ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Informe provisional - Informe núm. 376, Octubre 2015

Caso núm. 2994 (Túnez) - Fecha de presentación de la queja:: 04-JUN-12 - Cerrado

Visualizar en: Inglés - Español

  1. 992. Le comité a examiné ce cas, en l’absence de réponse du gouvernement, à sa réunion d’octobre 2013 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 370e rapport, paragr. 721 à 739, approuvé par le Conseil d’administration à sa 310e session.]
  2. 993. Le gouvernement a envoyé certaines informations dans une communication en date du 26 novembre 2013.
  3. 994. La Tunisie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 995. Lors de sa réunion d’octobre 2013, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 370e rapport, paragr. 739]:
    • a) Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
    • b) Le comité prie le gouvernement de transmettre sans délai ses observations concernant la grève intervenue du 22 au 24 mai 2012 à la compagnie TUNIS AIR, d’indiquer en particulier les raisons de la suspension des dirigeants syndicaux de la CGTT suite à celle-ci (nommément Belgacem Aouina, Adnane Jemaiel, Faouzi Belam, Imed Hannachi, Walid Ben Abdellatif et Nabil Ayed) et de faire état de la situation des recours judiciaires intentés, notamment de toute décision rendue dans ces affaires.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir sans délai ses observations en réponse aux allégations de la CGTT concernant les cotisations syndicales de ses adhérents dans le secteur public pour l’année 2012 qui ne lui auraient pas été versées.
    • d) Rappelant qu’il importe que la détermination de la représentativité des syndicats aux fins de négociation collective à tous les niveaux soit fondée sur des critères objectifs et préétablis afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus, le comité se voit contraint de réitérer avec fermeté sa recommandation faite en 2010 dans un cas précédent au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer de tels critères en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 996. Le gouvernement a envoyé certaines informations en réponse aux recommandations du comité dans une communication en date du 26 novembre 2013. S’agissant de la recommandation b) concernant la grève intervenue du 22 au 24 mai 2012 à la compagnie TUNIS AIR, le gouvernement indique que, d’après la direction de l’entreprise, un préavis de grève avait été déposé seulement pour les 22 et 23 mai 2012. Or la grève a été poursuivie jusqu’au 24 mai 2012, devenant ainsi une grève illégale causant de plus de graves préjudices à la compagnie et à ses clients. L’entreprise a ainsi dû indemniser et héberger des clients pour calmer les protestations. Compte tenu de l’incidence de cette grève sur l’entreprise, la direction a entrepris de sanctionner les grévistes qui ont commis des actes mettant en péril la sécurité des avions (les techniciens ayant refusé d’effectuer les contrôles des avions et ceux qui ont confisqué des documents indispensables pour le contrôle des avions (CRM)). Les actions disciplinaires engagées n’ont pas tenu compte de l’appartenance syndicale des travailleurs concernés.
  2. 997. Le gouvernement indique que trois des six noms cités par l’organisation plaignante comme étant des responsables de la CGTT ne le sont pas en réalité. S’agissant de M. Belgacem Aouina, directeur de l’audit et secrétaire général de la CGTT, le gouvernement précise que ce dernier a été muté à la tête d’une autre direction car il n’a pas pu assumer ses responsabilités dans la neutralité et l’indépendance totale en tant que dirigeant syndical.
  3. 998. S’agissant des allégations de la CGTT concernant les cotisations syndicales de ses adhérents dans le secteur public pour l’année 2012 qui ne lui auraient pas été versées (recommandation c)), le gouvernement rappelle que les cotisations syndicales ont été versées à la CGTT suite à une circulaire du chef du gouvernement pour l’année 2011. Aucune circulaire n’ayant été établie pour 2012, la cotisation des agents publics n’a donc pas été reversée à la CGTT.
