ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Informe provisional - Informe núm. 378, Junio 2016

Caso núm. 3095 (Túnez) - Fecha de presentación de la queja:: 10-JUN-14 - En seguimiento

Visualizar en: Inglés - Español

Allégations: L’organisation plaignante dénonce des actes antisyndicaux à son encontre de la part des autorités, ce qui a pour conséquence de renier le pluralisme syndical dans le pays

  1. 775. La plainte figure dans des communications de l’Organisation tunisienne du travail (OTT) du 10 juin 2014, de juin et du 6 novembre 2015.
  2. 776. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 8 mars 2016.
  3. 777. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 778. Dans ses communications successives du 10 juin 2014, de juin et du 6 novembre 2015, l’OTT allègue faire l’objet d’intimidations et d’actes antisyndicaux de la part des autorités depuis sa constitution. L’organisation plaignante dénonce cette situation qui constitue, selon elle, un déni des dispositions de la Constitution nationale, et notamment de son article 35 qui consacre le pluralisme syndical.
  2. 779. L’organisation plaignante dénonce le refus du gouvernement de mettre en œuvre la circulaire de la Présidence du gouvernement no 35 du 27 janvier 2014, relative à l’autorisation d’effectuer des retenues au profit de l’OTT. A cause de ce refus, l’organisation plaignante indique être dans une situation financière difficile dans la mesure où, sans les cotisations syndicales de ses membres, elle se trouve dans l’incapacité de faire face aux coûts de fonctionnement. Elle n’arrive à faire front que grâce aux dons de ses membres. Mais, dernièrement, l’approvisionnement en eau a été interrompu au siège de l’organisation pour cause de facture impayée.
  3. 780. L’organisation plaignante dénonce particulièrement des actes hostiles à son encontre de la part d’une centrale syndicale concurrente, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Selon l’organisation plaignante, l’UGTT refuse le pluralisme syndical et a lancé une campagne de dénigrement de l’OTT et de ses membres à travers les médias nationaux. Des faits de violence, comme ceux perpétrés sur la place Mohamad Ali le 4 décembre 2013, sont attribués à tort aux membres de l’OTT. Or l’organisation plaignante affirme ne pas disposer de la possibilité de répondre à ses attaques dans la mesure où l’accès aux médias lui est refusé.
  4. 781. Les actes hostiles sont particulièrement perceptibles dans le secteur de l’éducation où le ministre a reçu un blâme du gouvernement au motif qu’il a reçu le secrétaire général de l’OTT. Les affiches de l’organisation sont déchirées et les membres de l’OTT font l’objet d’agressions physiques et verbales de la part de représentants de l’UGTT dans les établissements éducatifs à Mahdia, Kairouan, Tataouine, Tunis, etc. Par ailleurs, les syndicats régionaux de l’enseignement primaire et les agents et fonctionnaires de l’éducation à Mahdia ont publié des communiqués hostiles à l’OTT et à ses membres. Enfin, le délégué régional de l’éducation à Mahdia a été contraint de démissionner au motif qu’il aurait reçu une délégation syndicale de l’OTT. Ce dernier a été remplacé par un partisan de l’UGTT.
  5. 782. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement ne fait aucun effort pour trouver une solution à l’attitude hostile et au refus de l’UGTT d’accepter le pluralisme syndical dans le pays. Au contraire, l’organisation plaignante dénonce les traitements discriminatoires envers ses adhérents dans la fonction publique, notamment des intimidations et des mesures les privant de toutes les promotions et de tous les avantages qui leur sont dus en vertu de la loi. L’organisation plaignante déclare par ailleurs avoir reçu de nombreux rapports d’actes empêchant les membres de ses structures locales et régionales de développer leurs activités adéquatement (affiches déchirées, violence physique, interdiction de tenir des réunions syndicales). Les ministères de tutelle des différentes administrations leur ont demandé non seulement de ne pas traiter avec l’OTT, mais aussi d’interdire à ses structures syndicales d’exercer leurs activités. Ainsi, les revendications de l’OTT adressées aux responsables administratifs dans les diverses administrations tunisiennes demeurent sans suite.
