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- 461. La plainte initiale se trouve dans une communication de l’Association des substituts du Procureur général du Québec (ASPGQ) datée du 1er février 2006 et a été complétée par trois communications, dont deux datées du 14 février 2006 et une datée du 19 octobre 2006. Des allégations supplémentaires ont été déposées par: le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) dans une communication du 24 février 2006; l’Association des juristes de l’Etat (AJE) dans une communication du 27 février 2006; la Confédération des syndicats nationaux (CSN) dans une communication du 15 mars 2006; la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) dans une communication du 16 mars 2006; la Fédération autonome du Collégial (FAC) dans une communication du 30 mai 2006; et, de manière conjointe, par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), le Syndicat des professeurs de l’Etat du Québec (SPEQ) et l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ) dans une communication datée du 1er juin 2006 envoyée par la CSQ.
- 462. Le gouvernement du Canada a transmis la réponse quant à ses plaintes par l’entremise du gouvernement du Québec le 16 janvier 2007.
- 463. Le Canada a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n’a pas ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- Les organisations plaignantes et le contexte
- entourant leurs plaintes
- 464. ASPGQ: Dans une communication datée du 1er février 2006, l’Association des substituts du Procureur général du Québec (ASPGQ) indique qu’elle réunit tous les substituts à l’emploi du gouvernement du Québec visés par l’article 10 de la loi sur les substituts du Procureur général du Québec (L.R.Q. c. S-35, ci-après la «loi sur les substituts») et qu’elle est reconnue comme leur représentant exclusif. En vertu de cette loi, les substituts ont comme fonctions principales l’autorisation des poursuites et la représentation du Procureur général devant les tribunaux en matière criminelle ou pénale. Les substituts n’étant pas des «salariés» au sens du Code du travail, leurs droits d’association, de négociation collective et de grève sont régis par la loi sur les substituts.
- 465. L’ASPGQ allègue que, dans sa capacité d’agent négociateur des substituts, elle a négocié de bonne foi avec le gouvernement du Québec et signé une entente régissant les conditions de travail des substituts. Cette entente venait à échéance le 31 mars 2007 et, en vertu de la loi sur les substituts, les négociations devaient commencer le 2 octobre 2006. Cependant, le gouvernement a profité de l’adoption de la loi concernant les conditions de travail dans le secteur public, S.Q. 2005, chap. 43 (ci après «loi 43») pour imposer des conditions de travail aux substituts en modifiant l’entente et en la prolongeant jusqu’en mars 2010. Cette loi enlève aux substituts leur droit de grève qui, selon l’entente, ne peut pas être exercé pendant la durée de l’entente.
- 466. SPGQ: Dans une communication du 24 février 2006, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) indique être une organisation professionnelle de travailleurs ayant pour objet l’étude, la défense et le développement des intérêts professionnels, sociaux et économiques de ses membres. Le champ d’action du SPGQ s’étend uniquement aux professionnelles et professionnels de la fonction publique de la province du Québec et aux professionnelles et professionnels salariés d’entreprises ou d’organismes relevant directement ou indirectement du gouvernement de la province du Québec. Le SPGQ représente 18 800 salariées et salariés professionnels à l’emploi de la fonction publique québécoise, de sociétés d’Etat et d’établissements d’éducation et de santé.
- 467. Le SPGQ allègue que sa convention collective étant arrivée à échéance le 30 juin 2003, il a, de novembre 2003 à décembre 2005, négocié de bonne foi dans le but d’arriver à une entente avec le gouvernement du Québec. Selon le SPGQ, insatisfait du déroulement des négociations, le gouvernement du Québec a adopté la loi 43 mettant fin aux négociations, reconduisant les conditions de travail des conventions collectives échues depuis le 30 juin 2003 en imposant des conditions de travail et en interdisant le droit de grève jusqu’en mars 2010.
- 468. AJE: Dans une communication du 27 février 2006, l’AJE indique qu’elle est une association de salariés au sens du Code du travail et est accréditée pour représenter les quelque 850 juristes, fonctionnaires avocats ou notaires à l’emploi de la fonction publique québécoise. Depuis son accréditation, l’AJE a négocié et conclu avec le gouvernement du Québec une première convention collective le 30 mars 2000 qui a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2005.
- 469. L’AJE allègue que des négociations avec le gouvernement du Québec ont débuté le 1er juillet 2005 et qu’à partir de cette date elle a entamé un processus de consultation auprès des juristes pour préparer ses demandes quant à cette négociation. Au terme de cette consultation, l’AJE a convoqué les juristes pour un vote, les 13 et 14 décembre 2005, afin qu’ils se prononcent sur le projet de dépôt syndical en regard du renouvellement de leur convention collective. Les juristes se sont prononcés à 75 pour cent en faveur du projet de dépôt syndical. La loi 43 a été adoptée le 15 décembre imposant, sans discussion ni négociation, le contenu de la convention collective applicable aux juristes en regard des clauses normatives et pécuniaires et ce, jusqu’au 31 mars 2010.
- 470. CSN: Par une communication du 15 mars 2006, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) indique être une organisation syndicale fondée en 1921 qui représente environ 300 000 personnes salariées regroupées dans plus de 2 700 syndicats réparties en neuf fédérations syndicales selon le secteur d’activité. La CSN compte plus de 150 000 personnes salariées qui œuvrent dans les secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation et qui sont directement affectées par les dispositions de la loi 43. De façon plus précise, la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS) représente plus de 105 000 salariés dans le secteur des affaires sociales, la Fédération des professionnels (FP) représente plus de 4 000 salariés dans le secteur des affaires sociales, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) représente plus de 12 000 salariés dans le secteur de l’éducation, et la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP) représente plus de 30 000 salariés dans le secteur de l’éducation.
- 471. La CSN allègue que, bien que les conventions collectives des FSSS, FP, FEESP et FNEEQ étaient échues depuis juin 2002 (éducation) ou 2003 (santé), ce n’est qu’à l’automne 2005 que les salariés eurent recours à des moyens de pression légaux, notamment la grève, pour faire valoir leur mécontentement quant aux offres patronales et tenter d’obtenir un déblocage aux tables de négociation. Les moyens de pression ont été exercés dans le respect des services essentiels, paisiblement et en toute légalité (les grèves dans le service de la santé sont régies par le Code du travail). Aucune plainte au Conseil des services essentiels, demande d’injonction, recours collectif, ou autre recours pénal ne fut entrepris à l’encontre desdits moyens de pression. Par ailleurs, l’utilisation de la grève rotative (par région) avait pour objectif de minimiser les inconvénients à la population. A aucun moment les moyens de pression utilisés n’ont mis en danger ni compromis la sécurité de la population. Le 17 novembre 2005, la présidente du Conseil du trésor annonça que les négociations devaient se conclure avant Noël sans quoi il y aurait recours à une loi spéciale imposant des conditions de travail. Le 14 décembre 2005, le Premier ministre annonçait la convocation d’urgence de l’Assemblée nationale pour le lendemain. Au moment de cette déclaration, seulement sept ententes sectorielles avaient été conclues entre le gouvernement et certains agents négociateurs. Dans les vingt-quatre heures suivant cette déclaration, 23 autres ententes sectorielles portant sur le normatif seront conclues. Selon la CSN, aucune réelle négociation n’avait cependant eu lieu relativement aux stipulations concernant les salaires et autres clauses à incidence monétaire avant que la loi 43 soit adoptée.
- 472. FIIQ: Dans sa plainte du 16 mars 2006, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) indique être un regroupement d’associations de salariés dûment accréditées en vertu du Code du travail et constituant une fédération au sens de la loi. Elle regroupe des infirmières et infirmiers, des infirmières et infirmiers auxiliaires, des inhalothérapeutes et des salariés détenant les titres d’emploi de puéricultrices, perfusionnistes et techniciennes et techniciens en circulation extracorporelle afin de les représenter auprès des différents établissements du réseau de la santé et du gouvernement du Québec.
- 473. Les dernières conventions collectives négociées et agréées par la FIIQ étant venues à échéance le 30 juin 2002, la négociation pour toutes les associations affiliées à la FIIQ (à ce moment, la FIIQ représentait uniquement des infirmières) a débuté officiellement par le dépôt d’offres à la partie patronale en juillet 2003. En juin 2004, des offres patronales ont été déposées. Il était clair à ce moment, selon la FIIQ, que le gouvernement avait la ferme intention de ne pas déroger du cadre budgétaire qu’il avait fixé unilatéralement pour le coût total de la négociation et qu’il désirait négocier le coût de l’application de la loi sur l’équité salariale (une loi visant à corriger les écarts de rémunération historiques entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine) en fonction du même cadre budgétaire. C’est donc dans ce cadre restrictif que la négociation s’est poursuivie et que les discussions ont eu lieu, d’abord sur les clauses dites normatives pour ensuite se dérouler très brièvement sur le salaire. Quelques ententes de principe ont été conclues sur les clauses normatives avant que n’interviennent la menace du décret ainsi que l’adoption définitive de la loi 43. Pour ce qui est du salaire, mis à part l’annonce du gouvernement à propos de son cadre budgétaire qui a eu lieu en tout début de négociation, il n’y a pas eu d’autre discussion officielle à ce sujet. La FIIQ affirme qu’il n’y a pratiquement pas eu de véritables négociations quant à l’aspect salarial des demandes syndicales de la FIIQ.
- 474. FAC: Dans sa communication du 30 mai 2006, la FAC indique qu’elle est une fédération de syndicats d’enseignantes et d’enseignants œuvrant au sein d’établissements d’enseignement collégial publics ou privés du Québec. Elle existe depuis juin 1988 et représente actuellement environ quatre mille (4 000) membres répartis en seize (16) syndicats. Elle a pour but de promouvoir et défendre les intérêts des enseignantes et enseignants et de négocier, en leur nom, des conditions de travail avec des établissements d’enseignement collégial. La FAC est, aux fins des négociations pour le renouvellement de la convention collective, l’agent négociateur des syndicats qu’elle représente. Les collèges employeurs sont, quant à eux, représentés par le Comité patronal de négociation pour les collèges (CPNC), qui regroupe tous les collèges du Québec aux fins de la négociation.
- 475. La FAC allègue avoir entamé le 6 mai 2002 le processus de négociations en vue du renouvellement de la convention collective qui venait à échéance le 30 juin 2002 en soumettant au CPNC une liste de priorités pour la négociation. Entre le 27 novembre et 11 décembre 2002, la FAC procéda au dépôt complet et détaillé de ses demandes nationales sectorielles auprès du CPNC. Le 4 décembre 2003, la FAC déposa ses demandes relatives au traitement salarial. N’ayant toujours pas reçu d’offres du CPNC, la FAC entama des procédures judiciaires le 11 décembre 2003 afin de réclamer des tribunaux une ordonnance enjoignant le CPNC à soumettre ses offres. Celles-ci furent finalement déposées par le CPNC le 2 février 2004, soit près de deux ans après le début des négociations.
- 476. Entre mars 2005 et décembre 2005, le CPNC a soumis d’autres offres à la FAC et des ententes ont même été convenues. Le 14 décembre 2005, une rencontre eut lieu entre la FAC et le CPNC lors de laquelle, vers midi, la partie patronale annonça que la négociation devait être terminée pour 18 heures, à défaut de quoi une loi spéciale serait adoptée par le gouvernement du Québec pour imposer les conditions de travail. Dans ce cadre et sous cette pression, la FAC s’est vue forcée de conclure une «entente de principe». Cette entente de principe n’a toutefois pas été ratifiée par les enseignantes et enseignants membres de la FAC. Le 15 décembre 2005, la loi 43 est adoptée: les conditions de travail des enseignantes et enseignants membres de la FAC sont imposées par le gouvernement du Québec et sont inférieures aux ententes de principes non ratifiées par les membres.
- 477. CSQ et FTQ: Dans la communication du 1er juin 2006 envoyée par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), cette dernière indique qu’elle est une organisation syndicale représentant environ 170 000 membres. Elle regroupe des associations de salariés accréditées, elles-mêmes réunies au sein de fédérations. La CSQ représente principalement des salariés des secteurs public et parapublic. En effet, plus de 100 000 des membres de la CSQ œuvrent dans le domaine de l’éducation, et plus de 9 000 de ses membres dans le domaine de la santé et des services sociaux.
- 478. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), quant à elle, est la plus importante centrale syndicale au Québec, regroupant par ses syndicats affiliés plus d’un demi-million de membres. Elle compte une quarantaine de grands syndicats affiliés et plus de 1 150 syndicats locaux. Près des deux tiers des membres de la FTQ travaillent dans le secteur privé et environ 50 000 d’entre eux œuvrent dans le domaine de l’éducation et dans celui de la santé et des services sociaux.
