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Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

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La commission a pris note des rapports du gouvernement et des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1989.

La commission prend note des assurances données par le gouvernement dans son dernier rapport concernant la création d'une commission spéciale chargée d'examiner l'ensemble de la législation du travail actuellement dépassée à la lumière de ses commentaires afin d'harmonisr la législation avec les conventions de l'OIT; elle note également la création d'un conseil national du travail, organe tripartite devant jouer un rôle consultatif dans le cadre de la réforme envisagée du droit du travail (décret no 2393 du 20 octobre 1989).

Le rapport indique cependant qu'une réforme en profondeur est un travail qui nécessite un examen et une analyse détaillés dans le contexte politique, économique et social du pays.

A cet égard, la commission rappelle les divergences existant entre la législation nationale et la convention:

1. Constitution des organisations de travailleurs ( article 2 de la convention):

- exigence de 75 pour cent de membres colombiens pour constituer un syndicat, alors que les organisations de travailleurs devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix sans distinction fondée notamment sur la nationalité (art. 384 du Code du travail).

2. Intervention dans l'administration interne des syndicats ( article 3 de la convention):

a) Statuts, budget, gestion, réunion

- approbation ministérielle des modifications aux statuts des syndicats de base et des statuts des fédérations et confédérations (art. 369, 370 et 425 du Code du travail et art. 15 de la résolution no 4 de 1952);

- réglementation par la résolution no 4 de 1952 de questions qui seraient mieux réglées par les statuts des syndicats que par la loi (quorum de l'assemblée générale, composition des organes dirigeants, procédure d'élection, etc.);

- contrôle de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du Code et art. 1 du décret no 672 de 1956), réglementation stricte des réunions syndicales (décret no 2655 de 1954) et présence des autorités lors des assemblées générales réunies pour voter une déclaration de grève (art. 444,2) du Code du travail).

b) Election et suspension des dirigeants syndicaux

- condition d'avoir la nationalité colombienne pour être élu dirigeant syndical (art. 384 du Code du travail et art. 18 a) de la résolution no 4 de 1952);

- élection des dirigeants soumise à l'approbation des autorités administratives (art. 21 de la résolution no 4 de 1952 et art. 10 à 13 du décret no 1469 de 1978);

- suspension, avec privation de leur droit d'association, des dirigeants qui auraient été à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (art. 380, 2) b) et 4) du Code);

- condition d'appartenance à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant (art. 388, 1 c) et 432, 2) du Code; art. 18 c) de la résolution no 4 de 1952 pour les syndicats de base, et art. 422, 1 c) du Code pour les fédérations).

3. Droit des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ( article 3 de la convention):

- interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques (art. 12 et 50 a) de la résolution no 4 de 1952, art. 16 du décret no 2655 de 1954 et art. 379 a) du Code);

- interdiction faite aux syndicats de tenir des réunions sur des questions politiques (art. 12 de la résolution no 4 de 1952);

- interdiction de la grève faite aux fédérations et confédérations (art. 417, 1) du Code);

- interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans une très large gamme de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952, 1543 de 1955, 1593 de 1959, 1167 de 1963, 57 et 534 de 1967);

- pouvoir du ministre de mettre fin à un conflit d'une durée de plus de quarante jours et pouvoir du président de mettre fin à une grève qui affecte les intérêts de l'économie nationale en soumettant le différend à l'arbitrage obligatoire (décret no 939 de 1966 tel que modifié par la loi no 48 de 1968 et art. 4 de la loi no 48 de 1968);

- interdiction de la grève assortie de sanctions administratives (suspension de la personnalité juridique des syndicats) et de peines d'emprisonnement lorsque l'état de siège est décrété (décret no 2004 de 1977, décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988);

- licenciement automatique des dirigeants syndicaux qui sont intervenus ou qui ont participé à une grève illégale (art. 450, 2) du Code).

4. Suspension et dissolution administrative ( article 4 de la convention):

- suspension et suppression par voie administrative de la personnalité juridique d'un syndicat en cas d'infraction aux dispositions relatives aux syndicats (art. 380 du Code du travail) ou en cas de grève déclarée illégale (art. 450, 2) du Code du travail).

Dans son rapport et devant la Commission de la Conférence, le gouvernement a fourni des informations sur un certain nombre de points:

1. En ce qui concerne la procédure d'octroi de la personnalité juridique des syndicats et d'approbation de leurs statuts, question qui avait fait l'objet d'observations de la Confédération unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), le gouvernement indique à nouveau que les autorités ne font pas obstacle à la constitution de syndicats. Au contraire, au cours des trois dernières années, deux nouvelles fédérations ont été enregistrées, la personnalité juridique a été reconnue à 359 syndicats, et 294 cas de statuts modifiés ont été approuvés; en outre, le gouvernement a fait état de son intention d'accélérer les procédures en consultation avec les dirigeants syndicaux.

La commission demande à nouveau au gouvernement, à l'instar du Comité de la liberté syndicale qui avait constaté lors de l'examen du cas no 1434 (259e rapport approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1988) de nombreux cas de refus de demande de reconnaissance de la personnalité juridique et d'importants retards dans la procédure, que des mesures concrètes soient prises en vue d'accélérer la procédure et de réduire les formalités.

2. La commission note qu'un projet de loi devrait être soumis prochainement au Congrès de la République portant modification de l'article 379 du Code du travail qui interdit aux syndicats d'intervenir dans des questions politiques. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation à cet égard.

3. La commission prend bonne note de l'abrogation des décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988 qui prévoyaient l'interdiction de recourir à la grève sous peine d'emprisonnement.

La commission note qu'en période d'état de siège les autorités ont recours à de telles mesures, comme ce fut le cas en 1977 avec l'adoption du décret no 2004 abrogé par la levée de l'état de siège en 1982 (décret no 1674 de 1982), en 1985 et dernièrement en 1988, or la Colombie vit sous l'état de siège depuis 1984 (décret no 1038 de 1984).

La commission désire attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'une interdiction de la grève constitue une restriction importante de l'un des moyens essentiels dont devraient disposer les organisations de travailleurs pour défendre leurs intérêts, qu'une telle mesure ne devrait être introduite qu'en cas de crise nationale aiguë pour une période limitée, et que des peines de prison ne devraient pas être imposées lorsque la grève a été pacifique (paragr. 206 et 223 de l'Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective).

4. En ce qui concerne la procédure d'arbitrage obligatoire, le gouvernement se réfère aux dispositions du décret no 939 de 1966 telles que modifiées par la loi no 48 de 1968 selon lesquelles à tout moment, au cours d'une grève, un conflit peut être renvoyé à l'arbitrage obligatoire lorsque la majorité des travailleurs prend cette décision après la tenue d'un scrutin décidé soit par les travailleurs, soit par le ministre. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2 dudit décret (dont le dispositif n'a pas été abrogé par la loi no 48 de 1968) le ministre peut, de sa propre initiative, mettre fin par un arbitrage obligatoire à un conflit d'une durée de plus de quarante jours, pouvoir également reconnu au Président dans certaines circonstances en vertu de l'article 4 de la loi no 48 de 1968.

La commission rappelle à nouveau que ces dispositions, qui permettent aux autorités de mettre fin à une grève par l'arbitrage obligatoire d'un conflit, restreignent l'exercice du droit de grève. De l'avis de la commission, le principe selon lequel le droit de grève peut être limité ou interdit devrait se limiter aux fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique, aux services essentiels, qu'ils soient publics, semi-publics ou privés (c'est-à-dire ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne), ou en cas de crise nationale aiguë pour une période limitée.

La commission demande donc au gouvernement de prendre des mesures afin de limiter les possibilités de recourir à l'arbitrage obligatoire dans les circonstances susmentionnées.

5. En ce qui concerne la suspension et la suppression par les autorités administratives de la personnalité juridique d'un syndicat qui avait également fait l'objet d'observations de la CUT, la commission rappelle que cette mesure peut être imposée soit en cas d'infractions continues aux dispositions relatives aux syndicats (art. 380 c) du Code), soit en cas de grève déclarée illégale (art. 450), soit en vertu de décrets adoptés en période d'état de siège pour fait de participation à des grèves déclarées illégales, les derniers datant d'octobre 1988.

La commission note que les décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988 ont été abrogés et note la déclaration du gouvernement selon laquelle même sous l'état de siège un syndicat, dont la personnalité juridique est suspendue, dispose de voie de recours administratif avec effet suspensif et de voie de recours contentieux qui peuvent être accompagnés d'une demande de suspension provisoire de la décision.

Toutefois, de l'avis de la commission, il ne semble pas ressortir des dispositions du Code de procédure du travail relatives aux recours en matière de grève (art. 121 à 129) que l'appel d'une décision de suspension pour grève illégale ait un effet suspensif. La commission désire attirer une nouvelle fois l'attention du gouvernement sur le paragraphe 232 de son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective d'où il ressort que, pour que le principe énoncé à l'article 4 de la convention soit convenablement mis en pratique, il ne suffit pas que la législation accorde un droit de recours auprès du pouvoir judiciaire contre de telles décisions, il convient également que ces décisions ne puissent prendre effet qu'une fois écoulé le délai légal, sans qu'un appel ait été interjeté, ou qu'une fois qu'elles ont été confirmées par l'autorité judiciaire. Toutefois, même le droit de recours devant les tribunaux ne constitue pas toujours une garantie suffisante car, dans le cas où l'autorité possède un pouvoir d'appréciation pour prendre ses décisions, les juges n'ont que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée. Il est donc nécessaire que les juges soient en mesure d'examiner le cas quant au fond et d'étudier les motifs de la dissolution ou de la suspension d'une organisation.

La commission demande à nouveau au gouvernement d'éliminer de la législation toute disposition qui confère aux autorités administratives le pouvoir de suspendre ou de dissoudre une organisation syndicale, ou tout au moins de préciser qu'une telle décision ne produira pas ses effets tant que l'autorité judiciaire ne se sera pas prononcée sur les recours interjetés, même lorsque cette décision est prise dans une situation d'urgence. La commission prend note par ailleurs des informations communiquées par le gouvernement au Comité de la liberté syndicale (270e rapport, approuvé par le Conseil d'administration en février-mars 1990, cas no 1477) selon lesquelles les organisations syndicales qui avaient fait l'objet d'une décision de suspension en vertu de l'article 1 du décret no 2201 d'octobre 1988 ont recouvré leur personnalité juridique avec l'expiration des sanctions de suspension en décembre 1989.

La commission veut croire que la révision législative annoncée permettra d'aboutir à des résultats concrets sur l'ensemble des points soulevés, et elle demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les travaux de la commission spéciale susmentionnée et les mesures prises ou envisagées à cet effet. Elle rappelle que le BIT est à la disposition du gouvernement pour l'aider dans sa tâche de révision législative.

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