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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 404, Octubre 2023

Caso núm. 3192 (Argentina) - Fecha de presentación de la queja:: 21-OCT-15 - En seguimiento

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des restrictions à la liberté syndicale et à la négociation collective dans le secteur de l’enseignement public dans la province de Corrientes, d’une part, et dans la ville autonome de Buenos Aires, d’autre part

  1. 121. La plainte figure dans une communication de la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) datée du 30 novembre 2015 et dans une communication conjointe de la CTERA, de l’Union des travailleurs de l’éducation (UTE) et de l’Internationale de l’Education (IE) du 27 mai 2021.
  2. 122. Le gouvernement de l’Argentine a fait parvenir ses observations dans des communications datées d’octobre 2016, de septembre 2017 et des 11 et 12 septembre 2023.
  3. 123. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 124. Dans une communication datée du 30 décembre 2015, la CTERA soutient que la disposition no 352/13 publiée en mars 2013 par l’État de la province de Corrientes (République d’Argentine) porte atteinte au droit à la liberté syndicale et au droit de grève des travailleurs de l’éducation de cette province qui sont membres de la CTERA. L’organisation plaignante affirme que, par l’intermédiaire de la disposition susmentionnée, l’État de la province de Corrientes a informé le Syndicat unique des travailleurs de l’éducation de Corrientes (SUTECO), syndicat de base de la CTERA dans la province de Corrientes, que celui-ci ne pouvait pas mener d’action directe, car le conflit était devenu sans objet à la suite de la conclusion d’une convention collective, n’était pas légitime pour représenter les intérêts collectifs du personnel de l’enseignement et s’exposait à des poursuites et des sanctions.
  2. 125. L’organisation plaignante revient ensuite sur le contexte dans lequel la disposition a été adoptée et indique que: i) l’Association des enseignants de la province de Corrientes (ACDP), le SUTECO et le Syndicat argentin des enseignants privés (SADOP) ont communiqué à la Direction du travail, sous-secrétariat du travail de la province, leur décision de faire grève pour une période de 24 heures à partir de minuit le 25 février 2013; ii) le conflit collectif et la grève sont la conséquence de l’intransigeance du ministère de l’Éducation de la province, qui n’a pas voulu reconnaître la légitimité de la revendication salariale des enseignants; iii) le 22 février 2013, le SUTECO a annoncé qu’il prolongerait la grève de 24 heures, portant ainsi sa durée à 48 heures; iv) compte tenu de cette situation, le 25 février 2013, la Direction du travail a publié la disposition no 187/13, par laquelle elle a inscrit le conflit collectif dans le cadre de la procédure de conciliation obligatoire, conformément à la loi nationale no 14.786/59; v) ainsi, la Direction du travail a également ordonné par la disposition no 187/13 que les trois syndicats concernés (ACDP, SUTECO et SADOP) s’abstiennent de faire grève pendant la période de conciliation obligatoire et a fixé au 28 février 2013 la date de la première audience, laquelle n’a jamais eu lieu; vi) malgré cela, les trois syndicats ont entamé une grève le 25 février 2013; vii) sans aucun fondement juridique et au motif que les trois syndicats n’avaient pas respecté la décision de s’abstenir de faire grève, la Direction du travail a décidé de mettre fin à la procédure de conciliation obligatoire et a ordonné l’ouverture de la procédure contradictoire applicable, afin de leur imposer des amendes pour «obstruction» présumée; viii) dans ce contexte, le ministère de l’Éducation de la province de Corrientes a convoqué les cinq syndicats d’enseignants, y compris le SUTECO, au siège du ministère où, le 8 mars 2013, il a finalement présenté une modeste proposition salariale, qui a été acceptée par tous les syndicats, à l’exception du SUTECO; ix) la convention collective a été conclue hors de tout cadre légal; x) le 13 mars 2013, le SUTECO a appelé à une nouvelle grève de 24 heures pour le 15 mars 2013; et xi) la Direction du travail a, de manière irrégulière, intégré dans le dossier no 524 21 02 486/13 susmentionné la convention salariale conclue avec les autres syndicats et, sur la base de cette convention, a publié la disposition no 352/13 dénoncée dans la présente plainte, par l’intermédiaire de laquelle le SUTECO a été informé qu’il devait s’abstenir de mener une grève, sous peine de sanction, pour «manque de légitimité» à représenter les intérêts collectifs de la profession d’enseignant, omettant ainsi la reconnaissance de cette légitimité tant par la Direction du travail que par l’Assemblée législative de la province.
