National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission a pris note de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1990, au sujet de l'application des conventions nos 95 et 105 par la République dominicaine, ainsi que du rapport présenté par la mission de contacts directs qui, sur la demande du gouvernement de la République dominicaine, s'est rendue dans le pays du 3 au 21 janvier 1991. La commission a pris note également du rapport du gouvernement.
La commission prend note avec intérêt de l'adoption du décret no 417/90 du 15 octobre 1990 dont les dispositions se réfèrent à la régularisation de la situation dans le pays des citoyens haïtiens, à la mise en place, dans les plantations, de bureaux spéciaux chargés d'appliquer les contrats de travail et de veiller à la stricte observation de ceux-ci et au respect des droits de l'homme des travailleurs haïtiens. De plus, le décret susmentionné oblige le ministère d'Etat du Travail à informer régulièrement le BIT de l'observation des dispositions contenues dans le décret et dans tout texte se référant à la protection due à ces travailleurs.
I. Emploi dans les plantations
Dans les commentaires qu'elle formule depuis 1984, la commission signale la nécessité urgente d'adopter des mesures pour garantir l'observation de la convention dans les plantations de canne à sucre et pour mettre fin aux abus perpétrés contre les travailleurs haïtiens, conformément aux recommandations formulées en 1983 par la commission d'enquête constituée pour examiner l'application de cette convention.
Dans son observation antérieure, la commission se référait à trois groupes de mesures prioritaires:
1. La régularisation du statut des Haïtiens qui vivent et travaillent dans le pays depuis un certain temps et la délivrance de papiers d'identité aux personnes nées en République dominicaine (paragr. 527 du rapport de la commission d'enquête).
Au paragraphe 525 de son rapport publié en 1983, la commission d'enquête de l'OIT avait indiqué qu'il n'était pas légitime qu'un Etat maintienne dans une situation d'illégalité des travailleurs dont il admet que l'emploi est nécessaire au fonctionnement de l'économie, surtout lorsqu'ils sont employés dans des entreprises appartenant à l'Etat lui-même. La commission avait formulé des recommandations pour remédier à la situation, étant donné que bon nombre des violations des conventions internationales en question étaient imputables à la situation irrégulière dans laquelle se trouve la majorité des travailleurs haïtiens en République dominicaine.
La commission note l'article 1 du décret no 417/90, qui dispose que:
"La Direction générale des migrations est chargée de poursuivre, dans les meilleurs délais, la régularisation de la présence sur notre territoire de tous les ressortissants haïtiens en définissant leurs conditions d'immigrants ayant un permis de séjour temporaire, ou de travailleurs agricoles ayant un permis de durée déterminée, en particulier ceux qui travaillent aux semailles, à la culture, à la coupe et au transport de la canne, comme aussi dans les bateyes, les usines et les bureaux des plantations de canne à sucre.
Paragraphe. - Les personnes physiques ou morales qui emploient ces citoyens haïtiens comme travailleurs, pour quelque type de travail que ce soit, sont tenues de les déclarer aux autorités aux fins de la disposition de l'article précédent. Les contrevenants seront passibles des peines prévues aux alinéas b) ou c) de l'article 14 de la loi no 95 du 14 avril 1939."
La commission note que la Direction nationale des migrations a mis en oeuvre des mesures destinées à l'application du décret susmentionné, qui ont consisté principalement à organiser un recensement des travailleurs haïtiens et de leurs familles et à préparer des permis de séjour temporaire.
La commission note qu'actuellement on estime à quelque 50.000 le nombre de Haïtiens qui ont été recensés, chiffre bien inférieur aux estimations qui font état de plus d'un million de Haïtiens vivant en République dominicaine.
La commission note que c'est en janvier qu'a commencé l'établissement des permis qui devront être délivrés aux citoyens haïtiens inscrits à l'Office des migrations sur le formulaire MH-1 (Migration haïtienne), créé à cet effet, et que la mission de contacts directs a pu en examiner quelques-uns sans être encore en mesure d'estimer le nombre de personnes qui recevront ces permis. La commission note que les permis établis ne font pas la distinction entre séjour temporaire et résidence permanente.
La commission note que le décret 417/90 ne mentionne pas la régularisation de la situation des descendants de citoyens haïtiens nés en République dominicaine.
La commission s'est référée à plusieurs reprises à la situation des personnes qui, en vertu de la loi dominicaine, sont des ressortissants dominicains, et aux difficultés rencontrées par les parents, citoyens haïtiens, pour inscrire à l'état civil leurs enfants nés en République dominicaine.
La commission note que le formulaire MH-1 comporte une rubrique pour l'indication du lieu de naissance des enfants du travailleur qui fait l'inscription.
La commission prend note de l'intention manifestée par les autorités d'effectuer ces inscriptions et de délivrer les permis, à titre de premier pas, ce qui permettra ensuite de distinguer les différents types de permis qui seront délivrés, d'une part, à ceux qui résident de façon permanente dans le pays depuis longtemps et, d'autre part, à ceux qui viennent travailler pour la récolte, comme aussi d'entreprendre l'établissement des documents qui seront délivrés à ceux qui sont nés en territoire dominicain.
La commission prie le gouvernement d'indiquer si les termes du décret ont été précisés dans des textes ultérieurs pour ce qui est de la régularisation de la situation de la population haïtienne résidant dans le pays et, notamment, des critères qui s'appliquent aux différents types de permis.
De même, la commission demande au gouvernement de communiquer des informations au sujet du processus de régularisation entrepris et, notamment, des résultats du recensement de la population haïtienne résidant dans le pays et du nombre de travailleurs haïtiens qui ont été embauchés pour la récolte 1990-91. La commission demande également au gouvernement d'indiquer le nombre de permis qui ont été délivrés, en précisant dans quel secteur d'activité travaillent ceux qui les ont obtenus.
La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour délivrer les documents régularisant la situation des descendants de Haïtiens, connus généralement sous le nom de "Dominico-Haïtiens", nés en République dominicaine.
2. Régularisation de la procédure de recrutement et des conditions de séjour des travailleurs entrant dans le pays pour la récolte de la canne à sucre (paragr. 521 et 522 du rapport de la commission d'enquête).
La commission avait remarqué que, dans la mesure où l'entrée dans le pays est reconnue comme étant nécessaire au fonctionnement de son économie, le gouvernement dominicain devrait adopter des mesures, soit par un accord intergouvernemental, soit par une autre voie, afin que cette entrée se déroule de manière ordonnée, que les travailleurs jouissent des garanties nécessaires pour choisir librement leur emploi et leurs conditions de travail, et sans intervention des forces armées. Ces mesures devraient se référer à:
a) la fixation du nombre de travailleurs que les divers employeurs soient autorisés à recruter;
b) la création de bureaux de placement en des lieux appropriés, où il est possible d'embaucher des travailleurs en quête d'emploi dans la République dominicaine pendant la récolte, de les soumettre à des examens médicaux et de leur délivrer les documents nécessaires (autorisations de séjour et de travail);
c) la communication d'informations claires aux travailleurs concernant leurs conditions d'emploi, au moyen de contrats individuels ou dans une déclaration écrite auxquels il conviendrait d'ajouter une traduction en créole;
d) le transport des travailleurs embauchés jusqu'à leur lieu de travail.
En ce qui concerne la détermination du nombre de travailleurs pouvant être recrutés et la création de bureaux de placement (points a) et b)), les autorités dominicaines signalent l'augmentation et les répercussions négatives des migrations haïtiennes mais, en même temps, chaque année, ils procèdent au recrutement de nouveaux travailleurs dans l'industrie sucrière, étant donné que beaucoup de ceux qui sont arrivés précédemment ont émigré dans d'autres secteurs de production qui leur offrent de meilleures conditions de travail.
La commission prend note de l'échec, ces dernières années, des efforts visant à conclure un accord intergouvernemental entre la République dominicaine et Haïti sur le recrutement de travailleurs haïtiens pour la récolte de la canne à sucre et du fait que, actuellement, le recrutement se fait directement.
Le recrutement
Dans ses commentaires, la commission a signalé la nécessité de créer des bureaux de placement en des lieux appropriés. A ce sujet, elle prend note de la création de quatre postes frontière pour le recrutement de travailleurs haïtiens, situés à Pedernales, Jimani, Elías Piña et Dajabón, où sont affectés des fonctionnaires des services de santé, des migrations et du Conseil d'Etat du sucre (CEA) qui sont chargés de procéder aux examens médicaux des travailleurs afin de dépister les personnes atteintes de paludisme, de leur délivrer le formulaire MH-1 de la Direction générale des migrations, de faire signer le contrat individuel de travail et d'organiser le transport des travailleurs jusqu'aux plantations ("bateyes").
La commission note que l'emploi d'autocars pour transporter les travailleurs jusqu'aux plantations a permis d'améliorer leurs conditions de transport.
La commission prend note des informations contenues dans le rapport de la mission de contacts directs, selon lesquelles le recrutement de travailleurs à la frontière pour la récolte de la canne, dont les témoignages ont été reçus directement par la mission, met en relief le fait que, dans leur immense majorité, les coupeurs de canne sont des immigrants illégaux, arrivés en République dominicaine sans papiers d'identité, sans visa ni permis de travail. Cette immigration illégale a lieu, et c'est un paradoxe, avec l'assentiment des autorités dominicaines et du Conseil d'Etat du sucre.
A. Le recrutement à Haïti
La commission note que le recrutement traditionnel en Haïti par des agents appelés "buscones" continue à se faire contre le paiement d'une somme d'argent par travailleur recruté.
La commission note que, bien qu'il y ait eu une certaine démilitarisation du recrutement, le système de recrutement des travailleurs en Haïti par ces agents persiste et que c'est actuellement l'élément clé pour la fourniture de main-d'oeuvre aux plantations. La commission note que de nombreux témoignages reçus par la mission de contacts directs font état de promesses fallacieuses quant aux salaires et autres conditions de vie et de travail données aux travailleurs recrutés en Haïti par lesdits "buscones" qui, dans la majorité des cas, étaient de nationalité haïtienne.
Les témoignages reçus concordent pour déclarer que l'agent recruteur haïtien reçoit une somme d'argent pour chaque Haïtien qu'il amène à la frontière à l'agent recruteur du CEA.
Dans la forteresse militaire de Jimani, à quelques kilomètres du poste frontière de Malpaso, la mission de contacts directs a pu observer qu'un service d'autocars chargés de travailleurs agricoles haïtiens était organisé par un personnel apparemment civil, mais armé, pour lequel le recrutement avait eu lieu en Haïti, dans certains cas à 50 kilomètres de la frontière selon le témoignage du chauffeur. Les agents recruteurs de rangs divers sont autorisés - et disposent pour cela de ressources - à embaucher des travailleurs en Haïti où ils semblent se déplacer librement, ce qui ne paraît pas possible sans la coopération des autorités militaires dudit pays, tout au moins de celles qui sont en poste près de la frontière.
Ce système de recrutement de travailleurs pour la coupe de la canne est pratique courante, comme l'ont confirmé les témoignages de travailleurs haïtiens qui ont été attirés par des promesses fallacieuses jusqu'au poste frontière de Elías Piña où ils ont attendu un mois avant d'être remis à l'agent recruteur du CEA; d'autres témoignages se réfèrent à des faits similaires survenus à Pedernales.
La commission note que l'activité de ces agents est autorisée, voire indispensable au recrutement, ce qui leur donne une grande autonomie en la matière et ouvre la porte à des abus.
B. Le recrutement en République dominicaine
L'activité des agents recruteurs a lieu également en territoire dominicain, selon diverses modalités. Certaines personnes se consacrent à la quête de coupeurs de canne pour une plantation, et ils les trouvent dans des agglomérations ou dans d'autres plantations, ce qui provoque un trafic de main-d'oeuvre avec les travailleurs amenés par le CEA, qui sont alors déplacés vers d'autres plantations privées. De cette manière, les employeurs privés profitent du recrutement du CEA, sans avoir à supporter de frais et sans engager leur responsabilité. Le même trafic existe entre les plantations du CEA. Pour éviter l'exode des travailleurs dans d'autres plantations, les gardes champêtres recourent à des moyens de coercition, par exemple en confisquant les affaires des travailleurs (dans la plupart des cas, leurs vêtements) ou en les enfermant à clé lorsqu'ils dorment.
