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Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

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La commission prend note des commentaires présentés par la Confédération syndicale internationale (CSI) et datés du 24 août 2010, qui concernent des actes de violence et de harcèlement visant des responsables et des membres de syndicats ainsi que d’autres violations de la convention. La commission prend note en particulier des informations de la CSI concernant l’absence de tribunal du travail, les lacunes générales du système judiciaire dans le cadre du meurtre des syndicalistes Chea Vichea et Ros Sovannareth, et le climat de répression des activités syndicales qui perdure.

La commission prend également note des observations formulées par le Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) le 31 août 2010 selon lesquelles les syndicats indépendants restent fragiles, continuent à manquer de ressources et à exercer leurs activités dans un contexte extrêmement difficile. D’après ces observations, le FTUWKC a des difficultés à être reconnu par le gouvernement en tant que partie prenante au processus d’élaboration des politiques, et le harcèlement antisyndical, les intimidations et les licenciements de syndicalistes n’ont pas cessé. Ces derniers font toujours l’objet de violences policières, d’agressions, et sont victimes d’une application peu rigoureuse de la loi et de l’impunité des employeurs. La commission note aussi que, selon le FTUWKC, la loi de 2009 sur les manifestations pacifiques a de graves effets sur l’organisation de grèves, de rassemblements et d’autres activités syndicales, et que le Code pénal de 2009, en définissant la diffamation et la désinformation comme des infractions pénales, risque d’avoir des effets sur les activités syndicales. La commission prie instamment le gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, ses observations sur l’ensemble des questions soulevées par la CSI et le FTUWKC.

De plus, la commission prend note des conclusions et des recommandations du Comité de la liberté syndicale concernant le meurtre des responsables syndicaux Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, la répression sans relâche dont font l’objet les syndicalistes (cas no 2318) et la non-reconnaissance aux fonctionnaires du droit de constituer des syndicats (cas no 2222).

En ce qui concerne l’impunité persistante entourant les meurtres des syndicalistes susmentionnés, la commission rappelle que deux personnes ont été condamnées pour le meurtre de Chea Vichea (Sok Sam Oeun et Born Samnang) et que Thach Saveth a été reconnu coupable pour le meurtre de Ros Sovannareth, lors de procès marqués par des irrégularités judiciaires et par l’absence de procédure régulière. En dépit d’appels internationaux depuis la date des meurtres pour que soient diligentées des investigations complètes, indépendantes et impartiales, y compris au sujet du meurtre de Hy Vuthy, le gouvernement a omis de transmettre des informations sur les mesures prises à cet égard ou un rapport indépendant. Tout en notant que les condamnations de Sok Sam Oeun et de Born Samnang ont été renvoyées à la cour d’appel par la Cour suprême et qu’ils ont été libérés sous caution, le gouvernement n’a pas encore transmis d’information au sujet des enquêtes qui doivent être menées pour déterminer les véritables auteurs et instigateurs de l’assassinat de Chea Vichea. Par ailleurs, Thach Saveth est dans l’attente, depuis plusieurs années maintenant, d’une révision de sa condamnation par la Cour suprême. Aucune information n’a été transmise en ce qui concerne les progrès réalisés dans les enquêtes sur le meurtre de Hy Vuthy.

Enfin, la commission prend note des discussions concernant le Cambodge qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2010. Elle note en particulier que la Commission de la Conférence a regretté le manque d’informations concernant les enquêtes indépendantes sur ces meurtres qui n’ont toujours pas eu lieu. La Commission de la Conférence a rappelé que la liberté syndicale des travailleurs et des employeurs ne peut s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces et a instamment prié le gouvernement d’assurer le respect de ce principe fondamental et de mettre fin à l’impunité en prenant, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour que des enquêtes complètes et impartiales soient menées sur le meurtre de ces responsables syndicaux et pour juger les auteurs, mais également les instigateurs, de ces crimes odieux. De plus, prenant note des graves anomalies concernant la procédure judiciaire, anomalies déjà mentionnées par la Cour suprême, la Commission de la Conférence a espéré que les personnes condamnées pour ces meurtres seraient lavées des accusations portées contre elles dans les meilleurs délais, et que la Cour suprême examinerait rapidement le recours formé par Thach Saveth pour assurer sa libération.

Droits syndicaux et libertés publiques. Dans ses précédents commentaires, la commission priait instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les droits syndicaux des travailleurs sont pleinement respectés et que les syndicats sont en mesure d’exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et sans danger. La commission prend note des observations formulées par la CSI, et de la discussion qui s’est déroulée à la Commission de la Conférence concernant le climat de violence et d’intimidation que subissent les syndicalistes, et qui perdure. La commission rappelle à nouveau que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces, quelles qu’elles soient, visant les responsables et les membres d’organisations de travailleurs, et que l’arrestation de syndicalistes pour des raisons liées à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une atteinte grave aux libertés publiques en général, et aux droits syndicaux en particulier. La commission rappelle également que les travailleurs ont le droit de participer à des manifestations pacifiques pour défendre leurs intérêts professionnels. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement d’adopter toutes les mesures nécessaires, dans un très proche avenir, pour s’assurer que les droits syndicaux des travailleurs sont pleinement respectés et que les syndicalistes sont en mesure d’exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation, et sans danger pour leur sécurité personnelle et leur vie, conformément aux principes susmentionnés.