  3. 126. En outre, la CTERA se plaint de la négligence malveillante de l’État provincial, qui n’a pas adopté de réglementation pour la loi provinciale no 6030 de 2011 relative à la convention collective des enseignants, ce qui rend cette loi inapplicable. L’organisation plaignante fait notamment valoir que: i) cette situation est d’une importance fondamentale pour apprécier l’effet juridique limité de la convention conclue entre les représentants de l’État provincial et les représentants de quatre syndicats d’enseignants; ii) la Direction du travail de la province de Corrientes n’a pas tenu compte du fait que les seuls accords sur les conditions de travail qui ont un effet erga omnes sont ceux conclus dans le cadre de la loi no 6030 de 2011 sur la convention collective, une fois que la réglementation correspondante est entrée en vigueur; iii) la Direction du travail a commis une grave erreur en considérant, à l’article 1 de la disposition no 352, que le SUTECO ne pouvait pas mener d’action directe (grève) parce que le conflit était devenu sans objet compte tenu de la convention collective conclue avec l’ACDP, l’Union des enseignants argentins (UDA), l’Association des professeurs d’enseignement technique (AMET) et le Mouvement unificateur des enseignants (MUD), étant donné que, comme le SUTECO n’a pas signé cette convention, les effets de cet accord ne s’appliquent ni aux membres de ce syndicat, ni aux enseignants non syndiqués, ni aux autres syndicats; iv) la disposition no 352/13 est absolument et irrévocablement nulle et non avenue, dans la mesure où l’État provincial méconnaît le droit du SUTECO à représenter les intérêts collectifs des enseignants de tous les niveaux d’enseignement, en soutenant que ce droit revient à l’ACDP qui serait la seule organisation à jouir du statut syndical selon les paragraphes 4, 5, 6 et 7 de ladite disposition; v) il s’agit d’une interprétation restrictive et arbitraire des articles 23 et 31 de la loi no 23.551 sur les associations syndicales, contraire à l’article 14 bis de la Constitution nationale, et en particulier à l’article 3 de la loi provinciale no 6030 de 2011, qui reconnaît la légitimité du SUTECO à participer aux travaux des futures commissions de négociation collective, sur la base de la future convention collective des enseignants à tous les niveaux; et vi) l’organisme qui a publié la disposition contestée no 352/13 est l’employeur concerné par le conflit collectif avec les syndicats d’enseignants, car la Direction du travail relève du pouvoir exécutif provincial et, par conséquent, en tant que partie au conflit collectif, ne peut pas intervenir en tant que conciliateur (objectif et impartial), comme prévu dans le cadre de la procédure réglementée au titre de la loi no 14.786 susmentionnée.
  4. 127. L’organisation plaignante dénonce ensuite la disposition no 1769/15 publiée par la Direction du travail de la province de Corrientes, par l’intermédiaire de laquelle celle-ci a déclaré illégale la grève convoquée par le SUTECO pour le 9 octobre 2015, ce qui met également en évidence la manière dont cet organisme est sujet aux directives politiques du gouvernement de la province de Corrientes, qui est partie au conflit collectif. En établissant que le SUTECO ne jouit pas du statut syndical lui permettant d’appeler à la grève, la Direction du travail ignore le fait que le pouvoir exécutif provincial a imposé une amende au SUTECO pour avoir prétendument refusé de se conformer à une disposition de la Direction du travail qui l’obligeait, selon les dispositions de la loi no 14.786, à se soumettre à une procédure de conciliation obligatoire; or seules les associations syndicales habilitées à déclarer des grèves ont l’obligation de se soumettre à cette procédure. L’organisation plaignante demande que l’État argentin soit informé de la nécessité pour la province de Corrientes d’annuler les dispositions no 352/13 et 1769/15, ainsi que l’imposition de l’amende de 700 000 pesos correspondant à la grève de février 2015.
  5. 128. Dans une communication datée du 27 mai 2021, la CTERA, conjointement avec l’UTE et l’IE soutient que: i) le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires a enfreint les principes garantissant la liberté syndicale et le droit de grève en publiant le décret no 125/21, daté du 14 avril 2021, par lequel il a déclaré, entre autres, que le ministère de l’Éducation de la ville autonome de Buenos Aires, les organismes relevant de sa compétence et les établissements d’enseignement placés sous son autorité ou sa supervision constituaient des entités dont les services étaient essentiels et indispensables pendant la durée de la pandémie de COVID 19, afin d’ignorer ainsi l’exercice du droit de grève des travailleurs de l’éducation des écoles publiques, que la gestion en soit assurée par un organisme public ou privé, qui dépendent du ministère de l’Éducation de la ville autonome de Buenos Aires et, dans le même temps, procéder à des retenues de salaire pour les jours où les enseignants n’ont pas assuré les cours et se sont mis en grève; ii) le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires a menacé de sanctionner les personnes ayant l’intention de mener une action collective directe (grève); iii) la détermination du caractère «essentiel» des établissements d’enseignement, au moyen du décret susmentionné, relève d’une politique de persécution qui, au cours des années précédentes, a été mise en œuvre par le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires à l’encontre des travailleurs des établissements d’enseignement; iv) le décret publié par une autorité locale, telle que le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires, proclamant le caractère «essentiel» des établissements d’enseignement est manifestement inconstitutionnel non seulement parce que cette juridiction n’est pas compétente pour établir le caractère essentiel de l’enseignement, mais surtout parce que ce décret porte directement atteinte à l’exercice de droits constitutionnels fondamentaux, au détriment des travailleurs de l’éducation, notamment le droit de grève prévu à l’article 14 bis de la Constitution nationale; v) l’enseignement ne constitue pas un service essentiel au regard des dispositions de l’article 24 de la loi no 25.887 sur les conflits dans les services essentiels, qui dans la partie consacrée à ce sujet dispose que: «[...] Les services sanitaires et hospitaliers, la production et la distribution d’eau potable, d’électricité et de gaz, ainsi que le contrôle du trafic aérien sont considérés comme des services essentiels. Une activité non visée au paragraphe précédent peut, à titre exceptionnel, être qualifiée de service essentiel par une commission indépendante dont la composition est conforme à la réglementation [...]