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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 364, Junio 2012

Caso núm. 2848 (Canadá) - Fecha de presentación de la queja:: 30-MAR-11 - Cerrado

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que l’article 13(5) de la loi sur la Société canadienne des postes porte atteinte aux droits de liberté syndicale et de négociation collective

  1. 391. La plainte est contenue dans une communication datée du 30 mars 2011 du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP).
  2. 392. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 9 mars 2012.
  3. 393. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 394. Dans une communication datée du 30 mars 2011, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) déclare qu’il dépose une plainte concernant la loi sur la Société canadienne des postes (LSCP) (ci-après, la LSCP), dont l’article 13(5) limite le droit à la négociation collective, en violation de la convention no 98 de l’OIT. L’organisation plaignante fait observer que l’article 13(5) de la LSCP, promulguée en 1981, se lit comme suit: «Pour l’application de la partie I du Code canadien du travail à la Société ainsi qu’à ses dirigeants et employés, les entrepreneurs postaux sont réputés n’être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés au sens de l’article 3(1) du code.» Le STTP en conclut que l’article 13(5) interdit expressément aux entrepreneurs de la Société canadienne des postes (SCP) (ci-après, la Société) de négocier collectivement et empêche les entrepreneurs de jouir des droits d’employé ou d’entrepreneur dépendant prévus par le Code canadien du travail.
  2. 395. L’organisation plaignante rappelle que les travailleurs des postes et leurs syndicats ont exprimé des inquiétudes au sujet de l’article 13(5) de la LSCP dès le milieu des années quatre-vingt, lorsque l’Association des facteurs ruraux du Canada avait demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) de l’autoriser à participer au débat sur la détermination des unités de négociation au sein de la Société, requête acceptée par le CCRI en octobre 1986. Toutefois, la Société a contesté la décision du CCRI sur la base de l’article 13(5) de la LSCP, faisant valoir que les facteurs ruraux tombaient dans le champ d’application de cette disposition et n’étaient donc pas des «employés» au sens de la loi; par conséquent, ils ne pouvaient pas former de syndicat et négocier collectivement. Le CCRI a débouté la Société en avril 1987, mais cette dernière s’est pourvue devant la cour d’appel fédérale, qui a statué que, en raison de l’article 13(5), les facteurs ruraux n’étaient pas couverts par le Code canadien du travail. La Cour suprême du Canada a refusé aux facteurs ruraux la permission d’en appeler de ce jugement.
  3. 396. En décembre 1998, l’Association des factrices et facteurs ruraux et suburbains, avec le soutien actif du STTP et de plusieurs autres organisations, a déposé une plainte en vertu de l’ALENA, contestant l’article 13(5) de la LSPC, plainte qui a été rejetée.
  4. 397. Le STTP déclare que, après une intense campagne de pression qu’il a menée avec l’Association des factrices et facteurs ruraux et suburbains, il a été accrédité en 2003, avec le consentement de la Société, pour représenter les facteurs ruraux et suburbains. Il a ensuite négocié une convention collective, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, qui conférait le statut d’employé aux facteurs ruraux et suburbains. L’organisation plaignante affirme qu’elle a engagé le processus de syndicalisation des travailleurs des Services urbains fusionnés (SUF) et des Transporteurs routiers (TR). Les conducteurs des SUF sont des entrepreneurs de la Société, qui amènent le courrier dans les boîtes de relais, livrent les colis et lèvent le courrier dans les boîtes aux lettres de rue et les comptoirs de service postal.
