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Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Inde (Ratification: 1954)

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La commission prend note des réponses détaillées du gouvernement contenues dans le rapport du 18 août 1999 et dans ses annexes ainsi que du rapport daté du 5 novembre 1999 qui répond aux questions soulevées par les communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datées du 23 septembre et du 11 octobre 1999. De plus, la commission prend note des informations dans la communication du gouvernement du 3 décembre 1999.

Les trois importants problèmes de travail forcé auxquels il est fait référence dans les documents ci-dessus concernent le travail en servitude, la situation vulnérable des enfants contraints par de graves difficultés économiques ou autres à travailler dans des industries, des emplois ou de toute autre manière, dans les secteurs formel et informel, et les enfants employés à des fins de prostitution.

Travail en servitude

1. La commission note qu'une des questions controversées en la matière concerne la fiabilité des statistiques sur le nombre de travailleurs en servitude en Inde. Dans la communication d'Anti-Slavery International transmise par la CISL, des critiques ont été émises et ont insisté sur la nécessité d'une enquête approfondie sur le travail en servitude. En recommandant avec insistance une telle action, l'Anti-Slavery International se réfère à la recommandation similaire faite par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à sa soixantième session (Genève, 1997) au paragraphe 29 de son rapport, dans lequel cette commission recommandait qu'une "étude approfondie soit entreprise de manière urgente". Des estimations sur le nombre de travailleurs en servitude en Inde ont varié d'environ 10 millions selon l'Anti-Slavery International à 5 à 10 millions selon les membres employeurs lors de la 86e session de la Conférence internationale du Travail (Genève, 1998) et 280 340 identifiés à la date du 31 mars 1999 selon le gouvernement.

2. Le gouvernement a déclaré que, depuis l'adoption de la loi de 1976 tendant à l'abolition du système du travail en servitude jusqu'en mars 1999, 280 340 travailleurs en servitude ont été recensés par les gouvernements des Etats, 243 375 ont été libérés et réhabilités, 20 000 environ sont morts ou ont émigré vers d'autres régions et 17 000 sont en voie d'être réhabilités. Le gouvernement a également indiqué que, au 31 mars 1999, des mesures avaient été initiées pour libérer et réhabiliter 11 578 travailleurs en servitude sur 24 918 travailleurs en servitude recensés au Tamil Nadu. Le gouvernement se réfère aussi aux études menées par des gouvernements des Etats pendant la période d'octobre à décembre 1996 en exécution des instructions de la Cour suprême et qui ont abouti au recensement de 23 916 travailleurs en servitude. Le gouvernement indique que ses statistiques sont fondées sur des enquêtes détaillées menées par les gouvernements des Etats concernés et qu'il s'agit de chiffres authentiques et réalistes basés sur un travail effectué au niveau de la base.

3. La commission reconnaît que la compilation de données précises peut être difficile. Cela est rendu plus difficile par la structure fédérale du gouvernement et par les difficultés de coordination avec les régions locales. Il y a aussi le problème fréquent de l'absence de visibilité du travail en servitude. Les utilisateurs font des efforts pour déguiser leurs opérations et les victimes sont parfois si effrayées et opprimées qu'elles ne veulent pas en admettre l'existence.

4. Tout en reconnaissant ces difficultés, la commission est préoccupée par la disparité des statistiques au cours des années et invite le gouvernement à entreprendre une enquête approfondie utilisant une méthodologie statistique valable et susceptible d'être ventilée par genre. La commission encourage le gouvernement à recourir aux services d'un organisme indépendant pour l'assister en vue du développement de la méthodologie et de la conduite de l'enquête. La commission note que le gouvernement avait réalisé l'enquête de 1978-79 sous les auspices communs de la Fondation Gandhi pour la paix et de l'Institut national du travail. La commission souligne le fait que des données précises sont une étape indispensable pour le développement des systèmes les plus efficaces pour combattre le travail en servitude ainsi que pour la fourniture d'une base réelle pour l'évaluation de l'efficacité de ces systèmes.

5. S'agissant des initiatives prises par le gouvernement pour éradiquer le travail en servitude dans l'ensemble du pays, la commission note, à partir du rapport du gouvernement, que les actions comprennent les éléments suivants:

-- en 1998-99, 5 960 travailleurs en servitude ont été réhabilités en vertu d'un projet soutenu par le gouvernement central dans les Etats de Tamil Nadu, Uttar Pradesh, Bihar et Orissa;

-- s'agissant de la réhabilitation, le gouvernement a fait une proposition visant à accorder 20 000 roupies de subvention à chaque travailleur en servitude; ce projet est actuellement en cours de consultation avec le ministère des Finances. D'autres primes sont disponibles en vertu de divers programmes antipauvreté, tels que l'Indira Awas-Yojna, le Programme national de travail rural (NREP), le Programme intégré de développement rural (IRDP) et la Pension vieillesse, etc., pour prêter assistance aux travailleurs libérés de la servitude en vue de leur réhabilitation effective;

-- des hauts fonctionnaires ont été chargés de visiter certaines régions pendant la période d'août 1998 à février 1999 pour étudier et contrôler les progrès accomplis par les gouvernements des Etats dans l'application de la loi de 1976 sur l'abolition du système du travail en servitude et du Plan de 1978 de réhabilitation des travailleurs en servitude. La commission a également pris note des copies des instructions et des lignes directrices données aux fonctionnaires des gouvernements des Etats;

-- des réunions d'évaluation sont tenues régulièrement au niveau central par le ministère du Travail avec les représentants des gouvernements des Etats, dont la dernière s'est tenue en décembre 1998. Lors de la réunion de décembre, il fut décidé de mener de nouvelles enquêtes pour identifier les travailleurs en servitude, pour faire divers aménagements après leur identification, tels que délivrer des certificats de libération ou rapatrier les travailleurs lorsqu'ils sont immigrés, etc., pour formuler des propositions pour la réhabilitation et pour intenter des poursuites contre les employeurs en vertu des dispositions de la loi. Il a été demandé aux représentants des gouvernements des Etats d'assurer la mise en place de comités de vigilance au niveau des districts et en dessous, comme prévu par l'article 13 de la loi, de convoquer régulièrement ces comités et de maintenir une surveillance étroite et constante de la survenance et de la réapparition du travail en servitude dans leurs aires de compétence. D'autres réunions furent également tenues avec les gouvernements des Etats du Tamil Nadu, Bihar et Uttar Pradesh en mars et juillet 1999. Lors de ces dernières, les gouvernements des Etats ont été invités à mener des enquêtes périodiques au moyen des structures existantes ainsi que d'indiquer les lieux spécifiques à surveiller, les institutions à sélectionner et la méthodologie à adopter;

-- la question du travail en servitude a été examinée en tant que sujet relevant des droits de l'homme par la Cour suprême de l'Inde qui, par une ordonnance rendue le 11 novembre 1997 sur l'acte de pétition no 3922/85, a chargé la Commission nationale des droits de l'homme de surveiller et de superviser la mise en oeuvre de la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude ainsi que les progrès accomplis par les gouvernements des Etats en la matière. En vertu de cette instruction, un groupe central d'action a été institué en août 1998 sous la présidence d'un ancien président de la Cour suprême de l'Inde. Ce groupe a tenu quatre réunions et a désigné des rapporteurs spéciaux.

6. La commission se félicite de ces informations mais constate en même temps que, plus de vingt ans après l'adoption de la loi de 1976 sur l'abolition du travail en servitude, le système du travail en servitude existe encore. En conséquence, la commission invite le gouvernement de manière pressante à poursuivre avec vigueur l'éradication du travail en servitude.