- 479. Des négociations pour le renouvellement des conventions collectives des associations de salariés des secteurs public et parapublic, qui venaient à échéance le 30 juin 2003, ont débuté en décembre 2002. En décembre 2003, les CSQ et FTQ ont déposé aux représentants du Conseil du trésor des propositions aux fins de la négociation. Le 18 juin 2004, le Conseil du trésor a déposé un texte constituant les offres monétaires de l’Etat ainsi que les offres relatives aux régimes de retraite. Lors de cette rencontre, le porte-parole du Conseil du trésor a exposé que ledit dépôt respectait le cadre budgétaire de la politique de rémunération du gouvernement pour toutes les personnes employées de l’ensemble des secteurs public et parapublic et à l’intérieur duquel devraient être conclues les conventions collectives. Il a précisé que cet encadrement en matière de rémunération fixe et limite à 12,6 pour cent le redressement de la rémunération, et ce, pour les six prochaines années. Par conséquent, le gouvernement entendait conclure les conventions collectives pour une durée de six ans, soit une durée supérieure à celle prévue au Code du travail (art. 111.1). En outre, il aurait été officialisé que ce cadre budgétaire incluait les correctifs découlant de l’application de la loi sur l’équité salariale. En octobre 2004, lors d’une rencontre de négociation entre les parties, il a été précisé par un représentant du Conseil du trésor que ce cadre budgétaire n’était appuyé d’aucune étude ou rapport.
- 480. La CSQ et la FTQ ont rejeté l’offre monétaire gouvernementale présentée en juin 2004, estimant qu’elle violait les dispositions de la loi sur l’équité salariale ainsi que celle du Code du travail limitant la durée des conventions collectives des secteurs public et parapublic à trois ans. La CSQ et la FTQ ont alors avisé le Conseil du trésor que la question salariale devait exclure le dossier de l’équité salariale, et que l’offre monétaire gouvernementale ne pouvait excéder trois ans. Malgré cela, entre le 18 juin 2004 et le 15 décembre 2005, le Conseil du trésor a toujours lié à la conclusion des conventions collectives l’imposition de son cadre budgétaire, tel que présenté le 18 juin 2004.
- 481. Le 22 novembre 2005, la partie patronale confirmait sa position lors d’une rencontre avec la FTQ. Le 14 décembre 2005 a eu lieu une rencontre de négociation entre la CSQ et le Conseil du trésor afin de poursuivre les discussions, notamment sur les droits parentaux, la conciliation travail-famille et la retraite. Toutefois, à la fin de cette rencontre, les représentants du Conseil du trésor ont avisé les représentants de la CSQ que le gouvernement mettait fin aux négociations à 18 heures ce jour-là et que, à défaut d’entente dans ce délai, il adopterait le 15 décembre 2005 une loi imposant le contenu des conventions collectives, comprenant la rémunération des salariés des secteurs public et parapublic, telle que fixée par le cadre budgétaire présenté le 18 juin 2004.
- 482. Selon la CSQ et la FTQ, le lendemain, le gouvernement du Québec a mis fin unilatéralement à la négociation collective en cours en faisant adopter la loi 43. Les organisations plaignantes précisent que, au cours de cette phase de négociation ayant pris fin avec l’adoption de la loi 43, les associations de salariés affiliées à la CSQ et à la FTQ ont exercé leur droit de grève dans le respect complet du cadre légal.
- 483. CSD: La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) est une organisation qui regroupe notamment des associations de salariés habilitées à négocier le renouvellement de conventions collectives dans le secteur de la santé et des services sociaux (Syndicat des employés de l’hôpital juif de réadaptation; Syndicat des travailleurs du CSSS de la Saint-Maurice (CSD); Syndicat des salariés du Centre d’accueil Dixville (CSD); Syndicat des salariées du centre de réadaptation Lisette-Dupras (CSD); Syndicat démocratique des employés du centre de santé d’Asbestos (CSD); Syndicat des salariées du CSSS du Haut-Saint-Laurent). Les membres de la CSD visés par la présente plainte sont au nombre de 1 000.
- 484. Entre le 29 juin 2000 et le 30 juin 2002, ces syndicats étaient visés par des conventions collectives intervenues entre le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS) et la CSD. Le 21 juin 2002, ces parties convenaient d’une entente visant à prolonger la convention collective jusqu’au 30 juin 2003. Cette entente prévoyait également une majoration des taux et échelles de salaire ainsi que le versement de montants forfaitaires pour une période de trois mois.
- 485. Le 18 juin 2004, les négociateurs du gouvernement ont déposé à l’attention des syndicats ayant conclu une convention collective avec le CPNSSS les mêmes propositions monétaires que celles soumises aux autres syndicats, la CSQ et la FTQ, mentionnées plus haut. La CSD, à l’instar de la CSQ, a rejeté la proposition monétaire du gouvernement.
- 486. Le 22 juin 2004, une rencontre était tenue entre les parties aux négociations et les deux parties ont déposé leurs demandes visant les aspects normatifs de la convention collective. Entre juillet et novembre 2004, quelques échanges sur les aspects normatifs de la convention collective eurent lieu. Le 19 juin 2005, la CSD déposait à l’attention du CPNSSS son projet de modification des conventions collectives. Ce projet comportait notamment des modifications aux clauses de majoration des taux et échelles de salaire, calculées sur la base des rapports publiés par l’Institut de la statistique du Québec et visant à préserver le pouvoir d’achat des salariés membres de la CSD.
- 487. Entre le 29 juin et le 9 novembre 2005, les parties n’eurent qu’une ou deux rencontres, rencontres où seuls des aspects normatifs furent abordés. Le 10 novembre 2005, la partie patronale convoquait les représentants de la CSD afin de leur faire part d’un ultimatum quant aux aspects normatifs de la convention collective, dont la rétention du personnel, la retraite, les régimes d’assurance, la procédure d’arbitrage (frais d’arbitrage partagés également entre les deux parties) et les libérations syndicales. Les représentants de la CSD étaient alors avisés que, à défaut d’accepter intégralement cet ultimatum, aucun autre aspect ne pourrait être abordé. Malgré la menace sous forme d’ultimatum exercée par la partie patronale, la CSD a refusé la «proposition».
- 488. Le 12 décembre 2005, la partie patronale convoquait à nouveau les représentants de la CSD afin de leur soumettre une nouvelle offre sur les aspects normatifs de la convention collective, amendée notamment au point de vue du développement des ressources humaines, de l’assurance salaire, du reclassement et des frais d’arbitrage. Lors de cette rencontre, les représentants de la CSD furent informés que, à défaut d’accepter le contenu de cette proposition, le gouvernement entendait légiférer et imposer des conditions de travail encore moins généreuses. Dès le 13 décembre 2005, les représentants de la CSD soumettaient une contre-proposition, laquelle, malgré de nombreuses tentatives, fut rejetée par la partie patronale. Ainsi, le 14 décembre 2005, les représentants de la CSD étaient contraints d’accepter l’offre relative aux aspects normatifs, telle que formulée le 12 décembre 2005 par la partie patronale.
- 489. Cependant, alors qu’aucun autre échange que celui du 18 juin 2004 n’a eu lieu relativement aux questions salariales et qu’aucune entente n’avait encore été conclue, le gouvernement déposait, adoptait, puis sanctionnait, les 15 et 16 décembre 2005, la loi 43.
- 490. Cette loi reprend le cadre salarial annoncé le 18 juin 2004 qui avait été rejeté en bloc par les différents syndicats. Au surplus, elle impose une convention collective pour une durée de près de sept ans. Au cours de la durée du processus de négociation, et ce, jusqu’à l’adoption de la loi 43, les membres de la CSD ont exercé leur droit de grève dans le respect du cadre légal prévu au Code du travail.
- 491. SFPQ: Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) représente principalement des personnes salariées fonctionnaires et ouvriers travaillant au sein de la fonction publique du Québec et régies par la loi sur la fonction publique. Le SFPQ représente aussi le personnel de bureau technique et ouvrier qui travaille pour une société d’Etat ou un organisme dont la mission s’apparente à celle des organismes de la fonction publique. Les membres du SFPQ sont au nombre de 43 000.
- 492. Le 25 juin 2003, le SFPQ déposait, à l’attention du Conseil du trésor, ses demandes syndicales en vue du renouvellement des conventions collectives venant à échéance le 30 juin 2003. Le 24 mars 2004, après seulement neuf rencontres de négociation, le Conseil du trésor a déposé des offres partielles. Dans ce contexte, le SFPQ demanda la nomination d’un médiateur en vue d’obtenir du Conseil du trésor le dépôt d’offres patronales globales. Le 27 juillet 2004, le médiateur déposait son rapport final, ne pouvant que constater l’impasse des négociations en raison du défaut de la partie patronale de déposer ses offres globales.
- 493. Le 18 juin 2004, lors d’une rencontre avec les négociateurs du gouvernement, les représentants du SFPQ ont reçu les propositions patronales relatives aux salaires et aux régimes de retraite. Tel que mentionné plus haut, les représentants du SFPQ étaient alors informés que le gouvernement entendait conclure les conventions collectives pour une durée de six ans et liait ses propositions salariales au règlement du dossier de l’équité salariale. Le SFPQ, à l’instar de la CSQ, a rejeté l’offre monétaire ainsi que l’offre relative à la durée des conventions présentées. Entre le 18 juin 2004 et le 15 décembre 2005, le Conseil du trésor n’a fait aucune concession quant à l’aspect salarial, s’en tenant au cadre financier présenté le 18 juin 2004.
- 494. Le 9 novembre 2005, une entente de principe sur les aspects normatifs de la convention collective était entérinée par le conseil de négociation du SFPQ. Ces aspects normatifs concernent notamment la procédure de règlement des griefs et l’arbitrage, l’ancienneté, les dispositions relatives au cheminement de carrière et la dotation, la sécurité d’emploi, la sous-traitance, les vacances, les congés sans traitement et les régimes d’assurance vie, maladie et traitement.
- 495. Toutefois, alors qu’aucune entente n’avait encore été conclue relativement aux questions salariales, le gouvernement adopta la loi 43 qui entérine, d’une part, l’entente de principe sur les clauses normatives intervenue le 9 novembre 2005 et, d’autre part, décrète les conditions de travail sur tous les aspects de la convention collective n’ayant pu faire l’objet d’une entente, dont les salaires, les droits parentaux et l’équité salariale. Au surplus, cette loi impose une convention collective pour une durée de près de sept ans, l’échéance étant prévue pour le 31 mars 2010, et elle reprend le cadre salarial annoncé le 18 juin 2004 et qui avait été rejeté massivement par les différents syndicats. Au cours de la durée du processus de négociation, et ce, jusqu’à l’adoption de la loi 43, les membres du SFPQ ont exercé leur droit de grève dans le respect du cadre légal prévu au code.
- 496. SPEQ: Le Syndicat des professeurs de l’Etat du Québec (SPEQ) est une organisation syndicale, constituée afin de représenter des fonctionnaires professeurs au sens de la loi sur la fonction publique, dont l’occupation principale et habituelle est de donner de l’enseignement à des clientèles spécifiques. Les membres du SPEQ, au nombre de 853, exercent leurs fonctions dans des conservatoires de musique et d’art dramatique, à l’Institut de technologie agroalimentaire, à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie de Québec et dans des lieux de travail sous la gouverne du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles.
- 497. Le 28 mars 2003, le SPEQ déposait à l’attention du Conseil du trésor sa proposition syndicale en vue du renouvellement de la convention collective qui venait à terme le 30 juin 2003. Le 21 juin 2004, les négociateurs du gouvernement ont déposé leur proposition patronale relativement aux salaires et aux régimes de retraite. Cette proposition était essentiellement la même que celle soumise aux autres syndicats. Le SPEQ a rejeté la proposition monétaire du gouvernement.
- 498. Le 4 novembre 2004, les représentants du gouvernement ont déposé les propositions patronales relatives aux aspects normatifs de la convention collective. Entre le mois de novembre 2004 et le mois d’octobre 2005, les parties se sont rencontrées mais seuls les aspects normatifs de la convention collective furent abordés, le gouvernement refusant de traiter des questions salariales. Le 14 décembre 2005, la partie patronale a convoqué les représentants du SPEQ afin de leur soumettre un projet d’offre sur les aspects normatifs de la convention collective, notamment sur la question des congés, des dispositions applicables aux professeurs occasionnels et de la sécurité d’emploi. Lors de cette rencontre, les représentants du SPEQ furent informés qu’à défaut d’accepter le contenu de cette proposition le gouvernement entendait légiférer et imposer des conditions de travail encore moins généreuses. Devant cette crainte, les représentants du SPEQ acceptaient in extremis de signer, le 14 décembre 2005, l’offre relative aux aspects normatifs. Toutefois, alors qu’aucune entente n’avait encore été conclue relativement aux questions salariales, le gouvernement adopta la loi 43, mettant ainsi fin de façon inattendue aux négociations entreprises. Le gouvernement entérinait ainsi l’entente intervenue sur les aspects normatifs de la convention collective et il imposait par ailleurs les conditions de travail sur tous les aspects de la convention collective n’ayant pu faire l’objet d’une entente, dont les droits parentaux, les salaires et l’équité salariale.
- 499. Le SPEQ précise qu’à aucun moment entre le mois de juin 2004 et le 14 décembre 2005 la partie patronale n’a fait de concession ni même échangé avec le SPEQ quant à ses demandes salariales ou quant à la durée de la convention collective. Au cours de la durée du processus de négociation, et ce, jusqu’à l’adoption de la loi 43, les membres du SPEQ pouvaient exercer leur droit de grève dans le respect du cadre légal prévu au code.