. Le pouvoir exécutif national, avec l’intervention du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale et après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs, publiera le règlement correspondant au présent article dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours, conformément aux principes de l’Organisation internationale du Travail»; vi) l’enseignement ne pourrait pas non plus être considéré comme un service essentiel en vertu des principes établis par l’Organisation internationale du Travail, tels qu’énoncés dans la Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale; vii) conformément au décret no 362/10 du 18 mars 2010, qui réglemente la Commission des garanties prévue à l’article 24 de la loi no 25.877 susmentionnée, une activité ne figurant pas dans l’énumération susmentionnée peut exceptionnellement être qualifiée de service essentiel si une procédure de conciliation est préalablement engagée; viii) toute décision ou tout décret qualifiant une activité de service essentiel sans respecter la législation en vigueur et les principes internationaux du travail est frappé de nullité; ix) la décision no 408/2001 rendue par le ministère du Travail en 2001, qui a classé l’enseignement parmi les «services essentiels», a déjà été déclarée nulle et non avenue par la Cour suprême de justice (et a donné lieu à une décision du Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 2157); x) à la date de rédaction de la présente communication (mai 2021), le décret de nécessité et d’urgence no 287/21, daté du 1er mai 2021, publié par le pouvoir exécutif national, était en vigueur. Ce décret prescrit la poursuite obligatoire des cours dispensés par visioconférence et l’interdiction des cours en présentiel dans la ville autonome de Buenos Aires, en raison du nombre élevé de cas de COVID 19. Il en était de même pour la décision no 394/2021 du 4 mai 2021, rendue par le Conseil fédéral de l’éducation, par l’intermédiaire de laquelle il a été mis un terme aux cours en présentiel dans la ville autonome de Buenos Aires jusqu’au 21 mai 2021. xi) la raison qui a conduit le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires à établir le caractère «essentiel» des établissements d’enseignement réside, en réalité, dans le fait qu’il cherchait à déroger au décret de nécessité et d’urgence susmentionné (classes par visioconférence obligatoires) afin d’imposer sa décision visant à rétablir les cours en présentiel, utilisée comme argument politique à des fins électorales; xii) par conséquent, le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires, à la suite de la grève menée par l’UTE pour faire appliquer le décret no 287/21 (classes par visioconférence obligatoires) et prévenir l’augmentation des cas de COVID 19 dans les écoles, a procédé à une retenue sur les salaires des travailleurs de l’éducation, ce qui constitue un acte de représailles contre ces derniers, dont l’objectif était de faire appliquer une norme hiérarchiquement supérieure dans le contexte d’une crise sanitaire de grande ampleur; et xiii) la classification subreptice de l’enseignement comme service essentiel par le décret no 125/21 de la ville autonome de Buenos Aires, les retenues sur salaire et les menaces de sanctions disciplinaires contre les participants aux grèves lancées par l’UTE ont directement entravé l’exercice du droit de grève, en violation directe des décisions du Comité de la liberté syndicale de l’OIT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 129. Dans une communication datée d’octobre 2016, le gouvernement présente ses observations sur les allégations de l’organisation plaignante concernant le secteur de l’enseignement public dans la province de Corrientes. Il indique tout d’abord que le SUTECO a été et continue d’être reconnu par les différents organes publics et, comme d’autres syndicats, intervient activement dans la province de Corrientes. Le SUTECO ne fait donc l’objet d’aucune forme de discrimination, comme en témoigne sa participation à l’application de la disposition de mars 2014 (qui a ensuite donné lieu à une convention collective dans le cadre de laquelle les autres syndicats ont accepté l’augmentation salariale). En outre, le SUTECO a participé à l’établissement de la réglementation liée à la loi relative aux organes paritaires, comme en atteste la copie du décret du 16 juin 2015, ce qui confirme que, contrairement aux allégations de l’organisation plaignante, celle-ci ne subit aucune discrimination. Le gouvernement ajoute que: i) au milieu du processus de négociation, le SUTECO n’a pas respecté les règles de la procédure de conciliation obligatoire en recourant à la grève, raison pour laquelle il a été exclu de la table de négociation; ii) selon les informations fournies par le sous-secrétariat au travail de la province de Corrientes, le conflit collectif faisait l’objet, à la date de la présente communication (octobre 2016), d’une procédure judiciaire, de sorte qu’il est proposé au comité d’attendre de connaître l’issue de cette procédure avant de prendre une décision; et iii) l’organisation plaignante n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses affirmations, ce qui empêche de confirmer la véracité de ses arguments.
  2. 130. Dans une communication datée de septembre 2017, le gouvernement affirme que, selon le sous-secrétariat au travail de la province de Corrientes, le conflit collectif est toujours en cours de traitement par les autorités judiciaires et qu’à la date de la communication (septembre 2017), l’affaire n’avait pas connu d’issue définitive. Par ailleurs, il indique à nouveau que l’organisation plaignante n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses allégations, ce qui ne permet pas d’établir si celles-ci sont dûment étayées.
  3. 131. Dans une communication datée du 12 septembre 2023, le gouvernement déclare que: i) la procédure judiciaire concernant le conflit collectif dans l’affaire «Syndicat unique des travailleurs de l’éducation de Corrientes c/État de la province de Corrientes s/Procédure de contentieux administratif», dossier no 123426/15, s’est conclue par des jugements rendus par le tribunal administratif de première instance no 2 (de la province de Corrientes) et la cour d’appel du contentieux administratif et électoral, ainsi que par un appel extraordinaire interjeté devant la Cour supérieure de justice; ii) l’action en justice a été intentée par le SUTECO en vue d’obtenir la nullité du décret no 2327/15, par lequel a été rejeté le recours hiérarchique qu’il avait présenté contre la disposition no 646/13 de la Direction du travail, qui avait elle-même conduit au rejet du recours hiérarchique déposé par le SUTECO contre la disposition no 455/13, qui lui imposait une amende pour non-respect de la disposition no 187/13 (dans laquelle il était notamment ordonné de suspendre la grève pendant la procédure de conciliation obligatoire). Ainsi, dans le cadre de la procédure judiciaire, le SUTECO a fait valoir qu’il y avait eu un vice de procédure et que, de la publication de la disposition no 187/13 par la Direction du travail à la conclusion de la procédure, celle-ci aurait dû être menée conformément aux prescriptions de la loi no 14.786 sur la procédure relative aux conflits collectifs et non selon les dispositions des articles 26 à 32 de la loi no 2.477 (procédure en cas d’infraction à la législation du travail). Le 30 juillet 2018, le tribunal de première instance a rejeté la demande du SUTECO, estimant que le demandeur n’avait pas réussi à prouver l’illégitimité du décret no 2327/15 et des actes qui l’ont précédé, car aucun vice manifeste dans les éléments essentiels du décret n’était apparu ou n’avait été prouvé, et qu’aucun élément convaincant ne prouvait l’illégalité alléguée par le demandeur; iii) toutefois, en février 2020, cette décision a été annulée par un arrêt de la cour d’appel, qui l’a jugée inconstitutionnelle et a estimé que l’article 31 de la loi no 2.477 ne s’appliquait pas à cette affaire et, par conséquent, a déclaré la nullité du décret no 2327/15, contesté par le requérant (le SUTECO), et ordonné au pouvoir exécutif provincial d’émettre un nouvel acte administratif et de réexaminer la légalité de l’amende ordonnée dans la disposition no 2327/15; iv) l’État de la province de Corrientes a déposé devant la Cour supérieure de justice de la province un recours extraordinaire pour inapplicabilité de la loi, mais celui-ci a été déclaré irrecevable dans une décision rendue le 9 décembre 2021; v) cette décision a mis fin à la procédure judiciaire engagée par le SUTECO contre l’État de la province de Corrientes pour contester les actes administratifs adoptés dans le cadre de la procédure de conciliation obligatoire qui, selon la partie demanderesse, ont entravé son exercice du droit à la liberté syndicale et du droit de grève; vi) bien que l’action en justice intentée par le SUTECO ait trouvé une issue favorable, il n’en est pas moins vrai que le bien-fondé de la demande ne repose pas sur les arguments avancés par le SUTECO, c’est-à-dire sur les prétendus vices attribués aux actes administratifs en question comme cause de l’atteinte à la liberté syndicale, puisqu’il avait alors invoqué des vices de compétence, de cause et de procédure dans les actes administratifs publiés dans le cadre de la conciliation obligatoire, vices qui ont également été invoqués lors de la soumission de la présente plainte devant le Comité de la liberté syndicale; vii) par ailleurs, la cour d’appel a déclaré nul et non avenu le décret no 2327/15, conséquence logique de l’inconstitutionnalité de l’application de l’article 31 de la loi no 2.477, considérant que l’exigence de paiement préalable établie dans ledit article solve et repete, comme condition d’admission du recours hiérarchique présenté par le SUTECO contre la disposition de sanction publiée par la Direction du travail, était contraire aux droits constitutionnels de la défense; viii) il convient de noter que la déclaration de nullité du décret no 2327/15 prononcée par le pouvoir judiciaire de Corrientes n’a pas mis fin à la procédure administrative au cours de laquelle ont été publiées les dispositions de la Direction du travail qui sont contestées par le SUTECO et constituent la base de la plainte déposée par cet organisme devant le comité, puisque la cour d’appel a ordonné à la partie défenderesse de publier un nouvel acte administratif, en réexaminant la légalité de l’amende ordonnée dans la disposition no 455/13; et ix) par conséquent, selon une interprétation correcte de l’arrêt de la cour d’appel, la procédure administrative contestée par le SUTECO doit être traitée par l’instance qui était compétente avant la promulgation du décret no 2327/15, déclaré nul et non avenu, et le pouvoir exécutif provincial doit réexaminer le recours hiérarchique déposé contre la disposition no 455/13, par laquelle la Direction du travail a imposé une amende à l’entité syndicale.