  6. 783. Dans sa communication en date du 6 novembre 2015, l’organisation plaignante fait état de nombreux abus à l’encontre de ses représentants via de fausses accusations et de mutations. Ainsi, au sein de la Société des transports de Tunisie (TRANSTU), le secrétaire général du conseil syndical de base des agents de la TRANSTU à Beb Saadoun, M. Mohamed Ali Thulaithi, et le secrétaire général du conseil syndical de base des agents du métro léger, M. Majdi El-Abdali, ont tous deux été déférés devant un conseil de discipline en novembre 2015 et mis à pied au motif de mener des activités syndicales et privés de toute promotion et de tous avantages dus. Les représentants de l’OTT à la Banque centrale de Tunisie font également l’objet des mêmes traitements antisyndicaux. Il s’agit de la secrétaire générale du conseil syndical de base des agents et cadres de la Banque centrale, Mme Najwa Khila Thab, et du secrétaire général adjoint chargé des médias, M. Kamal Kamoun, déférés devant le conseil de discipline et renvoyés pendant un mois, ainsi que du secrétaire général adjoint, M. Yassine Ben Ismaïl, déféré devant le conseil de discipline et renvoyé définitivement.
  7. 784. Par ailleurs, le gouvernement adopte sciemment des textes réglementaires favorables à l’UGTT. L’organisation cite comme exemple la circulaire no 34 du 17 janvier 2014 (copie fournie dans la plainte) concernant le prélèvement des cotisations syndicales dans les administrations publiques. L’OTT s’interroge sur la disposition qui prévoit que les cotisations syndicales d’un agent public seront prélevées et versées à l’UGTT pendant les six mois qui suivent son retrait de la centrale syndicale en question. Or une telle disposition crée une situation discriminatoire à l’encontre de la nouvelle centrale syndicale à laquelle l’agent public a souhaité adhérer puisque cette dernière se verrait privée des cotisations de l’agent public pendant six mois. L’OTT indique avoir formulé un recours pour excès de pouvoir contre cette circulaire devant le tribunal administratif de Tunis en février 2014. Ce recours a été rejeté par le tribunal administratif en avril 2014. L’OTT dénonce en outre le fait que, pendant la procédure judiciaire mentionnée, le tribunal a autorisé l’UGTT à soumettre un rapport écrit en réponse au recours alors que cette dernière n’était pas partie à la procédure en question.
  8. 785. Par ailleurs, l’organisation plaignante dénonce plusieurs tentatives d’homicide à l’encontre de son secrétaire général, M. Lasaad Abid. Ce dernier a par exemple reçu un colis postal piégé qui au contact a aussitôt engendré une réaction cutanée. L’OTT a saisi la justice au sujet de ces tentatives et l’enquête suit son cours.
  9. 786. L’OTT affirme avoir sollicité un entretien avec le chef du gouvernement pour apporter une solution à ses difficultés, mais ce dernier a toujours refusé un tel entretien. L’OTT essuie le même refus de le rencontrer de la part du ministre des Affaires sociales. La position du gouvernement l’interpelle et constitue une preuve de sa bienveillance envers l’UGTT. A cet égard, l’OTT dénonce le fait d’avoir été, malgré sa demande officielle, exclue de la délégation tunisienne à la 103e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2015). Malgré le fait qu’il y a d’autres centrales syndicales dans le pays, le gouvernement s’est contenté d’inviter l’UGTT en tant que représentante des travailleurs à la Conférence.
  10. 787. Enfin, l’organisation plaignante dénonce le fait que le refus actuel du gouvernement de tenir compte de son existence et de ses revendications a pour conséquence que l’OTT est absente de tous les processus de négociation entre les travailleurs et l’administration. Le seul représentant des travailleurs accepté par le gouvernement est l’UGTT. Ainsi, l’OTT, comme plusieurs autres centrales syndicales nationales, n’a pas été associée à la négociation et à la signature en janvier 2013 du contrat social entre le gouvernement et l’UGTT et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA). L’OTT n’a pas non plus été associée au dialogue qui a abouti à la conclusion de la convention du 7 janvier 2014 entre le gouvernement et l’UGTT au sujet du mécanisme d’emploi no 16 (qui concerne la régularisation des agents et ouvriers des chantiers) qui est pourtant rejetée par la plupart des travailleurs de ce secteur, ces derniers étant souvent soumis à un régime de relation de travail qui se situe entre le travail intérimaire et l’externalisation (appelé Al-mounawata) et dont l’OTT représente la majorité.
  11. 788. Or l’UGTT ne cache plus son hostilité envers le pluralisme syndical et affirme même tirer sa légitimité de négociateur unique pour le compte des travailleurs du contrat social qu’elle a été la seule à négocier et à signer avec le gouvernement. Le silence du gouvernement est un aveu d’impuissance devant la capacité avérée de l’UGTT à mobiliser ses membres et à perturber l’activité économique du pays.
