien à la Confédération des travailleurs cubains (CTC) qu’au Parti communiste. Elle note également que le gouvernement nie catégoriquement qu’il existe dans la législation une obligation de s’affilier à la CTC et souligne que les travailleurs le font volontairement. La commission rappelle que, conformément à la résolution de 1952 concernant l’indépendance du mouvement syndical, l’objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs et que, à ces fins, il est indispensable de préserver, dans chaque pays, la liberté et l’indépendance du mouvement syndical; les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu’ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques ni, non plus, essayer de s’immiscer dans les fonctions normales d’un syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique. La commission prie le gouvernement de garantir la liberté d’affiliation des travailleurs, conformément au principe énoncé ci-avant.

Article 3 de la convention. S’agissant de la nécessité de modifier le décret-loi no 67 de 1983, qui confère à la Centrale des travailleurs le monopole de la représentation des travailleurs du pays devant les instances gouvernementales, la commission prend note une fois de plus de l’observation du gouvernement selon laquelle ledit décret aurait été modifié par effet de la septième disposition du décret-loi no 147 de 1994. Comme elle l’a fait dans une observation antérieure, la commission relève à cet égard que ledit décret: 1) ne fait pas expressément référence à l’article 61 du décret-loi no 67 dans le sens de l’abrogation ou de la modification de cet article; et 2) dispose, sous sa disposition première: «restent en vigueur toutes les dispositions qui ne sont pas contraires au présent décret-loi, ni aux principes d’organisation et de fonctionnement fixé par … les décrets-lois no 67 du 19 avril 1983 …». En conséquence, la commission prie une fois de plus instamment le gouvernement de modifier cette disposition, de manière à garantir la possibilité du pluralisme syndical en envisageant, par exemple, de remplacer la référence à la Centrale des travailleurs par «l’organisation la plus représentative».

La commission note en outre que, selon les informations communiquées par le gouvernement, ces aspects sont actuellement étudiés dans le cadre de la révision du Code du travail, ce dernier instrument devant être soumis à des consultations, à commencer par les assemblées de travailleurs. Ainsi, une fois achevé le processus de collecte et d’analyse des critères préconisés par les travailleurs, le projet sera réajusté et, à ce stade, l’assistance technique du Bureau sera sollicitée, après quoi le projet sera soumis à la ratification du Parlement. La commission constate que ce processus est en cours depuis de nombreuses années. Elle exprime une fois de plus le ferme espoir que ce projet sera approuvé dans un très proche avenir et qu’il tiendra compte du principe du pluralisme syndical. Elle prie le gouvernement de communiquer copie au Bureau dudit projet de révision.

Droit de grève. La commission prend note des commentaires de la CISL selon lesquels le droit de grève n’est pas reconnu dans la législation cubaine et, dans la pratique, le recours à la grève est interdit. La commission prend note également des informations du gouvernement selon lesquelles la législation ne réglemente pas les grèves, non plus qu’elle ne les limite ni ne les interdit, mais il n’est pas nécessaire aux travailleurs de recourir à cette forme d’action parce que les organisations syndicales représentatives sont garanties d’être entendues dans toutes les instances, dans les entreprises et auprès des pouvoirs publics, dès lors que les décisions à prendre concernent des intérêts des travailleurs. La commission rappelle que le droit de grève est l’un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Elle prie le gouvernement de prendre des dispositions afin de garantir que nul ne puisse faire l’objet de discrimination dans le cadre de son emploi à raison de l’exercice pacifique du droit de grève, et de la tenir informée à cet égard.

II. La commission note que la CISL et la CMT, dans leurs commentaires, la Commission de l’application des normes ainsi que le Comité de la liberté syndicale (dans le cas no 2258), abordent trois points: la non-reconnaissance d’organisations syndicales indépendantes, en particulier du Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC); les menaces, arrestations et condamnations à de lourdes peines d’emprisonnement - de dix à vingt-six ans - dont les dirigeants syndicaux du CUTC ont fait l’objet pour des activités syndicales pourtant licites; et enfin la confiscation de biens syndicaux. Parallèlement, la commission prend note des commentaires du gouvernement selon lesquels la CUTC n’est rien de plus qu’un petit groupe de personnes n’ayant jamais mené d’activités syndicales sur quelque lieu de travail que ce soit, qui entretiennent des rapports avec des organisations syndicales internationales, auxquelles elles ont d’ailleurs communiqué des informations fausses. Toujours selon le gouvernement, ces prétendus dirigeants syndicaux n’ont pas été condamnés à raison d’activités syndicales, ils ont été condamnés par les tribunaux nationaux, conformément à la législation en vigueur, pour des délits punis par le Code pénal cubain depuis une date antérieure aux faits reprochés, et ce dans le respect des garanties de procédure prévues par la Constitution. Nonobstant, la commission fait siennes les conclusions adoptées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2258, aux termes desquelles certaines des charges ou certains des antécédents évoqués par le gouvernement sont trop larges ou n’ont pas nécessairement un caractère délictuel et peuvent être assimilés à des activités syndicales légitimes, et elle signale, comme l’a fait le comité, que l’arrestation et la condamnation de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des faits en rapport avec des activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une violation grave des libertés publiques en général et des libertés syndicales en particulier. De plus, la commission rappelle que la liberté d’association professionnelle n’est qu’un aspect de la liberté d’association en général qui, elle-même, doit s’intégrer dans le vaste complexe des libertés fondamentales, libertés interdépendantes et complémentaires les unes des autres. Elle rappelle que, dans une résolution adoptée en 1970, la Conférence a énuméré explicitement les droits fondamentaux nécessaires à l’exercice de la liberté syndicale, notamment: a) le droit à la liberté et à la sûreté de la personne, ainsi qu’à la protection contre les arrestations et les détentions arbitraires; b) la liberté d’opinion et d’expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, recevoir et répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit; c) la liberté de réunion; d) le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial; e) le droit à la protection des biens des syndicats (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 25).

La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit garanti, dans la législation comme en pratique, que les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix, conformément à ce que prévoit la convention, que ces organisations soient dûment reconnues et que les travailleurs qui s’y affilient ne soient pas l’objet de menaces, mesures d’arrestation et autres persécutions mais puissent exercer leurs activités syndicales sans ingérence du gouvernement. La commission insiste fermement pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires afin que les dirigeants syndicaux emprisonnés dont il est question dans les commentaires de la CISL et dans les conclusions du Comité de la liberté syndicale soient libérés sans délai.

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