- 500. APEQ: L’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ) regroupe 7 000 membres et représente tous les salariés au sens du droit du travail du Québec de dix commissions scolaires québécoises. L’APEQ est une association syndicale constituée par les associations de salariés qui en sont membres. L’APEQ représente des salariés des secteurs public et parapublic et elle est notamment chargée de la négociation et de l’application des conventions collectives.
- 501. L’APEQ a conclu avec le Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires anglophones une convention collective à l’échelle nationale venant à échéance le 30 juin 2003. Après avoir envoyé une demande de négociation à la partie patronale en janvier 2003, les négociations ont débuté au mois d’avril 2004 et se sont poursuivies jusqu’au 14 décembre 2005.
- 502. Le 14 décembre 2005 vers 16 h 30, le ministre de l’Education avisait un représentant de l’APEQ que les parties n’avaient plus que quatre-vingt-dix minutes pour parvenir à une entente, à défaut de quoi une loi spéciale édicterait les conditions de travail des membres de l’APEQ. Les parties ont conclu l’entente à 8 h 15, le 15 décembre 2005. Tout au long de la phase de la négociation, les membres de l’APEQ ont exercé sporadiquement leur droit de grève, le tout conformément à la loi.
- La loi concernant les conditions de travail
- dans le secteur public et les allégations la concernant
- 503. Les organisations plaignantes ont exposé que la loi 43 s’applique à l’ensemble de la fonction publique, au secteur de l’éducation et au secteur de la santé et des services sociaux (art. 2). Son objet est énoncé à l’article premier comme étant, d’une part, d’assurer la continuité des services publics et, d’autre part, de pourvoir aux conditions de travail des salariés des organismes du secteur public dans le cadre des limites qu’impose la situation des finances publiques. Les articles 5 et 9 s’appliquent à tous les salariés du secteur public, peu importe le secteur dans lequel ils œuvrent. Les articles 10 à 19, quant à eux, établissent des conditions de travail sectorielles dans le secteur de la fonction publique (art. 10), le secteur de l’éducation (art. 11), et le secteur de la santé et des services sociaux (art. 12 à 19).
- 504. Les organisations plaignantes soulèvent tout d’abord certaines irrégularités dans la procédure d’adoption de la loi 43. Elle aurait été adoptée dans le cadre de délibérations non démocratiques, sans commission parlementaire ni consultations publiques, à toute vapeur et sans qu’il y ait urgence: la loi fut présentée, adoptée en principe et adoptée la même journée, soit le 15 décembre 2005, sanctionnée et entrée en vigueur le 16 décembre 2005. Par ailleurs, selon la FIIQ, certains amendements auraient même été ajoutés après que la loi a été sanctionnée. La FIIQ souligne également que les dispositions de la loi 43 seraient inopérantes parce qu’elles ont été adoptées en contravention de l’article 133 de la loi constitutionnelle de 1867 du Canada, qui exige que les lois de la législature du Québec soient imprimées et publiées en français et en anglais. Cette obligation vise également les documents auxquels se réfère la loi 43 (conventions collectives et autres), documents qui sont indissociables, nécessaires et fondamentaux pour la compréhension de la loi. Il est donc allégué que le défaut de l’Assemblée nationale du Québec d’avoir imprimé et publié en français et en anglais ces documents constitue une violation de la Constitution canadienne, ce qui rend cette loi, dans sa totalité, inopérante.
- 505. Selon les organisations plaignantes, l’adoption de la loi 43 ne serait justifiée par aucune situation d’urgence (par exemple, une crise économique). Par ailleurs, selon la CSQ, il a été impossible d’évaluer les justifications financières du gouvernement, puisqu’il n’a dévoilé aucune étude sur la question. La FIIQ indique que rien ne laissait présager que le climat à la table de négociation se détériorait laissant entrevoir des conflits de travail potentiels. En décembre 2005, il n’y avait donc aucune raison, aucune urgence de quelque nature que ce soit justifiant le gouvernement de se muer d’employeur à législateur afin de faire adopter cette loi à l’occasion d’une «session spéciale» de l’Assemblée nationale. En effet, contrairement aux notes explicatives accompagnant la loi 43, il n’existait pas dans le réseau de la santé et des services sociaux un état de fait ou de droit risquant de compromettre la continuité des services. Selon la CSN, l’adoption de la loi 43 visait en réalité à mettre un terme à des manifestations de mécontentement des salariés et à la transmission d’un message clair de protestation ternissant l’image du gouvernement dans les médias. C’était pour en finir avec cette situation qui l’handicapait au plan de l’opinion publique que le gouvernement a requis l’adoption d’une loi fixant les conditions de travail, rendant illégale, vaine ou décourageant toute continuation du mouvement de revendications collectives des salariés et de leurs syndicats et agent négociateur.
- 506. Afin de pourvoir aux conditions de travail des salariés visés, la loi 43 renouvelle les conventions collectives expirées et les maintient en vigueur jusqu’au 31 mars 2010 (art. 5). A son article 6, la loi traite spécifiquement des substituts et dispose que «l’entente sur les conditions de travail des substituts du Procureur général conclue en application de l’article 12 de la loi sur les substituts (…) est modifiée pour donner effet jusqu’au 31 mars 2007 aux dispositions des paragraphes 11 à 14 de l’annexe 1. Cette entente est renouvelée à compter du 1er avril 2007 et, compte tenu des adaptations nécessaires, lie les parties jusqu’au 31 mars 2010.»
- 507. Selon les organisations plaignantes, la loi 43 porterait atteinte aux droits syndicaux fondamentaux et enfreindrait le principe de la négociation collective libre et volontaire en imposant unilatéralement le renouvellement de conventions collectives et en supprimant la négociation collective. Dans un premier temps, en prévoyant que les conventions collectives seront valides jusqu’en mars 2010, la loi 43 leur donne une durée supérieure à la durée maximale de trois ans prévue au Code du travail pour les conventions collectives des secteurs public et parapublic (art. 111.1). Dans un deuxième temps, la loi 43 impose de nouvelles conditions de travail en les intégrant aux conventions collectives renouvelées (art. 9 et annexe 1). Il s’agit essentiellement des conditions relatives au traitement (majoration des taux et échelles de salaire – la loi impose une majoration de 2 pour cent pour chacune des années 2006, 2007, 2008 et 2009) ainsi que celles relatives aux congés de maternité et d’adoption (annexe 1). Par ailleurs, cette loi modifierait le concept de mariage et abrogerait certaines lettres d’entente concernant l’équité et la relativité salariales. La loi ne serait aucunement accompagnée de garanties visant à protéger le niveau de vie des personnes qu’elle vise.
- 508. En outre, les conventions collectives renouvelées par l’article 5 sont modifiées le cas échéant pour intégrer – en plus de l’annexe 1 – le texte de certaines ententes intervenues entre le gouvernement et certains agents négociateurs (art. 10, 11 et 13). Cela concerne notamment la FP, la FNEEQ et la FEESP. Pour les groupes n’ayant pas conclu de telles ententes (cela concerne notamment la FSSS), de même que pour ceux n’ayant pas ratifié leur entente avant la date limite du 1er février 2006, la loi impose un ensemble de nouvelles conditions normatives (art. 10, alinéa 2; 11, alinéa 2; 14, 44 et annexes 2-4). Egalement, dans le secteur de la santé et des services sociaux, certaines conditions normatives sont imposées en plus des ententes conclues avec certains groupes de salariés (art. 14 et annexe 4, paragr. 40).
- 509. Selon les organisations plaignantes, en particulier la CSN, en appliquant une sanction à un groupe de salariés par l’imposition de conditions de travail inférieures à celles conclues dans une entente sectorielle, la loi 43 pénalise ce groupe de salariés parce qu’il n’a pas conclu d’entente de gré à gré sur des conditions de travail. La FAC se dit particulièrement pénalisée car elle avait conclu un accord de principe qui n’a pu être ratifié par ses membres. La CSN estime que les salariés représentés par la FSSS se voient imposer des conditions de travail inférieures en raison de leur conviction et de leur opinion. Selon la CSN, l’imposition à un groupe de conditions de travail inférieures parce qu’il n’a pas conclu d’accord n’a aucun lien rationnel avec la situation des finances publiques. Il paraît en effet pour le moins improbable pour la CSN que l’état des finances publiques varie en fonction de l’interlocuteur syndical et selon qu’il a ou non pu s’entendre avec le gouvernement préalablement. La disparité de traitement dont sont l’objet les salariés visés à l’annexe 4 résulterait d’un acte législatif arbitraire sans lien avec l’objet de la loi qui était de fixer les conditions de travail dans le cadre des limites qu’impose la situation des finances publiques. La loi 43 porterait donc atteinte, selon la CSN, au droit d’appartenir à une association et de participer à ses activités sans pour cela faire l’objet d’une peine ou d’un désavantage.
- 510. Par ailleurs, selon les organisations plaignantes, la loi imposerait des restrictions aux négociations futures, particulièrement en ce qui concerne les taux de salaire. Elle supprimerait toute négociation collective pour la durée de maintien en vigueur des conventions collectives, soit jusqu’au 31 mars 2010.
- 511. La FIIQ allègue que, si les parties négociantes n’ont pas pu conclure un accord sur les textes devant donner corps à l’entente sectorielle intervenue entre elles (art. 5, et 1er alinéa, art. 13), la loi 43 investit le ministre de la Santé et des Services sociaux du pouvoir de décider de façon discrétionnaire du contenu de ces textes, textes qui auront valeur de convention collective entre les parties (art. 19). Selon la FIIQ, il saute aux yeux que le ministre de la Santé et des Services sociaux, à la fois juge et partie, n’offre aucune des garanties d’indépendance et d’impartialité requises pour agir dans le cadre du pouvoir que lui confère la loi 142.
- 512. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement n’aurait pas respecté son obligation de négocier de bonne foi. Selon la CSQ en particulier, en maintenant la même position rigide et intransigeante quant aux pourcentages d’augmentation salariale et quant à la période d’étalement tout au long des négociations, position clairement inacceptable pour la partie syndicale, le gouvernement n’a pas fait preuve d’efforts réels pour conclure une entente ni même pour en discuter. De même, en maintenant une position intraitable sur une durée de convention collective contraire au Code du travail, il aurait négocié de mauvaise foi. Finalement, en faisant appel au pouvoir législatif pour imposer des conditions salariales correspondant à cette même position, le gouvernement aurait confirmé son manque de volonté de négocier de bonne foi.
- 513. La loi 43 violerait par ailleurs le droit de grève, selon les organisations plaignantes, car, en mettant fin unilatéralement à la négociation et en imposant des conventions collectives pour une durée déterminée, la loi 43 enlève par le fait même le droit de grève aux salariés pour cette même période – cela découle de la règle en droit du travail québécois interdisant la grève pendant la durée de la convention collective. La loi impose une interdiction injustifiée de la grève et des moyens de pression durant sa période d’application, et ce, sans qu’il y ait urgence et sans mettre en place, selon l’ASPGQ, l’AJE et la CSQ, une procédure de règlement de différends donnant des garanties d’indépendance et d’impartialité. En outre, selon la CSQ, la prestation des services essentiels n’ayant en aucun temps été menacée par les moyens de pression exercés durant les négociations, aucune situation d’urgence ne pouvait justifier cette mesure législative.
- 514. La loi 43 impose une série d’obligations et d’interdictions afin de maintenir la continuité des services publics, le second objectif de la loi. La section IV de la loi (art. 22 à 42) retire en fait le droit de grève que possédaient les salariés et met en place, selon les organisations plaignantes, un arsenal répressif empêchant tout moyen de pression. Le salarié se voit contraint de se présenter au travail conformément à son horaire habituel (art. 22) et d’accomplir tous les devoirs attachés à ses fonctions sans arrêt, ralentissement, diminution ou altération de ses activités normales (art. 23). Il devient interdit de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée impliquant une contravention aux articles 22 et 23. Une association de salariés doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu’elle représente à se conformer aux articles 22 et 23. De même, un groupement d’associations doit prendre les moyens appropriés pour amener ses syndicats affiliés à se conformer aux articles 25 et 26. Ainsi, les associations de salariés se voient interdire toute grève et toute action concertée, dans la mesure où celles-ci impliquent une violation par les salariés de leurs obligations relativement à l’exercice de leurs fonctions (art. 25). La loi 43 contient en outre une interdiction générale de nuire de quelque manière que ce soit au maintien des services publics ou à l’exécution par les salariés visés de leur prestation de travail (art. 28) ainsi qu’une interdiction générale d’entraver l’accès aux installations où les services publics sont rendus (art. 29).