  4. 132. Dans une communication datée du 11 septembre 2023, le gouvernement a transmis les observations du gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires sur les allégations envoyées en mai 2021 par la CETERA, l’UTE et l’IE. Le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires souligne que les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles le décret n° 125/2021 viole le droit de grève sont dépourvues de toute précision factuelle et normative. Le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires se réfère tout d’abord au contexte dans lequel le décret a été adopté et précise à cet égard que : (i) la déclaration du caractère essentiel des activités exercées par les agents du ministère de l’éducation de la ville a été adoptée à un moment où la situation sanitaire (réduction du nombre de cas, calendrier de vaccination) provoquée par la pandémie de COVID-19 permettait d’assouplir les mesures d’isolement et de reprendre le cours normal des activités; ii) la déclaration susmentionnée du caractère essentiel des activités découle de l’existence, reconnue par la Cour suprême de justice de la nation, d’un droit humain à l’éducation qui doit être satisfait dans toute la mesure du possible ; et iii) bien que les modalités d’enseignement à distance aient permis une participation significative des étudiants, elles n’ont pas remplacé les avantages de l’enseignement présentiel dans le processus d’apprentissage et dans la socialisation des enfants.
  5. 133. Le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires se réfère ensuite à l’impact allégué du décret n° 125/2021 sur le droit de grève. Il affirme à cet égard que : i) le caractère essentiel de l’activité éducative établi par le décret précité est différent du mécanisme établi par l’article 24 de la loi 25.877, qui permet de qualifier exceptionnellement certaines activités de services essentiels en vue d’établir des services minimaux en cas de grève; ii) au contraire, les organisations syndicales en général et les plaignants en particulier se sont vu reconnaître à tout moment le droit de mener des actions collectives; iii) de fait, des mesures d’action collectives ont été menées pendant les périodes où le décret no 125/2021 était en vigueur; iv) l’exercice du droit de grève entraîne d’une part la suspension des activités des travailleurs et d’autre part le non-paiement des salaires correspondants; et v) le fait que les travailleurs en grève du secteur de l’éducation n’aient pas reçu de salaires pour les jours non travaillés constitue une preuve de l’applicabilité du droit de grève pendant la durée du décret n° 125/2021.
  6. 134. Le gouvernement de la ville de Buenos Aires fait enfin valoir que la situation factuelle et juridique a radicalement changé depuis l’adoption du décret susmentionné, raison pour laquelle il considère que les allégations des plaignants sont devenues abstraites.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 135. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations d’atteinte à la liberté syndicale dans le secteur de l’enseignement public dans la province de Corrientes, d’une part, et dans la ville autonome de Buenos Aires, d’autre part.
  2. 136. En ce qui concerne les aspects de la plainte concernant la province de Corrientes, le comité note que la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) soutient que, à partir de février 2013, les autorités provinciales ont refusé au Syndicat unique des travailleurs de l’éducation de Corrientes (SUTECO) (le syndicat de base de la CTERA dans le secteur de l’enseignement dans la province de Corrientes) le droit de négocier collectivement et de mener des actions de grève, au mépris des normes nationales et internationales et de la loi provinciale no 6030 de 2011 relative à la négociation collective dans le secteur de l’éducation publique. Le comité prend note des indications de la CTERA selon lesquelles: i) dans le cadre d’une négociation salariale ardue entre les autorités provinciales et cinq syndicats du secteur de l’enseignement public menée au début de l’année 2013, le SUTECO et deux autres syndicats ont annoncé leur volonté de faire grève le 25 février 2013; ii) sur la base de la loi nationale no 14.786/59, la Direction provinciale du travail a décidé d’inscrire le conflit collectif dans une phase de conciliation obligatoire, ordonnant aux trois syndicats de s’abstenir de faire grève jusqu’à la fin de la procédure de conciliation (disposition no 187/13); iii) de manière injustifiée et sous prétexte que les syndicats ne s’étaient pas abstenus de mener la grève susmentionnée, la Direction du travail a mis fin à la conciliation et a entamé une procédure visant à infliger des amendes aux trois organisations; iv) hors de tout cadre légal, le ministère provincial de l’Éducation a réuni les cinq syndicats et a proposé une modeste augmentation salariale qui a été acceptée par quatre syndicats, mais rejetée par le SUTECO; v) lorsque le SUTECO a appelé à une grève d’une journée le 15 mars 2013, la Direction provinciale du travail a publié la disposition no 352/13, selon laquelle le SUTECO ne pouvait pas entreprendre d’action directe (grève), car le conflit collectif était devenu sans objet à la suite de la conclusion d’une convention collective avec d’autres organisations syndicales, et que le SUTECO n’était pas habilité à représenter les intérêts collectifs du personnel de l’enseignement; et vi) la méconnaissance des prérogatives du SUTECO a été confirmée par la disposition no 1769/15 de la Direction du travail de la province de Corrientes, dans laquelle la grève lancée par le SUTECO le 9 octobre 2015 a été déclarée illégale. Le comité note que l’organisation plaignante considère que: i) l’interdiction de recourir à la grève énoncée dans la disposition no 352/13 et reposant sur le fait qu’une convention collective venait d’être conclue n’est pas fondée, étant donné que le SUTECO n’a pas signé la convention en question; ii) la négation dans le même texte de la capacité du SUTECO à représenter collectivement les enseignants de la province est contraire aux dispositions de la loi provinciale no 6030; et iii) en outre, les différentes décisions des autorités provinciales décrites ci dessus sont irrégulières dans la mesure où l’administration provinciale se pose en juge de conflits collectifs auxquels elle est directement partie. Le comité note que l’organisation plaignante conclut que les décisions susmentionnées doivent être annulées, y compris l’amende de 700 000 pesos correspondant à la conduite de la grève de février 2013.