  5. 398. L’organisation plaignante a déposé trois demandes d’accréditation le 28 avril 2008, conformément à l’article 24 du Code canadien du travail. Deux de ces requêtes concernent des unités de négociation regroupant des travailleurs des SUF, et la troisième une unité de négociation composée de conducteurs des TR. En réponse, la Société a soutenu que les travailleurs des SUF et des TR étaient des entrepreneurs postaux et, partant, réputés ne pas être employés par la Société, compte tenu de l’article 13(5) de la LSCP. L’organisation plaignante estime que l’article 13(5) est contraire à la liberté d’association, protégée par l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
  6. 399. Bien que la Société ait contesté la compétence du CCRI pour se prononcer sur les questions relatives à la charte, ce dernier a statué en janvier 2009 qu’il avait compétence à cet égard et a publié ses motifs sur cette question le 15 mai 2009. Le 19 mai 2009, le CCRI a rejeté une demande de réexamen présentée par la Société, qui s’est pourvue devant la cour d’appel fédérale, l’invitant à réexaminer la décision juridictionnelle du CCRI; la cour d’appel a instruit cette demande de révision judiciaire le 19 octobre 2010.
  7. 400. L’organisation plaignante indique qu’elle a tenté de syndiquer les travailleurs qui assurent les services aux comptoirs de service postal (CSP), installés dans des établissements privés. Toutefois, la Société a contesté ses requêtes d’accréditation en invoquant de nombreux motifs, et notamment que l’article 13(5) interdit à ces travailleurs d’exercer leur droit de négocier collectivement.
  8. 401. Rappelant son slogan «L’article 13(5) vous maintient dans la pauvreté», le STTP affirme que les entrepreneurs postaux ont très peu de possibilités d’améliorer leur salaire et leurs conditions de travail parce que le droit de négociation collective leur est refusé. Il rappelle que, selon le Congrès du travail du Canada, il existe d’énormes écarts de salaire pour les salariés non cadres: les membres du syndicat ont généralement un salaire supérieur de plus de 5 dollars de l’heure (5,09 dollars) à celui des employés non syndiqués; la différence est encore plus marquée pour les travailleuses, qui gagnent en moyenne près de 6 dollars de plus que leurs homologues non syndiquées. Le STTP déclare que, depuis qu’il a syndiqué les facteurs ruraux et suburbains et conclu une convention collective en leur nom, il a obtenu les améliorations suivantes: augmentations de salaire, notamment pour les travailleurs les moins bien rémunérés; paiement par la Société d’un régime de retraite à prestations définies; régime de soins dentaires; procédure de règlement des griefs; régime de soins auditifs et optiques; et bien plus encore. L’organisation plaignante considère que l’article 13(5) de la LSCP empêche les entrepreneurs postaux de la Société d’obtenir des avantages semblables.
  9. 402. Rappelant l’arrêt de juin 2007 de la Cour suprême du Canada, statuant que la liberté d’association prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés inclut le droit à la libre négociation collective, l’organisation plaignante se demande comment l’article 13(5) de la LSCP peut rester en vigueur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 403. Dans une communication datée du 9 mars 2012, le gouvernement affirme que l’article 13(5) de la LSCP ne nie pas le droit de se syndiquer aux entrepreneurs postaux, comme en témoigne le fait que de nombreux entrepreneurs se sont syndiqués, dont certains avec l’organisation plaignante. En outre, la loi a été promulguée pour des raisons de politique générale, après consultations avec les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux, et est compatible avec les obligations internationales du Canada en vertu des conventions de l’OIT, y compris la convention no 98.
  2. 404. Tout en rappelant que l’article 13(5) de la LSCP dispose que: «Pour l’application de la partie I du Code canadien du travail à la Société ainsi qu’à ses dirigeants et employés, les entrepreneurs postaux sont réputés n’être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés au sens du paragraphe 3(1) du code.», le gouvernement indique qu’un «entrepreneur postal» est défini à l’article 2 de la LSCP comme «toute personne partie à un contrat d’entreprise avec la Société pour la transmission des envois…». Il rappelle en outre que l’article 3(1) du Code canadien du travail, qui définit les expressions utilisées dans la loi, dispose que le mot «employé» comprend les entrepreneurs dépendants puisqu’ils sont définis comme suit: «personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclus du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.»
  3. 405. Le gouvernement rappelle la genèse et la justification de la LSCP, et notamment de son article 13(5). Le 16 octobre 1981, le gouvernement a promulgué le projet de loi C-42 (la LSCP) afin de modifier le régime de gouvernance du Service postal canadien qui, de ministère du gouvernement fédéral, est devenu une société de la Couronne – personne morale dont le gouvernement est actionnaire – avec une obligation de service universel, chargée d’assurer un service postal national complet, à des taux justes et raisonnables. L’une des principales raisons justifiant ce changement était la nécessité de rendre la SCP financièrement autonome; le gouvernement souligne que, durant les années soixante-dix, le ministère des Postes avait un déficit annuel pouvant parfois atteindre plus de 600 millions de dollars.
  4. 406. Le Canada est tenu par une obligation de service universel aux termes de la Convention postale universelle qui le lie, ainsi que les autres pays membres de l’Union postale universelle (agence spécialisée de l’ONU), et dont l’article 1.1 dispose que le service postal universel est «la prestation permanente aux clients de services postaux de base de qualité, en tout point du territoire d’un pays, à des prix abordables». Le gouvernement déclare que le projet de loi C-42 avait également pour but de fournir à la Société les moyens de continuer à s’acquitter de son obligation de service universel. Le mandat financier qui lui a été conféré fait partie de ces moyens; le privilège exclusif de transport du «courrier» ainsi que l’article 13(5) de la LSCP en sont d’autres.
  5. 407. Selon le gouvernement, l’article 13(5) était nécessaire pour maintenir le processus d’appel d’offres de transport de courrier et respecter la répartition constitutionnelle des pouvoirs concernant les relations professionnelles, en distinguant nettement entre la Société et les entrepreneurs postaux aux fins de la partie I du Code canadien du travail. Sans cette distinction, la Société aurait dû absorber les augmentations de coûts qui auraient résulté si les sous-traitants avaient tenté de bénéficier des avantages accordés à ses employés, ce qui aurait compromis sa capacité à s’acquitter de son mandat, y compris assurer son autonomie financière. Durant des décennies, Postes Canada a sous-traité de nombreux types de fonction, notamment le transport du courrier, avant de devenir une société de la Couronne. Cela reste le cas aujourd’hui et la sous-traitance se fait toujours au moyen d’un processus d’appel d’offres ouvert et concurrentiel.
  6. 408. Avant d’adopter le projet de loi C-42, le gouvernement a consulté de nombreuses parties intéressées, y compris l’organisation plaignante et d’autres syndicats, ainsi que le Congrès du travail du Canada, et affirme que leurs intérêts et opinions ont été pris en compte durant le processus législatif. Plusieurs de ces intervenants ont comparu devant le comité parlementaire pour présenter leur point de vue sur la mutation de Postes Canada en Société de la Couronne, et plusieurs d’entre eux ont été associés à la rédaction de la législation. Le Congrès du travail du Canada, auquel sont affiliés – entre autres – de nombreux syndicats postaux canadiens, est largement intervenu dans la rédaction et la finalisation du projet de loi C-42.
  7. 409. Selon le gouvernement, lors des débats parlementaires qui ont mené à l’adoption du projet de loi C-42, il a fréquemment été fait mention des entrepreneurs ruraux, qui ne bénéficiaient pas des mêmes salaires et avantages que leurs collègues syndiqués, bien que leur travail soit semblable à celui de leurs collègues des régions urbaines. Le gouvernement déclare qu’à l’époque, les syndicats de Postes Canada, y compris le STTP, ont très largement appuyé l’ensemble du projet de loi C-42, malgré l’article 13(5). Les syndicats des postes étaient en faveur du nouveau régime, car ce dernier offrait une plus grande liberté en matière de négociation collective et abolissait les contraintes existantes dans le cadre du régime précédent, et ils considéraient qu’il améliorerait la stabilité et la paix sociales.
  8. 410. Le gouvernement rappelle que le Canada n’a pas ratifié la convention no 98 mais respecte néanmoins les principes fondamentaux de l’OIT en matière de liberté syndicale et reconnaît la négociation collective comme l’un des piliers fondamentaux de cette liberté. L’article 13(5) de la LSCP était nécessaire pour: maintenir le processus d’appel d’offres de transport du courrier; respecter la répartition constitutionnelle des pouvoirs en matière de relations du travail; et minimiser les augmentations de coûts qui risquaient de compromettre l’autonomie financière de la Société. De l’avis du gouvernement, pris ensemble, ces objectifs étaient jugés raisonnables lorsque les partenaires sociaux ont été consultés sur le projet de loi C-42.
  9. 411. Bien qu’une «présomption» comme celle de l’article 13(5), qui prévaut sur un article d’une loi d’intérêt public (tel le Code canadien du travail), puisse être perçue comme inhabituelle, ce genre de disposition est loin d’être unique au Canada. En tant qu’institution publique ayant une obligation sociale (à savoir assurer un service universel), la Société n’est pas la seule à bénéficier de clauses spécifiques en matière d’emploi ou de relations professionnelles, tenant compte des caractéristiques particulières du secteur concerné. Ainsi, d’autres institutions publiques bénéficient d’exonérations en ce qui concerne le règlement des différends, comme l’interdiction du droit de grève ou de lock-out dans certains services publics essentiels, tels les services d’incendie et de police.
  10. 412. Malgré l’article 13(5), certains entrepreneurs postaux de la Société se sont syndiqués. Comme le reconnaît le STTP dans sa plainte au comité, il a syndiqué les facteurs ruraux et suburbains en 2003 et négocié une première convention collective en leur nom. Le 1er janvier 2004, 6 600 entrepreneurs ruraux sont devenus employés à temps plein de la SCP. Bien que les facteurs ruraux, qui sont les principaux travailleurs visés par l’article 13(5) de la LSCP, aient fini par devenir des employés syndiqués, il reste d’autres entrepreneurs postaux qui travaillent dans divers points de vente au détail indépendants (des pharmacies, par exemple) ou transportent le courrier, et qui ne sont pas syndiqués. Toutefois, le gouvernement affirme que la Société et le STTP peuvent convenir de négocier collectivement, sur une base volontaire, pour ces groupes de travailleurs.
  11. 413. S’agissant de l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés, mentionné par le STTP, le gouvernement souligne que cette disposition garantit la liberté d’association en tant que liberté fondamentale, sous réserve des limites raisonnables prescrites par la loi. Le droit canadien a été récemment clarifié par un arrêt de la Cour suprême du Canada concernant la province de l’Ontario (Procureur général c. Fraser, 2011 CSC 20), où le plus haut tribunal du pays a examiné la portée de l’article 2(d) de la charte en rapport avec le processus de négociation collective. La Cour suprême a expressément conclu que l’article 2(d) protège les activités associatives, mais pas un processus ou un résultat particulier, et ne garantit pas un modèle défini de négociation collective ou un résultat donné.
  12. 414. En conclusion, le gouvernement estime que la plainte est sans fondement car l’article 13(5) de la LSCP n’empêche aucunement les syndicats d’obtenir directement une accréditation pour les «entrepreneurs postaux», pas plus qu’il n’interdit à ces derniers de former leur propre association. En outre, la Société et le STTP peuvent décider volontairement de négocier collectivement pour ces groupes de travailleurs. De fait, certains entrepreneurs postaux sont maintenant syndiqués et affiliés au STTP et négocient collectivement avec la Société. Le gouvernement considère donc que la plainte devrait être rejetée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 415. Le comité note que, selon les allégations formulées dans ce cas, les entrepreneurs postaux de la Société canadienne des postes (ci-après, la Société) sont privés du droit de négocier collectivement en vertu de l’article 13(5) de la loi sur la Société canadienne des postes (ci après, la LSCP). Le comité observe que la loi a été promulguée en 1981 et que les travailleurs et les syndicats des postes ont exprimé des inquiétudes au sujet de l’article 13(5) depuis les années quatre-vingt.
  2. 416. Le comité note que, aux termes de l’article 13(5) de la loi, promulguée en 1981, un entrepreneur postal de la Société est réputé ne pas être un entrepreneur dépendant ou un employé aux fins de l’application du Code canadien du travail à la Société, à ses dirigeants et employés. Selon l’organisation plaignante, l’article 13(5) empêche donc les entrepreneurs postaux d’obtenir des droits en tant qu’employés ou entrepreneurs dépendants de la Société en vertu du Code canadien du travail, et les empêche expressément de négocier collectivement.
  3. 417. Le comité observe que cette question a été soulevée au milieu des années quatre-vingt lorsque la Société a contesté la décision du Conseil canadien des relations industrielles (ci-après, le CCRI) d’accorder à l’Association des facteurs ruraux du Canada le droit de participer au débat sur la détermination des unités de négociation au sein de la Société, au motif que les facteurs ruraux étaient visés par l’article 13(5) de la LSCP et ne pouvaient pas former un syndicat, ni négocier collectivement, car ils n’étaient pas des «employés» au sens de la loi. La cour d’appel fédérale a statué que l’article 13(5) excluait les facteurs ruraux de l’application du Code canadien du travail. La Cour suprême a refusé d’octroyer à l’Association des facteurs ruraux la permission d’en appeler de ce jugement.
  4. 418. A la suite d’une campagne de pressions, l’organisation plaignante déclare avoir obtenu en 2003, avec le consentement de la Société, le droit de représenter les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS). Elle a ensuite négocié une convention collective, entrée en vigueur en janvier 2004, qui leur accordait le statut d’employé. L’organisation plaignante a également tenté de syndiquer les travailleurs des Services urbains fusionnés (SUF) et des Transporteurs routiers (TR), déposant en avril 2008 des demandes d’accréditation en vertu de l’article 24 du Code canadien du travail pour les représenter. Toutefois, la Société a fait valoir que les travailleurs concernés sont des entrepreneurs postaux et, partant, réputés ne pas être des «employés» en vertu de l’article 13(5) de la LSCP. L’organisation plaignante indique qu’elle a également tenté de syndiquer les travailleurs qui fournissent des services postaux aux comptoirs de services postaux (CSP) installés dans des établissements privés; la Société a contesté ses requêtes d’accréditation en soulevant de nombreux motifs, y compris que l’article 13(5) de la LSCP interdit à ces travailleurs l’exercice du droit de négociation collective.
  5. 419. Le comité note que la Société a contesté la compétence du CCRI pour statuer si l’article 13(5) de la LSCP porte atteinte à la liberté d’association protégée par l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le CCRI a décidé en janvier 2009 qu’il avait compétence pour se prononcer sur les questions relatives à la charte, publiant le 15 mai 2009 ses motifs sur cette question. Le CCRI ayant rejeté le 19 mai 2009 la requête de réexamen de la Société, cette dernière a présenté à la cour d’appel fédérale une demande de révision judiciaire de cette décision juridictionnelle, qui a été instruite le 19 octobre 2010. Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir des informations sur l’issue de cette audience.
  6. 420. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les entrepreneurs postaux ont très peu de possibilités d’améliorer leur salaire et leurs conditions de travail parce qu’ils se voient refuser le droit à la négociation collective. Faisant état de gains obtenus dans le cadre de plusieurs conventions collectives qu’il a négociées au nom des factrices et facteurs des services ruraux et suburbains, le STTP considère que l’article 13(5) de la LSCP empêche tous les autres entrepreneurs postaux d’obtenir des avantages semblables.
  7. 421. Le comité prend note des explications du gouvernement sur la justification de la LSCP, et notamment de son article 13(5). Le projet de loi C-42 visait à modifier le régime de gouvernance du Service postal canadien qui, de ministère du gouvernement fédéral, devenait une société de la Couronne avec une obligation de service universel, à savoir fournir un service postal au niveau national à des taux justes et raisonnables. L’une des principales raisons justifiant de modifier ce régime était la nécessité de rendre la Société financièrement autonome. Le comité note également que, selon le gouvernement, l’article 13(5) de la LSCP était nécessaire pour maintenir le processus d’appel d’offres pour le transport du courrier, respecter la répartition constitutionnelle des pouvoirs concernant les relations du travail et instituer une nette distinction entre la Société et les entrepreneurs postaux aux fins de la partie I du Code canadien du travail; à défaut, la Société aurait dû absorber l’augmentation des coûts qui en aurait résulté si les sous traitants avaient tenté d’obtenir les mêmes avantages que ceux consentis à ses employés, ce qui aurait compromis sa capacité à remplir son mandat, y compris à atteindre son autonomie financière. Le comité note que, durant des décennies, la Société a sous-traité diverses fonctions, en particulier le transport du courrier avant qu’elle ne devienne une société de la Couronne, et qu’elle assure toujours la sous-traitance par le biais d’un processus d’appel d’offres ouvert et concurrentiel.
  8. 422. Le comité note également que de nombreux intervenants, y compris l’organisation plaignante, d’autres syndicats et le Congrès du travail du Canada, ont été consultés avant l’adoption du projet de loi C-42. Le gouvernement affirme que leurs intérêts et opinions ont été pris en compte tout au long du processus législatif, au cours duquel plusieurs parties prenantes ont comparu devant le comité parlementaire pour présenter leur point de vue, ou ont été étroitement associés à la rédaction et à la finalisation du projet de loi. Selon le gouvernement, les syndicats de Postes Canada, y compris le STTP, ont largement appuyé à l’époque l’ensemble du projet de loi C-42, malgré son article 13(5).
  9. 423. Le comité note que, selon le gouvernement, bien qu’une «présomption» comme celle de l’article 13(5), qui prévaut sur un article d’une loi d’intérêt public (tel le Code canadien du travail), puisse être considérée comme inhabituelle, ce genre de disposition est loin d’être unique au Canada. En tant qu’institution publique ayant une obligation sociale (à savoir assurer un service universel), la Société n’est pas la seule à bénéficier de clauses spécifiques en matière d’emploi ou de relations professionnelles, tenant compte des caractéristiques dudit secteur. Ainsi, d’autres institutions publiques bénéficient d’exonérations en ce qui concerne le règlement des différends, comme l’interdiction des grèves et lock-out dans certains services publics essentiels, tels les services d’incendie et de police.
  10. 424. Le comité note la déclaration du gouvernement, à savoir que le Canada n’a pas ratifié la convention no 98 mais respecte néanmoins les principes fondamentaux de l’OIT sur la liberté syndicale et reconnaît la négociation collective comme l’un des piliers fondamentaux de cette liberté. Malgré l’article 13(5) de la LSCP, certains entrepreneurs postaux de la SCP se sont syndiqués. Comme le reconnaît l’organisation plaignante, elle a syndiqué en 2003 les facteurs ruraux et suburbains et négocié en leur nom une première convention collective. Le comité note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle il reste d’autres entrepreneurs postaux qui travaillent dans des points de vente au détail indépendants (des pharmacies, par exemple) ou transportent le courrier et qui ne sont pas syndiqués. Selon le gouvernement, la Société et le STTP pourraient convenir volontairement de négocier collectivement pour ces groupes de travailleurs. Il affirme que l’article 13(5) de la LSCP n’empêche aucunement les syndicats d’obtenir directement une accréditation pour les «entrepreneurs postaux» ou ces derniers de former leur propre association, pas plus qu’il n’interdit à la Société et au STTP de négocier collectivement, sur une base volontaire, pour ces groupes de travailleurs.
  11. 425. Tout en notant les explications fournies par le gouvernement sur les circonstances particulières de ce cas, la justification de la LSCP et les objectifs de son article 13(5), le comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 216.]
  12. 426. Le comité rappelle à cet égard que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 880.] La question devant le comité n’est pas de savoir si les travailleurs que le STTP cherche à représenter sont en fait des «employés» ou des entrepreneurs indépendants, mais plutôt de savoir si ces travailleurs bénéficient pleinement de la protection des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective que le comité a élaborés au cours des ans. Le comité rappelle à cet égard qu’il a toujours maintenu que tous les travailleurs, y compris le personnel contractuel, devraient jouir pleinement du droit à la liberté syndicale au titre des conventions nos 87 et 98, dans le but de promouvoir et de défendre leurs intérêts, y compris par voie de négociation collective.
  13. 427. Le comité souligne à nouveau que l’un des buts principaux de la garantie de la liberté syndicale est de permettre aux employeurs et aux travailleurs de s’unir en organisations indépendantes des pouvoirs publics, capables de régler par voie de conventions collectives librement conclues, les salaires et autres conditions d’emploi. En outre, le comité rappelle qu’employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord, et que des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 882 et 936.] Même s’il ne lui appartient pas de déterminer la manière dont la négociation collective doit être encouragée dans ce cas d’espèce, le comité doit constater que l’exclusion des «entrepreneurs postaux» du Code canadien du travail, au motif qu’ils sont réputés ne pas être des «employés», semble avoir eu régulièrement pour effet de leur refuser la possibilité d’une représentation syndicale efficace aux fins de la négociation collective, comme il ressort des nombreux pourvois interjetés par la Société lorsque des facteurs et des transporteurs de courrier tentaient d’obtenir le droit à la négociation collective.
  14. 428. Si le statut particulier des entrepreneurs postaux concernés en l’espèce peut appeler des éclaircissements en ce qui concerne la définition des unités de négociation, les règles d’accréditation, etc., et justifier des modalités de négociation spécifiques tenant compte de leur statut en vertu de la loi et des exigences relatives à leur travail, le comité ne voit en revanche aucune raison pour que les principes ci-dessus concernant les droits fondamentaux de liberté syndicale et de négociation collective reconnus à tous les travailleurs ne s’appliquent pas également aux entrepreneurs postaux.
  15. 429. Le comité note l’affirmation du gouvernement selon laquelle l’article 13(5) de la LSCP n’empêche aucunement les syndicats d’obtenir directement une accréditation pour les «entrepreneurs postaux» ni ces derniers de former leur propre association, pas plus qu’il n’interdit à la Société et au STTP de négocier collectivement, sur une base volontaire, pour ces groupes de travailleurs. Le comité observe cependant que l’organisation plaignante se plaint du fait que la Société invoque constamment l’article 13(5) de la LSCP pour refuser l’accréditation de certaines catégories d’entrepreneurs postaux au sein d’une unité de négociation, ce qui permettrait au syndicat d’engager un processus de négociation protégé et promu par le Code canadien du travail.
  16. 430. Observant que l’organisation plaignante et le gouvernement reconnaissent tous deux que plusieurs entrepreneurs postaux sont maintenant syndiqués et affiliés au STTP et négocient collectivement avec la Société, le comité tient à souligner que l’octroi ou le refus des droits de syndicalisation et de négociation collective sur la seule base de la bonne volonté des parties reviendrait à nier la nature fondamentale de ces droits. Le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures voulues, en consultation avec les partenaires sociaux, pour garantir que tous les entrepreneurs postaux de la Société jouissent pleinement du droit de se syndiquer et de négocier collectivement, comme tous les autres travailleurs. Le comité prie le gouvernement, le cas échéant, de lever tous les obstacles – implicites ou explicites – à l’exercice de ces droits et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 431. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de communiquer des informations sur l’issue de l’audience de la cour d’appel fédérale concernant la demande de révision judiciaire de la décision juridictionnelle du Conseil canadien des relations industrielles sur la question relative à la Charte canadienne des droits et libertés, en relation avec l’article 13(5) de la loi sur la Société canadienne des postes.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures voulues, y compris des réformes législatives, en consultation avec les partenaires sociaux, pour garantir que tous les entrepreneurs postaux de la Société canadienne des postes jouissent pleinement du droit de se syndiquer et de négocier collectivement, comme tous les autres travailleurs. Le comité prie le gouvernement, le cas échéant, de lever tous les obstacles – implicites ou explicites – à l’exercice de ces droits et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de considérer, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, la possibilité de ratifier la convention no 98.
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