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- 999. La plainte figure dans des communications du Syndicat général maritime de Madagascar (SygmMa) datées des 13 et 18 octobre 2004.
- 1000. Le gouvernement a transmis sa réponse dans une communication datée du 27 mai 2005.
- 1001. Madagascar a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Elle n’a pas ratifié la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1002. Dans ses communications des 13 et 18 octobre 2004, M. Lucien Razafindraibe, secrétaire général du Syndicat général maritime de Madagascar (SygmMa), déclare que cette organisation représente les marins de la société des Services maritimes de l’océan Indien (SMOI). M. Razafindraibe et le secrétaire général adjoint du SygmMa, M. Hanitriniony, ont été victimes de discrimination antisyndicale depuis janvier 2003, suite à des demandes salariales qui avaient abouti à la conclusion d’une convention collective.
- 1003. Tous deux étaient au service de la SMOI comme officier pont et officier machine depuis 1995; plus récemment, ils occupaient respectivement les postes de second capitaine et de second mécanicien sur le navire Elven, sous gérance de la SMOI. Suite à une revendication salariale du SygmMa ayant abouti en novembre 2002 à la signature d’une convention collective pour tous les navires de la Société de courtage, d’armement et de transport SOCATRA/SMOI (la SMOI assure le recrutement des équipages pour les navires de la SOCATRA), MM. Razafindraibe et Hanitriniony ont été placés sur une liste noire et n’ont plus trouvé d’embarquement, alors que la SMOI continuait à recruter dans le même temps de nouveaux officiers et membres d’équipage.
- 1004. Le SygmMa se plaint des agissements de la SMOI, en raison des fonctions et activités syndicales de MM. Razafindraibe et Hanitriniony, et réclame en leur nom le droit de réembarquer sur des navires de la SMOI, ainsi que le paiement de dommages-intérêts contre ce qui s’apparente à des licenciements abusifs, dont ils ont été victimes depuis janvier 2003 jusqu’à l’heure actuelle.
- 1005. L’organisation plaignante allègue par ailleurs que la SMOI s’est rendue coupable d’ingérence en mettant en place une association dite Collectivité des marins de la SMOI (ci-après, la «Collectivité») apparentée à une organisation syndicale, avec des conditions d’adhésion très proches de contraintes indirectes, constituant une violation des conventions sur la liberté syndicale. Le rôle principal de la Collectivité est de servir d’intermédiaire entre les marins et la SMOI en sa qualité d’armateur-recruteur. La Collectivité a été créée par la SMOI afin d’entraver l’action syndicale du SygmMa pour la protection des travailleurs et de leurs acquis en matière de négociation collective.
- 1006. Le siège de la Collectivité se trouve aussi être le siège de la SMOI. Elle a pour président d’honneur un employé d’une filiale de la SMOI, la Société de cabotage de Madagascar (SOCAMAD), et pour secrétaire le formateur de la SMOI. Ces seuls éléments établissent largement l’implication de cette dernière dans la mise en place de la Collectivité, association dont la vocation est en réalité la protection des intérêts de l’employeur. Le SygmMa demande au comité de formuler les recommandations nécessaires pour mettre un terme aux manœuvres antisyndicales de la SMOI, les marins étant contraints d’adhérer à la Collectivité de peur d’être licenciés.
- 1007. L’organisation plaignante fait également valoir que la SMOI et la SOCAMAD font signer des contrats individuels d’engagement maritime disposant que la grève est considérée comme une faute lourde, passible de poursuites judiciaires et pouvant entraîner le débarquement du marin. Le SygmMa joint à sa plainte un exemplaire de contrat individuel indiquant les conditions de travail et de rémunération, y compris à l’article 9 la mention suivante: «La SOCAMAD ne tolérera pas que le marin … incite l’équipage à la grève… Si ces faits se produisent, le marin sera débarqué immédiatement, sans préjudice des poursuites qui seront faites contre lui.» L’article 10 précise: «Les parties déclarent avoir pris connaissance des conditions générales d’engagement du personnel embarqué à bord des navires de la SOCAMAD, conditions approuvées et visées par les autorités maritimes Malagasy.»
- 1008. Le SygmMa souligne que, les marins étant régis par le Code maritime à Madagascar, les dispositions fondamentales des instruments de l’OIT n’y figurent pas, ce qui constitue la porte ouverte aux abus de ce genre, qui sont d’ailleurs cautionnés par l’administration maritime, dont le visa fait foi lors de la signature des contrats d’engagement des marins.
- 1009. L’organisation plaignante demande au comité de formuler les recommandations nécessaires pour inciter le gouvernement, et plus particulièrement l’administration maritime, à faire preuve d’une plus grande responsabilité dans l’application effective des conventions nos 87 et 98 à tous les travailleurs malgaches sans exception.
- B. Réponse du gouvernement
- 1010. Dans sa communication du 27 mai 2005, le gouvernement déclare que si le droit de grève est une des libertés constitutionnelles, en matière maritime son exercice varie selon que le personnel se trouve à bord ou à terre. Dans ce dernier cas, la loi no 99-028 du 3 février 2000 portant refonte du Code maritime prévoit en son article 3.12.10 le droit de grève dès lors que les voies de recours et de conciliation des parties (armateurs et marins) sont épuisées.
- 1011. En ce qui concerne la situation à bord, la Convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, ratifiée par Madagascar en 1976, prescrit les règles de sécurité maritime applicables, en mettant l’accent sur le navire, les marchandises et l’équipage. Les articles 7.4. 23), 24) et 25) prévoient des sanctions disciplinaires et pénales pour permettre au capitaine du navire d’exercer adéquatement ses responsabilités pour assurer la sécurité en mer. La grève est un droit légitime, mais son exercice à bord n’est pas permis car elle met en danger la sécurité des passagers, de l’équipage, du navire et des marchandises. Aussi, en considérant la grève comme une faute lourde, le contrat individuel d’engagement maritime établi par la SMOI ne fait que respecter les dispositions réglementaires internationales précitées.
- 1012. Le gouvernement ajoute que le Code maritime est un ensemble de dispositions techniques régissant tous les aspects du secteur maritime. Le Code maritime est un droit particulier. Par conséquent, les règles de droit commun prévues par le Code du travail ou les conventions internationales de l’OIT ratifiées par Madagascar s’appliquent d’office, sans avoir à être reprises dans le Code maritime. Ainsi, la liberté syndicale prévue par le Code du travail s’applique aux travailleurs en général et aux marins en particulier.
- 1013. Le gouvernement déclare par ailleurs que l’appréciation de la mise en place d’une collectivité de marins SMOI, laquelle s’apparenterait à un syndicat, appartient au Comité de la liberté syndicale de l’OIT.
- 1014. Quant à l’embarquement SMOI, le contrat d’engagement maritime prend fin au débarquement du marin (art. 3.7.01 de la loi no 99-028 du 3 février 2000 portant Code maritime) ou à l’arrivée du terme du contrat (art. 3.7.02 du même code). Le réembarquement des marins relève des prérogatives de l’armateur, soit la SMOI en l’occurrence.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1015. La présente plainte concerne des allégations relatives à la discrimination antisyndicale via l’inscription de dirigeants syndicaux sur une liste noire et la mise en place d’une association dominée par l’employeur, ainsi qu’aux dispositions contractuelles abusives concernant le droit de grève.
- Discrimination antisyndicale
- 1016. S’agissant des actes de discrimination antisyndicale, le comité note que MM. Razafindraibe et Hanitriniony, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint du Syndicat général maritime de Madagascar (SygmMa), étaient au service de la société des Services maritimes de l’océan Indien (SMOI) depuis 1995, et occupaient plus récemment les postes de second capitaine et de second mécanicien sur un navire géré par la SMOI. Ils allèguent que, suite à une revendication salariale du SygmMa ayant débouché en novembre 2002 sur la signature d’une convention collective pour tous les navires de la Société de courtage, d’armement et de transport (SOCATRA/SMOI), ils ont été placés sur une liste noire et n’ont pu trouver d’embarquement depuis janvier 2003, alors que la SMOI recrutait dans le même temps de nouveaux officiers et membres d’équipage.
- 1017. Le comité ne peut que constater la simultanéité entre la revendication menée par le SygmMa, ayant abouti à la signature d’une convention collective en novembre 2002, et le fait que MM. Razafindraibe et Hanitriniony n’ont plus reçu d’offre d’embarquement depuis janvier 2003, alors qu’ils étaient au service de la SMOI depuis huit ans, qu’ils donnaient apparemment satisfaction puisqu’ils occupaient dans les derniers temps des fonctions comportant des responsabilités accrues, et que la société en question continuait à recruter de nouveaux officiers et membres d’équipage. Le comité rappelle à cet égard que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de ses activités syndicales légitimes [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690] et que toute pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 711.]
- 1018. Le gouvernement se borne à répondre à cet égard que le réembarquement des marins relève des prérogatives de l’armateur, en l’occurrence la SMOI. De l’avis du comité, la responsabilité d’un gouvernement va au-delà de cette simple constatation, particulièrement dans ce genre de relation d’emploi où, à toutes fins pratiques, il n’existe pas de contrats à durée indéterminée mais plutôt une succession de contrats à durée déterminée en fonction des embarquements. Les travailleurs sont donc particulièrement vulnérables à la discrimination, y compris au moyen de listes noires, et les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 709.] Le comité est conforté dans cette décision par ses conclusions sur les autres aspects de la plainte, notamment en ce qui concerne la création d’une association dominée par l’employeur (voir ci-après).
- 1019. En conséquence, le comité demande au gouvernement: d’une part, de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les pratiques de discrimination et de listes noires de la SMOI, notamment envers MM. Razafindraibe et Hanitriniony depuis janvier 2003, et de lui en communiquer les résultats dès qu’ils seront connus; d’autre part, de donner rapidement les instructions nécessaires aux services compétents pour que cesse immédiatement toute discrimination à l’embarquement contre ces dirigeants syndicaux, et contre tout autre membre ou dirigeant du SygmMa. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner suite à ses recommandations.
- Ingérence de l’employeur
- 1020. En ce qui concerne les actes d’ingérence de l’employeur, le comité note que la SMOI a mis en place une association dite Collectivité des marins de la SMOI (ci-après, la «Collectivité») apparentée à une organisation syndicale, dont le rôle principal est de servir d’intermédiaire entre les marins et la SMOI en sa qualité d’armateur-recruteur. Le comité note par ailleurs que le siège de la Collectivité se trouve au siège de la SMOI, que son président d’honneur est un employé d’une filiale de la SMOI, la Société de cabotage de Madagascar (SOCAMAD), et que son secrétaire est le formateur de la SMOI. Le comité note enfin que, d’après les allégations, les marins sont contraints d’adhérer à la Collectivité de peur d’être licenciés. Sur la base des informations factuelles disponibles, notamment le fait que des responsables de la SMOI jouent aussi un rôle important dans la Collectivité, et l’imbrication manifeste entre les deux structures (par exemple les locaux partagés), le comité conclut à une participation déterminante de l’employeur dans la création de la Collectivité et à l’influence qu’il exerce sur elle. Rappelant le principe fondamental du libre choix des organisations par les travailleurs [voir Recueil, op. cit., paragr. 274] et la nécessaire indépendance des organisations par rapport à l’employeur, le comité souligne l’article 2, paragraphe 2, de la convention no 98 qui dispose: «Sont notamment assimilées à des actes d’ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs.»
- 1021. Le gouvernement se limitant à répondre à ces allégations d’ingérence que l’appréciation de la mise en place d’une telle collectivité appartient au Comité de la liberté syndicale, le comité rappelle que l’article 3 de la même convention dispose que «Des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d’organisation défini par les articles précédents.» Le comité demande donc au gouvernement de s’assurer que les allégations d’ingérence de l’employeur dans le libre fonctionnement du SygmMa par le biais de la Collectivité soient dûment examinées par l’organisme national approprié, afin de veiller à ce que tout acte d’ingérence éventuellement constaté fasse l’objet de mesures correctrices. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner suite à ses recommandations.
- Dispositions relatives à la grève
- dans les contrats d’embarquement
- 1022. S’agissant des dispositions en matière d’incitation à la grève dans les contrats d’embarquement de la SMOI, le comité note que ces contrats disposent que l’incitation à la grève justifie «le débarquement immédiat» du marin, ce qui suppose qu’il est alors embarqué, voire en mer. Le gouvernement mentionne par ailleurs la Convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, et met l’accent sur la distinction entre l’exercice du droit de grève selon que le personnel se trouve à bord ou à terre. Le comité reconnaît que la sécurité des personnes et des biens lors de toutes les manœuvres de lamanage, d’amarrage, d’accostage et de déhalage, et a fortiori en mer, justifie des restrictions, voire une interdiction du droit de grève. Le comité rappelle toutefois que les transports en général ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.] Notant que, selon le gouvernement, le Code maritime permet le droit de grève dès lors que les voies de recours des parties (armateurs et marins) sont épuisées, le comité demande au gouvernement d’indiquer si ces dispositions autorisent les marins et les autres travailleurs du secteur maritime à exercer le droit de grève dès lors que la sécurité des personnes et des biens n’est pas en danger, par exemple lorsque le navire est à quai ou en escale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1023. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement: de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les pratiques de discrimination et de listes noires de la société des Services maritimes de l’océan Indien (SMOI), notamment envers MM. Razafindraibe et Hanitriniony depuis janvier 2003, et de lui en communiquer les résultats dès qu’ils seront connus; et de donner rapidement les instructions nécessaires aux services compétents pour que cesse immédiatement toute discrimination à l’embarquement contre ces dirigeants syndicaux, et contre tout autre membre ou dirigeant du SygmMa. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner suite à ses recommandations.
- b) Le comité demande au gouvernement de s’assurer que les allégations d’ingérence de la SMOI dans le libre fonctionnement du SygmMa par le biais de la Collectivité des marins de la SMOI soient dûment examinées par l’organisme national compétent, afin de veiller à ce que tout acte d’ingérence éventuellement constaté fasse l’objet de mesures correctrices. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner suite à ses recommandations.
- c) Le comité demande au gouvernement d’indiquer si les dispositions législatives applicables aux marins et aux autres travailleurs du secteur maritime leur permettent d’exercer leur droit de grève dès lors que la sécurité des personnes et des biens n’est pas en danger.