  3. 137. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement déclare que: i) le SUTECO n’a fait l’objet d’aucune forme de discrimination de la part des autorités provinciales de Corrientes, comme en témoigne sa participation aux négociations qui ont abouti à la conclusion de la convention collective de mars 2014 et aux concertations de juin 2015 concernant l’établissement de la réglementation relative à la loi provinciale no 6030; ii) au milieu du processus de négociation, le SUTECO n’a pas respecté les règles de la procédure de conciliation obligatoire en recourant à la grève, alors que la disposition no 187/13 lui ordonnait de s’abstenir de le faire, et a ainsi été exclu de la table de négociation; iii) le conflit collectif susmentionné a donné lieu à une action en justice portant sur la légalité de l’amende imposée au SUTECO pour avoir mené la grève de février 2013 en violation de la disposition no 187/13; et iv) par des décisions rendues en février 2020 et en décembre 2021, la cour d’appel et la Cour supérieure de justice de la province ont déclaré, pour des motifs de forme, la nullité des amendes imposées au SUTECO et ont ordonné à l’exécutif provincial d’émettre un nouvel acte administratif, dans lequel il réexaminerait la légalité de l’amende imposée. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que l’action en justice engagée par le SUTECO et les décisions judiciaires correspondantes n’ont pas été fondées sur les violations de la liberté syndicale alléguées en l’espèce, mais sur le fait que l’exigence du paiement préalable de l’amende comme condition de recevabilité du recours hiérarchique déposé par le SUTECO contre la disposition de sanction publiée par la Direction du travail constituait une atteinte aux droits constitutionnels de la défense.
  4. 138. Le comité prend bonne note des informations communiquées par les parties au sujet du conflit opposant le SUTECO et les autorités de la province de Corrientes dans le cadre des négociations sur les salaires des enseignants du secteur public. Il constate que l’organisation plaignante dénonce à la fois des décisions spécifiques de l’administration provinciale à son égard (en particulier les dispositions no 187/13 et 455/13, la disposition no 352/13 et la disposition no 1769/15), qui, selon elle, traduiraient plus généralement l’intention d’exclure le SUTECO des relations collectives de travail, ainsi que le caractère irrégulier de l’intervention du pouvoir exécutif provincial, qui se poserait en juge et partie des conflits collectifs dans le secteur public. Le comité observe que le conflit se déroule dans un contexte de pluralisme syndical dans le secteur de l’enseignement de la province où, selon les informations fournies par les parties, le SUTECO est simplement enregistré, tandis que l’Association des enseignants de la province de Corrientes (ACDP), pour sa part, dispose du statut syndical (un type d’enregistrement réservé par la législation argentine aux organisations les plus représentatives, qui, en vertu de la législation nationale, ont le monopole de la négociation collective), et que l’article 3 de la loi provinciale no 6030 prévoit que la participation à la négociation collective ne se limite pas aux organisations dotées du statut syndical.
  5. 139. En ce qui concerne l’amende imposée au SUTECO par la Direction provinciale du travail (disposition no 455/13) pour avoir mené une grève d’une journée en février 2013 malgré une décision de la Direction du travail lui ordonnant de s’abstenir de le faire (décision no 187/13), le comité note que l’organisation plaignante et le gouvernement conviennent que la grève menée par le SUTECO a eu lieu au milieu d’une procédure de conciliation obligatoire ordonnée par la Direction du travail (décision no 187/13) conformément à la loi nationale no 14.786/59, alors que l’interdiction de faire grève avait pour but de permettre à la procédure de conciliation d’être menée à son terme. Le comité rappelle à cet égard que l’on ne saurait considérer comme attentatoire à la liberté syndicale une législation prévoyant le recours aux procédures de conciliation et d’arbitrage (volontaire) dans les conflits collectifs en tant que condition préalable à une déclaration de grève, pour autant que le recours à l’arbitrage ne présente pas un caractère obligatoire et n’empêche pas, en pratique, le recours à la grève. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 793.] Il souligne en outre que, dans les cas de conciliation obligatoire, il est désirable que la décision d’engager une procédure de conciliation dans les conflits collectifs revienne à un organe indépendant des parties en conflit. [Voir Compilation, paragr. 796.] Il rappelle enfin que, comme dans des cas précédents, il s’attend à ce que les amendes qui pourraient être infligées à l’endroit des syndicats pour faits de grève illégale ne soient pas d’un montant susceptible de mener à la dissolution du syndicat ni d’avoir un effet d’intimidation sur les syndicats et d’inhiber leurs légitimes actions de revendication syndicale et veut croire que le gouvernement s’efforcera de résoudre de telles situations au moyen d’un dialogue social franc et effectif. [Voir Compilation, paragr. 969.] Observant que les décisions relatives à l’imposition de l’amende susmentionnée ont été annulées par la justice pour violation des droits de la défense et que l’affaire est de nouveau examinée par les autorités provinciales, le comité s’attend à ce que celles-ci tiennent dûment compte des principes énoncés ci-dessus.