La commission prend note de la décision no 23/90 du 30 octobre 1990 du ministère du Travail sur les intermédiaires dans le recrutement de travailleurs agricoles, selon laquelle "il est recommandé aux patrons, en particulier dans l'industrie du sucre, de s'abstenir de recourir à des intermédiaires ou d'embaucher des travailleurs agricoles haïtiens par des intermédiaires, notamment pour les travaux temporaires de l'industrie sucrière nationale; ils sont encouragés à embaucher ces travailleurs directement, par des offres publiques d'emploi portées à la connaissance des intéressés par voie de presse ou par d'autres moyens qui garantissent la liberté du travailleur qui accepte l'offre d'emploi et permettent la signature d'un contrat écrit où figurent ses droits, ses obligations et son droit de rentrer dans son pays d'origine".
La commission prend note également de l'ouverture dont, selon le rapport de la mission, les autorités du CEA ont fait preuve en relation avec les problèmes concernant le mode actuel de recrutement.
La commission note cependant qu'actuellement le recrutement est fait dans la majorité des cas par des moyens frauduleux, utilisés par les agents recruteurs afin d'attirer les Haïtiens pour la coupe de la canne. Elle note en outre que le CEA continue à payer une certaine somme à l'agent recruteur et elle fait observer que ces pratiques de recrutement reflètent une réalité dont les implications et les répercussions ne peuvent être assimilées à une relation libre d'emploi.
La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises afin de mettre fin aux pratiques irrégulières qui persistent encore dans le recrutement des travailleurs pour la coupe de la canne, ainsi que sur les résultats obtenus par l'application des recommandations contenues dans la décision no 23/90 du ministère du Travail sur les intermédiaires. De même, la commission demande au gouvernement de l'informer de l'évolution de la situation relative à la conclusion d'un accord intergouvernemental avec la République d'Haïti sur le recrutement de travailleurs haïtiens pour la récolte de la canne à sucre.
En ce qui concerne les contrats de travail (point c)), la commission prend note du décret no 417/90, selon lequel:
"Le ministère du Travail installera dans toutes les plantations de canne à sucre des bureaux spéciaux chargés notamment de faire appliquer un contrat de travail rédigé en espagnol et dans la langue du travailleur où figurent le montant et le mode de paiement du salaire, l'horaire de travail, les jours de repos, les assurances sociales, la durée maximale de la semaine de travail, la réglementation des travaux qui peuvent être exécutés par les enfants mineurs et les adolescents âgés de 14 ans au moins, les bonifications et autres primes de rendement, ainsi que toutes les prérogatives accordées par nos lois et les conventions et décisions internationales acceptées par la République en la matière, en plus des conditions de travail.
Paragraphe 1. - Ledit contrat doit consacrer expressément le droit du travailleur de quitter son emploi et, ainsi, de pouvoir résilier le contrat qu'il a signé et de se rendre dans un autre lieu de travail ou regagner son pays d'origine."
La commission prend note des modèles de contrats de travail préparés par le Conseil d'Etat du sucre et par la Central Romana Corporation Ltd. en espagnol et en créole. Elle note également que, selon le rapport de la commission, la pratique relative aux contrats s'installe lentement, que tous les travailleurs interrogés n'en avaient pas signé et que certains croyaient même qu'il s'agissait d'un permis de séjour.
La commission note également que, en application du décret no 417/90, le ministère du Travail a procédé à la nomination de 18 inspecteurs pour les services d'inspection prévus par le décret et que les instructions à suivre dans leurs activités ont été rédigées le 31 décembre 1990.
La commission prend note des informations contenues dans le rapport de la mission au sujet de l'application des dispositions relatives aux salaires, aux horaires de travail et aux autres conditions de travail des personnes occupées dans les plantations. En ce qui concerne les salaires, la commission renvoie aux commentaires qu'elle a formulés au sujet de l'application de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949. La commission note que les horaires de travail continuent d'être excessifs, et la sécurité sociale presque inexistante. Bien que la cotisation soit déduite du salaire, la majorité des travailleurs qui parviennent à un âge avancé ne reçoivent aucune pension et, lorsqu'ils en reçoivent une, son montant ne leur permet pas de survivre. En cas de maladie, les travailleurs ne reçoivent ni soins médicaux ni médicaments.
La commission demande au gouvernement de l'informer de l'application de l'article 2 du décret no 417/90 pour ce qui touche aux contrats de travail et au contrôle exercé par les bureaux spéciaux. La commission demande au gouvernement de lui communiquer copie des rapports d'inspection qui ont été établis pendant la récolte 1990-91 et qui contiennent des données sur le nombre de contrats signés pour cette récolte, ainsi que des informations sur l'application des conditions de travail, le nombre et le type d'infractions constatées et les sanctions imposées.