- 515. En cas de contravention à ces obligations et interdictions, la loi 43 prévoit, selon les organisations plaignantes, des sanctions disproportionnées pour les associations de salariés et pour les individus. Ainsi, une association de salariés verra-t-elle les retenues à la source des cotisations syndicales arrêtées, sur simple constatation par l’employeur d’une contravention, et ce pour une période de douze semaines par jour ou partie de jour de contravention (art. 30) – cette sanction viole de façon particulière les principes de la liberté syndicale en ce qu’elle entrave le droit des associations de salariés visées d’organiser leur gestion et leur activité en les privant des ressources essentielles à cette fin, selon la CSQ. Par ailleurs, selon la FIIQ, si une organisation syndicale songeait à faire appel à un tribunal judiciaire pour réclamer de leurs membres la cotisation syndicale dont ils sont les débiteurs, l’article 31 pourrait leur permettre de se soustraire à leurs obligations de payer cette cotisation. Cette dernière sanction, couplée au non-paiement des libérations syndicales (art. 34, examiné plus bas) en cas de non-respect de la loi, risquerait de compromettre le devoir de juste représentation imposé par la loi (art. 47.2 du Code du travail).
- 516. Quant aux salariés, ils subissent une réduction de traitement égale au montant qu’ils auraient reçu pour toute période de contravention, en plus de la non-rémunération pendant ladite période de contravention (art. 32). En outre, tout salarié qui est en libération syndicale pendant une période où son association de salariés contrevient à ses obligations subit non seulement la non-rémunération pour la période de contravention et une réduction de traitement équivalente, mais également une cessation de traitement pendant la durée de sa libération syndicale, pour une durée de douze semaines par jour ou partie de jour de contravention (art. 34). Enfin, le gouvernement peut, sur adoption d’un simple décret, modifier, remplacer ou supprimer toute stipulation de la convention collective aux fins d’assurer la prestation de services dans un organisme du secteur public. L’article 37 emporte, pour l’association, une responsabilité civile pour le fait d’autrui en cas de dommages causés par des salariés lors d’une contravention aux articles 22 ou 23. Il en va de même pour un groupement d’associations. Par ailleurs, l’article 38 facilite considérablement l’exercice d’un recours collectif (class action) contre une association de salariés en cas de contravention à la loi. Cette dernière mesure ne s’expliquerait, selon la FAC, que par un mépris total du gouvernement du Québec envers un droit syndical consacré, soit le droit à la grève: il s’agirait d’une invitation pure et simple à la vindicte populaire contre les organisations syndicales. Selon la FAC, dans leur ensemble, il s’agit de graves sanctions contre les contrevenants visant à étouffer les moyens d’actions légitimes des organisations syndicales.
- 517. Finalement, selon les organisations plaignantes, de sévères sanctions pénales peuvent être imposées en cas de contravention. Les peines prévues, par jour ou partie de jour de contravention, sont de 100 dollars à 500 dollars pour les salariés et les personnes physiques en général, de 7 000 dollars à 35 000 dollars pour les dirigeants, les employés et les représentants d’une association de salariés, et de 25 000 dollars à 125 000 dollars pour les associations de salariés ou pour les groupements d’associations (art. 39 à 41). Ces mesures ne peuvent être différées, annulées ou réduites par entente. Toutes ces dispositions sur la continuité des services ont effet jusqu’au 1er avril 2010, soit le lendemain de l’expiration des conventions collectives telles que renouvelées (art. 49).
- 518. Les organisations plaignantes (CSQ, FIIQ, FAC, ASPGQ) allèguent que, même lorsque des restrictions au droit de grève peuvent être considérées comme justifiées, les sanctions en cas de violation ne doivent pas être disproportionnées par rapport aux buts visés. Or la loi 43 imposerait selon elles des sanctions nettement disproportionnées. Selon la FIIQ, si appliquées, ces sanctions pénales et administratives compromettraient gravement la viabilité, voire l’existence même des organisations syndicales assujetties à la loi 43.
- 519. Selon la CSN, le gouvernement du Québec n’en est pas à ses premières armes en ce qui concerne l’adoption de lois spéciales imposant le retour au travail à ses salariés. En effet, de 1964 à 2001, pas moins de 34 lois spéciales de retour au travail, soit pratiquement une par année, ont été adoptées pour mettre fin à des conflits de travail, dont 23 d’entre eux étaient légaux.
- 520. Constatant que la loi est en contravention avec les conventions et principes de l’OIT en matière syndicale, les organisations plaignantes désirent que les principes de la liberté syndicale et leurs droits de négociation collective soient respectés; que le gouvernement du Québec détermine conjointement avec les organisations syndicales un mécanisme de règlement des conflits. Trois organisations (l’AJE, la CSN, la FIIQ) demandent l’aide technique de l’OIT. Une organisation, le SPGQ, demande au comité de déclarer l’inconstitutionnalité de la loi 43. Finalement, la CSN et la CSQ demandent que le gouvernent abroge la loi 43.
- Allégations additionnelles de l’ASPGQ
- 521. L’Association des substituts du Procureur général du Québec (ASPGQ) indique par ailleurs que la loi sur les substituts (telle que modifiée par la loi modifiant la loi sur les substituts du Procureur général et le Code du travail, L.Q. 2004, chap. 22) nie aux substituts le droit de s’affilier à une organisation syndicale et les prive de protection contre les entraves, les représailles ou sanctions reliées à l’exercice des droits syndicaux.
- 522. Dans ses deux communications du 14 février, l’ASPGQ expose des faits qui ne sont pas liés aux autres plaintes soumises par les organisations plaignantes. Suite à l’adoption de la loi modificatrice, l’ASPGQ a retiré une plainte soumise au comité, bien que les modifications apportées à la loi sur les substituts ne rendaient pas cette dernière conforme aux normes internationales en matière de liberté syndicale. Ainsi, l’ASPGQ a fait part au comité que: 1) le régime législatif applicable aux substituts leur interdit de conclure une entente de service avec une organisation syndicale ou de s’affilier à une telle organisation; et 2) les substituts sont toujours privés de toute protection contre l’ingérence, l’entrave, les représailles ou toute sanction reliée à l’exercice du droit d’association.
- 523. Concernant le premier point, l’ASPGQ allègue que le nouvel article 10.1 de la loi sur les substituts prévoit qu’elle ne peut conclure une entente de services avec une organisation syndicale ni être affiliée à une telle organisation. Avant l’adoption de cet article, l’ASPGQ avait négocié de bonne foi avec le gouvernement et signé une entente régissant les conditions de travail des substituts qui prévoit que, pour les années 2004, 2005 et 2006, l’échelle de traitement des substituts évoluera suivant les mêmes paramètres généraux appliqués aux échelles salariales des employés des secteurs public et parapublic à l’exclusion de toute correction due à l’équité ou relativité salariales (clause 7-1.04).
- 524. L’ASPGQ indique que, historiquement, au Québec, certaines conditions de travail des employés des secteurs public et parapublic, tels les échelles salariales et les avantages sociaux de base, sont négociées à une table centrale où siègent plusieurs centrales ou regroupements de syndicats représentant un grand nombre, sinon la majorité des employés dans ces secteurs. Donc, les «échelles salariales des employés des secteurs public et parapublic» auxquelles se réfère la clause 7-1.04 de l’entente sont négociées par des organisations syndicales auxquelles l’ASPGQ n’a pas le droit de s’affilier et avec lesquelles elle n’a pas le droit de conclure une entente de service, en vertu de l’article 10.1 de la loi sur les substituts. L’effet réel de l’article 10.1 est alors d’imposer les conditions de travail aux substituts suite à un processus de négociation auquel ils n’ont pas le droit de participer.
- 525. Selon l’ASPGQ, l’article 10.1 de la loi sur les substituts constitue une atteinte aux droits syndicaux fondamentaux des substituts. Plus particulièrement, elle enfreint les articles 2, 5 et 8 de la convention no 87 en interdisant aux substituts et à leur association de s’affilier à l’organisation de travailleurs de leur choix. De plus, l’ASPGQ allègue que l’effet de l’article 10.1 de la loi sur les substituts est d’enlever aux substituts leur droit fondamental à la négociation collective en assujettissant leur traitement salarial à un processus de négociation auquel ils n’ont pas le droit de participer.
- 526. Concernant le deuxième point (exposé par l’organisation plaignante dans une troisième communication envoyée le 13 février), l’organisation plaignante dénonce l’absence de protection accordée aux substituts contre l’entrave, les représailles ou toute sanction reliée à l’exercice du droit d’association. Les travailleurs assujettis au Code du travail bénéficient d’une telle protection (l’ASPGQ expose quelques articles concernant la protection contre l’ingérence de l’employeur dans une association de salariés; l’interdiction d’intimidation et de menaces en vue d’amener quiconque à devenir membre, à s’abstenir de devenir membre ou à cesser d’être membre d’une association de salariés; les contraintes prohibées; la réintégration; le fardeau de la preuve). Cependant, l’ASPGQ rappelle que les substituts ne sont pas assujettis au Code du travail et indique que la loi sur les substituts ne prévoit aucune protection dans ces domaines. Selon l’ASPGQ, l’absence de protection des substituts contre des représailles pour l’exercice du droit d’association est devenue même plus préoccupante suite à l’adoption par le gouvernement de la loi 43. Cette loi interdit le recours à la grève ou tout autre moyen de pression ainsi que l’incitation à de tels gestes par des organisations de travailleurs et interdit quelconque entrave au maintien des services habituels. Des mesures administratives draconiennes, y compris la retenue du salaire, sont prévues pour les travailleurs qui contreviennent à ces interdictions. L’effet de cette loi est que les substituts sont assimilés à des salariés au sens du code pour les fins de l’imposition de représailles pour certaines activités syndicales interdites, mais ne bénéficient pas des protections accordées aux autres salariés en vertu de ce même code.
- 527. Finalement, par communication du 19 octobre 2006, l’ASPGQ indique qu’un avis de mésentente a été transmis le 25 septembre 2006 au ministère de la Justice du Québec concernant le retrait du droit prioritaire à l’utilisation d’un local pour les activités de l’ASPGQ, utilisation prévue par l’entente relative à la salle de travail (4.150) du bureau des substituts du Procureur général du Québec. L’ASPGQ énonce que la situation dénoncée par ce recours constitue une illustration éloquente des atteintes à la liberté syndicale que le gouvernement s’autorise, en l’absence de dispositions visant la protection des substituts contre l’entrave, les représailles ou de sanction reliée au droit d’association.
- 528. L’ASPGQ demande au comité de faire les recommandations nécessaires afin que les substituts puissent jouir du droit à la négociation collective au sens des conventions internationales du travail.
- B. Réponse du gouvernement du Québec
- 529. Dans sa communication du 16 janvier 2007, le gouvernement soutient avoir agi en respectant les principes de la liberté syndicale établis par l’OIT en vue de réaliser ses buts et objectifs. Les mesures mises en avant par la loi 43, telle la prolongation des conventions collectives négociées mais assorties d’augmentations salariales, étaient nécessaires, limitées à l’indispensable, pour une période raisonnable et accompagnées de garanties appropriées pour protéger le niveau de vie des travailleurs. Le gouvernement soutient que la liberté d’expression des employés de l’Etat n’a été aucunement affectée par la loi 43 qui n’a pas pour effet de museler les associations syndicales, comme en atteste la diffusion dans les médias des prises de position des syndicats.
- 530. Le gouvernement précise que ses observations portent sur la conformité globale de la loi 43 avec les principes internationaux de la liberté syndicale. Il précise également que le SPGQ ne peut demander au comité de se prononcer sur la validité constitutionnelle de la loi 43, car seuls les tribunaux internes sont habilités à se prononcer en matière de conformité aux chartes canadienne et québécoise.
- 531. Le gouvernement dresse un portrait général du régime de négociation en place au Québec qui n’aurait aucunement été modifié par la loi 43. Le gouvernement précise que, sous réserve de certaines adaptations, le Code du travail s’applique dans les secteurs public et parapublic (qui comprennent le gouvernement, ses ministères et organismes, les établissements du réseau public de la santé et des services sociaux ainsi que les établissements du réseau public de l’éducation). Ainsi, le principe du monopole de représentation syndicale, la retenue obligatoire des cotisations syndicales pour tous les salariés, qu’ils soient membres ou non d’une association syndicale, et l’interdiction de remplacer des salariés en grève sont octroyés tant aux syndicats du secteur privé qu’à ceux des secteurs public et parapublic.
- 532. Le gouvernement souligne que, dans les secteurs public et parapublic où les services à la population sont rendus au Québec essentiellement en situation de monopole et où les salariés jouissent d’une très grande sécurité d’emploi, les mécanismes régulateurs de la concurrence sont peu présents. Convaincre que la capacité de payer de l’Etat a été atteinte ou a même été dépassée est plus difficile puisque, contrairement au secteur privé, la menace réelle d’une fermeture, d’une faillite ou d’une mise sous séquestre n’apparaît pas réaliste.
- 533. Le gouvernement précise que la négociation des conventions collectives de la plupart des employés de l’Etat se déroule sur une base sectorielle. Elle comporte deux niveaux de discussions: un niveau national et un niveau local ou régional. Les stipulations des conventions collectives qui portent sur les salaires et les échelles de salaire sont négociées à l’échelle nationale, à la table centrale, formée du gouvernement et des principales associations de salariés. D’autres éléments ayant des impacts financiers importants peuvent aussi être négociés à la table centrale, tels les régimes de retraite. Les autres points sont négociés aux différentes tables sectorielles avec chaque association de salariés. Ce mécanisme est adapté aux particularités des secteurs public et parapublic. Il diffère du régime général prévu au Code du travail suivant lequel les négociations se déroulent en principe au niveau de chaque entreprise.
- 534. Le gouvernement indique que la rémunération des 520 000 personnes à l’emploi de l’Etat constitue de loin la catégorie la plus importante de ses dépenses (pour l’exercice 2005-06, plus de 56 pour cent des dépenses y étaient affectés). Vu l’importance des sommes consacrées à la rémunération des employés de l’Etat, toute augmentation de rémunération a inévitablement un impact majeur sur les ressources financières du gouvernement et, partant, sur sa capacité à financer les autres catégories de dépenses pour répondre aux besoins de la population.
- 535. Le gouvernement s’attarde ensuite sur les négociations qui ont eu lieu avec, entre autres, les organisations plaignantes. Selon le gouvernement, les dernières conventions collectives régissant les conditions de travail de la quasi-totalité des employés de l’Etat ont fait l’objet d’ententes en 1998. Elles sont venues à expiration le 30 juin 2003, après avoir été prolongées d’un an, toujours par entente entre les parties patronales et syndicales. En ce qui concerne les substituts, l’entente tenant lieu de convention collective venait à échéance le 31 mars 2007. Quant à la convention collective de l’AJE, conclue le 30 mars 2000, elle avait été reconduite jusqu’au 31 décembre 2005.
- 536. Le 15 décembre 2003, les grandes associations syndicales représentant presque tous les employés de l’Etat ont déposé leurs demandes en vue du renouvellement des conventions collectives. Ces demandes visaient divers aspects des conditions de travail des employés (indexation des salaires, majoration des avantages de la retraite, majoration des assurances, bonification des droits parentaux et des vacances, révision des classifications, etc.) mais ne proposaient rien, selon le gouvernement, en ce qui concerne les correctifs reliés à l’équité salariale. Le 15 juin 2004, le gouvernement donna suite au dépôt des demandes syndicales en annonçant qu’il se dotait pour la première fois d’un cadre budgétaire pour sa politique globale de rémunération des employés de l’Etat (la Politique de rémunération).
- 537. Lors d’une conférence de presse tenue à cette date, la présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale (la ministre) a annoncé aux associations syndicales et à l’ensemble de la population que le gouvernement entendait limiter à 12,6 pour cent le redressement de la rémunération unitaire des employés de l’Etat entre 2003-04 et 2009-10, soit 3,25 milliards de dollars de dépenses de rémunération additionnelles, et que cette augmentation engloberait l’ensemble des redressements consentis par l’Etat, incluant des mesures de redressement salarial découlant de la loi sur l’équité salariale. Ce cadre budgétaire reflétait la capacité de payer des contribuables québécois et traçait les limites à l’intérieur desquelles le gouvernement entendait exercer ses responsabilités budgétaires à l’égard de l’ensemble de la population. Finalement, le gouvernement a indiqué que la distribution dans le temps de l’augmentation globale de rémunération et sa répartition entre les groupes visés par la Politique de rémunération ou pour résoudre les différents problèmes de rémunération pourraient être déterminées par négociation avec les associations syndicales représentant les employés de l’Etat.
- 538. Le gouvernement indique qu’une gestion responsable des finances publiques demandait une telle démarche, compte tenu de la conjoncture économique et de la situation budgétaire difficile du gouvernement à cette époque: les perspectives de croissance économique au Québec étant plus faibles que pendant les années précédentes, le ralentissement de la croissance des revenus autonomes du gouvernement limiterait les ressources disponibles pour payer les employés de l’Etat. Par ailleurs, les dépenses de programmes du gouvernement était relativement élevées par rapport au niveau de la richesse collective des Québécois et des autres sociétés nord-américaines: bien qu’il était alors prévu que l’équilibre budgétaire serait atteint en 2004-05, une impasse de 1,6 milliard de dollars restait à résorber pour 2005-06 afin de respecter les exigences de la loi sur l’équilibre budgétaire (L.R.Q. c. E-12.00001), qui oblige le gouvernement à maintenir l’équilibre budgétaire. Dans ce contexte, il était impératif que le gouvernement maintienne une gestion très serrée de ses dépenses, incluant ses dépenses de rémunération. Le gouvernement a d’ailleurs fait état de la situation précaire des finances publiques à diverses occasions depuis 2003, notamment lors d’un discours du ministre des Finances, le 16 décembre 2003, et lors de la présentation des budgets pour les exercices 2003-04 et 2004-05.
- 539. Le 18 juin 2004, les négociateurs gouvernementaux ont présenté aux principales associations syndicales des offres qui proposaient une série de redressements se situant à l’intérieur du cadre budgétaire de la Politique de rémunération. Telles qu’exposées aux associations syndicales, les offres du gouvernement proposaient notamment des augmentations salariales de 2 pour cent pour chacun des exercices 2006-07, 2007-08 et 2008-09, les augmentations salariales pour les exercices 2004-05, 2005-06 et 2009-10 restant à déterminer. Lors de la présentation de ces offres aux associations syndicales, les négociateurs gouvernementaux ont exposé aux représentants des principales associations syndicales les fondements, les paramètres et surtout les limites du cadre budgétaire de la Politique de rémunération.
- 540. Au cours des mois suivants, de nombreuses rencontres de négociation ont eu lieu sans que les parties ne puissent s’entendre quant au renouvellement des conventions collectives. Lors d’une conférence de presse tenue le 9 février 2005 pour faire le point sur l’état des négociations, la ministre a affirmé le désir du gouvernement d’en venir à une entente avec ses employés, mais a rappelé qu’il ne saurait être question de dépasser le cadre budgétaire fixé, compte tenu de l’état des finances publiques et de la capacité de payer des citoyens. La ministre fait le constat, lors de cette même conférence de presse, que les demandes des syndicats au seul titre des ajustements salariaux (excluant le règlement de l’équité salariale), soit une augmentation de 12,5 pour cent sur trois ans, correspondent au double de l’augmentation globale proposée par le gouvernement. Malgré les explications données par le gouvernement quant à la capacité de payer des Québécois et en dépit d’efforts intenses déployés par le gouvernement pour tenter d’en arriver à une entente, aucun accord ne survient.
- 541. Au cours du mois d’août 2005, les offres gouvernementales sont bonifiées, notamment afin de prévoir une augmentation salariale additionnelle de 2 pour cent pour l’exercice 2009-10, mais l’ensemble des redressements proposés se situe toujours à l’intérieur du cadre budgétaire établi en juin 2004. En septembre 2005, la ministre et le ministre des Finances rencontrent les dirigeants des principales associations syndicales afin de leur exposer les motifs pour lesquels il est impossible pour le gouvernement de bonifier les offres patronales au-delà du cadre budgétaire fixé en juin 2004. Lors de ces rencontres, les dirigeants des associations syndicales concernées sont avisés de la fragilité des finances publiques (due à la hausse du coût du pétrole, au déficit budgétaire à résorber, au manque de ressources gouvernementales) et des conséquences néfastes sur les finances publiques qu’aurait le non-respect du cadre budgétaire établi par le gouvernement. Le gouvernement aurait exposé en outre que la cible de croissance des dépenses de programmes que s’était fixée le gouvernement pour l’exercice 2006-07, ayant dû être augmentée de 2,6 pour cent à 3,6 pour cent lors du budget 2005-06, afin notamment de faire face aux coûts additionnels reliés aux correctifs d’équité salariale et au renouvellement des conventions collectives, ne pouvait être augmentée davantage sans hausser le fardeau fiscal des contribuables et nuire à la croissance économique ou sans retomber en situation de déficit. Plus tard, en septembre 2005, des fonctionnaires du ministère des Finances rencontrent également des économistes des principales associations syndicales pour leur faire part de ces mêmes informations.
- 542. Par ailleurs, le suivi des équilibres financiers du gouvernement au cours de l’exercice 2005-06 révèle un dépassement des dépenses de programmes de plus de 800 millions de dollars, nécessitant un effort additionnel important de compression des dépenses au sein des ministères et organismes du gouvernement, notamment par un gel des crédits. Les informations communiquées aux dirigeants et économistes des associations syndicales quant à la fragilité des finances publiques du Québec et aux conséquences qu’aurait la bonification des offres gouvernementales au-delà du cadre budgétaire fixé en juin 2004 ont été rendues publiques par le ministre des Finances lors d’une conférence de presse tenue le 27 septembre 2005.
- 543. Une analyse comparative des offres gouvernementales et des demandes syndicales est par ailleurs exposée par la ministre dans un communiqué de presse le 29 septembre 2005: selon les évaluations du gouvernement, les demandes syndicales représentent à terme, pour l’exercice 2009-10, plus de 6,8 milliards de dollars d’augmentation de la rémunération annuelle, soit plus du double de l’augmentation de 3,2 milliards de dollars pour la même période prévue au cadre budgétaire. Après avoir constaté l’ampleur de l’écart entre les parties, la ministre a réitéré la situation budgétaire du gouvernement et en a appelé à la responsabilité sociale des organisations syndicales afin d’arriver à une entente. A plusieurs reprises au cours des mois de novembre et décembre 2005, la ministre a réitéré la position du gouvernement et appelle les parties à intensifier les négociations dans le but d’en arriver à des ententes finales avant la période des fêtes.
- 544. Or, en dépit des nombreuses représentations faites par différents ministres au nom du gouvernement, les demandes salariales des associations syndicales représentant les employés de l’Etat, à l’exception de la FIIQ, n’ont pas changé et plusieurs associations syndicales ont même annoncé leur intention d’intensifier les moyens de pression dont elles ont déjà fait usage afin de forcer le gouvernement à accéder à leurs demandes. A titre d’exemple seulement, le 13 décembre 2005, des grèves rotatives de 24 à 96 heures sont annoncées pour plusieurs régions du Québec dans les secteurs de l’éducation et de la santé et des services sociaux. Ces moyens de pression se sont ajoutés aux nombreuses grèves rotatives effectivement déclenchées dans ces secteurs entre le 10 novembre et le 15 décembre 2005 et aux grèves et autres moyens de pression des employés du gouvernement entre mai et décembre 2005, qui ont causé d’importantes perturbations tant pour le gouvernement que pour la population.
- 545. Depuis l’annonce du cadre budgétaire dans sa Politique de rémunération, le 18 juin 2004, le gouvernement du Québec a participé à 56 rencontres de négociations à la table centrale pour tenter d’en arriver à une entente avec les principaux syndicats (la CSN, la CSQ, la FTQ et, occasionnellement, la FIIQ, le SFPQ et le SPGQ). Il a également participé à plus de 1 400 rencontres de négociations qui se sont déroulées aux différentes tables sectorielles.
- 546. Le 14 décembre 2005, le gouvernement annonce que, devant l’impasse manifeste dans les négociations, l’Assemblée nationale a été convoquée le lendemain afin de procéder au dépôt et à l’adoption de la loi 43. A cette occasion, la ministre déclarait estimer que la négociation a produit ce qu’elle pouvait produire; que si d’autres rapprochements sont possibles encore avec d’autres groupes syndicaux en ce qui a trait aux matières normatives, les écarts entre les offres et les demandes salariales ne pourront pas être comblés; que les exigences salariales des organisations syndicales impliquées dans ces négociations sont irréconciliables avec la capacité de payer des contribuables et la fragilité des finances publiques du Québec; que, bien que légaux, les moyens de pression et les grèves qui se sont multipliés depuis quelque temps doivent cesser car ces perturbations dans les services ne contribuent en rien à améliorer les finances publiques ou à accroître la capacité de payer des contribuables; que c’est avec un fort sentiment de responsabilité et avec la conviction profonde d’agir dans l’intérêt général, dans le respect des citoyens et des contribuables du Québec que des mesures législatives seront déposées le lendemain à l’Assemblée nationale, mesures législatives destinées à établir le cadre de rémunération des employés des secteurs public et parapublic; que s’il devait accéder aux demandes salariales des syndicats, le gouvernement se trouverait dans la situation de devoir augmenter les impôts, couper dans les services publics ou plonger en déficit. La ministre s’est dit persuadée que la population ne veut pas de ces choix, que ce sont des voies impraticables et elle a appelé à la conscience sociale des dirigeants syndicaux pour reconnaître que le gouvernement ne peut contourner la réalité budgétaire et endetter les générations futures.
- 547. En bref, la loi 43 matérialise la Politique de rémunération du gouvernement présentée aux syndicats. Elle reprend le cadre budgétaire à l’intérieur duquel le gouvernement avait annoncé, depuis un an, pouvoir naviguer au plan salarial. Il était impossible de bonifier les offres salariales pour accéder aux demandes syndicales sans hausser les impôts des contribuables pour financer ces dépenses additionnelles et, partant, nuire à la croissance économique au Québec; sans couper de façon significative, par exemple dans les services publics, dont notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation; ou sans retomber dans une situation de déficit qui, en outre de reporter un lourd fardeau sur les générations futures, aurait comporté un risque de décote du Québec sur les marchés financiers et, partant, une accessibilité réduite sur les marchés obligataires et une hausse du coût des emprunts du gouvernement. Le gouvernement ne pouvait donc envisager l’une ou l’autre de ces alternatives sans sérieusement compromettre les priorités auxquelles il s’était engagé envers la population du Québec, à savoir la santé, l’éducation et l’accroissement de la prospérité économique. C’est sur cette toile de fond que le gouvernement a décidé de mettre fin à des négociations qui, à la lumière des positions respectives des parties, étaient manifestement vouées à l’échec et, par le fait même, de mettre un terme au climat d’incertitude et d’instabilité découlant de cette situation.