  6. 140. En ce qui concerne les deux autres interdictions de grève imposées au SUTECO par l’intermédiaire des dispositions no 352/13 et 1769/15 adoptées par la Direction provinciale du travail, le comité note que: i) selon la CTERA, l’interdiction énoncée dans la disposition no 352/13 de mars 2013 est illégale, car elle se fonde sur la convention collective signée par les autres organisations syndicales, mais rejetée par le SUTECO, pour soutenir que le conflit collectif à l’origine de la grève n’est plus d’actualité; ii) la CTERA soutient que, dans les deux cas, l’administration provinciale du travail est à la fois juge et partie, étant donné qu’elle a interdit des grèves dans le cadre d’un conflit collectif auquel elle est elle-même partie prenante. Le comité constate dans le même temps que: i) le texte des dispositions contestées ne lui a pas été communiqué et que celles-ci ne sont pas disponibles dans le domaine public; ii) les observations spécifiques du gouvernement à cet égard ne lui sont pas parvenues; iii) il ne dispose d’aucune information factuelle sur la grève envisagée par le SUTECO en 2015 qui a donné lieu à la disposition no 1769/15. À la lumière de ce qui précède, le comité ne dispose pas des éléments lui permettant d’apprécier de manière exhaustive la validité des motifs ayant conduit à l’interdiction des mouvements de grève convoqués par le SUTECO. Il constate cependant que, dans les deux cas, les décisions d’interdiction de la grève, comme la décision examinée ci-dessus d’imposer une conciliation obligatoire, ont été prises par l’administration publique provinciale et non par un organe indépendant des parties. À cet égard, le comité rappelle de nouveau que, d’une part, dans les cas de conciliation obligatoire, il est désirable que la décision d’engager une procédure de conciliation dans les conflits collectifs revienne à un organe indépendant des parties en conflit et que, d’autre part, la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant et impartial. [Voir Compilation, paragr. 796 et 909.] Sur la base de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les décisions concernant le recours à la conciliation obligatoire et l’interdiction des mouvements de grève soient prises par des organes indépendants des parties. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité rappelle également qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau à propos des mesures demandées.
  7. 141. En ce qui concerne l’allégation de la CTERA selon laquelle l’administration provinciale aurait non seulement interdit au SUTECO de faire grève dans le cadre du conflit collectif de février-mars 2013, mais aurait également cherché à lui refuser le droit de représenter collectivement les enseignants publics, le comité note que, d’une part, l’organisation plaignante affirme que: i) la disposition no 352/13 laisse entendre que seule l’ACDP, qui jouit du statut syndical, serait habilitée à représenter les enseignants de la province au cours de négociations collectives; et ii) l’absence de réglementation relative à la loi provinciale no 6030, dont l’article 3 prévoit la participation de toutes les organisations syndicales du secteur de l’éducation à la table des négociations, illustre la volonté de l’administration d’exclure le SUTECO. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement affirme qu’il n’y a pas de volonté d’exclure le SUTECO, comme en témoigne la participation de ce dernier aux négociations de la convention collective de 2013 et aux discussions de 2015 sur la réglementation relative à la loi provinciale no 6030. Tout en rappelant que sont compatibles avec la convention no 98 tant le système du négociateur unique (l’organisation la plus représentative) que celui d’une délégation composée de toutes les organisations ou seulement des plus représentatives en fonction de critères clairs définis au préalable pour déterminer les organisations habilitées à négocier [voir Compilation, paragr. 1360], le comité observe que le gouvernement n’a pas précisé s’il avait terminé d’établir la réglementation relative à la loi provinciale no 6030. Soulignant que, conformément à l’article 5 d) de la convention no 154 ratifiée par l’Argentine, des mesures doivent être prises pour que la négociation collective ne soit pas entravée par suite de l’inexistence de règles régissant son déroulement ou de l’insuffisance ou du caractère inapproprié de ces règles, le comité veut croire que les mesures nécessaires seront prises pour assurer la pleine applicabilité des lois qui régissent la négociation collective dans la province de Corrientes et prévoient la participation des différentes organisations syndicales du secteur de l’éducation à ce processus.
  8. 142. Le comité note également que, dans une communication datée d’octobre 2021, la CTERA et l’Union des travailleurs de l’éducation (UTE) dénoncent des restrictions injustifiées au droit de grève de la part du gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires. Il note que les organisations plaignantes affirment que le décret no 125/21, daté du 14 avril 2021, dispose que le ministère de l’Éducation de la ville autonome de Buenos Aires, les organismes relevant de sa compétence et les établissements d’enseignement placés sous son autorité ou sa supervision constituent des entités dont les services sont essentiels et indispensables pendant la durée de la pandémie de COVID 19, au mépris du droit de grève des travailleurs de l’éducation qui exercent leurs fonctions dans les établissements d’enseignement. Le comité note que les organisations plaignantes font notamment valoir que: i) le décret no 125/21 est manifestement contraire à la législation en vigueur, tant nationale qu’internationale; ii) la Cour suprême de justice a déjà déclaré nulle et non avenue la décision no 408/2001, prise en 2001 par le ministère du Travail pour que l’enseignement soit considéré comme un service essentiel; iii) la véritable raison pour laquelle le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires a décrété le caractère essentiel des établissements d’enseignement réside dans sa volonté de ne pas appliquer le décret no 287/21 de l’exécutif national, qui établit le caractère obligatoire des cours dispensés par visioconférence; et iv) le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires, à la suite de la grève menée par l’UTE pour faire appliquer le décret no 287/21 (classes par visioconférence obligatoires) et prévenir l’augmentation des cas de COVID 19 dans les écoles, a procédé à une retenue sur les salaires des travailleurs de l’éducation, ce qui constitue un acte de représailles contre ces derniers, dont l’objectif était de faire appliquer une norme hiérarchiquement supérieure dans le contexte d’une crise sanitaire de grande ampleur.
  9. 143. Le comité note également que le gouvernement transmet les observations du gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires, qui considère que les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles le décret no 125/2021 viole le droit de grève sont dépourvues de toute précision factuelle et normative. Le Comité note en particulier que le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires affirme tout d’abord que: i) la déclaration du caractère essentiel des activités exercées par les employés du ministère de l’Éducation de la ville a été adoptée à un moment où la situation sanitaire causée par la pandémie de COVID-19 permettait de reprendre les activités normales; et ii) la déclaration susmentionnée du caractère essentiel des activités éducatives découle de l’existence, reconnue par la Cour suprême de justice de la nation, d’un droit humain à l’éducation qui doit être satisfait dans toute la mesure du possible, et il convient également de considérer que les modalités d’enseignement à distance n’ont pas remplacé les avantages de l’enseignement présentiel dans le processus d’apprentissage et de socialisation des enfants. Le comité note que le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires affirme en second lieu que: i) la nature essentielle de l’activité éducative établie par le décret susmentionné était distincte du mécanisme établi par l’article 24 de la loi 25.877, qui permet de qualifier exceptionnellement certaines activités de services essentiels en vue d’établir des services minima en cas de grève; ii) au contraire, les syndicats en général et les plaignants en particulier se sont vu reconnaître à tout moment le droit de mener des actions collectives; iii) en fait, des mesures d’actions collectives ont été prises pendant les périodes où le décret no 125/2021 était en vigueur; iv) l’exercice du droit de grève entraîne la suspension des activités des travailleurs d’une part et le non-paiement des salaires correspondants d’autre part; et v) le fait que les travailleurs en grève du secteur de l’éducation n’ont pas reçu de salaires pour les jours où ils n’ont pas travaillé pendant la période de validité du décret no 125/2021 est une preuve de l’applicabilité du droit de grève dans ce contexte. Le comité note que le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires affirme enfin que la situation factuelle et juridique a radicalement changé depuis l’adoption du décret susmentionné, raison pour laquelle il considère que les allégations des requérants sont devenues abstraites.
  10. 144. Le comité prend bonne note que la réponse fournie par le gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires indique que: i) la déclaration du caractère essentiel du secteur de l’éducation par le décret no 125/2021 n’avait pas pour but de méconnaître le droit de grève des enseignants mais d’exempter ce secteur des restrictions d’activité imposées dans le contexte de la pandémie; et ii) des actions de grève ont effectivement été menées dans ce secteur dans la Ville de Buenos Aires pendant que le décret était en vigueur sans que la légalité de ces actions ne soit remise en cause. À cet égard, le comité a pris note du jugement no 42853 du 30 août 2022 rendu par le tribunal du travail no 4 (Asociación Docente de Enseñanza Media y Superior (ADEMYS)/c. Gobierno de la Ciudad Autónoma de Buenos Aires). Le Comité note que ce jugement est le résultat d’une action en justice intentée par une organisation syndicale pour obtenir le paiement des jours de grève pris entre avril et juin 2021 afin de maintenir le système d’enseignement à distance. Tout en rappelant qu’il a considéré que les déductions de salaires pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 942] et que le jugement t en question a fait l’objet d’un appel toujours en cours, le comité note que, dans ce jugement: i) le tribunal a statué en faveur d’ADEMYS, estimant que la grève des enseignants de la ville de Buenos Aires constituait une réponse au non-respect par l’employeur des dispositions nationales qui continuaient d’imposer l’enseignement à distance; et ii) la ville de Buenos Aires n’a pas contesté la légalité de la grève. Notant qu’il ressort clairement des éléments ci-dessus que le décret no 125/21 n’a pas eu pour effet de restreindre l’exercice du droit de grève, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 145. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne les conséquences de la grève menée par le Syndicat unique des travailleurs de l’éducation de Corrientes (SUTECO) en février 2013, le comité s’attend à ce que les autorités compétentes tiennent dûment compte des principes énoncés dans les présentes conclusions.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les décisions concernant le recours à la conciliation obligatoire et l’interdiction des mouvements de grève soient prises par des organes indépendants des parties. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau pour la mise en œuvre de la recommandation b)
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