  4. 999. S’agissant de l’élaboration de critères de représentativité (recommandation d)), le gouvernement indique que le pluralisme syndical est consacré dans la législation à travers le Code du travail et différents textes d’application. Cependant, les critères de représentativité n’ont pas encore été fixés et, pour ce faire, le gouvernement souhaite consulter les partenaires sociaux dans un climat serein de dialogue et de concertation. En attendant de telles consultations, le gouvernement s’est basé sur le nombre d’adhérents pour déterminer que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) sont les organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs. Aussi, le gouvernement rappelle qu’il a signé un contrat social en janvier 2013 avec l’UGTT et l’UTICA dans l’optique de l’établissement d’un conseil national du dialogue social destiné à garantir un dialogue social permanent, régulier et global. Cette instance serait en outre chargée de déterminer l’organisation syndicale la plus représentative, conformément aux normes internationales du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1000. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les allégations de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) ont trait à des actes d’ingérence des autorités dans ses affaires, à son exclusion de toutes les consultations tripartites nationales et à des actes antisyndicaux de certaines entreprises à l’égard de ses dirigeants.
  2. 1001. Lors de son premier examen du présent cas (octobre 2013), le comité a noté avec regret que la CGTT semblait rencontrer des difficultés pour développer ses activités plus de deux ans après avoir été enregistrée par les autorités. Le comité avait pris note avec préoccupation des allégations de l’organisation plaignante concernant des actes d’ingérence dans ses affaires, notamment les déclarations hostiles du gouvernement dans les médias nationaux à son encontre, ou encore concernant le non versement des cotisations syndicales de ses adhérents dans le secteur public pour l’année 2012, et ce sans aucune raison valable, alors qu’elle les avait normalement reçues pour l’année 2011. Le comité observe que le gouvernement se borne à indiquer que le versement des cotisations sociales syndicales s’opère suite à une circulaire du chef du gouvernement et que, ladite circulaire n’ayant pas été établie pour 2012, la cotisation des agents publics n’a donc pas été reversée à la CGTT. Par ailleurs, selon le gouvernement, l’entreprise de transport aérien TUNIS AIR n’était donc pas tenue non plus de prélever les cotisations syndicales des agents publics adhérents de la CGTT. Sur cette question, le comité tient à exprimer sa préoccupation du fait que le système de prélèvement des cotisations syndicales des agents publics en faveur de la CGTT, mis en place en 2011 suite à son enregistrement par les autorités, s’est trouvé unilatéralement annulé un an plus tard sans consultation avec l’organisation concernée. Dans ces circonstances, le comité prie instamment le gouvernement de restaurer le système de prélèvement des cotisations syndicales des membres de la CGTT dans le secteur public, cela afin d’éviter toute discrimination et de prévenir tout impact sur le libre choix des travailleurs de former ou d’adhérer à des organisations syndicales.
  3. 1002. Le comité prend note des informations fournies concernant la grève intervenue du 22 au 24 mai 2012 à la compagnie TUNIS AIR. Le gouvernement indique que, d’après la direction de l’entreprise, un préavis de grève avait été déposé seulement pour les 22 et 23 mai 2012. Or la grève aurait été poursuivie jusqu’au 24 mai 2012, devenant ainsi illégale et causant de plus de graves préjudices à la compagnie et à ses clients. L’entreprise aurait ainsi entrepris de sanctionner les grévistes qui ont commis des actes qui auraient mis en péril la sécurité des avions. Selon le gouvernement, ces actions disciplinaires n’auraient pas tenu compte de l’appartenance syndicale des travailleurs concernés. A cet égard, le comité souhaite rappeler qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux, et nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 521 et 660.] Tout en reconnaissant que l’obligation de donner un préavis à l’employeur avant de déclencher une grève peut être considérée comme admissible, le comité doit cependant exprimer sa préoccupation quant à l’imposition d’une limite dans la durée d’une grève qui, de par sa nature de recours ultime pour la défense des intérêts des travailleurs, ne peut être prédéterminée.
