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Informe definitivo - Informe núm. 367, Marzo 2013

Caso núm. 2885 (Chile) - Fecha de presentación de la queja:: 13-SEP-11 - Cerrado

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce le licenciement d’un dirigeant syndical de l’Association des fonctionnaires de la commune de La Granja exerçant les fonctions de médecin de soins de santé primaires pour cette même commune et elle fait état d’actes d’intimidation commis par le ministre de la Santé sur la personne d’agents des services municipaux de soins de santé primaires du Chili lors d’une grève nationale et de pressions exercées sur le président de la Fédération de la CONFUSAM pour la région Centre-Ouest dans le but d’empêcher une autre grève, tout en alléguant que le ministre aurait ordonné une retenue sur le traitement des fonctionnaires ayant participé à la grève nationale

  1. 357. La plainte figure dans une communication de la Confédération des fonctionnaires municipaux de santé (CONFUSAM) en date du 13 septembre 2011. Dans une communication en date du 4 octobre 2011, 1a CONFUSAM a fait parvenir un complément d’information.
  2. 358. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 22 octobre 2012.
  3. 359. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 360. Dans sa communication en date du 13 septembre 2011, la Confédération des fonctionnaires municipaux de santé (CONFUSAM) indique que, le 12 août 2008, M. Enzo Alejandro Zamorano Jorquera, médecin affecté aux services de soins de santé primaires de la commune de La Granja (agglomération de Santiago), qui assume toujours à ce jour la charge de dirigeant syndical au sein de l’Association des fonctionnaires de la commune de La Granja, organisation affiliée à la Fédération des associations de fonctionnaires connue sous le nom de FREMESA, elle-même membre de la CONFUSAM, a exercé ses tâches habituelles au Centre médical de La Granja. Dans ce cadre, il a pris en charge en urgence un patient qui n’a pas survécu (l’organisation plaignante rend compte de toutes les étapes des soins prodigués à cette personne en mentionnant les actes réalisés avec la participation du médecin). Quand M. Zamorano a été informé de cette issue fatale, il s’est rendu immédiatement devant l’association de fonctionnaires dont il fait partie, réunie en assemblée, en l’invitant à demander à la municipalité de La Granja, en la personne de son responsable au plus haut niveau, qu’une enquête soit menée sur les faits ayant entraîné le décès du patient et que les responsables soient poursuivis le cas échéant. Le maire a été dûment informé de cette demande, et l’enquête sur ces faits a été ouverte quelques jours plus tard.
  2. 361. L’organisation plaignante ajoute que le responsable de la commune avait déjà eu un différend avec M. Zamorano avant les faits. Le dirigeant syndical avait lancé quelques mois auparavant une grève de cinq jours à l’échelle de la commune en réclamant de meilleures conditions et davantage de ressources pour les services de soins de santé primaires de La Granja. Il avait alors été menacé publiquement de représailles.
  3. 362. L’enquête prévue a été ouverte en application du décret municipal no 2576 de 2008, et la municipalité a chargé un fonctionnaire d’examiner les faits. Cette personne s’est immédiatement employée à chercher des éléments pouvant attester la responsabilité de M. Zamorano dans le décès du patient. Lors de son interrogatoire, celui-ci s’est défendu en indiquant qu’il ne comprenait pas pourquoi il était visé par une telle enquête et en contestant la compétence de la personne désignée pour la mener, en tout premier lieu parce que c’était justement lui qui avait demandé l’ouverture de l’information par l’intermédiaire de son organisation de fonctionnaires. Rapidement, et conformément aux dispositions de la loi no 18883 sur le statut administratif des fonctionnaires municipaux, l’information préalable a débouché sur l’ouverture d’une enquête administrative en application du décret municipal no 4023. M. Zamorano a nié résolument toute responsabilité dans la mort du patient, affirmant qu’il avait pris comme à l’accoutumée toutes les précautions justifiées par les règles de la profession et que le décès découlait d’une coordination défaillante, de ressources médicales et hospitalières insuffisantes ainsi que d’un retard dans le transfert du patient et de l’impossibilité d’obtenir une ambulance malgré l’appel lancé quatre heures avant le décès. En outre, M. Zamorano a été invité à présenter des preuves testimoniales et documentaires propres à attester son innocence.