3. Protection par les autorités compétentes des droits et libertés des travailleurs.
La commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour:
a) empêcher par tous les moyens dont il dispose que se reproduisent des rafles de personnes contraintes à travailler dans les plantations et, le cas échéant, veiller à l'application aux responsables de sanctions appropriées.
Dans des commentaires antérieurs, la commission s'était référée à des procédés coercitifs de recrutement, par des rafles qui permettent, pendant la récolte, de pallier la pénurie de travailleurs nécessaires à la coupe de la canne.
La commission prend note que les rafles ne sont plus une pratique systématique et généralisée et que les cas signalés pendant les récoltes 1989-90 et 1990-91 ont été des cas isolés.
A propos de la liberté de quitter leur emploi expressément prévue au paragraphe 1 de l'article 2 du décret no 417/90, la commission note que, selon les témoignages de nombreux travailleurs interrogés, les gardes champêtres confisquent les affaires des travailleurs (en général leurs vêtements) pour éviter que ceux-ci ne se rendent dans une autre plantation et les obligent ainsi à rester sur place s'ils ne veulent pas les perdre. Ils ont également affirmé que, parfois, si les gardes soupçonnent un travailleur de vouloir s'en aller, ils l'enferment à clé pendant qu'il dort. La commission note en outre qu'en période de récolte les postes militaires sur les routes procèdent à des contrôles des occupants des autocars afin de découvrir les citoyens haïtiens qui doivent alors payer pour pouvoir continuer le voyage, que ce soit pour rentrer en Haïti ou pour circuler en République dominicaine. Cette pratique fait partie d'un système d'extorsion connu sous le nom de "macuteo", qui permet de spolier le travailleur de l'argent ou des biens qu'il transporte.
b) La commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs de la canne à sucre bénéficient des lois du travail, conformément au principe fondamental III du Code du travail, selon lequel la législation du travail s'applique à tout le territoire et régit sans distinction les ressortissants dominicains et les étrangers.
La commission note que les autorités ont manifesté clairement leur intention de reconnaître l'application, sans distinction de nationalité, de la législation du travail. Cependant, plusieurs organisations syndicales ont informé la mission que la nationalité étrangère a été prise en considération pour refuser l'enregistrement de leurs organisations à divers syndicats de travailleurs agricoles.
c) Les mesures demandées se référaient également à la création, à titre complémentaire, dans les "bateyes" du CEA et dans les plantations privées, de structures de l'administration civile semblables à celles qui existent dans d'autres agglomérations.
La commission note que la plantation Consuelo a été érigée en district municipal, ce qui a permis de nommer un juge de paix qui connaît des violations des lois pénales. La commission espère que le gouvernement prendra des mesures visant à reconnaître les plantations comme des divisions territoriales, de façon que l'autorité publique puisse y assurer la protection des droits des travailleurs et de leurs familles.
Conditions de vie dans les camps
Au paragraphe 512 du rapport de la commission d'enquête, celle-ci s'est référée à la nécessité, pour l'industrie sucrière dominicaine, de recruter un nombre élevé de travailleurs haïtiens, malgré le chômage important qui règne parmi la population rurale dominicaine, et au fait que ceci est dû, dans une large mesure, à la modicité de la rémunération et aux mauvaises conditions de travail et de vie dans bon nombre des plantations concernées. Elle a ajouté que c'est sur cette toile de fond que diverses mesures contrevenant aux conventions sur le travail forcé ont été prises, à la fois pour retenir les travailleurs dans les plantations pendant la durée de la récolte et, en période de pénurie de main-d'oeuvre, pour y amener les travailleurs contre leur gré.
La commission d'enquête a souligné la nécessité de poursuivre une politique visant à l'humanisation des conditions existant dans les plantations, qui trouve aussi son expression dans des améliorations matérielles.
La commission note que l'article 5 du décret no 417/90 dispose que:
"Le gouvernement national et, particulièrement, le Conseil d'Etat du sucre et les entreprises privées de l'industrie sucrière continueront à appliquer, dans la mesure des ressources disponibles, et à étendre toujours plus les programmes de santé, d'éducation, d'alimentation, de sécurité sociale, d'alimentation en énergie électrique et en eau potable, ainsi que de logement en faveur de tous les travailleurs du pays et, en particulier, de ceux qui prêtent leurs services dans les plantations de canne à sucre, les "bateyes" et les usines des plantations."