  4. 1003. Le gouvernement indique que trois des six noms cités par l’organisation plaignante comme étant des responsables de la CGTT ayant été sanctionnés suite à la grève ne le sont pas en réalité. A cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de fournir plus de précisions afin de permettre à l’organisation plaignante de répondre à cette affirmation. De manière plus générale, le comité prie le gouvernement de revoir avec la CGTT la situation des responsables syndicaux qui auraient été suspendus en violation des principes rappelés ci-dessus et, le cas échéant, de s’assurer que des compensations appropriées leur soient versées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 1004. S’agissant de la mutation de M. Belgacem Aouina, secrétaire général de la CGTT, le gouvernement précise que ce dernier a été muté de la direction de l’audit à une autre direction car il n’a pas pu assumer ses responsabilités dans la neutralité et l’indépendance totale en tant que dirigeant syndical. Le comité exprime sa préoccupation devant ce genre de déclaration à caractère général. Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir davantage d’informations concernant la mutation de M. Aouina et de préciser si ce dernier a formé un recours contre la décision de mutation et, le cas échéant, le résultat. Entre-temps, le comité souhaite rappeler qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.]
  6. 1005. Enfin, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les critères de représentativité des organisations syndicales n’ont pas encore été fixés. Pour ce faire, le gouvernement explique vouloir consulter les partenaires sociaux dans un climat serein de dialogue et de concertation. En attendant de telles consultations, le gouvernement s’est basé sur le nombre d’adhérents pour déterminer que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) sont les organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs. Aussi, le gouvernement rappelle qu’il a signé un contrat social en janvier 2013 avec l’UGTT et l’UTICA dans l’optique de l’établissement d’un conseil national du dialogue social destiné à garantir un dialogue social permanent, régulier et global. Cette instance serait en outre chargée de déterminer l’organisation syndicale la plus représentative, conformément aux normes internationales du travail.
  7. 1006. Le comité considère qu’un certain nombre de questions soulevées dans ce cas pourraient être réglées d’une manière plus efficace dans un environnement où chaque organisation syndicale développerait ses activités sans entraves et où des privilèges éventuellement consentis envers certaines organisations vis-à-vis des autres sont basés sur une représentativité clairement établie. En conséquence, le comité réitère une nouvelle fois au gouvernement sa recommandation de longue date de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout progrès dans ce sens. Le comité s’attend à ce que toutes les organisations concernées soient consultées à cet égard et rappelle une nouvelle fois au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
  8. 1007. Le comité attend du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour répondre urgemment et de manière détaillée à ses recommandations et, dans la mesure où, dans le présent cas, les allégations font état de difficultés dans une entreprise nommément désignée, le comité prie instamment le gouvernement de s’efforcer d’obtenir des commentaires de l’entreprise, via l’organisation d’employeurs concernée, de manière à lui permettre d’examiner l’affaire en toute connaissance de cause.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1008. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de restaurer le système de prélèvement des cotisations syndicales des membres de la CGTT dans le secteur public, cela afin d’éviter toute discrimination et de prévenir tout impact sur le libre choix des travailleurs de former ou d’adhérer à des organisations syndicales.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir plus de précisions sur ses affirmations concernant les responsables de la CGTT sanctionnés suite à la grève à TUNIS AIR en mai 2012 afin de permettre à l’organisation plaignante de répondre. De manière plus générale, le comité prie le gouvernement de revoir avec la CGTT la situation des responsables syndicaux qui auraient été suspendus en violation des principes qu’il a rappelés et, le cas échéant, de s’assurer que des compensations appropriées leur soient versées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir davantage d’informations concernant la mutation de M. Belgacem Aouina, secrétaire général de la CGTT, et de préciser si ce dernier a formé un recours contre la décision de mutation et, le cas échéant, le résultat.
    • d) Le comité réitère une nouvelle fois au gouvernement sa recommandation de longue date de prendre toutes les mesures nécessaires pour fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux et de le tenir informé de tout progrès dans ce sens. Le comité s’attend à ce que toutes les organisations concernées soient consultées à cet égard et rappelle une nouvelle fois au gouvernement qu’il peut se prévaloir, s’il le souhaite, de l’assistance technique du Bureau.
    • e) Le comité attend du gouvernement qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour répondre urgemment et de manière détaillée à ses recommandations et, dans la mesure où, dans le présent cas, les allégations font état de difficultés dans une entreprise nommément désignée, le comité prie instamment le gouvernement de s’efforcer d’obtenir des commentaires de l’entreprise, via l’organisation d’employeurs concernée, de manière à lui permettre d’examiner l’affaire en toute connaissance de cause.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer