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Informe definitivo - Informe núm. 364, Junio 2012

Caso núm. 2823 (Colombia) - Fecha de presentación de la queja:: 04-OCT-10 - Cerrado

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Allégations: Les organisations plaignantes font état de licenciements collectifs antisyndicaux dans les Entreprises sociales de l’Etat (ESE) en violation de la convention collective en vigueur, de la protection spécifique des travailleurs qui bénéficient de la stabilité dans l’emploi pour des raisons sociales, et de l’immunité syndicale

  1. 450. Les plaintes figurent dans une communication d’avril 2010 du Syndicat national des travailleurs de l’Institut de sécurité sociale (SINTRAISS) – section de Cundinamarca, et du Syndicat des travailleurs de la sécurité sociale (SINTRASEGURIDADSOCIAL) – section de Bogotá et de Cundinamarca. Dans une communication du 23 septembre 2010, l’Association syndicale des thérapeutes de Colombie (ASTECO), l’Association des bactériologistes syndiqués (ASBAS) et l’Association médicale syndicale colombienne (ASMEDAS) ont appuyé la plainte.
  2. 451. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication de juillet 2011.
  3. 452. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 453. Dans leur communication d’avril 2010, le Syndicat national des travailleurs de l’Institut de sécurité sociale (SINTRAISS) – section de Cundinamarca, et le Syndicat des travailleurs de la sécurité sociale (SINTRASEGURIDADSOCIAL) – section de Bogotá et de Cundinamarca, dénoncent le licenciement de plus de 13 000 travailleurs des Entreprises sociales de l’Etat (ESE). Selon les organisations plaignantes, ces licenciements n’ont pas tenu compte: a) de la garantie de l’immunité syndicale, puisque une grande proportion des dirigeants syndicaux ont été licenciés sans autorisation judiciaire préalable; b) de la protection spéciale des travailleurs bénéficiant de la stabilité dans l’emploi pour des raisons sociales (pères et mères chefs de famille sans alternative économique, personnes handicapées et personnes sur le point de satisfaire aux conditions ouvrant droit à la pension de retraite ou de vieillesse); et c) de la convention collective conclue par l’Institut de la sécurité sociale (ISS) et le SINTRASEGURIDADSOCIAL (qui représentait tous les syndicats en place dans l’ISS), qui était en vigueur au moment de la création et de la liquidation des ESE et du licenciement des travailleurs syndiqués.
  2. 454. Les organisations plaignantes indiquent que, en vertu du décret-loi no 1750 du 26 juin 2003, le gouvernement a scindé le secteur santé de l’ISS en sept ESE à l’échelle nationale: Antonio Nariño, Rafael Uribe Uribe, José Prudencio Padilla, Rita Arango Álvarez del Pino, Francisco de Paula Santander, Policarpa Salavarrieta et Luis Carlos Galán Sarmiento (cette dernière entreprise est en cours de liquidation). Les agents hospitaliers et des centres de soins ambulatoires de l’ISS ont été intégrés automatiquement dans les nouvelles ESE, et sont passés du statut de «travailleur officiel», couvert par la convention collective et bénéficiant de la stabilité dans l’emploi et du droit d’association et de négociation collective, à celui d’«employé public», qui ne donne droit ni à la stabilité dans l’emploi ni aux prérogatives syndicales et conventionnelles. Les organisations plaignantes ajoutent que, en vertu du décret-loi susmentionné, les ESE ont remplacé l’ISS en tant qu’employeur dans toutes ses obligations et droits en matière de travail. Conformément à la législation, la substitution d’employeur entraîne une obligation juridique vis-à-vis des travailleurs, et les nouveaux établissements n’ont pas subi de modifications importantes dans la prestation du service public de santé, les travailleurs ayant continué à assurer les mêmes tâches.
  3. 455. Les organisations plaignantes indiquent qu’avant la scission l’ISS avait conclu une convention collective, restée en vigueur du 1er novembre 1996 au 31 octobre 1999. Cette convention collective avait été signée par le SINTRAISS qui représentait toutes les organisations syndicales de la sécurité sociale. En 2011, un accord intégral a été conclu avec le SINTRASEGURIDADSOCIAL pour renforcer l’ISS. Les plus importants engagements pris par le gouvernement concernaient, entre autres, la levée de la sanction infligée à l’ISS par la Surintendance nationale de la santé, qui empêchait de nouvelles affiliations à l’Entité de promotion de la santé (EPS), un prêt de un milliard de pesos, le maintien de l’unité d’entreprise de l’ISS et l’adoption de mesures pour réduire autant que possible les effets économiques du choix adverse qui avait consisté à confier à l’EPS de l’assurance sociale les patients souffrant de maladies au traitement coûteux et non rentable pour les EPS privées. Le SINTRASEGURIDADSOCIAL, comme il s’y était engagé, avait renégocié la convention collective du travail alors en vigueur. Les organisations plaignantes font part des modifications suivantes de la convention collective: suppression de l’effet rétroactif des licenciements, modification des modalités de liquidation des pensions de retraite, gel des avoirs du Fonds pour le logement et autres modifications des aides et prestations qui ont représenté une économie importante pour l’ISS, cette dernière ayant atteint son équilibre financier en 2011. C’est sur cette base que le SINTRASEGURIDADSOCIAL et l’ISS avaient conclu une nouvelle convention collective, en vigueur du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2004, dont l’article 5 garantit la stabilité dans l’emploi.
  4. 456. La loi no 790 de 2002 avait interdit de liquider, de supprimer ou de fusionner l’ISS afin de garantir la sécurité sociale publique et l’unité d’entreprise de l’assurance sociale. Néanmoins, en 2003, le gouvernement a procédé à la scission des services de santé de l’ISS en promulguant le décret-loi no 1750 du 26 juin 2003. Les organisations plaignantes indiquent que la convention collective susmentionnée est toujours en vigueur; bien que l’ISS l’ait dénoncée, dans le but de ne pas la respecter, aucune autre convention collective n’a été conclue pour la remplacer.
  5. 457. Les organisations plaignantes soulignent que plusieurs décisions judiciaires ont confirmé que la convention collective était toujours en vigueur, en particulier le jugement du 29 février 2008 de la chambre du travail du tribunal supérieur du district de Bogotá, qui confirme le jugement du deuxième tribunal du travail, lequel dit que la convention collective reste en vigueur et l’ensemble de son contenu inchangé, et exige son application intégrale à tous les travailleurs officiels et employés publics qui travaillaient initialement à l’ISS et qui ont été intégrés ensuite dans les sept ESE, créées en vertu du décret-loi no 1750 de 2003. De même, dans ses jugements C-314 et C-349 de 2004, la Cour constitutionnelle a ordonné que la convention collective qui était en vigueur pour l’ISS et ses travailleurs au moment de la scission continue de s’appliquer aux agents des ESE, afin que soient respectés les droits acquis par les travailleurs officiels de l’ISS qui devenaient des employés publics des ESE. Les organisations plaignantes mentionnent également plusieurs jugements (sans en fournir de copie) qui, selon leur transcription, vont dans le sens du maintien en vigueur de la convention collective et de son application aux travailleurs qui l’ont conclue. Les organisations plaignantes transcrivent la décision no 209 du 27 mai 2009; prononcée dans le cadre de la liquidation de l’ESE Luis Carlos Galán Sarmiento, elle indique ce qui suit:
    • (…) la plénière de la Cour constitutionnelle a conclu que le changement d’employeur n’empêche pas la convention du travail susmentionnée, signée initialement avec l’ISS, de continuer à être source de droit pour les travailleurs de l’ESE partie défenderesse, au moins tant que la convention restera en vigueur. Deuxièmement, il n’est pas vrai que la plénière ait décidé indûment du maintien en vigueur de la convention collective (…) En fait, son argument pour estimer qu’elle s’applique est que la convention est en vigueur. A contrario, dans le cas où la convention collective ne serait plus en vigueur, il ne serait alors pas possible de l’appliquer.
  6. 458. Selon les organisations plaignantes, les tribunaux ont donné des jugements de 2004 de la Cour suprême une interprétation qui fait autorité. Ils concluent que la convention collective est en vigueur et que ses dispositions bénéficient aux agents des ESE.
  7. 459. Les organisations plaignantes indiquent que le gouvernement n’a pas respecté les jugements susmentionnés de la Cour constitutionnelle, qu’il a donné une instruction écrite, par le biais du ministre de la Protection sociale et du président de l’ISS, pour qu’aucune des prestations conventionnelles ne soit reconnue en faveur des personnes qui travaillaient à l’ISS, et que ces dernières ont été intégrées sans leur consentement dans les nouvelles ESE. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement a donné une interprétation unilatérale et restrictive des jugements de la Cour constitutionnelle, et la seule raison de scinder le secteur santé de l’ISS était de liquider cette entité afin de privatiser les services, mesure à laquelle s’est ajoutée l’intégration des 13 000 agents dans les ESE, et de nier les droits acquis dans le cadre de la convention collective. Preuve que le gouvernement ne visait qu’à privatiser la sécurité sociale et à refuser l’application des droits prévus par la convention: l’ISS a été pratiquement liquidée, il ne fournit ni assurance ni prestations de services de santé, les sept ESE ont été liquidées en vertu de décrets émis à partir de 2006, et 13 000 agents ont été licenciés sans que ne leur soient reconnues les prestations prévues par la convention.
  8. 460. Les organisations plaignantes ajoutent que, poursuivant la liquidation, en 2007, la Surintendance nationale de la santé a annulé la licence d’activité de l’entité prestataire de santé de l’ISS, et que le gouvernement a créé la nouvelle EPS avec une majorité d’actionnaires du secteur privé (caisses d’allocations familiales), à laquelle ont été transférés les assurés, les activités ayant débuté le 1er août 2008.
  9. 461. Les organisations plaignantes déclarent que, pour justifier la liquidation des ESE, le gouvernement a allégué, entre autres, leur mauvaise gestion, l’absence d’équilibre financier et la mauvaise qualité des services, sans prendre en compte le fait que c’est lui qui en avait nommé les gérants. Les décrets de liquidation comportaient un barème légal d’indemnisations inférieures de 40 pour cent à celles prévue par la convention. Au terme de la liquidation, les dirigeants syndicaux ont été licenciés sans autorisation judiciaire préalable, et les travailleurs bénéficiant de la stabilité dans l’emploi pour des raisons sociales qui ont été licenciés ont reçu des prestations et des indemnisations légales mais non conventionnelles.
  10. 462. Les organisations plaignantes soulignent qu’en agissant ainsi le gouvernement a liquidé la sécurité sociale publique, mis un terme à la convention collective du travail en vigueur et à l’organisation syndicale dans le secteur de la sécurité sociale ainsi qu’à toutes les organisations syndicales et de branche dont des affiliés travaillaient à l’ISS et dans les ESE. A ce jour, l’assurance sociale se borne à gérer les risques liés à l’invalidité, la vieillesse et le décès, à verser les pensions et à collecter les cotisations, et vient de transférer toutes ses activités à l’Administration colombienne des pensions qui a été récemment créée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 463. Dans une communication de juillet 2011, le gouvernement confirme que, dans l’exercice des facultés prévues par la loi, il a pris en 2003 le décret-loi no 1750 en vertu duquel ont été scindés l’Institut de sécurité sociale et la vice-présidence des prestations de services de santé, les cliniques et les centres de soins ambulatoires (CAAS) et créées sept Entreprises sociales de l’Etat; ont été intégrés dans leurs effectifs, automatiquement et sans possibilité de continuité, les fonctionnaires qui travaillaient dans les administrations qui ont été scindées. Ces entreprises constituent une catégorie particulière d’entité décentralisée à l’échelle nationale. Dotées d’une personnalité juridique, d’une autonomie administrative et d’un patrimoine propre, elles relèvent du ministère de la Protection sociale et sont totalement indépendantes de l’Institut de sécurité sociale. Le gouvernement souligne que la Cour constitutionnelle a jugé la scission conforme à la Constitution et aux dispositions du décret-loi no 1750 de 2003 en ce qui concerne la catégorie des fonctionnaires, la continuité de la relation de travail, le régime des salaires et des prestations, la permanence et les motifs de cessation de la relation de travail.
  2. 464. Le gouvernement attire l’attention sur les articles 16 et 17 du décret-loi susmentionné qui disposent expressément ce qui suit: «A toutes les fins prévues par la loi, les agents des ESE créées en vertu du décret seront des employés publics, sauf ceux qui, même s’ils ne sont pas cadres, accomplissent des fonctions d’entretien des équipements hospitaliers et de services généraux – ces derniers seront des travailleurs officiels». «Les agents qui, au moment de l’entrée en vigueur du décret, étaient affectés à la Vice-présidence des prestations de services de santé, aux cliniques et aux centres de soins ambulatoires de l’ISS seront intégrés automatiquement, sans possibilité de continuité, dans les effectifs des ESE créées en vertu du décret. Le temps de service des agents qui passent de l’ISS aux ESE s’ajoutera, à toutes fins prévues par la loi, à leur temps de service dans les ESE, sans possibilité de continuité.» Le gouvernement indique que ces dispositions ont fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle, laquelle a déclaré la constitutionnalité du décret-loi no 1750 de 2003.
  3. 465. Plus précisément, la Cour constitutionnelle a déclaré ce qui suit:
    • (…) on en déduit que les agents affectés aux Entreprises sociales de l’Etat (ESE) qui ont acquis le statut d’«employé public» et perdu celle de «travailleur officiel» ont perdu ainsi le droit de présenter des cahiers de revendications et de négocier des conventions collectives du travail. Par conséquent, le fait de relever d’un régime professionnel donné, que ce soit celui d’«employé public» ou de «travailleur officiel», n’est pas un droit acquis, pas plus que ne l’est la faculté de présenter des conventions collectives, laquelle n’est qu’une capacité qui découle du type spécifique de régime professionnel. La cour estime fondé d’estimer que, dans ce cas, ce qui est accessoire dépend de ce qui est principal: de même qu’il n’y a pas de droit à être employé public ou travailleur officiel, il n’y a pas non plus de droit à présenter des conventions collectives si le régime professionnel a été modifié. Une conclusion différente serait absurde car cela reviendrait à reconnaître que certains employés publics, parce qu’ils ont été autrefois travailleurs officiels, auraient le droit de présenter des conventions collectives du travail, contrairement à ceux qui n’ont jamais été travailleurs officiels; ainsi, une troisième catégorie d’agents publics, non prévue dans la loi mais découlant du passage d’un régime professionnel à un autre, serait créée, ce qui compromettrait le droit à l’égalité de ceux des employés publics qui, n’ayant jamais été travailleurs officiels, n’auraient pas le droit d’améliorer au moyen de la négociation collective les conditions de travail liées à leurs fonctions. Par conséquent, il apparaît clairement à la cour que les employés publics qui font partie du personnel des ESE depuis juin 2003 ne sont pas des sujets de négociation collective, pas plus qu’ils ne peuvent aspirer à bénéficier de conventions collectives, situation que la loi réserve aux travailleurs officiels.
  4. 466. Le gouvernement confirme également que, afin de veiller à ce qu’un service de santé de qualité soit assuré en temps voulu, il a décidé de liquider les ESE qui étaient des prestataires de services en raison du risque imminent qu’elles comportaient – elles n’étaient pas viables financièrement et la qualité et l’efficacité de leur prestation étaient médiocres. Les ESE ont été supprimées en vertu d’actes administratifs entre 2006 et 2008.
  5. 467. En ce qui concerne l’application de la convention collective, le gouvernement indique ce qui suit: 1) les ESE n’ont pas pu appliquer la convention conclue par l’ISS et le SINTRASEGURIDADSOCIAL parce qu’elles n’étaient pas parties à la convention collective; 2) l’article 3 de la convention collective relatif au champ d’application dispose que la convention s’applique aux travailleurs officiels relevant des effectifs de l’ISS; 3) actuellement, la convention collective du travail est en vigueur et continue de s’appliquer aux travailleurs officiels de l’ISS qui sont plus de 1 500; 4) le décret en vertu duquel l’ISS a été scindé a entraîné une modification d’ordre juridique du lien qui unissait ses agents à l’institution; 5) cette modification implique que les travailleurs cessent d’être des travailleurs officiels et que ce ne sont plus les normes propres à cette catégorie de fonctionnaires qui s’appliquent à eux mais les normes générales dont les agents publics relèvent; 6) aucune disposition juridique n’oblige à appliquer une convention collective en dehors de l’entreprise qui l’a conclue et à des travailleurs ou employeurs d’autres entreprises; 7) il y a à l’ISS des employés publics auxquels la convention collective ne s’applique pas étant donné que leur régime professionnel est celui des employés publics qui accomplissent des fonctions de décision à l’échelle nationale.
  6. 468. Par ailleurs, en ce qui concerne la substitution d’employeur, le gouvernement indique que cette figure juridique ne s’applique pas aux entités publiques. Il s’agit d’une figure exclusive du droit privé, qui fait que la convention collective ne peut pas être appliquée. De plus, conformément au Code du travail, trois conditions doivent être remplies pour constituer la substitution d’employeur: 1) un changement d’employeur; 2) la continuité du travailleur; et 3) la continuité d’entreprise. Dans le cas présent, le gouvernement souligne que, puisqu’il n’y a pas eu de continuité de l’entreprise, une substitution d’employeur a eu lieu. Il s’agit dans ce cas de deux personnes juridiques complètement individuelles, différentes et automnes. Quant à la possibilité d’invoquer l’existence de droits acquis, le gouvernement signale que, au regard de la jurisprudence constitutionnelle, les droits acquis sont ceux qui sont entrés définitivement dans le patrimoine de la personne.
  7. 469. A propos de la question de savoir si la convention collective est toujours en vigueur, le gouvernement indique que la Cour constitutionnelle, dans une décision de 2004, a établi que la convention collective doit s’appliquer jusqu’à la date prévue (le 31 décembre 2004) lorsqu’elle a été conclue. Donnant suite à la décision de la cour, qui est opposable à tous, le ministère de la Protection sociale et la présidence de l’ISS ont émis la circulaire no 00052 de 2004 qui indique expressément ce qui suit:
    • En ce qui concerne les agents publics qui ont été intégrés en tant qu’employés publics dans les Entreprises sociales de l’Etat (…) et qui, précédemment, bénéficiaient de la convention collective conclue par l’ISS et le SINTRASEGURIDADSOCIAL, chaque Entreprise sociale de l’Etat leur reconnaîtra ponctuellement ce droit pour la période comprise entre le 26 juin et le 31 octobre 2004. Après cette date s’appliquera exclusivement à ces employés publics le régime juridique dont relèvent les employés publics à l’échelle nationale. Par conséquent, dans l’acte administratif par lequel ces prestations sont reconnues et liquidées, il sera indiqué expressément que, à partir du 1er novembre 2004, le régime salarial et de prestations des employés publics sera celui établi par le législateur pour les employés publics qui, en vertu d’une disposition juridique expresse, comme l’a indiqué la Cour constitutionnelle (…), ne sont autorisés ni à présenter des cahiers de revendications ni à conclure des conventions collectives.
  8. 470. Cette circulaire est un acte administratif à caractère général. Elle est en vigueur et s’applique aux ESE et jouit de la présomption de légalité. Il incombe à la juridiction du contentieux administratif d’en déterminer la légalité; aucune action judiciaire à ce sujet n’a été intentée devant elle, et le délai pour intenter ce type d’action est dépassé, si bien qu’il s’agit de situations définitives d’un point de vue juridique et protégées en vertu de la Constitution et de l’interprétation que la Cour constitutionnelle a formulée.
  9. 471. Le gouvernement souligne la jurisprudence récente de la juridiction du contentieux administratif. Celle-ci a examiné la question de l’applicabilité de la convention collective et, dans plusieurs avis, a défini l’application correcte des jugements de la Cour constitutionnelle, à savoir que les droits acquis au titre de la convention collective devaient être respectés et maintenus jusqu’au 31 octobre 2004, ce que l’employeur a fait, mais que la convention ne peut pas rester en vigueur pour une période indéfinie, contrairement à ce qu’affirment les anciens fonctionnaires dont l’intérêt est que la convention continue de s’appliquer. Dans sa décision du 18 novembre 2010, le tribunal administratif de Cundinamarca a indiqué expressément, au sujet de l’extension des effets de la convention collective et, plus particulièrement, de la dénonciation de la convention collective, que les éléments suivants devaient être pris en compte:
    • On peut conclure que l’objectif de cette figure juridique est la renégociation des accords conclus initialement, ce qui est manifestement inapproprié puisque, depuis sa scission le 26 juin 2003, l’Institut de sécurité sociale a cessé d’être l’employeur des travailleurs officiels qui bénéficiaient de la convention collective, ceux-ci ayant été intégrés dans les Entreprises sociales de l’Etat.
  10. 472. Le gouvernement indique que, en définitive, les juges ont déterminé clairement que la convention collective a continué de produire ses effets après la scission de l’ISS.
  11. 473. Enfin, au-delà de la question qui relève du domaine du travail et des pensions, qui sera définie en droit par la juridiction compétente dont la résolution devra être acceptée et appliquée par les entités publiques auxquelles incomberont les responsabilités qui seront définies, le gouvernement souligne que les personnes qui en étaient chargées ont commencé la procédure de liquidation des ESE conformément à la loi. Dans ce cadre, pour les liquidations déficitaires, des ressources de la nation ont été obtenues afin de satisfaire aux obligations d’ordre professionnel, dans les conditions prévues par la loi et conformément aux actes administratifs qui ont constaté ces passifs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 474. Le comité note que les organisations plaignantes dénoncent des licenciements collectifs antisyndicaux – 13 000 travailleurs – dans les Entreprises sociales de l’Etat (ESE) en violation de la convention collective en vigueur, de la protection spécifique des travailleurs bénéficiant de la stabilité dans l’emploi pour des raisons sociales, et de l’immunité syndicale.
  2. 475. Le comité note que, d’après les allégations des organisations plaignantes et la réponse du gouvernement, les faits se sont produits dans le cadre de la restructuration puis de la liquidation des ESE qui assuraient des services de sécurité sociale. Dans un premier temps, une partie de l’Institut de sécurité sociale (ISS) a été scindée, le 26 juin 2003, en sept ESE (les organisations plaignantes indiquent que seuls les agents des cliniques et des centres de soins ambulatoires de l’ISS ont été intégrés automatiquement dans les nouvelles ESE). Les «travailleurs officiels» de l’ISS ont été intégrés en passant au statut juridique d’«employé public» (l’ISS continue d’exister et compte actuellement plus de 1 500 travailleurs officiels et un certain nombre d’employés publics). Selon le gouvernement, la Cour constitutionnelle a considéré la scission conforme à la Constitution. Par ailleurs, les organisations plaignantes indiquent qu’une convention collective avait été signée par l’ISS et le SINTRASEGURIDADSOCIAL, lequel représentait les différents syndicats en place dans l’institution, pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2004. Cette convention, qui garantissait la stabilité dans l’emploi, aurait été enfreinte.
  3. 476. Le comité note que, dans un deuxième temps, les ESE ont été liquidées entre 2006 et 2008, ce qui a donné lieu au licenciement de 13 000 travailleurs, dont de nombreux dirigeants syndicaux, sans tenir compte de l’immunité syndicale de ces derniers et des droits conventionnels acquis en ce qui concerne la stabilité dans l’emploi et certaines prestations liées à l’emploi. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, le seul motif présumé de ces liquidations était de privatiser le secteur et de nier les droits acquis. Le comité note aussi que, d’après le gouvernement, celui-ci a décidé de liquider les ESE, qui assuraient le service de santé, en raison du risque imminent qu’elles comportaient – elles n’étaient pas viables financièrement, et la qualité et l’efficacité de la prestation des services de santé étaient médiocres. Le comité estime nécessaire de souligner que, selon le gouvernement, les ESE ont été liquidées conformément aux dispositions de la loi (notamment, les indemnisations au titre des prestations liées à l’emploi ont été versées) mais, de l’avis des organisations plaignantes, le montant prévu dans le barème légal d’indemnisations est inférieur de 40 pour cent à celui qui figure dans le barème établi par la convention collective en question.
  4. 477. Le comité signale que, en ce qui concerne les restructurations des entreprises ou institutions publiques, il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux.
  5. 478. Le comité souhaite signaler que, étant donné que, dans le présent cas, 13 000 travailleurs auraient été licenciés à la suite de la liquidation des sept ESE, à l’occasion selon les organisations plaignantes d’une privatisation, alors qu’il s’agit d’une mesure aux graves conséquences, les organisations plaignantes n’ont pas fourni d’éléments qui permettent d’affirmer qu’il y a eu discrimination syndicale et, par conséquent, dans le cadre de son mandat spécifique, il ne lui revient pas de se prononcer sur ces licenciements.
  6. 479. Le comité fait observer donc que, dans le présent cas, il reste à déterminer si la convention collective signée par l’ISS et le SINTRASEGURIDADSOCIAL (qui est applicable aux travailleurs officiels de l’ISS) s’applique ou non aux «travailleurs officiels» qui ont été intégrés en 2003 dans les sept ESE, travailleurs qui sont devenus des «employés publics» et ont été licenciés ensuite entre 2006 et 2008, quand les ESE ont été liquidées; il reste aussi à déterminer si s’appliquent les clauses de la convention relatives aux prestations à fournir en cas de cessation de la relation de travail. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, les travailleurs licenciés doivent bénéficier non seulement des indemnisations légales que les autorités doivent verser, mais aussi des dispositions de la convention collective relatives aux indemnisations en cas de licenciement, lesquelles sont plus avantageuses que les dispositions prévues dans les décrets de liquidation des ESE; de son côté, le gouvernement affirme que la convention collective n’était pas applicable à ces travailleurs.
  7. 480. En ce qui concerne le champ d’application de la convention collective, et la question de savoir si elle est en vigueur, le comité note que les arguments des organisations plaignantes en faveur de l’application de la convention sont les suivants: 1) la scission de l’ISS, qui a abouti à la création de sept ESE, constituait une substitution d’employeur, raison pour laquelle, conformément à la législation, ces entreprises doivent respecter les dispositions conventionnelles; 2) la Cour constitutionnelle, dans sa décision C-314/04 (action en inconstitutionnalité intentée contre les articles 16 et 18 (partiels) du décret-loi no 1750 de 2003 qui portent scission de l’Institut de sécurité sociale et création d’Entreprises sociales de l’Etat), souligne que la convention collective est source de droits acquis au moins tant qu’elle restera en vigueur; et 3) conformément au principe d’ultra activité, la convention collective s’applique aux «employés publics» des ESE puisque ceux-ci ne l’ont jamais dénoncée.
  8. 481. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que: 1) la scission de l’ISS, suivie de la création de sept ESE, ne constituait pas une substitution d’employeur car, dans ce cas, la condition requise de «continuité de l’entreprise» n’existait pas, et l’article 3 de la convention relative à son champ d’application dispose que celle-ci s’applique aux travailleurs officiels affectés aux effectifs de l’ISS; les ESE n’ont pas pu appliquer la convention car elles n’étaient pas parties à la convention; 2) selon la jurisprudence constitutionnelle, les droits conventionnels ne sont pas des droits acquis; 3) le décret qui porte scission de l’ISS en 2003 comporte une modification d’ordre juridique du lien qui unissait ses agents à l’institution; cette modification implique que ces personnes ont cessé d’être des travailleurs officiels et que ce ne sont pas les normes propres à cette catégorie de fonctionnaires qui s’appliquent à eux mais les normes générales qui visent les agents publics, lesquels n’ont pas le droit de négocier collectivement; 4) aucune disposition juridique n’oblige à appliquer une convention collective en dehors de l’entreprise où elle a été conclue et à des travailleurs ou employeurs d’autres entreprises; et 5) le gouvernement confirme que la convention collective reste en vigueur et s’applique aux 1 500 travailleurs officiels de l’ISS mais précise que les dispositions de la convention collective ne peuvent pas s’appliquer aux employés publics (même s’ils étaient des travailleurs officiels avant la scission), lesquels ne jouissent pas du droit de présenter des cahiers de revendications et, par conséquent, de négocier collectivement.
  9. 482. Le comité souhaite souligner que les questions concernant l’interprétation de l’application des normes juridiques nationales aux travailleurs incombent aux autorités judiciaires. A ce sujet, le comité fait observer que, selon l’interprétation donnée dans le jugement du 29 février 2008 du tribunal supérieur du district de Bogotá, chambre du travail (jugement que les organisations plaignantes mentionnent sans toutefois en communiquer le texte), la convention collective reste en vigueur et doit être appliquée intégralement à l’ensemble des travailleurs officiels et des employés publics qui travaillaient initialement à l’ISS et qui ont été intégrés ensuite dans les sept ESE créées en vertu du décret-loi no 1750 de 2003, au moins pendant la période prévue dans la convention. Toutefois, le gouvernement fait état d’un jugement ultérieur, du 18 novembre 2010, du tribunal administratif de Cundinamarca (le gouvernement en communique des extraits) sur l’extension de la convention collective. Le tribunal administratif a estimé à cette occasion que, à partir de sa scission en 2003, l’ISS a cessé d’être l’employeur des travailleurs qui bénéficiaient de la convention collective puisque ceux-ci ont été intégrés dans les ESE.
  10. 483. Enfin, le comité note qu’il ressort des diverses décisions judiciaires que, lorsque les «travailleurs officiels» de l’ISS sont devenus des «employés publics» des ESE, ils ont perdu le droit de présenter des revendications collectives et celui de négocier collectivement. Le comité rappelle néanmoins que la Colombie a ratifié en 2000 la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, et que, dans ce contexte, aux fins de l’application des conventions ratifiées, le gouvernement a pris en 2009 des mesures législatives afin que tous les travailleurs (qu’il s’agisse de travailleurs du secteur public, d’employés publics ou de travailleurs officiels) jouissent du droit de négociation. Le comité regrette que, lorsque les faits se sont produits, au seul motif de la modification de leur statut juridique, les travailleurs aient été privés du droit de négociation collective et du droit de revendiquer l’application des dispositions d’une convention collective. Le comité souligne que, dans plusieurs cas ayant trait à des changements d’employeur, il a demandé au gouvernement de veiller à ce que les changements d’employeur ne privent pas les travailleurs du droit de négociation collective et ne nuisent pas, directement ou indirectement, à la situation des travailleurs syndiqués et de leurs organisations. Le comité regrette que, à la suite des faits qui se sont produits, des travailleurs licenciés dans le cadre d’une restructuration se soient trouvés dans une situation dans laquelle ils n’ont pas bénéficié des prestations qu’ils avaient négociées précédemment. Le comité s’attend à ce que, désormais, en ayant la possibilité de recourir à la négociation collective dans le cadre législatif actuel, les parties intéressées auront pu négocier un accord afin de déterminer les conditions d’emploi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 484. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Etant donné que la Colombie a ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, et que, dans ce contexte, le gouvernement a pris en 2009 des mesures législatives afin que tous les travailleurs jouissent du droit de négociation, le comité s’attend à ce que, désormais, en ayant la possibilité de recourir à la négociation collective dans le cadre législatif actuel, les parties intéressées auront pu négocier un accord afin de déterminer les conditions d’emploi.
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