La commission note que le CEA a lancé quelques programmes destinés à améliorer la situation sur certains des points qu'elle avait signalés. Elle note, cependant, qu'en général les conditions de santé et de sécurité continuent à être déplorables dans les "bateyes".
La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise en vue d'améliorer les conditions de vie dans les plantations.
Saison morte
Au paragraphe 516 de son rapport, la commission d'enquête avait recommandé de réserver des terres dans les plantations appartenant à l'Etat pour que les travailleurs puissent les cultiver, compléter leurs gains et faire face à leurs besoins de subsistance en dehors des périodes de récolte.
La commission note que, pendant la saison morte, la situation des travailleurs qui résident dans les plantations empire sensiblement faute de revenus. Divers témoignages reçus par la mission faisaient état de la faim dont souffrent les travailleurs et leurs familles pendant la saison morte. La commission note que le gouvernement n'a pas donné suite à la recommandation sur l'attribution de petites parcelles destinées aux cultures de subsistance. La commission note que, selon les témoignages reçus par la mission, les travailleurs qui, poussés par la nécessité, procèdent à des semailles de petites cultures sur les terres de la plantation sont dépouillés de la récolte par la direction et que, en certaines occasions, celle-ci a même fait ravager les cultures.
La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner suite à la recommandation relative à la réserve de terres de culture pour les travailleurs qui demeurent dans les plantations pendant la morte saison.
La commission note avec intérêt les mesures législatives et administratives qui ont été prises pour tenir compte de diverses recommandations formulées par la commission d'enquête et des commentaires de la commission d'experts dont l'application pratique pourrait aboutir à des progrès sensibles dans l'amélioration de la condition des travailleurs haïtiens. La commission note également les améliorations qui sont intervenues pour ce qui est de la démilitarisation des "bateyes", de la diminution des rafles et de l'emploi de meilleurs moyens de transport.
La commission relève pourtant la persistance de problèmes qui appellent une action énergique et soutenue des autorités. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour compléter et rendre effectives celles qui se rapportent à la régularisation de la situation des travailleurs haïtiens qui viennent dans le pays pour la récolte, de ceux qui y résident de manière permanente et des descendants de citoyens haïtiens nés en République dominicaine, ainsi qu'à la régularisation du système de recrutement. La commission demande également au gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise pour assurer le respect des dispositions du contrat de travail et des droits et libertés des travailleurs, en particulier pour ce qui est de la liberté de transit, du respect de l'intégrité physique et morale et de la liberté de mettre fin à la relation de travail, ainsi que l'application, dans des conditions d'égalité, de la législation du travail.
II. Questions non liées aux plantations
Article 1 c) de la convention. La commission s'est référée dans des commentaires précédents à la loi no 3143 du 11 décembre 1951, telle que modifiée par la loi no 5225 de 1959, en vertu de laquelle les personnes qui n'ont pas achevé leur travail au jour convenu ou dans les délais fixés, lorsque le paiement a été fait d'avance, sont passibles de peines d'emprisonnement comportant du travail obligatoire.
Dans son rapport, le gouvernement indique que "les autorités nationales ont envisagé des possibilités de régler par voie administrative ou judiciaire les conflits du travail qui relèvent de la loi susmentionnée".
La commission demande au gouvernement qu'afin d'éviter toute équivoque en ce qui concerne l'application de la loi no 3143, il prenne les mesures nécessaires pour l'abroger ou la modifier et qu'il l'informe des progrès réalisés à cette fin.
Article 1 d). En ce qui concerne les articles 370, 373, 374, 378 16) et 679 3) du Code du travail, en vertu desquels des peines d'emprisonnement comportant du travail obligatoire peuvent être imposées pour participation à des grèves, articles auxquels la commission s'est référée dans ses commentaires antérieurs, le gouvernement a indiqué dans un de ses rapports précédents que des démarches avaient été entreprises pour procéder à la modification ou à l'abrogation de ces articles. La commission espère que lesdites dispositions seront modifiées ou abrogées dans les plus brefs délais afin de garantir la pleine application de la convention.