  4. 363. L’organisation plaignante indique que ces différents éléments, qui ont été soumis, qui plus est, au contrôle de la commission juridique de la CONFUSAM, n’ont été d’aucune utilité puisque la personne chargée de l’enquête, au mépris du principe de l’objectivité auquel elle est tenue en vertu de la loi no 18883, a tenu compte uniquement des éléments qui pouvaient mettre en cause M. Zamorano, parvenant à la conclusion que la révocation était bien la sanction qui convenait en l’espèce. Un recours en révision a donc été présenté devant le maire, à qui il a été demandé de tenir compte des faits et éléments de preuve déjà rassemblés ainsi que des témoignages devant encore être présentés et de prononcer au moins un allègement de la sanction. Pour l’essentiel, la thèse de la CONFUSAM reposait sur l’idée qu’il était impossible d’imputer le décès du patient à une seule personne compte tenu des dysfonctionnements nombreux et systématiques constatés par ailleurs. L’administration n’a pas admis ces arguments et elle a confirmé la destitution de M. Zamorano.
  5. 364. L’organisation plaignante indique avoir présenté par l’intermédiaire du président actuel de l’organisation syndicale, et conformément au statut visé par la loi no 18883, un recours en révision devant le bureau du contrôleur général de la République. Elle a répété son point de vue, affirmant ainsi que M. Zamorano était innocent du décès du patient, dû en réalité aux conditions de travail déplorables faites au personnel des services municipaux de soins de santé primaires au Chili. Dans ces services, il est matériellement impossible en effet de traiter les états demandant des soins complexes, si bien qu’un incident comme celui qui s’est produit dans le cas à l’examen, soit l’impossibilité de trouver une ambulance et un transfert tardif vers les urgences de la commune, peut entraîner le décès du patient, un événement particulièrement regrettable que M. Zamorano est le seul à avoir dénoncé formellement. L’organisation renvoie à cet égard à la résolution par laquelle le bureau du contrôleur général de la République a confirmé la révocation prononcée par la municipalité (rapport no 71594 du 24 décembre 2009). Dans cet avis, le bureau du contrôleur général conclut notamment que M. Zamorano «a porté atteinte au principe de l’intégrité de la fonction publique en faisant passer son intérêt personnel avant l’intérêt général, puisqu’il n’a pas pris la peine d’assurer des effectifs suffisants au service alors qu’il poursuivait par ailleurs ses activités syndicales». L’organisation plaignante présente à ce stade trois précisions: 1) le principe de l’intégrité de la fonction publique est consacré par l’article 58, alinéa g), de la loi no 18883 sur la fonction publique, d’où il ressort que les violations graves, et elles seules, sont passibles d’une révocation telle que prévue à l’article 123, paragraphe 2, du statut en question; 2) l’article 54 de la loi no 19653 (loi sur l’intégrité de la fonction publique) définit ainsi l’intégrité à laquelle le fonctionnaire est tenu: «avoir un comportement professionnel irréprochable et assumer ses fonctions ou sa charge avec honnêteté et loyauté, en faisant primer l’intérêt général sur son intérêt personnel», formule qui laisse une grande marge d’interprétation à l’autorité, qui pourra considérer comme un manquement grave à l’obligation ainsi exprimée tout comportement ne répondant pas aux critères introduits par les termes «irréprochable», «honnêteté», «loyauté» ou «primer». La CONFUSAM estime pour sa part, sans tomber dans le préjugé de l’autorité, que M. Zamorano répond largement à ces critères, alors qu’il a consacré plus de vingt ans au service de la collectivité et fait preuve d’un grand dévouement dans l’exécution de ses fonctions pour le compte des services de santé primaires; et 3) la décision du bureau du contrôleur général crée un précédent propre à nuire au développement de l’activité syndicale puisqu’elle laisse entendre que les dirigeants syndicaux cherchent par leur engagement à servir des intérêts personnels, oubliant ainsi qu’ils s’expriment au nom de leurs collègues de travail et des autres membres de leur profession.
  6. 365. En outre, la CONFUSAM juge peu sérieux de valider une procédure qui a duré plus de deux ans et débouché sur la révocation de M. Zamorano alors que l’enquête ne s’est pas faite dans les délais prévus par le statut correspondant. La confédération ajoute qu’elle a souhaité soumettre ses arguments à une instance judiciaire supérieure et qu’elle a fait recours devant la Cour suprême de justice de la décision par laquelle la Cour d’appel de San Miguel avait débouté le plaignant. La Cour suprême s’est prononcée le 23 juin 2010 en indiquant qu’elle «confirmait la décision rendue le 28 mai dernier telle que reproduite au feuillet 79». Selon la CONFUSAM, cette issue constitue une violation manifeste des principes de la liberté syndicale.
  7. 366. Dans sa communication en date du 4 octobre 2011, l’organisation plaignante indique que, à la suite de la grève nationale convoquée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) pour les 24 et 25 août 2011, année où la CONFUSAM a rejoint le mouvement, les agents des services municipaux de soins de santé primaires du Chili ont été visés par des actes d’intimidation et des provocations de la part du ministre de la Santé. Ce ministre, qui est à la tête du système sur le plan technique, s’est présenté au Centre médical Pablo Neruda, dans la commune de Lo Prado, à Santiago, en compagnie de journalistes, pour constater l’interruption du service. Il a relevé une normalité relative, découlant d’une bonne coordination des fonctionnaires avec la communauté des usagers, et a prolongé sa visite. Il a remarqué à ce moment-là un groupe de travailleurs ayant adhéré au mouvement de grève qui s’apprêtaient à quitter les lieux en direction du centre-ville, comme prévu dans la convocation. Le ministre a alors interpellé les travailleurs devant les caméras sur le mode de la réprimande, comme s’il était leur supérieur direct ou le chef d’une entreprise privée. Une altercation brève mais énergique s’en est suivie, et des fonctionnaires ont pris à partie le ministre en dénonçant l’incohérence de son discours et son bilan médiocre à la tête de son portefeuille, avant de lui demander de quitter les lieux au motif que sa présence perturbait les usagers.
  8. 367. L’organisation plaignante ajoute que, par la suite, le ministre a demandé en personne qu’il soit procédé à une retenue sur le salaire d’un grand nombre d’agents des services municipaux de soins de santé primaires en affirmant que la CONFUSAM et le service public qu’elle représente avaient conclu un accord par lequel l’organisation s’était engagée à renoncer à toute cessation du travail en échange de certaines améliorations à l’échelle du secteur. Cette affirmation est fausse à deux titres: i) l’accord en question portait sur des questions sectorielles et visait une entente sur de tels sujets mais il ne prévoyait en aucun cas de restriction permanente de la liberté collective quant à des revendications relatives aux conditions de travail et de traitement de l’ensemble du secteur public. En effet, cet aspect ne relève pas de cet organe mais du pouvoir exécutif central, notamment du ministère des Finances; et ii) l’autorité mentionnée n’a pas respecté les dispositions de l’accord en question, ce qui a donné lieu à un recours devant le bureau du contrôleur général de la République, qui a malheureusement assimilé le texte à une simple déclaration, portant préjudice ainsi à la crédibilité de tout nouvel accord pouvant être conclu par les acteurs en question, alors même que c’était l’administration qui avait failli à sa parole.
  9. 368. Selon l’organisation plaignante, la suite donnée aux retenues a varié selon la municipalité et la nature des relations entretenues par l’administration municipale avec le gouvernement au pouvoir et le ministère de la Santé, ce qui a poussé la CONFUSAM et d’autres organisations syndicales du secteur de la santé et de la fonction publique en général à contester ces retenues par des recours en protection. L’organisation plaignante indique que ces procédures ont produit deux résultats: a) dans le secteur représenté par la CONFUSAM, les retenues prévues ont été annulées dans la majorité des municipalités du territoire national; et b) dans les autres secteurs, le problème a été réglé par plusieurs arrêts de la Cour suprême, qui a défini au mois d’avril de l’année en cours sa doctrine face aux retenues en cas de cessation du travail.
  10. 369. La Cour suprême a fixé cette doctrine, en effet, dans des arrêts rendus à l’issue de l’examen en appel de deux recours en protection (affaires nos 1890 et 2094, 2011). Elle s’est fondée, dans ce cadre, sur un raisonnement plus complexe que celui qui transparaît dans la conclusion du gouvernement et, plus particulièrement, des ministères de la Santé et du Travail, en indiquant que les sanctions sont non fondées parce qu’elles n’ont pas été précédées par une procédure disciplinaire telle que prévue par la loi et qu’elles ne correspondaient pas à la faute.
  11. 370. Les organisations plaignantes ajoutent que le ministère de la Santé s’est efforcé, il y a quelques jours, d’empêcher une grève nationale convoquée pour la défense de la santé publique et l’application du protocole d’entente conclu avec cet organe en cherchant à intimider M. Esteban Maturana, président de la Fédération de la CONFUSAM pour la région Centre-Ouest et membre du conseil national de la Centrale unitaire des travailleurs. Le ministère a tenté de porter préjudice au dirigeant par différents moyens. Ainsi, il lui a été signifié par téléphone qu’il serait tenu responsable publiquement des conséquences d’une paralysie des services. En outre, il a été visé par des propos injurieux et même insulté devant les médias, et il a été menacé dans l’enceinte du Congrès national, à Valparaíso.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 371. Dans sa communication en date du 22 octobre 2012, le gouvernement indique, au sujet des allégations relatives à la révocation ayant visé M. Enzo Alejandro Zamorano Jorquera, médecin affecté aux services de soins de santé primaires de La Granja et dirigeant syndical au sein de l’Association des fonctionnaires de cette même commune, qu’il a prié le maire de La Granja de lui faire parvenir ses observations sur la question. Cette personne a dit avoir demandé une information préalable qui devait permettre d’établir la responsabilité administrative éventuelle d’agents de l’Etat dans le décès d’un patient. L’information en question a débouché sur l’ouverture d’une enquête administrative qui a conclu à la responsabilité de M. Enzo Zamorano Jorquera (le gouvernement donne indication des soins demandés par celui-ci). Le gouvernement ajoute que le maire de La Granja a précisé que l’enquête avait permis d’établir la responsabilité administrative de M. Zamorano et montré que ce dernier n’avait pas prodigué les soins adéquats, omettant d’exécuter certains gestes techniques pourtant indispensables, malgré le protocole clair et bien établi qu’il était tenu de respecter dans un tel cas de figure. Le gouvernement indique en outre que l’enquête a été confiée à un fonctionnaire spécialement désigné à cet effet, que M. Zamorano a répondu aux accusations portées à son encontre et a pu présenter des éléments à sa décharge, que toutes les voies de recours applicables ont été saisies par la suite (demande en révision devant le maire et recours pour défaut de légalité devant le bureau du contrôleur général de la République) et que la révocation est devenue effective une fois que ce dernier organe l’a confirmée (en estimant qu’il existait une juste proportionnalité entre la sanction et la faute).
  2. 372. Malgré ce qui précède, M. Zamorano, agissant avec le concours de la CONFUSAM, a saisi la Cour d’appel de San Miguel d’un recours en protection contre le maire de La Granja (affaire no 098-2010). Il a été débouté mais a fait appel du jugement devant la Cour suprême (affaire no 4077/2010), qui a confirmé à l’unanimité la décision de la cour d’appel.
  3. 373. Enfin, le gouvernement indique que la révocation prononcée à titre de sanction disciplinaire a fait suite à la participation de l’intéressé, en sa qualité de médecin, à la prise en charge d’un patient s’étant présenté au centre de santé de La Granja. Cette décision est donc sans rapport avec le mandat de dirigeant que ce médecin assume au sein d’une organisation municipale. Il souligne en outre que les faits présentaient un tel degré de gravité qu’ils ont convaincu à la fois le fonctionnaire chargé de l’enquête administrative et le bureau du contrôleur général mais aussi la cour d’appel et la Cour suprême.
  4. 374. En ce qui concerne les nouvelles allégations de la CONFUSAM, qui a dénoncé des actes d’intimidation et des provocations de la part du ministre de la Santé et contesté les retenues sur salaire effectuées du fait d’une cessation du travail, le gouvernement indique que le ministère de la Santé du Chili a fait valoir les arguments de fait et de droit suivants au sujet du droit de grève et de négociation collective:
    • – la loi-cadre no 18575 sur l’administration de l’Etat prévoit en son article 25 que: «Les services publics sont les organes de l’administration chargés de répondre aux besoins de la collectivité de façon régulière et ininterrompue...»;
    • – les fonctionnaires des services de soins de santé primaires ont la qualité de fonctionnaires en droit et ils sont visés à ce titre par les dispositions de la loi no 18834 sur la fonction publique, qui cite parmi les activités interdites aux agents de la fonction publique (alinéa i), article 82, paragraphe 5), le fait de: «se constituer en syndicat ou d’adhérer à une telle organisation au sein d’une administration de l’Etat; de lancer un appel à la grève, d’encourager une grève ou d’y participer, d’interrompre le travail ou de paralyser le service, totalement ou en partie, d’empêcher indûment la circulation de personnes ou de biens et de commettre tout acte tendant à empêcher le fonctionnement normal des organes de l’administration de l’Etat»;
    • – la loi no 19937 relative à l’autorité sanitaire prévoit en son article 4 qu’il incombe «au ministère de la Santé d’élaborer et d’arrêter les politiques en matière de santé et de veiller à leur application. A ce titre, le ministère est notamment chargé…: 1) d’assumer la direction des services de santé»; (…); 10) de veiller à la coordination des réseaux de prise en charge à tous les niveaux»;
    • – en vertu du principe de la continuité de la fonction publique et compte tenu du conflit potentiel entre la liberté d’expression et la prestation de services médicaux (la grève étant illégale au sein de la fonction publique), le rôle du ministre de la Santé est d’assurer l’accès universel, en temps opportun, à des services de santé de qualité, afin d’écarter tout risque évitable qui pourrait entraîner des lésions irréversibles ou la mort du patient, en saisissant à ces fins tous les moyens dont il dispose compte tenu des fonctions décrites précédemment;
    • – cependant, la CONFUSAM a participé à plusieurs tables rondes avec le ministère de la Santé; un accord a même été conclu le 7 octobre 2011 par les parties en question et l’Association chilienne des municipalités.
  5. 375. Le gouvernement renvoie de son côté aux dispositions du dernier alinéa du paragraphe 16 de l’article 19 de la Constitution, qui est libellé de la sorte: «Les agents de l’Etat et les agents des services municipaux n’ont pas le droit de grève. La grève est interdite également à toute personne travaillant pour une société ou entreprise, quelle que soit sa nature, son objet ou sa fonction, qui assurerait des services d’utilité publique ou dont la paralysie pourrait causer un grave préjudice pour la santé, l’économie du pays, l’approvisionnement de la population ou la sécurité nationale.» Il en conclut que la Constitution chilienne ne permet pas aux fonctionnaires – auxquels les agents des hôpitaux publics sont assimilés – de faire grève. En outre, puisque les agents des services de soins de santé primaires ont la qualité de fonctionnaires au regard du droit, ils sont visés par les dispositions de la loi no 18834 sur la fonction publique, qui incluent parmi les interdictions s’appliquant aux employés des services municipaux (alinéa i) l’article 82, paragraphe 5), le fait de: «se constituer en syndicat ou d’adhérer à une telle organisation au sein d’une administration de l’Etat; de lancer un appel à la grève, d’encourager une grève ou d’y participer, d’interrompre le travail ou de paralyser le service, totalement ou en partie, d’empêcher indûment la circulation de personnes ou de biens et de commettre tout autre acte tendant à empêcher le fonctionnement normal des organes de l’administration de l’Etat».
  6. 376. Dans le même ordre d’esprit, le principe de la légalité consacré par les articles 6 et premier de la Constitution ainsi que les dispositions de l’article 62, paragraphe 8, de la loi organique constitutionnelle no 18575 (loi-cadre sur l’administration de l’Etat) et l’alinéa a) de l’article 61 de la loi sur la fonction publique, permettent de conclure que le fait de ne pas exécuter les fonctions attachées à sa charge de façon ininterrompue et régulière pendant les heures de travail – et sans avoir reçu de son supérieur d’autorisation ou de permission dans ce sens – peut constituer une atteinte aux devoirs d’efficience, d’efficacité et de respect du droit, voire nuire au principe de l’intégrité de la fonction publique consacré par la législation nationale.
  7. 377. En ce qui concerne la réglementation applicable et les retenues auxquelles il est procédé en cas de cessation du travail, il convient de rappeler que le droit à une rémunération est consacré par l’article 93 de la loi sur la fonction publique, qui se fonde sur la prestation effective par le fonctionnaire des services pour lesquels il a été nommé. On tiendra compte en outre des dispositions de l’article 72 du même texte, qui est libellé ainsi: «Pendant toute la durée de la cessation effective du travail, la rémunération ne sera pas perçue, à moins qu’il ne s’agisse d’un jour férié, d’un jour de congé ou d’une absence autorisée ouvrant droit à rémunération en application du présent statut, d’une suspension demandée à titre préventif comme prévu à l’article 136, d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure. Le responsable de la paie devra procéder à la retenue sur le salaire mensuel, dès lors que le supérieur direct en aura fait la demande, pour la durée pendant laquelle les travailleurs ont interrompu le travail, en considérant que la rémunération correspondant à un jour, une demi-journée ou une heure de travail équivaut à la rémunération mensuelle divisée par 30, 60 et 190, respectivement…», ce qui montre bien que la législation autorise à certaines conditions la retenue sur salaire.
  8. 378. Le gouvernement conclut à l’absence de toute pratique antisyndicale ou violation des conventions nos 87, 98 et 151 de l’OIT et déclare à ce titre que les autorités du ministère de la Santé ont agi conformément au droit, en saisissant les instances judiciaires prévues par la législation nationale, instances qui ont rendu leurs décisions dans le respect des principes définis par le Comité de la liberté syndicale en la matière.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 379. Le comité observe que, dans le cas à l’examen, l’organisation plaignante: 1) dénonce le licenciement d’un dirigeant syndical de l’Association des fonctionnaires de la commune de La Granja, M. Enzo Alejandro Zamorano Jorquera, qui exerçait les fonctions de médecin de soins de santé primaires dans la même commune; et 2) fait état d’actes d’intimidation commis par le ministre de la Santé sur la personne d’agents des services municipaux de soins de santé primaires du Chili lors de la grève nationale convoquée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) pour les 24 et 25 août 2011 ainsi que de pressions exercées sur le président de la Fédération de la CONFUSAM pour la région Centre-Ouest dans le but d’empêcher une autre grève, tout en alléguant que le ministre a ordonné une retenue sur le traitement des fonctionnaires ayant participé à la grève nationale (selon l’organisation plaignante, cette décision n’a pas connu la même suite dans toutes les municipalités, et la justice a été saisie de recours qui ont débouché, pour le secteur représenté par la CONFUSAM, sur l’annulation des retenues prévues dans la majorité des municipalités du territoire national; pour les autres secteurs, la question a été réglée par deux arrêts de la Cour suprême).
  2. 380. En ce qui concerne l’allégation relative au licenciement d’un dirigeant syndical de l’Association des fonctionnaires de la commune de La Granja, M. Enzo Alejandro Zamorano Jorquera, qui exerçait les fonctions de médecin de soins de santé primaires dans la même commune, le comité prend note des informations suivantes communiquées par le gouvernement: 1) le maire de la municipalité de La Granja a ordonné l’ouverture d’une information préalable qui devait permettre d’établir la responsabilité administrative éventuelle d’agents de l’Etat dans le décès d’un patient, et cette information a débouché sur l’ouverture d’une enquête administrative qui a conclu à la responsabilité administrative de M. Zamorano et montré que la prise en charge effectuée par ce dernier n’avait pas été adéquate; 2) l’enquête a été réalisée par un fonctionnaire spécialement désigné à cet effet, M. Zamorano a répondu aux accusations portées à son encontre et a pu présenter des éléments à sa décharge, et toutes les voies de recours applicables ont été épuisées par la suite (demande en révision devant le maire et recours pour défaut de légalité devant le bureau du contrôleur général de la République); 3) la révocation est devenue effective après confirmation de la décision par le bureau du contrôleur général de la République (qui a estimé qu’il existait une juste proportionnalité entre la sanction et la faute; et 4) M. Zamorano, agissant avec le concours de la CONFUSAM, a saisi la Cour d’appel de San Miguel d’un recours en protection contre le maire de La Granja, il a été débouté mais a fait appel de ce jugement devant la Cour suprême, qui a confirmé à l’unanimité la décision de la cour d’appel. Compte tenu de ces différentes informations, et observant que la révocation du dirigeant syndical est liée à un comportement professionnel inadéquat, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
  3. 381. S’agissant des allégations relatives aux actes d’intimidation commis par le ministre de la Santé sur la personne d’agents des services municipaux de soins de santé primaires du Chili lors de la grève nationale convoquée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) pour les 24 et 25 août 2011 et aux pressions exercées sur le président de la Fédération de la CONFUSAM pour la région Centre-Ouest dans le but d’empêcher une autre grève, et en ce qui concerne la décision par laquelle le ministre a ordonné une retenue sur le traitement des fonctionnaires ayant participé à la grève nationale (selon l’organisation plaignante, cette décision n’a pas connu la même suite dans toutes les municipalités, et la justice a été saisie de recours qui ont débouché sur l’annulation des retenues prévues dans la majorité des municipalités du territoire national), le comité prend note des informations suivantes fournies par le ministère de la Santé et transmises par le gouvernement: 1) en vertu du principe de la continuité du travail dans la fonction publique et compte tenu du conflit potentiel entre la liberté d’expression et la prestation de services médicaux (la grève étant illégale au sein de la fonction publique), le rôle du ministre de la Santé est d’assurer l’accès universel, en temps opportun, à des services de santé de qualité afin d’écarter tout risque évitable qui pourrait entraîner des lésions irréversibles ou la mort du patient, en saisissant à ces fins tous les moyens dont il dispose compte tenu des fonctions que la loi lui confie; et 2) cependant, la CONFUSAM a participé à plusieurs tables rondes avec le ministère de la Santé, et un accord a même été conclu le 7 octobre 2011 par les parties en question et l’Association chilienne des municipalités.
  4. 382. De même, le comité prend note des informations suivantes communiquées par le gouvernement: 1) conformément au dernier alinéa du paragraphe 16 de l’article 19 de la Constitution, les fonctionnaires (auxquels les agents des hôpitaux publics sont assimilés) sont privés du droit de grève; 2) les agents des services de soins de santé primaires ayant la qualité de fonctionnaires au regard du droit sont visés par les dispositions de la loi no 18834 sur la fonction publique, qui cite parmi les interdictions s’appliquant aux intéressés (alinéa i), article 82, paragraphe 5), le fait de: «se constituer en syndicat ou d’adhérer à une telle organisation au sein d’une administration de l’Etat; de lancer un appel à la grève, d’encourager une grève ou d’y participer, d’interrompre le travail ou de paralyser le service, totalement ou en partie, d’empêcher indûment la circulation de personnes ou de biens et de commettre tout autre acte tendant à empêcher le fonctionnement normal des organes de l’administration de l’Etat»; 3) le principe de la légalité consacré par les articles 6 et premier de la Constitution ainsi que les dispositions de l’article 62, paragraphe 8, de la loi organique constitutionnelle no 18575 (loi-cadre sur l’administration de l’Etat) et l’alinéa a) de l’article 61 de la loi sur la fonction publique, permettent de conclure que le fait de ne pas exécuter les fonctions attachées à sa charge de façon ininterrompue et régulière pendant les heures de travail – et sans avoir reçu de son supérieur d’autorisation ou de permission dans ce sens – peut constituer une atteinte aux devoirs d’efficience, d’efficacité et de respect du droit, voire nuire au principe de l’intégrité de la fonction publique consacré par la législation; 4) en ce qui concerne les retenues auxquelles il est procédé en cas de cessation du travail, il convient de rappeler que le droit à une rémunération est consacré par l’article 93 de la loi sur la fonction publique, qui se fonde sur la prestation effective par le fonctionnaire des services pour lesquels il a été nommé, et que la législation autorise à certaines conditions la retenue sur salaire; et 5) aucune pratique antisyndicale ni aucune violation des conventions nos 87, 98 et 151 de l’OIT n’a été constatée.
  5. 383. A cet égard, le comité souhaite indiquer en premier lieu, en ce qui concerne les informations du gouvernement selon lesquelles les fonctionnaires des services de soins de santé primaires n’ont pas le droit de se constituer en syndicat ni d’adhérer à une telle organisation au sein de la fonction publique, que, en vertu des dispositions de l’article 2 de la convention no 87, les fonctionnaires du secteur de la santé doivent jouir du droit de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable pour la défense des intérêts des travailleurs ainsi que de celui de s’affilier à de telles organisations, étant entendu qu’il s’agit d’un droit fondamental qui doit appartenir à tous les travailleurs sans aucune distinction, y compris au personnel hospitalier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 246.] Tout en relevant qu’il existe dans la pratique des organisations syndicales regroupant des fonctionnaires des services de santé (dont l’organisation plaignante), le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier la législation afin d’assurer la pleine observation des dispositions de l’article 2 de la convention no 87.
  6. 384. S’agissant de l’exercice du droit de grève par des fonctionnaires (notamment dans le secteur de la santé), le comité rappelle qu’il a déjà souligné à de nombreuses reprises que ce droit peut être restreint, voire interdit dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.] Cependant, le comité a souligné également que, en cas de «restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 596.] Tout en tenant compte des informations du gouvernement selon lesquelles les travailleurs de la santé n’ont pas le droit de grève – même s’il semble dans les faits qu’ils prennent part à des négociations collectives (le gouvernement cite ainsi un accord collectif conclu avec l’organisation plaignante) et engagent des actions de revendication –, le comité prie le gouvernement de veiller au respect du principe susmentionné relatif à l’existence de mécanismes de compensation en cas d’interdiction du droit de grève et de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que sa législation soit en conformité avec ce principe.
  7. 385. Enfin, en ce qui concerne la retenue sur le traitement de fonctionnaires ayant pris part à une grève nationale, et tout en prenant note des informations de l’organisation plaignante, qui indique que ces retenues ont été annulées dans certaines municipalités et que la question a été réglée par des arrêts de la Cour suprême dans d’autres, le comité rappelle le principe selon lequel les «déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 654.] Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 386. Compte tenu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier la législation afin de garantir que les fonctionnaires du secteur de la santé jouissent expressément du droit de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable pour la défense des intérêts des travailleurs ainsi que du droit de s’affilier à de telles organisations et de s’assurer que sa législation soit en conformité avec les principes mentionnés dans ses conclusions.
    • b) Le comité prie le gouvernement de veiller au respect du principe relatif à l’existence de mécanismes de compensation en cas d’interdiction du droit de grève.
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