  12. 789. L’organisation plaignante affirme que son existence est sérieusement menacée et demande au comité d’enjoindre le gouvernement à reconnaître dans les faits le pluralisme syndical et à cesser toutes les formes d’intimidations et d’actes antisyndicaux à l’encontre de ses membres en agissant dans la stricte neutralité envers toutes les centrales syndicales du pays. Enfin, l’organisation plaignante demande l’assistance du BIT pour déterminer la réalité de la situation syndicale dans le pays et trouver des solutions aux difficultés qu’elle dénonce.
  13. 790. Enfin, l’organisation plaignante demande une refonte des lois sur le travail pour les mettre en conformité avec les conventions internationales du travail. Le gouvernement devrait initier ce travail en créant le Conseil national supérieur pour le dialogue social, auquel participent sans exclusion cinq représentants des travailleurs et trois représentants des organisations d’employeurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 791. Dans sa communication en date du 8 mars 2016, le gouvernement indique que l’OTT bénéficie de facilités syndicales en matière de déduction des cotisations des agents publics affiliés pour l’année 2016, en vertu de la circulaire no 2 du 4 janvier 2016. D’autres organisations syndicales, nommément la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) et l’Union des travailleurs de Tunisie (UTT), ont également bénéficié de cette facilité.
  2. 792. S’agissant du manque de reconnaissance de la multiplicité syndicale, le gouvernement indique qu’il s’inscrit dans le contexte de relations entre organisations syndicales et que, par conséquent, il ne peut être tenu responsable de la situation.
  3. 793. En ce qui concerne les allégations concernant le refus du gouvernement de négocier avec l’OTT, le gouvernement précise que l’existence légale d’une structure syndicale n’entraîne pas nécessairement la jouissance de tous les droits et avantages liés au droit syndical, compte tenu du fait que le législateur peut réglementer l’accès à ses droits et avantages et poser des limites et des restrictions. Ainsi, c’est dans un cadre législatif que s’inscrivent les règles relatives à la négociation collective en vue de réglementer les relations de travail. Le gouvernement renvoie à l’article 38 du Code du travail en vertu duquel la négociation collective, en tant qu’avantage lié au droit syndical, est soumise à la condition que le syndicat ou l’organisation syndicale soit «le plus représentatif», condition que le Comité de la liberté syndicale autorise les Etats à adopter dans leurs législations sur la négociation collective. Ainsi, la jouissance par l’organisation de travailleurs ou d’employeurs de la capacité de négocier collectivement dans les secteurs public et privé est soumise au principe de la représentativité syndicale qui exige que l’organisation concernée possède la qualité de l’organisation la plus représentative. Le gouvernement constate que l’OTT admet ce principe dans sa plainte.
  4. 794. S’agissant des allégations relatives à la conclusion du contrat social, le gouvernement affirme que ces négociations ont été menées en vue de la conclusion d’un accord entre trois parties, en l’occurrence le gouvernement, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et la Fédération tunisienne de l’industrie, du commerce et des industries (UTICA), qui lie uniquement ces trois parties. Dans les faits, seules ces trois parties ont exprimé leur volonté d’être liées par le contrat social. Le gouvernement a estimé qu’il était important de consacrer ce rapprochement entre les partenaires sociaux et d’avancer sur la voie de la conclusion d’un contrat social, afin d’accélérer le passage vers la démocratie et de promouvoir la paix sociale dans une période caractérisée par l’aggravation des grèves et des revendications. En outre, le gouvernement rappelle que le processus en question a été mené en collaboration avec le Bureau international du Travail et les gouvernements de Belgique et de Norvège dans le cadre d’un projet de promotion du dialogue social en Tunisie.
  5. 795. S’agissant des allégations relatives à l’existence d’irrégularités à l’encontre de membres et de dirigeants de l’OTT (licenciements, transferts discriminatoires, suspensions, privations de promotion), le gouvernement indique qu’il transmettra au comité les informations qu’il a demandées aux parties concernées (administrations et entreprises).