7. La commission demande au gouvernement:

-- d'envoyer des informations statistiques détaillées et mises à jour sur l'identification, la libération et la réhabilitation des travailleurs en servitude ainsi que des copies des enquêtes périodiques menées par les gouvernements des Etats, particulièrement celles mentionnées ci-dessus;

-- d'envoyer une copie du rapport des hauts fonctionnaires qui ont étudié et contrôlé les progrès accomplis par les gouvernements des Etats dans l'application de la législation sur le travail en servitude, comme indiqué par le gouvernement, de manière à ce que la commission puisse évaluer la situation et les efforts gouvernementaux faits à tous les niveaux;

-- d'envoyer une copie du rapport sur les réunions d'étude tenues régulièrement au niveau central par le ministère du Travail avec les représentants des gouvernements des Etats, en particulier celui de la réunion de décembre 1998 et de toute réunion ultérieure. En outre, la commission demande au gouvernement d'indiquer comment est contrôlée l'application des décisions prises à la réunion de décembre 1998 et quels furent les effets en pratique des décisions visant à intenter des poursuites contre les employeurs en vertu des dispositions de la loi et à assurer la constitution de comités de vigilance efficaces (comprenant des personnes indépendantes) aux niveaux des régions et encore en dessous;

-- d'envoyer une copie du rapport sur les réunions tenues avec les gouvernements des Etats du Tamil Nadu, Bihar et Uttar Pradesh en mars et juillet 1999;

-- de communiquer des copies de tout rapport sur le travail en servitude par la Commission nationale des droits de l'homme, par le Groupe central d'action et par les rapporteurs spéciaux désignés par ces organismes;

-- enfin, faisant suite à ses précédentes observations, la commission demande au gouvernement de communiquer des détails sur les mesures et programmes poursuivis en coopération avec les organisations d'employeurs et de travailleurs aux niveaux national et local.

Le travail des enfants

8. S'agissant du travail des enfants, la commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et dans la communication de l'Anti-Slavery International transmise par la CISL. Il ressort de la réponse du gouvernement aux observations de la CISL qu'elle ne traite pas de la question du travail des enfants. La commission prend également note des informations en la matière fournies par le Programme international de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) ainsi que du rapport du gouvernement à la Commission des Nations Unies sur les droits de l'enfant (document CRC/C/28/Add.10, 7 juillet 1997).

9. La commission prend note des indications figurant dans le rapport du gouvernement selon lesquelles:

-- s'agissant de l'industrie, environ 106 000 enfants ont été identifiés comme ayant travaillé dans des industries dangereuses. Environ 400 000 enfants ont été employés dans des industries non dangereuses et placés dans des systèmes formels d'enseignement en tant que mesure de réhabilitation;

-- par notification du 27 janvier 1999, six emplois et 33 procédés ont été ajoutés à la liste annexe à la loi de 1986 relative à l'interdiction et à la réglementation du travail des enfants, portant le total à 13 emplois et 51 procédés;

-- 12 projets nationaux sur le travail des enfants ont débuté en Andra Pradesh, Bihar, Madhaya Pradesh, Maharashtra, Orissa, Rajasthan, Tamil Nadu et Uttar Pradesh, ainsi que 76 projets couvrant 150 000 enfants, dans le cadre de plans nationaux sur le travail des enfants;

-- la Commission des affaires économiques du Cabinet (CCEA) a approuvé, le 20 janvier 1999, une augmentation de 76 à 100 des projets nationaux sur le travail des enfants, augmentation dont il est attendu que 200 000 enfants travailleurs puissent être réhabilités;

-- en 1998-99, 130 projets ont été approuvés pour la couverture de 90 574 enfants. La commission note également que la poursuite des projets nationaux sur le travail des enfants a été approuvée pour la durée du neuvième plan;

-- le gouvernement a entrepris des démarches pour donner effet aux instructions de la Cour suprême dans son jugement, daté du 10 décembre 1996, sur l'acte de pétition no 465 de 1986. A cet égard, la commission note que, dans son jugement, la Cour suprême a réitéré sa précédente décision relative à l'enseignement libre et obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans et a également ordonné que l'employeur qui employait un enfant en contravention des dispositions de la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants devrait payer, en compensation, une somme de 20 000 roupies par enfant, somme devant être déposée dans un fonds spécial pour la réhabilitation.