S’agissant du meurtre des syndicalistes Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais des mesures concrètes pour mener des enquêtes indépendantes et d’accélérer le réexamen des condamnations de Born Samnang et de Sok Sam Oeun pour le meurtre de Chea Vichea, ainsi que de la condamnation de Thach Saveth pour le meurtre de Ros Sovannareth, et de prendre des mesures pour qu’ils soient libérés en attendant les résultats des enquêtes indépendantes mentionnées. La commission note que, pendant les discussions qui se sont déroulées à la Commission de la Conférence, le gouvernement a indiqué que Born Samnang et Sok Sam Oeun avaient été libérés sous caution, en attendant que leur cas soit réexaminé par la cour d’appel car la Cour suprême avait constaté des irrégularités dans la procédure pénale. Le gouvernement ajoute dans son rapport qu’il n’a pas reçu d’informations sur la date du réexamen. La commission note que, d’après le FTUWKC, le 17 août 2009, la cour d’appel a ordonné le réexamen de l’affaire Chea Vichea afin de diligenter une nouvelle enquête, mais qu’aucune enquête n’a été menée. La commission note avec préoccupation que le gouvernement ne transmet pas, dans son rapport, d’informations faisant état de progrès pour mener des enquêtes sur ces trois meurtres. Par conséquent, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de mettre fin à l’impunité en prenant sans délai les mesures nécessaires pour que des enquêtes complètes et impartiales soient menées sur les meurtres des responsables syndicaux mentionnés, et pour juger les auteurs, mais également les instigateurs, de ces crimes odieux. La commission prie instamment le gouvernement de transmettre, avec son prochain rapport, des informations détaillées sur:

i)     les mesures prises pour lever toutes les charges à l’encontre de Born Samnang et de Sok Sam Oeun et pour le remboursement des cautions payées ainsi que pour l’ouverture d’une enquête complète concernant le meurtre de Chea Vichea telle que demandée par la Cour suprême;

ii)    la révision attendue, par la Cour suprême, de la décision de la cour d’appel concernant la condamnation de Thach Saveth pour le meurtre de Ros Sovannareth, et l’ouverture d’une enquête sur ce crime; et

iii)   les résultats de l’enquête sur le meurtre de Hy Vuthy.

Indépendance du pouvoir judiciaire. Dans sa précédente observation, prenant note des conclusions de la mission de contacts directs de l’OIT d’avril 2008, la commission avait mentionné les graves problèmes de moyens et le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire; elle avait prié le gouvernement de prendre sans tarder des mesures concrètes pour assurer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, notamment des mesures visant à renforcer ses capacités et mettre en place des garanties contre la corruption. A cet égard, la commission prend note du rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies du 16 septembre 2010 sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, dans lequel plusieurs mesures sont recommandées pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, notamment l’adoption sans tarder de la loi sur le statut des juges et des procureurs, et de la loi sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux. La commission prie le gouvernement de transmettre, avec son prochain rapport, des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, notamment pour adopter la loi sur le statut des juges et des procureurs et la loi sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux, en transmettant copie des textes de loi applicables.

Respect du droit et évolution de la législation. Enfin, la commission note que, au cours des discussions qui se sont déroulées à la Commission de la Conférence, le gouvernement a rappelé: i) qu’il envisageait de créer un tribunal du travail conformément aux normes internationales; et ii) que le projet de loi sur les syndicats qu’il élaborait en coopération avec le BIT serait adopté par le Parlement en 2011, et qu’il espérait que la loi garantirait aux travailleurs et aux employeurs le droit de s’organiser et de négocier collectivement. Le gouvernement ajoute dans son rapport que le groupe de travail du ministère du Travail et de la Formation professionnelle a achevé son examen du projet de loi sur les syndicats, lequel comporte 17 chapitres et 90 articles, que le projet a été transmis au BIT en vue d’être examiné, que les associations de travailleurs et d’employeurs seront consultées séparément à son sujet et qu’il sera ensuite présenté lors d’une réunion publique rassemblant des acteurs divers (représentants d’organismes publics, de syndicats, d’associations d’employeurs et d’organisations internationales, notamment l’OIT et la Société financière internationale (groupe de la Banque mondiale)). La commission prie le gouvernement de transmettre, avec son prochain rapport, des informations sur la création du tribunal du travail et l’adoption de la loi sur les syndicats et sur les consultations menées en la matière.

Rappelant sa demande adressée au gouvernement de ne négliger aucun effort pour prendre les mesures nécessaires afin de rendre sa législation conforme à la convention, la commission rappelle au gouvernement que, s’il le souhaite, il peut recourir à l’assistance technique du Bureau.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

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