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Informe definitivo - Informe núm. 391, Octubre 2019

Caso núm. 3298 (Chile) - Fecha de presentación de la queja:: 31-JUL-17 - Cerrado

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent le caractère antisyndical du licenciement d’un syndicaliste d’une société minière d’Etat, qui a entamé une grève de la faim pour exiger sa réintégration

  1. 115. La plainte figure dans une communication en date du 31 juillet 2017 de l’Union nationale des travailleurs du Chili (UNT) et de la Centrale autonome des travailleurs du Chili (CAT).
  2. 116. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications des 15 janvier 2018 et 13 août 2019.
  3. 117. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 118. Dans leur communication en date du 31 juin 2017, les organisations plaignantes indiquent que M. Richard Bobadilla Campos était au bénéfice depuis mai 2010 d’un contrat de travail à durée indéterminée comme conducteur de camions d’extraction minière dans la société minière d’Etat CODELCO (ci-après la «société minière») dans la région d’Antofagasta, au sein de la division Radomiro Tomic, dans la ville de Calama. Elles allèguent qu’en août 2012, après avoir déposé une plainte auprès de l’inspection du travail pour violation d’une convention collective par la société minière et après avoir présenté sa candidature en septembre 2012 à la direction syndicale lors des élections du Syndicat des travailleurs de la division Radomiro Tomic, M. Bobadilla a été harcelé et persécuté au travail. Les organisations plaignantes indiquent que, bien que le travailleur n’ait pas été élu, une fois le processus électoral du syndicat terminé, les actes de persécution à son encontre ont provoqué un état de dépression profonde menaçant son état de santé, comme l’atteste la décision no 52223 établie en août 2014 par la Surintendance de la sécurité sociale. Les organisations plaignantes allèguent que, en cas de maladie professionnelle, en vertu de l’article 71 de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles no 16744, le travailleur doit être transféré à d’autres tâches qui ne l’exposeront plus aux mauvais traitements et au harcèlement infligés par sa hiérarchie.
  2. 119. Les organisations plaignantes indiquent que, le 1er novembre 2012, la société minière a licencié M. Bobadilla en application de l’article 160, paragraphe 7, du Code du travail, à savoir pour violation grave des obligations liées au contrat de travail. Elles joignent en annexe copie de la lettre de licenciement indiquant que cette grave violation a consisté en l’incitation à semer le désordre et en l’organisation d’une activité pour regarder un match de football entre le Chili et l’Argentine sans autorisation préalable de la hiérarchie directe. Les organisations plaignantes indiquent toutefois que, dans un rapport de l’Inspection provinciale du travail d’El Loa-Calama du 3 mai 2013 (ci-après le «rapport d’inspection»), à la demande du juge du travail d’El Loa-Calama, dans le cadre d’une procédure de protection des droits fondamentaux engagée par M. Bobadilla, il a été constaté: que ce dernier avait effectivement demandé l’autorisation à sa hiérarchie de regarder le match de football; que dans aucun document n’apparaît le retrait de cette autorisation par l’employeur; et que, en tout état de cause, il existe, dans un instrument collectif, des autorisations générales acceptées par la société minière pour ce type d’événement.
  3. 120. Les organisations plaignantes indiquent que, le 26 avril 2017, M. Bobadilla a entamé une grève de la faim en vue d’obtenir sa réintégration après le licenciement arbitraire et injuste qu’il a subi et font savoir que, avec le soutien de l’Eglise catholique, le gouvernement a été invité à organiser une table ronde de dialogue en vue de trouver une juste solution, mais qu’aucune réponse n’a été reçue de ce dernier à cet égard. Selon un rapport sur l’état de santé de M. Bobadilla établi par la Commission des droits de l’homme du Collège médical le 26 juin 2017, sa situation était préoccupante sur le plan humanitaire et appelait une action urgente de la part des autorités.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 121. Dans ses communications des 23 janvier 2018 et 13 août 2019, le gouvernement transmet ses observations, ainsi que celles de la société minière. Cette dernière indique que M. Bobadilla a été embauché le 3 mai 2010 avec un contrat de travail à durée indéterminée en tant qu’opérateur minier au Centre de travail Radomiro Tomic et que, le 1er novembre 2012, sa relation d’emploi a pris fin par lettre de licenciement sur la base des motifs prévus à l’article 160, paragraphe 7, du Code du travail, à savoir une violation grave des obligations découlant de son contrat de travail. Comme indiqué dans la lettre de licenciement: i) M. Bobadilla avait, durant sa journée de travail, organisé, du dimanche 14 au 16 octobre, une activité pour regarder un match de football, sans disposer de l’autorisation de sa hiérarchie directe; il a même coordonné cette activité avec le personnel d’une entreprise contractante; ii) dans le cadre de l’enquête sur cet incident, le 24 octobre et après le repos auquel il avait droit, le travailleur a été mis à la disposition de la Direction des relations professionnelles; et iii) sans l’autorisation de sa hiérarchie ni motif valable, le travailleur a quitté son poste avant d’avoir accompli ses heures de travail, le 25 octobre 2012, et ne s’est pas présenté au travail le jour ouvrable suivant, soit le 29 octobre 2012, une nouvelle fois sans autorisation.
  2. 122. Le gouvernement indique que le 26 janvier 2013 M. Bobadilla a saisi le Tribunal du travail de Calama d’une action en protection des droits fondamentaux ainsi que d’une action en licenciement injustifié et en recouvrement des prestations sociales, qui ont été rejetées par un jugement en date du 13 août 2013. Dans ce jugement, le tribunal déclare que: i) aucune preuve n’a été produite quant à la manière dont la plainte déposée par l’ancien travailleur devant l’inspection du travail (pour laquelle aucune violation du droit du travail n’avait été constatée et aucune amende n’avait été imposée à la société minière) a pu aboutir à de l’animosité à son encontre; ii) aucun élément n’a pu accréditer l’existence d’une hostilité à son égard du fait de sa candidature au syndicat; iii) M. Bobadilla a organisé une activité pendant sa journée de travail pour regarder un match de football sans disposer de l’autorisation de sa hiérarchie directe, qui est habilitée à autoriser ou non ce type d’activité; le 25 octobre, après avoir été mis à la disposition de la Direction des relations professionnelles et soumis à un processus d’enquête interne visant à déterminer sa responsabilité dans l’incident relatif au match de football, le travailleur, sans l’autorisation de sa hiérarchie ni motif valable, a quitté son poste avant la fin de sa journée de travail le 25 octobre 2012 et ne s’est pas présenté au travail le jour ouvrable suivant, soit le 29 octobre 2012, une nouvelle fois sans autorisation ni justification; et iv) en ce qui concerne le rapport psychiatrique diagnostiquant chez l’ancien travailleur une dépression réactive causée par un deuil non liée au travail, et qui l’aurait frappé à nouveau en novembre 2012, le tribunal a estimé que sa valeur probante devrait être mise de côté, car n’atteignant pas la norme minimale requise.
  3. 123. Le gouvernement indique que, sur la base de ce qui précède, le tribunal a rejeté le paiement des indemnités demandées et n’a considéré comme dû au travailleur que le paiement d’un montant correspondant aux jours fériés. Il indique également que, le 26 août 2013, l’ancien travailleur a formé un recours en annulation du jugement mentionné et que la Cour d’appel d’Antofagasta a confirmé dans toutes ses dispositions le jugement de première instance, en notant que, selon le rapport d’inspection, l’autorisation d’assister au match avait été révoquée un jour auparavant pour des raisons de productivité. Le gouvernement indique que, le 23 décembre 2013, la Cour d’appel d’Antofagasta a confirmé le caractère définitif et exécutoire du jugement et que la société minière a versé au Tribunal du travail de Calama le montant correspondant aux jours fériés.
  4. 124. En ce qui concerne le rapport auquel se réfèrent les organisations plaignantes, établi par la Surintendance de la sécurité sociale en 2014 (décision no 52223), la société minière fait savoir que ce rapport indique que l’ancien travailleur a souffert de dépression pendant une période faisant suite à la fin de la relation de travail avec la société minière, soit de novembre 2012 à janvier 2013. Elle indique également que l’ancien travailleur interprète mal l’article 71 de la loi no 16744 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dans la mesure où cette norme stipule que «les membres atteints d’une maladie professionnelle doivent être transférés, par l’entreprise où ils travaillent, à d’autres tâches où ils ne seront plus exposés à l’agent responsable de la maladie». Selon la société minière, l’obligation qui pèse sur l’employeur concerne les travailleurs qui conservent leur relation de travail et en aucun cas ceux dont la relation contractuelle a pris fin. Il n’y a pas non plus d’obligation, en vertu de cette norme juridique, de réintégrer le travailleur, comme cela a été erronément affirmé dans la requête.
  5. 125. Par ailleurs, la société minière indique qu’elle a tenté de parvenir à un accord avec l’ancien travailleur afin de mettre fin au procès, sans reconnaître aucune responsabilité, et qu’elle a offert à l’ancien travailleur une somme d’argent qui n’a pas été acceptée, l’intéressé souhaitant obtenir une réintégration. Le gouvernement, pour sa part, indique que, pendant la durée de la grève de la faim, tout a été mis en œuvre pour y mettre un terme et que, le 24 avril 2017, un représentant du sous-secrétaire à l’Intérieur a déposé un recours en protection devant la Cour d’appel de Santiago pour sauvegarder la vie et l’intégrité physique de l’ancien travailleur, qui a demandé un rapport au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans lequel il est notamment indiqué que l’ancien travailleur courait un grand danger, voire un risque mortel. Le 2 août 2017, la cour a jugé recevable le recours en protection et ordonné le transfert de M. Bobadilla à l’hôpital. Le gouvernement indique que, depuis ce transfert, l’hôpital a publié deux communiqués, le dernier daté du 8 août 2017, indiquant, entre autres, que le patient a continué de recevoir un soutien médical et psychosocial.