10. La commission se félicite des actions ci-dessus et reçoit la déclaration du gouvernement qu'il est totalement impliqué dans l'élimination du travail des enfants et que le gouvernement s'efforce de mettre en oeuvre toutes les lois sur le travail des enfants et toutes les autres lois connexes d'une manière soutenue pour prévenir l'exploitation des enfants.

11. La commission prend note de l'information contenue dans la communication de l'Anti-Slavery International selon laquelle de nombreuses petites unités de production - avec moins de dix personnes lorsque l'électricité n'est pas utilisée ou moins de 20 personnes lorsque l'électricité est utilisée - ne sont pas sujettes à inspection en vertu de la loi de 1948 sur les fabriques. De telles unités, par exemple dans la production de "papad" (appalam) ou dans certaines tanneries, emploient des enfants, directement ou indirectement, et aussi en tant que travailleurs en servitude.

12. La commission demande au gouvernement de:

-- faire des commentaires sur la communication ci-dessus de l'Anti-Slavery International et d'indiquer quelles mesures ont été prises pour s'attaquer au travail des enfants dans les secteurs non organisés, par exemple dans les petites unités non couvertes par la loi sur les fabriques ou dans les industries familiales, particulièrement lorsque de tels emplois sont dangereux pour l'enfant;

-- établir un rapport sur l'évaluation de l'impact de la notification du 27 janvier 1999 étendant la liste des emplois et procédés dangereux annexée à la loi de 1986 sur l'interdiction et la réglementation du travail des enfants;

-- communiquer des copies des rapports de l'autorité nationale pour l'élimination du travail des enfants sur les actions entreprises pour éliminer le travail des enfants, et particulièrement le travail des enfants en servitude;

-- fournir des informations sur la manière dont il est donné effet aux instructions de la Cour suprême dans son jugement mentionné plus haut.

Prostitution et exploitation sexuelle

13. Dans ses précédentes observations, la commission avait présenté des commentaires sur l'exploitation sexuelle des enfants. La commission avait noté qu'une enquête avait été confiée à l'Institut Tata des sciences sociales et que ses résultats seraient communiqués à l'OIT. La commission note une brève mention dans le rapport du gouvernement sur les démarches entreprises par les gouvernements des Etats pour prévenir et combattre le problème de la prostitution, des enfants prostitués et des enfants de prostituées.

14. La commission note que le rapport de la Commission sur les droits de l'enfant mentionne l'absence de statistiques fiables sur le nombre de prostitué(e)s - et encore moins sur les enfants prostitués - et qu'"aucune estimation n'est disponible sur le nombre d'enfants Devadasis et Joginis, alors que ces systèmes existent traditionnellement en tant que forme socialement acceptée d'exploitation des femmes, particulièrement de celles provenant des plus bas groupes socio-économiques des Etats de Karnataka, Maharashtra et Andhra Pradesh". Elle note également que le gouvernement a constitué une commission consultative centrale pour formuler des recommandations et un plan d'action pour le secours et la réhabilitation des enfants prostitués.

15. La commission demande au gouvernement de fournir des informations complètes et détaillées en cette matière, en communiquant une copie de l'enquête mentionnée ci-dessus, en fournissant des informations sur les actions entreprises à l'égard des enfants Devadasis et Joginis dans les Etats de Karnataka, Maharashtra et Andhra Pradesh, une copie des recommandations de la commission consultative centrale et des informations sur l'application des plans d'action concernant le secours et la réhabilitation des enfants prostitués.

La commission apprécierait un rapport complet, détaillé et appuyé sur des documents de la part du gouvernement sur les points mentionnés.

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