  6. 796. Enfin, en ce qui concerne l’allégation de l’OTT relative à l’impossibilité de ses membres de bénéficier d’une mise à disposition, le gouvernement renvoie au chapitre 59 de la loi no 112 du 12 décembre 1983 portant Statut général du personnel de l’Etat, ainsi qu’au chapitre 43 de la loi no 78 du 5 août 1985 portant Statut général des agents des offices, des établissements publics à caractère industriel et commercial et des sociétés dont le capital appartient directement et entièrement à l’Etat ou aux collectivités locales, qui ne prévoient pas la mise à disposition du fonctionnaire. La demande de l’OTT de la mise à disposition des syndicalistes affiliés ne peut ainsi être satisfaite en vertu des textes en vigueur.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 797. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante dénonce des actes antisyndicaux graves à son encontre de la part des autorités et d’une centrale syndicale concurrente depuis sa constitution ainsi que le refus du gouvernement de l’inclure dans le processus de négociation collective dans la fonction publique.
  2. 798. Le comité note en premier lieu les allégations de l’OTT relatives aux difficultés liées au refus du gouvernement de lui reverser les cotisations syndicales des agents publics adhérents auxquelles elle a droit conformément à la circulaire de la Présidence du gouvernement no 35 du 27 janvier 2014. Le comité note avec préoccupation que le refus a pour conséquence de mettre l’OTT dans une situation financière difficile, notamment pour régler ses frais de fonctionnement. Le comité note l’indication selon laquelle le gouvernement a publié, le 4 janvier 2016, la circulaire no 02 relative à la déduction pour l’année 2016 du montant des cotisations syndicales des agents publics au profit de plusieurs organisations syndicales, dont l’OTT. Cette circulaire du chef du gouvernement aux différents ministères les autorise à prélever le montant des cotisations des membres des trois centrales syndicales citées pour l’année 2016. Le comité accueille favorablement la circulaire du gouvernement autorisant le prélèvement à la source des cotisations syndicales pour l’OTT dans le secteur public en 2016 et il invite le gouvernement à entreprendre des consultations avec toutes les organisations syndicales concernées afin de pérenniser un système où l’ensemble des organisations syndicales dans le secteur public auraient l’assurance de bénéficier du prélèvement des cotisations de leurs membres à la source.
  3. 799. Le comité prend note de l’indication selon laquelle l’OTT a formé un recours en excès de pouvoir contre une circulaire de la Présidence du gouvernement (no 34 du 17 janvier 2014) qu’elle considère comme trop favorable à l’UGTT en ce qui concerne le prélèvement des cotisations syndicales de ses adhérents. L’OTT dénonce ainsi une disposition qui prévoit que les cotisations syndicales d’un agent public seront prélevées et versées à l’UGTT pendant les six mois qui suivent son retrait de la centrale syndicale en question. Selon l’OTT, une telle disposition crée une situation discriminatoire à l’encontre de la nouvelle centrale syndicale à laquelle l’agent public a souhaité adhérer, puisque cette dernière se verrait privée des cotisations de l’agent public pendant six mois. Le comité note que le recours formé par l’OTT devant le tribunal administratif de Tunis en février 2014 a été rejeté en avril 2014. De manière générale, le comité considère que les travailleurs devraient avoir la possibilité de demander que des retenues à la source soient effectuées sur leur salaire au titre des cotisations syndicales dues aux organisations syndicales de leur choix, même si ces organisations ne sont pas les plus représentatives. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 475.] Dans le cas présent, le comité observe que la disposition prévue dans la circulaire no 34 en faveur de l’UGTT de prélever les cotisations syndicales d’un agent public et de les verser à un syndicat pendant les six mois qui suivent son retrait du syndicat en question renvoie à l’article 254 du Code du travail aux termes duquel «tout membre d’un syndicat professionnel peut se retirer à tout moment de l’association nonobstant toute clause contraire, sans préjudice du droit pour le syndicat de réclamer la cotisation afférente aux six mois qui suivent le retrait de l’adhésion». Le comité observe que la circulaire no 35 en faveur de l’OTT ne prévoit pas de disposition similaire. Afin d’assurer l’égalité de traitement entre les syndicats, le comité prie le gouvernement de s’assurer que toutes les circulaires de la Présidence du gouvernement concernant le prélèvement des cotisations syndicales des agents publics traitent des questions de retrait d’adhésion de la même manière pour tous. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées à cet égard.
