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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration- 25. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas, dans lequel l’organisation plaignante dénonçait le refus d’enregistrer un syndicat dans une usine de confection, des actes de discrimination antisyndicale à la suite d’une grève, le recours à la force militaire contre des travailleurs en grève et des exigences excessives dans la législation pour la désignation et l’élection des dirigeants syndicaux, à sa réunion d’octobre 2017. [Voir 383e rapport, paragr. 105 à 118, approuvé par le Conseil d’administration à sa 331e session.] A cette occasion, le comité a formulé les recommandations suivantes:
- a) Le comité accueille favorablement l’enregistrement du syndicat de l’usine, demande au gouvernement de confirmer que les travailleurs concernés étaient dûment informés de l’enregistrement du syndicat et qu’ils peuvent exercer librement leurs activités et veut croire que celui-ci peut exercer librement ses activités syndicales légitimes, à l’abri de toute ingérence. Le comité s’attend à ce que l’adoption de la nouvelle loi sur les syndicats de 2016 et du Prakas no 249 relatif à l’enregistrement des syndicats et des associations d’employeurs contribue à rendre la procédure d’enregistrement des syndicats simple, objective, transparente et rapide dans la pratique et qu’elle empêche la formation de nouveaux obstacles administratifs. Le comité invite le gouvernement à fournir une copie du Prakas no 249 et renvoie le suivi des aspects législatifs du présent cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
- b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir l’article 269 du Code du travail et l’article 20 de la nouvelle loi sur les syndicats, de concert avec les partenaires sociaux, afin de veiller à ce que la loi ne porte pas atteinte au droit des travailleurs d’élire librement leurs dirigeants. Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures requises pour veiller à l’avenir à ce que la notification prescrite à l’article 3 du Prakas no 305 ne se transforme pas en un préalable à l’autorisation de la part de l’employeur de créer un syndicat ni ne soit autrement utilisée à mauvais escient pour empêcher la formation de syndicats. Le comité renvoie les aspects législatifs de ce cas à la commission d’experts.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de préciser si les allégations spécifiques d’homicides, d’agressions physiques et d’arrestations de travailleurs protestataires suite à la manifestation de janvier 2014 font l’objet d’une enquête dans le cadre des commissions d’investigation mentionnées et, le cas échéant, de fournir les conclusions des commissions à ce sujet. Dans le cas où les enquêtes en cours ne porteraient pas sur ces questions, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces graves allégations sans délai et de l’informer des résultats de cette enquête ainsi que des mesures prises en conséquence.
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure concrète prise ou envisagée pour donner suite aux allégations de discrimination antisyndicale généralisée et veiller, en particulier, à ce que les membres et les dirigeants syndicaux ne fassent pas l’objet de discrimination antisyndicale, sous forme de licenciements, de mutations et d’autres actes préjudiciables, ni de fausses accusations pénales fondées sur leur affiliation ou leur activité syndicales, et à ce que les plaintes de discrimination antisyndicale soient examinées dans le cadre d’une procédure prompte et impartiale.
- e) Le comité attire à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent de certains aspects du présent cas.
- 26. Dans sa communication en date du 1er octobre 2018, le gouvernement indique que la procédure d’enregistrement a été simplifiée et réformée à la suite de l’adoption de la loi sur les syndicats de 2016 et que le Prakas no 249 de 2016 relatif à l’enregistrement des syndicats et des associations d’employeurs garantit une procédure d’enregistrement des syndicats qui est simple, objective, transparente et rapide. En particulier, ce texte fournit des informations et une aide détaillées aux nouveaux syndicats sur la façon de s’enregistrer, ainsi que la liste des documents requis et des modèles qui servent d’exemples et de lignes directrices. Le gouvernement précise que les éléments requis dans le Prakas ne doivent pas être considérés comme des obstacles administratifs supplémentaires ou une entrave à l’exercice du droit à la liberté syndicale; en effet, en demandant la fourniture de certains renseignements, tels que le numéro de sécurité sociale et le numéro du livret de travail, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle peut s’assurer que chaque travailleur est bien enregistré auprès du ministère et des caisses nationales de sécurité sociale, afin de garantir aux travailleurs une protection totale s’agissant du droit du travail. Le gouvernement affirme également que la simplification et la réforme opérées dans le cadre de la loi sur les syndicats ont entraîné une augmentation du nombre d’enregistrements de syndicats en 2017, à la fois de syndicats locaux et de fédérations et confédérations de travailleurs.
- 27. En ce qui concerne le droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants, le gouvernement explique que l’article 269 du Code du travail a été abrogé et que l’article 20 de la loi sur les syndicats prévoit de nouveaux critères d’éligibilité, plus souples, pour les dirigeants syndicaux: l’âge minimum pour être éligible a été ramené de 25 à 18 ans, l’expérience professionnelle d’au moins un an n’est plus requise, et le candidat ne doit plus présenter un casier judiciaire, mais simplement faire une déclaration à ce sujet.