- 548. Dans les heures qui précèdent l’adoption de la loi 43, les négociations se sont poursuivies et ont mené à la signature de nombreuses ententes avec les associations syndicales, portant à 35 le nombre total d’ententes rejoignant plus de 365 000 employés de l’Etat. Ces ententes, qui sont énumérées aux articles 10 à 13 de la loi 43, portent sur les aspects normatifs du travail, dont certains à incidences monétaires. Parmi les syndicats plaignants, le SPGQ, la FIIQ, des syndicats affiliés à la CSN, la FAC, des syndicats affiliés à la CSQ, la FTQ, la CSD, le SFPQ, le SPEQ et l’APEQ ont tous conclu des ententes avec le gouvernement qui ont été intégralement respectées par la loi 43.
- 549. Parallèlement aux négociations en vue du renouvellement des conventions collectives, auxquelles le gouvernement a mis fin par l’adoption de la loi 43, le processus de discussion relatif à l’équité salariale a suivi son cours et divers échanges ont eu lieu à cet égard. Différentes ententes sont intervenues entre les mois de décembre 2005 et juin 2006, prévoyant le paiement de correctifs annuels d’équité salariale qui s’élèveront à terme, soit en 2009-2010, à 825 millions de dollars. Ces correctifs se situaient également à l’intérieur du cadre budgétaire fixé par le gouvernement en juin 2004.
- La loi 43
- 550. La loi 43 a pour objet d’assurer la continuité des services publics et de pourvoir aux conditions de travail des salariés des organismes du secteur public dans le cadre des limites qu’impose la situation des finances publiques (article premier). L’analyse du contexte historique, social et économique de la loi 43 vient confirmer et préciser ces objectifs: le législateur cherchait à mettre un terme au climat d’incertitude quant à la capacité du gouvernement d’assurer une planification budgétaire responsable et la continuité des services publics et ce de manière compatible avec l’état des finances publiques.
- 551. Quant aux articles 5 et 9 et à l’annexe 1, d’une part, et quant à la Section IV et à l’article 49, d’autre part, ils visent plus précisément à assurer le maintien de la continuité des services à la population et sont essentiels à l’application et au respect de la loi 43. Ces objectifs se rapportent clairement à des préoccupations urgentes et réelles pour le gouvernement élu et pour l’ensemble de la population du Québec.
- 552. Le gouvernement a exposé ces préoccupations. En outre, il ajoute que les conventions collectives visant plus de 500 000 personnes étant échues depuis plus de deux ans et demi et tous les échanges entre le gouvernement et ses salariés étant centrés sur le renouvellement de celles-ci, il devenait de plus en plus difficile pour le gouvernement de prendre des décisions en matière notamment de santé et d’éducation. Le gouvernement, à titre de garant des intérêts de l’ensemble de la population du Québec, se devait conséquemment de proposer l’adoption de la loi 43; agir autrement aurait mis en péril la continuité des services publics et nui à la croissance économique du Québec en ayant des effets préjudiciables majeurs sur l’état des finances publiques. La loi 43 avait pour objectif d’assurer l’uniformité, la cohérence et la stabilité dans les rapports collectifs de travail entre le gouvernement et ses employés.
- 553. C’est en ce sens que le gouvernement du Québec estime qu’il faut aborder le dépôt de la Politique de rémunération. Dans un souci de transparence et d’équité pour tous les Québécois, le gouvernement a jeté les bases de la négociation salariale. Malgré les «raisons impérieuses» d’intérêt économique exposées par le gouvernement, les syndicats ont refusé de négocier à l’intérieur de ce cadre financier. Dans ce contexte, le gouvernement a proposé l’adoption de la loi 43.
- 554. Selon le gouvernement, les associations syndicales représentant les employés de l’Etat ont été prévenues des limites du cadre budgétaire du gouvernement et ont été appelées à collaborer avec le gouvernement pour identifier une solution négociée. Outre les ententes signées préalablement à l’adoption de la loi 43, qui ont été respectées, la position des associations syndicales en matière salariale est demeurée inchangée, démontrant en quelque sorte la nécessité des mesures prises dans la loi 43.
- 555. La loi 43 répond à des objectifs et à des préoccupations particulières. Contrairement à ce qu’allèguent certaines associations plaignantes, elle ne s’inscrit pas dans une série de lois spéciales. La loi 43 ne vient pas à la suite d’autres lois, dont certaines ont été examinées par le comité. Egalement, le gouvernement réitère que la loi 43 entérine les ententes intervenues sur les aspects normatifs du travail, dont certaines à incidence monétaire, conclues avec 35 associations de salariés. Depuis l’adoption de la loi, la FSSS, affiliée à la CSN, a conclu une entente avec le gouvernement, de même que le SPGQ. Et les négociations se poursuivent toujours avec d’autres associations de salariés, ce qui démontre l’ouverture du gouvernement à poursuivre des négociations avec les associations de salariés.
- 556. Finalement, les dispositions pénales et administratives prévues dans la loi 43 sont la résultante normale et nécessaire des moyens choisis par le législateur pour permettre l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixés. En effet, l’importance de l’un de ces objectifs, à savoir le maintien des services à la population, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, exigeait l’adoption de mesures administratives et pénales suffisantes pour assurer pleinement le respect de la loi 43.
- 557. Une prolongation jusqu’en 2010 des conventions collectives négociées était, dans les circonstances, raisonnable et nécessaire pour fournir un horizon stable, à moyen terme, en ce qui concerne les coûts de rémunération des employés de l’Etat pour permettre au gouvernement d’assurer une planification budgétaire responsable et compatible avec l’état des finances publiques. A cet égard, le gouvernement souligne qu’il s’inscrit dans la tendance québécoise, qui est au renouvellement de conventions collectives de longue durée, dans tous les secteurs de l’économie et particulièrement dans les entreprises de grande taille. De telles ententes répondent aux besoins des syndicats et des employeurs, qui souhaitent tous deux instaurer un environnement prévisible et stable pour baliser leurs relations.
- 558. En outre, le gouvernement souligne que la cote de crédit du Québec a été rehaussée en juin 2006, en raison notamment de la stabilité découlant de l’adoption de la loi 43 et, plus généralement, de la politique économique et budgétaire poursuivie par le gouvernement. Le gouvernement est ainsi en mesure d’assumer le paiement de sa dette sans devoir réduire dans les services à la population.
- 559. Les augmentations salariales prévues à la loi 43 devraient préserver le niveau de vie et maintenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des travailleurs de l’Etat. Le gouvernement, en établissant sa Politique de rémunération, a eu à cœur d’assurer à ses employés une rémunération avantageusement comparable en moyenne à celle versée aux employés du secteur privé québécois, et conforme à la capacité de payer de l’Etat.
- 560. En 2002, une étude concluait que les salaires versés par le gouvernement du Québec étaient en moyenne plus élevés que ceux versés par le secteur privé. Fort de ce constat, le gouvernement a élaboré sa Politique de rémunération de façon à suivre la croissance globale des salaires dans l’économie. Se basant sur le constat que le salaire moyen des salariés du Québec avait évolué à un rythme semblable à celui des prix à la consommation au cours des années récentes, le gouvernement a établi une politique visant à accorder une progression salariale similaire à l’ensemble des salariés du secteur public. C’est avec des données en main concernant ces progressions que le gouvernement a adopté une politique responsable, qui assure que les coûts de production des services gouvernementaux n’exerceront pas de pressions inflationnistes et n’accroîtront pas le fardeau fiscal des contribuables. L’impact jumelé des paramètres d’augmentation annuelle de 2 pour cent des salaires à partir de 2006, des correctifs d’équité salariale rétroactifs à novembre 2001, des promotions et des progressions dans les échelles fait en sorte que la loi 43 maintient le pouvoir d’achat de l’ensemble des employés du secteur public québécois.
- 561. Le gouvernement s’est montré soucieux d’assurer, dans sa Politique de rémunération, la réalisation du volet de l’équité interne, en réservant une partie de son enveloppe budgétaire aux travailleurs de l’Etat afin de corriger les écarts salariaux causés par de la discrimination dans le passé, au titre de règlement sur l’équité salariale. Les travailleurs des catégories d’emploi à prédominance féminine, souvent parmi les plus vulnérables, bénéficient donc, en plus des augmentations de salaire prévues par la loi 43, d’ajustements au plan salarial découlant des correctifs de l’équité salariale.
- 562. En juin 2006, le gouvernement a conclu une entente historique sur l’équité salariale pour les secteurs de la santé, de l’éducation et de la fonction publique québécoise. Cette entente touche plus de 360 000 personnes, majoritairement des femmes, qui bénéficieront d’ajustements salariaux. Dans les secteurs de la santé et de l’éducation, la moyenne des ajustements salariaux équivaut à 5,97 pour cent, alors que pour la fonction publique la moyenne est de 5,04 pour cent. Les ajustements de salaire sont rétroactifs au 21 novembre 2001.
- 563. Dans le contexte budgétaire difficile dans lequel il se trouvait, le gouvernement, de façon responsable, a établi une Politique de rémunération lui permettant de consacrer à terme, à partir de 2008, 3,25 milliards de dollars de dépenses de rémunération annuelles additionnelles pour ses employés. Le gouvernement admet qu’il aurait pu offrir des augmentations salariales plus élevées pour tous ses employés, mais qu’il n’aurait pas été en mesure d’effectuer les correctifs qui s’imposaient à l’égard de ses employés les plus vulnérables tout en ayant une gestion responsable des finances publiques. Placés face à ce choix, le gouvernement et le législateur ont opté pour le redressement salarial auquel les travailleurs les plus vulnérables étaient en droit de s’attendre, en accord avec les principes de justice, d’équité et d’égalité qui caractérisent la société québécoise.
- 564. Le gouvernement estime que la loi 43 est venue, de façon exceptionnelle et ponctuelle, assurer la stabilité nécessaire des finances publiques. Le gouvernement et le législateur ont veillé à ce que la mesure législative mise en place se limite à l’indispensable, qu’elle n’excède pas une période raisonnable et qu’elle soit accompagnée des garanties appropriées pour protéger le niveau de vie des travailleurs: les échelles de progression salariales sont maintenues, la sécurité d’emploi aussi, et les travailleurs bénéficient de redressements salariaux en vertu de la loi sur l’équité salariale. Le gouvernement du Québec soutient avoir démontré qu’il respecte les instruments de l’OIT concernant la liberté syndicale auxquels il a souscrit. Il demande par ailleurs au Comité de la liberté syndicale de s’abstenir de faire des recommandations à l’égard de la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et de la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981. Le gouvernement du Québec prie le Comité de la liberté syndicale et le Conseil d’administration du BIT de conclure à la conformité de la loi 43 aux normes internationales du travail, et de considérer que les plaintes réunies sous le no 2467 n’appellent pas un examen plus approfondi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 565. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a adopté une loi, la loi 43, imposant les conditions de travail aux travailleurs de la fonction publique du Québec, violant leur droit fondamental à la négociation collective, sans négociations ni consultations préalables, leur enlevant le droit de grève sans leur accorder une procédure de rechange pour le règlement des différends, comme la médiation, la conciliation ou l’arbitrage. L’Association des substituts du Procureur général du Québec (ASPGQ) indique par ailleurs que la loi sur les substituts (telle que modifiée par la loi modifiant la loi sur les substituts) leur nie le droit de s’affilier à une organisation syndicale et les prive de protection contre les entraves, les représailles ou sanctions reliées à l’exercice des droits syndicaux.
- Loi 43
- 566. Concernant la loi 43, le comité note les plaintes souvent très détaillées soumises par les organisations plaignantes qui soulèvent plusieurs questions concernant: 1) certaines irrégularités dans la procédure d’adoption de cette loi; 2) la reconduction de conventions collectives; 3) l’imposition de conditions de travail; 4) la violation de l’obligation de négocier de bonne foi; 5) la violation du droit de grève; 6) la présence de sanctions disproportionnées en cas de non-respect des dispositions interdisant le recours à la grève ou à des moyens de pression.
- 567. Le comité note par ailleurs la réponse détaillée du gouvernement par laquelle il souligne que la loi 43 représente la solution jugée nécessaire par le législateur pour réaliser les objectifs d’intérêt public, à savoir mettre un terme au climat d’incertitude quant à la capacité du gouvernement d’assurer une planification budgétaire responsable et d’assurer la continuité des services publics, et ce, de manière compatible avec l’état des finances publiques. Le gouvernement soutient avoir agi en respectant les principes de la liberté syndicale établis par l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le comité note que le gouvernement insiste sur certains faits: 1) les conditions de travail des travailleurs de l’Etat sont supérieures à celles du secteur privé; 2) les conventions collectives renouvelées avaient été négociées librement; 3) la conjoncture économique était précaire et ne permettait pas de répondre aux demandes salariales des syndicats; 4) de nombreuses rencontres ont eu lieu en vue du renouvellement des conventions collectives; 5) les grèves légales exercées par les travailleurs ont causé d’importantes perturbations et les positions des parties étaient irréconciliables; 6) des consultations ont eu lieu avant l’adoption de la loi 43; 7) les conventions collectives prolongées ont été assorties d’augmentations salariales en conformité avec le maintien du niveau de vie des travailleurs; 8) la prolongation est d’une durée raisonnable. Le comité note les arguments d’ordre économique du gouvernement et note son observation quant à la cote de crédit du Québec qui aurait augmenté depuis l’adoption de la loi 43.
- 568. Concernant la procédure suivie pour l’adoption de la loi 43, le comité note avec préoccupation la description des circonstances d’adoption exposée par les organisations plaignantes. La loi 43 aurait été adoptée dans le cadre de délibérations non démocratiques, sans commission parlementaire ni de consultations publiques, de manière précipitée, en session spéciale de l’Assemblée nationale, et sans urgence apparente. Certains amendements auraient même été ajoutés après que la loi a été sanctionnée. Le comité note toutefois des divergences entre les versions des faits transmises par les organisations plaignantes et par le gouvernement, ce dernier alléguant que de nombreuses consultations auraient eu lieu avant l’adoption de la loi. Le comité ne peut se prononcer sur les particularités de l’adoption de la loi 43 et sur sa conformité avec la procédure interne habituelle, mais il reste préoccupé par les allégations relatives à la précipitation et à l’absence de consultations qui auraient précédé l’adoption de la loi 43, et rappelle que les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 999.]
- 569. Par ailleurs, les dispositions de la loi 43 seraient inopérantes car adoptées en contravention de l’article 133 de la loi constitutionnelle de 1867 du Canada, qui exige que les lois de la législature du Québec soient imprimées et publiées en français et en anglais. S’agissant des arguments d’ordre constitutionnel, le comité estime qu’il n’est pas compétent pour formuler une opinion sur la compatibilité de cette législation avec la loi constitutionnelle canadienne, question qui est du ressort des tribunaux nationaux. Pour ces raisons, le comité ne se prononcera pas non plus sur la requête du SPGQ de prononcer l’inconstitutionnalité de la loi 43.
- 570. Le comité note que la loi 43 a pour effet la reconduction unilatérale d’accords collectifs venus ou venant à échéance, alors que les parties étaient parfois encore en pleines négociations. Le comité souligne tout d’abord l’importance fondamentale qu’il attache au droit de négociation collective. Le comité rappelle, de manière générale, que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 881.] Par ailleurs, le comité a eu l’occasion de se prononcer de manière particulière sur la prorogation des conventions collectives et est d’avis qu’une telle mesure comportant une intervention dans le processus de négociation collective ne devrait être prise que dans des cas d’urgence et pour des périodes brèves. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1023.] Selon le gouvernement, l’urgence était due aux positions irréconciliables des parties, à la situation de grèves et à l’impossibilité, face aux circonstances économiques, qu’avait le gouvernement de changer son offre relative aux salaires. Selon les informations soumises par les organisations plaignantes, il n’y avait pas de situation d’urgence et certaines parties étaient toujours en pleines négociations. Selon la FIIQ même, rien ne laissait présager que le climat à la table de négociation se détériorait laissant entrevoir des conflits de travail potentiels. Le comité note en particulier que, selon les informations des organisations plaignantes, les conventions collectives de certaines organisations, telles l’ASPGQ ou l’AJE, n’étaient pas encore venues à échéance et que les négociations pour leur renouvellement venaient de commencer. Concernant les recours à la grève, la CSN, par exemple, n’y a fait recours qu’en automne 2005, soit quelques mois avant l’adoption de la loi 43. Par ailleurs, il n’est pas disputé que toutes les grèves entreprises par les organisations plaignantes étaient légales.
- 571. Le comité rappelle que, si certains des travailleurs visés par les plaintes sont des employés commis à l’administration de l’Etat qui peuvent faire l’objet de restrictions quant au droit de négociation, tel n’est pas le cas des enseignants ou du personnel des services de santé. Le comité note que, dans le contexte québécois, le droit de négociation collective est prévu pour toutes les catégories de travailleurs. Le comité rappelle que, dans la mesure où les revenus des entreprises et organismes publics dépendent des budgets de l’Etat, il n’y aurait pas d’incompatibilité avec les principes de la convention no 98, et que – après discussions et consultations approfondies entre les employeurs et les organisations syndicales concernées, dans le cadre d’un système qui recueille la confiance des parties – soient fixés des plafonds de salaire dans les lois visant le budget de l’Etat, ni à ce que le ministère de l’Economie et des Finances prépare un rapport préalable à la négociation collective afin que soient respectés ces plafonds. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1036.] Cependant, le comité est d’avis qu’il est primordial que les travailleurs et leurs organisations aient la possibilité de participer pleinement et de manière significative à la détermination de ce cadre plus large de négociation. Cela impliquerait qu’ils aient accès à toute information financière, budgétaire ou autre leur permettant d’apprécier la situation en toute connaissance de cause.
- 572. Le comité note les allégations selon lesquelles la reconduction des conventions collectives jusqu’en 2010 constitue une durée excessive, cela surtout au regard du Code du travail qui limite la durée d’une convention collective à trois ans. Le comité rappelle que la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite [voir Recueil, op. cit., paragr. 1047] et, en particulier, qu’une période de trois ans de limitation de la négociation collective en matière de rémunérations dans le cadre d’une politique de stabilisation économique constitue une restriction considérable, et la législation qui l’impose devrait cesser de produire ses effets au plus tard aux dates mentionnées dans la loi ou même avant en cas d’amélioration de la situation financière et économique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1025.] Le comité a par ailleurs considéré excessive une durée de restriction à la négociation collective de trois ans et neuf mois. [Voir 330e rapport, cas no 2166, paragr. 293.] Le comité considère que, compte tenu du fait que la reconduction a été imposée de manière unilatérale par voix législative, l’effet de la loi 43 sur la durée de certaines conventions collectives est déraisonnable et que les conditions requises par le comité pour qu’une reconduction soit acceptable ne sont pas remplies.
- 573. Le comité note que des conventions collectives en vigueur ont été modifiées par la loi 43: c’est notamment le cas de l’entente négociée par l’ASPGQ qui devait venir à échéance en mars 2007 et qui a été modifiée et renouvelée par la loi 43 en décembre 2005. Le comité souligne qu’une disposition légale qui autorise l’employeur à modifier unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou contraint les parties à la renégocier, est contraire aux principes de la négociation collective. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 942.]
- 574. Par ailleurs, des conditions de travail ont été imposées par la loi 43, notamment en ce qui concerne les salaires, ou peuvent être imposées. Le comité est d’avis que si, au nom d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1024.] Le comité s’est prononcé sur la durée raisonnable plus haut. En ce qui concerne les garanties en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs, le comité note encore la divergence entre les allégations des organisations plaignantes et la réponse du gouvernement: les organisations plaignantes estiment qu’aucune mesure n’a été prise pour protéger le niveau de vie des salariés qui subiront une perte de pouvoir d’achat par l’effet de la loi 43 dans la mesure où le pourcentage d’augmentation salariale de 2 pour cent, imposé pour chacune des années 2006, 2007, 2008 et 2009, est inférieur aux prévisions d’augmentation du coût de la vie et implique un gel salarial pour les années 2004 et 2005. Le gouvernement allègue par contre que c’est après étude qu’il a conclu aux augmentations de salaires et que le niveau de vie des salariés est protégé. Le comité prie le gouvernement de revoir la restriction sur l’augmentation salariale avec les partenaires sociaux, si possible en demandant une étude par une personne indépendante ayant la confiance de toutes les parties.
- 575. La loi 43 tient compte de certains accords conclus avant son adoption. Cependant, le comité note que, selon les allégations, certains accords ont été conclus in extremis, sous la menace de l’adoption d’un texte de loi imposant des conditions de travail inférieures. Ces accords auraient été conclus entre le gouvernement et les représentants de la FNEEQ, de la FEESP, de la FP, de la CSD et du SPEQ, qui ont signé des ententes les 13 et 14 décembre suite aux déclarations du gouvernement du Québec quant à l’adoption imminente de la loi 43. Le comité note également que l’APEQ aurait été contrainte d’accepter l’offre patronale relative aux aspects normatifs après avoir été informée, vers 16 h 30 le 14 décembre, par le gouvernement que les parties n’avaient plus que quatre-vingt-dix minutes pour parvenir à une entente, à défaut de quoi une loi spéciale édicterait les conditions de travail des membres de l’APEQ. Les parties ont conclu l’entente à 8 h 15, le 15 décembre 2005. Le comité s’inquiète cependant de la manière dont ces accords ont été conclus et il estime que la négociation collective doit, pour conserver son efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet d’altérer ce caractère. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 926.] Le comité estime que les accords conclus de manière précipitée, sous des menaces de l’adoption d’une loi offrant des garanties moindres et sans connaissance de sa teneur exacte ne possèdent pas un caractère volontaire, et ne respectent pas l’obligation de négocier de bonne foi.
- 576. Le comité tient à rappeler ici l’obligation fondamentale de négocier de bonne foi. Le comité note que les parties syndicales et gouvernementales semblent avoir campé sur leurs positions à l’égard des dispositions sur le traitement salarial et rappelle qu’employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord, et que des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque [voir Recueil, op. cit., paragr. 936] et que la question de savoir si une partie a adopté une attitude raisonnable ou intransigeante vis-à-vis de l’autre relève de la négociation entre les parties, mais les employeurs et les syndicats doivent négocier de bonne foi et n’épargner aucun effort pour aboutir à un accord. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 938.] Le comité prie le gouvernement, qui agit aussi dans ce cas comme employeur, de s’assurer que ces principes sont respectés à l’avenir.
- 577. En ce qui concerne le droit de grève, le comité note que, en vertu de la règle en droit du travail québécois interdisant la grève pendant la durée de la convention collective, la loi 43, en mettant fin unilatéralement à la négociation et en imposant des conventions collectives pour une durée déterminée, enlève par le fait même le droit de grève aux salariés pour cette même période. Le comité rappelle l’importance fondamentale qu’il attache au droit des travailleurs de recourir à la grève et qu’il a toujours soutenu que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.]
- 578. Le comité souligne cependant que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.] Le comité note les commentaires du gouvernement selon lesquels les grèves auraient causé d’importantes perturbations tant pour le gouvernement que pour la population du Québec. Le comité souligne que, lorsque dans un secteur important de l’économie un arrêt total et prolongé du travail peut provoquer une situation telle que la vie, la santé ou la sécurité de la population peuvent être mises en danger, il semble légitime qu’un ordre de reprise du travail soit applicable à une catégorie de personnel déterminée en cas de grève dont l’étendue et la durée pourraient provoquer une telle situation. Par contre, exiger la reprise du travail en dehors de tels cas est contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 634.] En outre, le comité souligne que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d’action pendant les différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 595.] Or, selon les informations à la disposition du comité, aucune compensation sous forme de conciliation ou d’arbitrage n’a malheureusement été accordée et la loi 43 impose, à l’égard des salaires et certaines autres conditions de travail, essentiellement la seule offre des employeurs.
- 579. Les organisations plaignantes allèguent la sévérité et la disproportion des sanctions en cas de violations des dispositions interdisant le recours à la grève ou à des moyens de pression. La loi prévoit notamment que les retenues à la source des cotisations syndicales pourront être arrêtées sur simple constatation par l’employeur d’une contravention, et ce, pour une période de douze semaines par jour ou partie de jour de contravention (art. 30). Selon le comité, la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475.] En cas de contravention à l’interdiction de recours à la grève, les salariés subissent une réduction de traitement égale au montant qu’ils auraient reçu pour toute période de contravention, en plus de la non-rémunération pendant ladite période de contravention. En outre, tout salarié qui est en libération syndicale pendant une période où son association de salariés contrevient à ses obligations subit également une cessation de traitement pour le temps durant lequel il est en libération syndicale, pour une durée de douze semaines par jour ou partie de jour de contravention. Le comité est d’avis que les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 654], mais que, lorsque les déductions de salaire ont été supérieures aux montants correspondant à la durée de la grève, le comité a rappelé que le fait d’imposer des sanctions pour faits de grève n’est pas de nature à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 655.] Par ailleurs, l’article 38 facilite considérablement l’exercice d’un recours collectif contre une association de salariés en cas de contravention à la loi en réduisant les conditions requises par le Code de procédure civile pour son exercice. Selon le comité, il n’y a pas lieu de traiter ce type de recours collectif différemment des autres et il ne voit aucune justification à cette différence de traitement. Finalement, de sévères sanctions pénales peuvent être imposées en cas de contravention allant jusqu’à la somme considérable de 35 000 dollars par jour de contravention pour les personnes physiques et de 125 000 dollars par jour de contravention pour les associations. Le comité est d’avis que les sanctions prévues à la loi 43 sont excessives et ne sont pas propres à développer des relations harmonieuses entre les parties ni à encourager le déroulement de négociations fructueuses. Il prie donc le gouvernement de revoir les sanctions prévues à la loi 43 afin d’assurer qu’elles ne s’appliqueront que dans des cas où le droit de grève peut être limité conformément aux principes de la liberté d’association et qu’elles sont proportionnelles à la violation commise.
- 580. Le comité rappelle ses conclusions dans un autre cas canadien concernant des interventions législatives dans le secteur public et parapublic [voir 330e rapport, cas no 2166, paragr. 294], et il conclut ici aussi que la loi 43 viole les principes de la liberté syndicale dans la mesure où elle ne respecte pas l’autonomie de négociation des parties et a imposé par voie législative des conditions de travail, sans que les travailleurs aient pu soumettre le différend à un arbitrage impartial et indépendant, librement et mutuellement choisi. Le comité prie instamment le gouvernement d’amender la loi 43 afin d’assurer sa conformité avec les principes contenus dans les conventions nos 87 et 98 et d’éviter à l’avenir le recours à de telles interventions législatives, sans consultations franches et approfondies avec les parties impliquées, et espère fermement que les prochaines négociations se dérouleront en conformité avec les principes mentionnés ci-dessus. Le comité recommande à cet effet que le gouvernement adopte entre-temps une approche souple, au cas où les parties seraient prêtes à apporter des modifications à l’«accord présumé», qui constitue en fait une solution imposée législativement. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 581. Finalement, le comité prie le gouvernement d’établir une procédure de négociation ayant la confiance des parties intéressées et leur permettant de régler leurs différends, notamment en ayant recours à la conciliation ou la médiation, puis en faisant volontairement appel à un arbitre indépendant pour résoudre leurs différends, les décisions arbitrales devant être obligatoires pour les deux parties et être exécutées complètement et rapidement.
- Allégations de l’ASPGQ
- 582. Le comité note, selon les allégations de l’ASPGQ: 1) que le régime législatif applicable aux substituts leur interdit de conclure une entente de services avec une organisation syndicale ou de s’affilier à une telle organisation; 2) que les substituts sont toujours privés de toute protection contre l’ingérence, l’entrave, les représailles ou toute sanction reliée à l’exercice du droit d’association; et 3) la décision du gouvernement de retirer le droit prioritaire d’utilisation d’une salle aux substituts.
- 583. Malgré l’absence de commentaires du gouvernement relatifs à ces questions, le comité estime que, à la lecture de la loi, les substituts ou l’ASPGQ n’ont pas le droit de s’affilier à l’organisation de leur choix. Considérant que cela contrevient aux articles 2 et 5 de la convention no 87, le comité rappelle que le principe énoncé à l’article 2 de la convention no 87, selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier, implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et les confédérations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 710.] Le comité prie le gouvernement d’assurer que les substituts et l’ASPGQ ont le droit de s’affilier à l’organisation de leur choix et de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- 584. Quant au deuxième élément de cette plainte, le comité souligne que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats [voir Recueil, op. cit., paragr. 769], et qu’il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 813.] Le comité prie donc le gouvernement d’assurer que les substituts bénéficient d’une protection législative contre tout acte de discrimination antisyndicale et de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- 585. En ce qui a trait à l’allégation de l’ASPGQ que le gouvernement lui a retiré le droit prioritaire, constaté par accord, d’utilisation d’une salle située au Palais de justice pour les fins de ses activités et a déplacé l’ensemble des objets qui étaient dans ce local, sans son consentement, le comité rappelle tout d’abord que les accords doivent être obligatoires pour les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 939.] Le comité prie le gouvernement de respecter les accords volontairement négociés et de cesser toute action contraire à ceux-ci sans avoir entamé des négociations préalables avec les parties concernées. Le comité prie le gouvernement de revoir cette question avec l’ASPGQ et de le tenir informé à cet égard.
- 586. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas, en particulier en ce qui concerne les différentes allégations de l’ASPGQ.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 587. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie instamment le gouvernement d’amender la loi 43 afin qu’elle soit conforme aux conventions nos 87 et 98. Le comité prie instamment le gouvernement d’éviter à l’avenir le recours à des interventions législatives imposant des conditions de travail, sans qu’il n’y ait eu de consultations franches et approfondies avec les parties impliquées, et de considérer soumettre, en cas de dispute, le différend à un arbitrage impartial et indépendant. Le comité espère fermement que les prochaines négociations se dérouleront en conformité avec les principes mentionnés ci-dessus. Entre-temps, le comité recommande que le gouvernement adopte une approche souple, au cas où les parties seraient prêtes à apporter des modifications à l’«accord présumé», qui constitue en fait une solution imposée législativement. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- b) Vu les restrictions à la négociation relative aux salaires et leur longue durée, le comité prie le gouvernement de revoir ces restrictions avec les partenaires sociaux, si possible en demandant une étude par une personne indépendante ayant la confiance de toutes les parties.
- c) Considérant que les sanctions prévues à la loi 43 sont excessives, le comité prie le gouvernement de les revoir afin d’assurer qu’elles ne s’appliqueront que dans des cas où le droit de grève peut être limité conformément aux principes de la liberté d’association et qu’elles sont proportionnelles à la violation commise. A cet égard, le comité est d’avis qu’il n’y a pas lieu de traiter des recours collectifs contre une association de salariés différemment que d’autres recours collectifs du Code de procédure civile.
- d) Le comité prie le gouvernement d’établir une procédure de négociation ayant la confiance des parties intéressées et leur permettant de régler leurs différends, notamment en ayant recours à la conciliation ou la médiation, puis en faisant volontairement appel à un arbitre indépendant pour résoudre leurs différends, les décisions arbitrales devant être obligatoires pour les deux parties et être exécutées complètement et rapidement.
- e) En ce qui concerne les substituts du Procureur général du Québec, le comité prie le gouvernement d’assurer que les substituts et l’ASPGQ ont le droit de s’affilier à l’organisation de leur choix et qu’ils bénéficient d’une protection législative contre tout acte de discrimination antisyndicale et de le tenir informé à cet égard. Le comité prie le gouvernement de respecter les accords volontairement négociés et de cesser toute action contraire à ceux-ci sans avoir entamé des négociations préalables avec les parties concernées. Le comité prie le gouvernement de revoir cette question avec l’ASPGQ et de le tenir informé à cet égard.
- f) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas, en particulier en ce qui concerne les différentes allégations de l’ASPGQ.
Annexe
Annexe- Extraits du projet de loi no 142
- Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public
- Le parlement du Québec décrète ce qui suit:
- Section I
- Objet et application
- 1. La présente loi a pour objet d’assurer la continuité des services publics et de pourvoir aux conditions de travail des salariés des organismes du secteur public dans le cadre des limites qu’impose la situation des finances publiques.
- …
- Section II
- Conditions de travail
- §1. – Dispositions générales
- 5. La dernière convention collective entre un organisme du secteur public et une association de salariés représentant des salariés à son emploi qui, le 16 décembre 2005, est expirée, est renouvelée et, compte tenu des adaptations nécessaires, lie les parties jusqu’au 31 mars 2010.
- Toute convention collective entre un organisme du secteur public et une association de salariés représentant des salariés à son emploi qui expire le 31 décembre 2005 est renouvelée, à compter du 1er janvier 2006 et, compte tenu des adaptations nécessaires, lie les parties jusqu’au 31 mars 2010.
- 6. L’entente sur les conditions de travail des substituts du procureur général conclue en application de l’article 12 de la Loi sur les substituts du procureur général (L.R.Q., chapitre S-35) est modifiée pour donner effet jusqu’au 31 mars 2007 aux dispositions des paragraphes 11 à 14 de l’annexe 1.
- Cette entente est renouvelée à compter du 1er avril 2007 et, compte tenu des adaptations nécessaires, lie les parties jusqu’au 31 mars 2010.
- 7. Est renouvelée et, compte tenu des adaptations nécessaires, lie les parties jusqu’au 31 mars 2010, la dernière entente entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et:
- 1° l’association de salariés représentant des résidents, conclue en application de l’article 19.1 de la Loi sur l’assurance maladie (L.R.Q., chapitre A-29);
- 2° l’organisme représentatif des pharmaciens œuvrant auprès des établissements ou l’organisme représentatif des biochimistes cliniques, conclue en application de l’article 432 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., chapitre S-4.2);
- 3° l’organisme représentatif des sages-femmes conclue en application de l’article 432.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
- 8. Les ententes visées par les articles 6 et 7 sont assimilées à des conventions collectives et les personnes qu’elles visent, à des salariés, pour l’application de l’article 9, de la section IV et de l’article 46. Il en est de même pour l’application du deuxième alinéa de l’article 10 à l’égard de l’entente visée à l’article 6.
- 9. Les conditions de travail prévues par une convention collective renouvelée par les articles 5 à 7 sont modifiées pour donner effet aux dispositions de l’annexe 1.
- Il en est de même des conditions de travail des physiciens médicaux prévues au Règlement sur les conditions de travail des physiciens médicaux exerçant pour les établissements exploitant un centre hospitalier, édicté par l’arrêté ministériel no 2003-002 du 10 février 2003 (2003, G.O. 2, 1154).
- …
- Section IV
- Obligations relatives à la continuité des services
- §1. – Prestation des services habituels
- 22. Un salarié doit, à compter de 00 h 01 le 16 décembre 2005, se présenter au travail, conformément à son horaire habituel et aux autres conditions de travail qui lui sont applicables.
- Le premier alinéa ne s’applique pas au salarié qui ne se présente pas au travail en raison du fait qu’il a remis sa démission, si celle-ci n’est pas partie à une action concertée, ou en raison de son congédiement, de sa suspension ou de l’exercice de son droit de retraite.
- 23. Un salarié doit, à compter de 00 h 01 le 16 décembre 2005, accomplir tous les devoirs attachés à ses fonctions, conformément aux conditions de travail qui lui sont applicables, sans arrêt, ralentissement, diminution ou altération de ses activités normales.
- 24. Un organisme du secteur public, ses dirigeants et ses représentants doivent, à compter de 00 h 01 le 16 décembre 2005, prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés les services habituels.
- 25. Il est interdit à une association de salariés de déclarer une grève, de poursuivre une grève ou de participer à une action concertée, si cette grève ou cette action concertée implique une contravention par des salariés à l’article 22 ou à l’article 23.
- De même, le lock-out est interdit à un organisme du secteur public s’il implique une telle contravention.
- …
- §2. – Mesures administratives en cas d’inexécution des obligations
- 30. Dès qu’un organisme du secteur public constate que ses salariés ne se conforment pas à l’article 22 ou à l’article 23 en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services habituels, il doit cesser de retenir toute cotisation syndicale ou tout montant en tenant lieu sur le salaire de chacun des salariés que représente une association de salariés.
- Cette cessation vaut pour une période égale à douze semaines par jour ou partie de jour pendant lequel l’organisme du secteur public constate que les salariés ne se conforment pas à l’article 22 ou à l’article 23 en nombre suffisant pour assurer que soient dispensés ses services habituels.
- 31. Malgré toute stipulation d’une convention collective ou d’une entente, le salarié représenté par une association visée par l’article 30 n’est pas tenu de payer une cotisation, contribution ou autre somme d’argent en tenant lieu, à cette association ou à un tiers à l’acquit de celle-ci, pour la période de suspension de retenues résultant de l’application de l’article 30.
- 32. Un salarié qui contrevient à l’article 22 ou à l’article 23 ne peut être rémunéré pour la période de contravention.
- De plus, si la contravention résulte d’une absence ou d’un arrêt de travail, le traitement à lui être versé suivant la convention collective applicable pour le travail effectué après cette absence ou cet arrêt est réduit d’un montant égal au traitement qu’il aurait reçu pour chaque période d’absence ou d’arrêt.
- …
- 38. Toute personne qui subit un préjudice en raison d’un acte posé en contravention de l’article 22 ou de l’article 23 peut s’adresser au tribunal compétent pour obtenir réparation.
- Malgré l’article 1003 du Code de procédure civile (L.R.Q., chapitre C-25), lorsqu’une personne exerce le recours collectif prévu au livre IX du Code de procédure civile par une requête présentée conformément au deuxième alinéa de l’article 1002 de ce code, le tribunal autorise l’exercice du recours collectif s’il est d’avis que la personne à laquelle il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit dans la requête.
- §4. – Poursuites pénales
- 39. Quiconque contrevient à une disposition des articles 22, 23, 24, 27, 28 ou 29 commet une infraction et est passible, pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure la contravention, d’une amende:
- 1° de 100 $ à 500 $ s’il s’agit d’un salarié ou d’une personne physique non visée au paragraphe 2°;
- 2° de 7 000 $ à 35 000 $ s’il s’agit d’un dirigeant, employé ou représentant d’une association ou d’un groupement ou s’il s’agit d’un dirigeant ou représentant d’un organisme;
- 3° de 25 000 $ à 125 000 $ s’il s’agit d’une association, d’un groupement ou d’un organisme.
- 40. Une association de salariés qui contrevient à une disposition du premier alinéa de l’article 25 commet une infraction et est passible, pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure la contravention, de l’amende prévue par le paragraphe 3° de l’article 39. Il en est de même d’un organisme du secteur public s’il ne se conforme pas au deuxième alinéa de l’article 25.