  4. 800. Le comité note avec préoccupation les allégations relatives aux traitements discriminatoires envers les représentants de l’OTT dans la fonction publique et dans des établissements publics, notamment des mesures d’intimidation, ou les privant de toutes les promotions qui leur sont dues en vertu de la loi. A cet égard, le comité prend note de la liste des représentants de l’OTT ayant subi, selon l’organisation plaignante, des sanctions discriminatoires dans les secteurs de la banque (Yassin Ben Ismail, Najwa Khila Ben Thabet et Kamal Kamoun), de l’éducation (Samir El-Zawari et Imad Belkassem), de l’agriculture (Saber Eliyadi) et du transport (Mohamed Ali Thulaithi et Madji El-Abdali). Ces sanctions vont du renvoi pour une période déterminée au renvoi définitif du travailleur. A cet égard, le comité rappelle que l’une des manières d’assurer la protection des délégués syndicaux est de prévoir que ces délégués ne peuvent être licenciés ni dans l’exercice de leurs fonctions ni pendant un certain laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. Par ailleurs, un dirigeant syndical ne devrait en aucun cas pouvoir être licencié pour le simple motif qu’il a présenté un cahier de revendications; ces licenciements constituent un acte de discrimination extrêmement grave. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 804 et 808.] Notant l’indication du gouvernement selon laquelle il a demandé aux administrations et entreprises concernées de lui fournir des informations sur les situations d’irrégularités décrites, le comité s’attend à ce que le gouvernement présente dans les plus brefs délais les informations concernant les différentes mesures ayant affecté les membres et dirigeants de l’OTT susmentionnés. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter rapidement des enquêtes en ce qui concerne les cas de renvois définitifs de syndicalistes et, s’il s’avère que les motifs de ces renvois étaient de nature antisyndicale, de s’assurer de leur réintégration avec le paiement des salaires échus. Dans la mesure où la réintégration n’est pas possible pour des raisons impérieuses et objectives, il conviendra d’assurer l’octroi d’une indemnisation suffisamment appropriée pour réparer la totalité des dommages subis et prévenir la répétition de tels actes à l’avenir.
  5. 801. De manière plus générale, le comité prend note avec préoccupation des allégations concernant les violences antisyndicales à l’encontre des membres de l’OTT et l’impossibilité des structures locales et régionales de l’OTT de fonctionner convenablement (affiches déchirées, violence physique, interdiction de tenir des réunions syndicales). Le comité prie le gouvernement de diligenter des enquêtes auprès des administrations sur la base des allégations et, si nécessaire, de prendre d’urgence les mesures correctives et de transmettre ses observations à cet égard.
  6. 802. Le comité note l’allégation selon laquelle le refus actuel du gouvernement de tenir compte de sa constitution et de ses revendications a pour conséquence que l’OTT est absente de tous les processus de négociation entre les travailleurs et l’administration. Ainsi, l’OTT, comme plusieurs autres centrales syndicales nationales, n’a pas été associée à la négociation et à la signature en janvier 2013 du contrat social entre le gouvernement et l’UGTT et l’UTICA. A cet égard, le comité note que, pour le gouvernement, les négociations ont été menées en vue de la conclusion d’un accord qui lie uniquement trois parties, le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA, car dans les faits seules ces trois parties ont exprimé leur volonté d’être liées par le contrat social. Le gouvernement ajoute qu’il était important de consacrer ce rapprochement entre les partenaires sociaux et d’avancer sur la voie de la conclusion d’un contrat social afin d’accélérer le passage vers la démocratie et de promouvoir la paix sociale dans une période caractérisée par l’aggravation des grèves et des revendications.
  7. 803. L’OTT dénonce le fait qu’elle n’a pas non plus été associée au dialogue qui a abouti à la conclusion de la convention du 7 janvier 2014 entre le gouvernement et l’UGTT au sujet du mécanisme d’emploi no 16 malgré le fait que, selon l’OTT, elle représente la majorité des travailleurs dans une relation de travail qui se situe entre l’intérim et l’externalisation (Al mounawata). Le comité prie le gouvernement de fournir des observations détaillées à cet égard et rappelle l’importance de consulter toutes les organisations syndicales concernées sur les questions qui ont un impact sur les intérêts de ces dernières ou de leurs membres.
  8. 804. S’agissant des allégations de l’OTT concernant le refus du gouvernement de l’inscrire dans la délégation des travailleurs à la 103e session de la CIT (juin 2014), tout en rappelant que la question de la représentation à la Conférence relève de la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs, le comité observe qu’aucune objection ni plainte n’a été présentée à la Commission de vérification des pouvoirs en juin 2014 concernant la composition de la délégation des travailleurs de la Tunisie.