  6. 126. Le gouvernement indique également qu’en 2017 M. Bobadilla a intenté deux autres actions en justice: une action en protection des droits fondamentaux devant la Cour d’appel de Santiago (demandant une réintégration pour avoir souffert d’une maladie professionnelle causée par des relations hiérarchiques dysfonctionnelles) et une action en réparation du préjudice pour maladie professionnelle, manque à gagner et préjudice moral devant le premier Tribunal du travail de Santiago. Le 21 août 2017, le tribunal a déclaré l’action en protection irrecevable, les délais de dépôt pour la mesure de protection ayant expiré et les faits allégués ayant déjà été réglés au niveau judiciaire. M. Bobadilla a interjeté appel et la Cour suprême a confirmé la décision attaquée le 2 octobre 2017. Le gouvernement fait savoir également que, le 14 novembre 2017, une demande d’indemnisation pour maladie professionnelle, perte de revenus et préjudice moral pour les mêmes faits que ceux contenus dans la requête déjà traitée sur la violation des droits fondamentaux et dans le recours en protection a été portée à la connaissance de la société minière. Le gouvernement informe que, le 25 janvier 2019, le tribunal a rejeté cette demande d’indemnisation et que, le 5 juillet 2019, la Cour d’appel d’Antofagasta a rejeté un recours en nullité formé contre la décision qui avait rejeté la demande d’indemnisation. Il informe également que le 26 juillet ladite cour d’appel a déclaré recevable un recours d’unification de jurisprudence et que cette procédure est en cours de traitement devant la Cour suprême.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 127. Le comité note que, en l’espèce, les organisations plaignantes dénoncent le caractère antisyndical du licenciement d’un travailleur d’une société minière d’Etat qui, plusieurs années après avoir été licencié, a entamé une grève de la faim pour demander sa réintégration.
  2. 128. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que, après avoir déposé une plainte auprès de l’inspection du travail en août 2012 pour violation d’une convention collective par la société minière et après s’être porté candidat comme dirigeant syndical en septembre 2012, M. Bobadilla a été harcelé et persécuté au travail et que, en novembre 2012, il a été licencié pour avoir organisé une activité pour regarder un match de football, alors qu’il avait demandé une autorisation à son employeur à cet égard, comme l’indique un rapport d’inspection. Elles allèguent également que la persécution au travail a causé un état dépressif profond et indiquent que le 26 avril 2017 l’intéressé a entamé, pour exiger sa réintégration, une grève de la faim qui, selon des informations publiques, a pris fin le 29 août 2017, sans résultat.
  3. 129. A cet égard, le comité note que le gouvernement et la société minière indiquent que le licenciement était dû à une violation grave du contrat de travail, ce qui a été confirmé par le Tribunal du travail de Calama, qui a rejeté une action en protection des droits fondamentaux et une action pour licenciement injustifié intentées par M. Bobadilla en janvier 2013. Le comité note que, dans ce jugement, le tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune preuve d’hostilité à l’égard de l’ancien travailleur pour avoir déposé plainte auprès de l’inspection du travail ou pour avoir participé à des élections syndicales. Le comité note également que la Cour d’appel d’Antofagasta a rejeté une demande en nullité de ce jugement et relève que, selon un rapport d’inspection, l’autorisation d’assister au match de football avait été révoquée un jour avant le match.
  4. 130. Le comité note la déclaration de la société minière selon laquelle elle a tenté de parvenir à un accord avec l’ancien travailleur sans aucune reconnaissance de responsabilité et que, bien qu’elle lui ait proposé une somme d’argent, celle-ci n’a pas été acceptée, l’intéressé souhaitant obtenir une réintégration. Il note également que, selon le gouvernement, dans le but de protéger la vie et l’intégrité physique de l’ancien travailleur pendant sa grève de la faim menée en plein air, une demande de protection a été déposée et, le 2 août 2017, la Cour d’appel de Santiago a ordonné le transfert de l’ancien travailleur dans un hôpital où il serait resté jusqu’au 29 août de la même année. Le comité note également que, selon le gouvernement, M. Bobadilla a engagé en 2017 d’autres actions en justice non liées au caractère antisyndical allégué du licenciement.
  5. 131. Le comité note que les actions judiciaires engagées au niveau national ont porté principalement sur des questions non liées au caractère antisyndical du licenciement (l’existence ou non d’une autorisation d’organiser une activité liée à un match de football et l’état dépressif du travailleur) et qu’elles ne se réfèrent que marginalement à la candidature de l’ancien travailleur aux fonctions de dirigeant syndical. Le comité note que les tribunaux ont considéré que le licenciement était fondé sur une violation grave du contrat de travail et qu’il n’y avait aucune preuve de l’impact de la candidature du travailleur sur cette décision. Compte tenu des conclusions qui précèdent et en l’absence de toute preuve permettant de conclure à l’existence ou non d’une discrimination antisyndicale à l’égard de M. Bobadilla, le comité déclare clos l’examen du présent cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 132. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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