- 28. En ce qui concerne l’article 3 du Prakas no 305, le gouvernement précise que cette disposition n’impose pas de demander l’autorisation de l’employeur pour créer un syndicat, mais exige simplement que le syndicat communique à l’employeur l’identité des candidats afin que ceux-ci bénéficient, après l’élection, d’une protection spéciale pendant quarante cinq jours. De plus, le Prakas no 305 a été abrogé et remplacé par le Prakas no 303 en 2018, conformément à la loi sur les syndicats. Le gouvernement explique en outre à cet égard que l’article 5 de la loi sur les syndicats interdit la formation d’un syndicat ou d’une association d’employeurs qui compterait en son sein à la fois des employeurs et des travailleurs et que l’article 63 de la même loi énumère les pratiques déloyales en matière de travail interdites à l’employeur, parmi lesquelles l’ingérence, sous quelque forme que ce soit, dans l’exercice par les travailleurs de leur droit de s’organiser dans le cadre d’un syndicat en toute indépendance; le fait d’imposer, s’agissant du travail ou du renouvellement de l’emploi, qu’un travailleur ne se syndique pas ou se retire du syndicat auquel il appartient; et l’externalisation de services ou de fonctions assurés par des membres du syndicat lorsque cette opération est susceptible d’entraver l’exercice du droit des travailleurs à s’organiser dans le cadre d’un syndicat en toute indépendance.
- 29. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale généralisée, le gouvernement se réfère à l’adoption de la loi sur les syndicats et à l’article 63 susmentionné pour affirmer qu’il est déterminé à lutter contre toutes les formes de discrimination antisyndicale, qui est contraire à la Constitution du pays et aux conventions internationales du travail que celui-ci a ratifiées. Le gouvernement indique que la loi sur les syndicats offre une protection spéciale aux dirigeants syndicaux, ainsi qu’aux candidats non élus et aux membres fondateurs, lors de la création d’un syndicat et avant, pendant et après les élections.
- 30. En ce qui concerne l’allégation de recours à la force contre des travailleurs protestataires lors des manifestations de janvier 2014, le gouvernement réaffirme que le Cambodge est un pays fondé sur la primauté du droit et que quiconque commet une infraction doit répondre de ses actes devant la loi. Les incidents de 2014 font actuellement l’objet d’un examen par un tribunal, organe indépendant et distinct du gouvernement, et ce dernier communiquera donc les informations voulues lorsque le tribunal aura statué.
- 31. Enfin, le gouvernement réaffirme qu’il n’y a ni intimidation ni ingérence dans l’exercice de la liberté syndicale dans le pays et que le ministère du Travail et de la Formation professionnelle s’efforce sans cesse, en étroite coopération avec toutes les parties prenantes, de résoudre les problèmes qui entravent la liberté syndicale. Le gouvernement demande donc au comité de retirer le présent cas de la liste des cas en instance.
- 32. En ce qui concerne la procédure d’enregistrement des syndicats (recommandation a)), le comité prend note des renseignements fournis par le gouvernement, selon lesquels la procédure d’enregistrement a été réformée et simplifiée par l’adoption de la loi sur les syndicats et du Prakas no 249, ce qui a considérablement accru le nombre de syndicats enregistrés en 2017 au niveau local, ainsi qu’au niveau des fédérations et des confédérations, et que le Prakas no 249 vise à faciliter l’enregistrement et à garantir la pleine protection des travailleurs en fournissant des renseignements détaillés et une liste de documents requis et des modèles qui ne doivent toutefois pas être considérés comme des obstacles administratifs supplémentaires. S’agissant de sa demande de révision de l’article 269 du Code du travail et de l’article 20 de la loi sur les syndicats afin de garantir que la loi ne porte pas atteinte au droit des travailleurs d’élire librement leurs dirigeants (recommandation b)), le comité prend note de l’explication du gouvernement selon laquelle l’adoption de la loi sur les syndicats a assoupli les critères d’éligibilité des dirigeants syndicaux: l’âge minimum pour être éligible a été ramené de 25 à 18 ans, l’expérience professionnelle d’au moins un an n’est plus requise, et le candidat ne doit plus présenter un casier judiciaire, mais simplement faire une déclaration à ce sujet. Le gouvernement indique également que le Prakas no 305 a été abrogé et remplacé par le Prakas no 303 et affirme qu’il n’est pas appliqué d’une manière qui subordonnerait la création d’un syndicat à l’autorisation de l’employeur.
- 33. Le comité prend note des informations fournies, mais il rappelle qu’il a précédemment décidé de ne pas poursuivre l’examen des aspects législatifs de la plainte concernant l’enregistrement des syndicats (recommandation a)) et des exigences excessives dans la législation pour la désignation et l’élection des dirigeants syndicaux (recommandation b)), puisqu’il a renvoyé ces aspects à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Le comité fait observer que, dans ses dernières observations, la commission d’experts a effectivement abordé ces questions et il invite le gouvernement à communiquer à la commission toute autre information pertinente sur les questions en suspens.
- 34. Le comité constate en outre que le gouvernement n’a pas confirmé si les travailleurs concernés de l’Alliance cambodgienne des syndicats (CATU) avaient été dûment informés de l’enregistrement du syndicat à l’usine de confection en avril 2015 et s’ils pouvaient exercer librement leurs activités syndicales légitimes (partie de la recommandation a)). Néanmoins, en l’absence d’informations contraires de la part de l’organisation plaignante et compte tenu de l’engagement pris par le gouvernement de s’attaquer à tout problème qui restreint la liberté syndicale, le comité veut croire que c’est effectivement le cas et que ce syndicat peut aujourd’hui exercer librement et sans aucune ingérence ses activités syndicales légitimes.
- 35. En ce qui concerne l’allégation de recours à la force militaire contre des travailleurs en grève en janvier 2014 (recommandation c)), le comité rappelle, comme indiqué lors de son précédent examen du cas, que trois commissions d’investigation ont été créées à la suite des incidents, mais que les informations fournies par le gouvernement ne permettaient pas de déterminer si les allégations spécifiques d’homicides, d’agressions physiques et d’arrestations de travailleurs protestataires formulées par l’organisation plaignante faisaient également l’objet d’enquêtes dans le cadre de ces commissions. A cet égard, le comité prend note de la déclaration générale du gouvernement selon laquelle les incidents de janvier 2014 sont en cours d’examen par un tribunal et qu’il rendra compte de l’issue de cette procédure lorsqu’il aura reçu les jugements du tribunal. Le comité prend dûment note de ces informations, mais il regrette que, plus de cinq ans après les incidents allégués, le gouvernement n’ait fourni aucune information concrète sur l’issue des enquêtes sur les allégations graves d’homicides, de violences physiques et d’arrestations de travailleurs protestataires et qu’il n’ait toujours pas précisé si ces allégations graves font effectivement l’objet d’enquêtes ou d’un examen par les autorités judiciaires, ou si les affaires judiciaires en instance portent sur d’autres points. Dans ces conditions, le comité rappelle de nouveau que, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité a attaché une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 104.] Le comité prie le gouvernement de fournir des informations concrètes sur les résultats des enquêtes menées par les commissions d’investigation sur les allégations d’homicides, de violences physiques et d’arrestations de travailleurs protestataires et espère que les procédures judiciaires en cours sur ces questions seront menées à bien sans délai et que les travailleurs concernés seront intégralement dédommagés du préjudice subi. Le comité s’attend à ce que le gouvernement soit en mesure de communiquer sans délai des informations à ce sujet.
- 36. Le comité note en outre que, dans une communication datée du 5 avril 2019, le gouvernement indique que six dirigeants syndicaux qui ont mené la grève générale en décembre 2013 ont été condamnés à deux ans et demi de prison avec sursis et à payer ensemble 35 millions de riels cambodgiens (8 661 dollars E.-U.) à titre d’indemnisation des plaignants pour avoir provoqué des violences volontaires assorties de circonstances aggravantes, avoir provoqué des actes assortis de menaces qui ont entraîné des dommages et avoir entravé la circulation routière. Le gouvernement rappelle que, conformément à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, les actes de violence commis pendant les grèves ne sont pas protégés par la législation nationale et indique que les affaires des six syndicalistes sont actuellement en instance devant la cour d’appel. Le comité rappelle à cet égard qu’il s’était déjà déclaré préoccupé par les actes de violence commis de part et d’autre lors des manifestations de décembre 2013 et janvier 2014 et avait souligné que, si les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux [voir Compilation, op. cit., paragr. 965], la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 82.] Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de la procédure d’appel concernant les six syndicalistes, y compris une copie de l’arrêt qui sera rendu, et veut croire qu’aucun syndicaliste ne sera sanctionné pour avoir exercé ses activités syndicales.
- 37. S’agissant des allégations de discrimination antisyndicale généralisée dans le pays (recommandation d)), le comité prend note de l’engagement du gouvernement à lutter contre toutes les formes de discrimination antisyndicale, notamment par l’adoption de la loi sur les syndicats et la protection qu’elle offre, et de son affirmation selon laquelle il n’y a ni intimidation ni ingérence dans l’exercice de la liberté syndicale au Cambodge. Rappelant toutefois les statistiques alarmantes que l’organisation plaignante avait précédemment fournies pour étayer cette allégation, le comité tient à rappeler au gouvernement que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale, puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat exempt de violences, de menaces et de pressions et il incombe au gouvernement de garantir que les droits syndicaux puissent se développer normalement. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1072 et 87.] Compte tenu de ce qui précède, le comité veut croire que, conformément à son engagement, le gouvernement continuera de prendre des mesures pour créer et maintenir un environnement dans lequel la liberté syndicale peut se développer librement sans aucune ingérence, et où les allégations de discrimination antisyndicale sont rapidement examinées et corrigées par les autorités compétentes.