  9. 805. Le comité note les allégations de l’organisation plaignante relatives à des actes hostiles à son encontre de la part de l’UGTT, notamment une campagne de dénigrement de l’OTT à travers les médias nationaux et des mesures d’intimidation contre ses membres, en particulier dans le secteur de l’éducation. De manière générale, le comité considère qu’une situation qui n’implique pas de différend entre le gouvernement et les organisations syndicales, mais ne résulte que d’un conflit au sein même du mouvement syndical, est du seul ressort des parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1113.] Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les commentaires ou les actes des autorités n’aient pour résultat d’entraver l’exercice par l’OTT ou ses membres de leurs droits syndicaux.
  10. 806. Enfin, notant avec une vive préoccupation les allégations relatives aux tentatives d’homicide à l’encontre du secrétaire général de l’OTT, M. Lasaad Abid, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête.
  11. 807. Le comité considère qu’un certain nombre de questions soulevées dans ce cas pourraient être réglées d’une manière plus efficace dans un environnement où chaque organisation syndicale développerait ses activités sans entraves et où des privilèges éventuellement consentis envers certaines organisations vis-à-vis des autres sont basés sur une représentativité clairement établie. A cet égard, le comité observe que le gouvernement se réfère lui-même aux textes en vigueur en matière de négociation collective, et notamment à la nécessité d’acquérir le statut d’organisation la plus représentative. En conséquence, le comité réitère une nouvelle fois au gouvernement sa recommandation de longue date de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout progrès dans ce sens. Le comité s’attend à ce que toutes les organisations concernées soient consultées à cet égard et rappelle une nouvelle fois au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 808. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité accueille favorablement la circulaire du gouvernement autorisant le prélèvement à la source des cotisations syndicales pour l’OTT dans le secteur public en 2016 et il invite le gouvernement à entreprendre des consultations avec toutes les organisations syndicales concernées afin de pérenniser un système où l’ensemble des organisations syndicales dans le secteur public auraient l’assurance de bénéficier du prélèvement des cotisations de leurs membres à la source.
    • b) Afin d’assurer l’égalité de traitement entre les syndicats, le comité prie le gouvernement de s’assurer que toutes les circulaires de la Présidence du gouvernement concernant le prélèvement des cotisations syndicales des agents publics traitent des questions de retrait d’adhésion de la même manière pour tous. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées à cet égard.
    • c) Notant l’indication du gouvernement selon laquelle il a demandé aux administrations et entreprises concernées de lui fournir des informations sur les situations d’irrégularités décrites, le comité s’attend à ce que le gouvernement présente dans les plus brefs délais les informations concernant les différentes mesures ayant affecté les membres et dirigeants de l’OTT (Yassin Ben Ismaïl, Najwa Khila Ben Thabet, Kamal Kamoun, Samir El-Zawari, Imad Belkassem, Saber Eliyadi, Mohamed Ali Thulaithi et Madji El-Abdali). Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter rapidement des enquêtes en ce qui concerne les cas de renvois définitifs de syndicalistes et, s’il s’avère que les motifs de ces renvois étaient de nature antisyndicale, de s’assurer de leur réintégration avec le paiement des salaires échus. Dans la mesure où la réintégration n’est pas possible pour des raisons impérieuses et objectives, il conviendra d’assurer l’octroi d’une indemnisation suffisamment appropriée pour réparer la totalité des dommages subis et prévenir la répétition de tels actes à l’avenir.
    • d) Le comité prend note avec préoccupation des allégations concernant l’impossibilité des structures locales et régionales de l’OTT de fonctionner convenablement et prie le gouvernement de diligenter des enquêtes auprès des administrations sur la base des allégations et, si nécessaire, de prendre d’urgence les mesures correctives et de transmettre ses observations à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir des observations détaillées en réponse à l’allégation selon laquelle l’OTT est tenue à l’écart de tous les processus de négociation entre les travailleurs et l’administration, comme celui ayant abouti à la signature de la convention collective sur le mécanisme d’emploi no 16. Le comité rappelle l’importance de consulter toutes les organisations syndicales concernées sur les questions qui ont un impact sur les intérêts de ces dernières ou de leurs membres.
    • f) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les commentaires ou les actes des autorités n’aient pour résultat d’entraver l’exercice par l’OTT ou ses membres de leurs droits syndicaux.
    • g) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête concernant les tentatives d’homicide à l’encontre du secrétaire général de l’OTT, M. Lasaad Abid.
    • h) Le comité réitère une nouvelle fois au gouvernement sa recommandation de longue date de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout progrès dans ce sens. Le comité s’attend à ce que toutes les organisations concernées soient consultées à cet égard et rappelle une nouvelle fois au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer