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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
- 19. Lors de son dernier examen du cas à sa réunion de mars 2008 [voir 349e rapport, paragr. 22-36], le comité avait rappelé la nécessité, pour le gouvernement, de diligenter sans délai une enquête sur les conditions entourant la garde à vue de M. Joseph Ze, secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles normales (SNUIPEN), le 16 avril 2004, compte tenu des allégations graves d’actes de torture et d’extorsion de fonds dont aurait été victime M. Ze durant sa détention. Le comité avait aussi invité le gouvernement ou l’organisation plaignante de le tenir informé de tout recours éventuel devant un tribunal compétent concernant la régularité de la convocation du deuxième congrès du SNUIPEN le 4 août 2004, ainsi que des jugements éventuellement prononcés sur cette affaire.
- 20. Dans une communication en date du 9 mai 2008, l’organisation plaignante se déclare étonnée par la déclaration du gouvernement sur sa position de neutralité concernant le conflit entre les deux factions opposées au sein du SNUIPEN, et notamment de son souhait de voir les deux factions se pourvoir devant la justice pour régler la question de la légitimité du congrès organisé le 4 août 2004. L’organisation plaignante indique qu’il ne lui appartient pas de contester en justice d’éventuelles résolutions issues du congrès présumé du 4 août 2004 de la faction dissidente dans la mesure où celles-ci ne lui ont jamais été notifiées. En outre, elle indique qu’il n’y a pas lieu d’une validation judiciaire du congrès national légitime qui s’est tenu le 28 septembre 2006. L’organisation plaignante rappelle par ailleurs que les différentes administrations ont été notifiées du changement intervenu dans la composition des membres du bureau du SNUIPEN à l’issue du congrès de septembre 2006. Elle rappelle aussi les nombreuses protestations officielles qu’elle a adressées aux autorités de l’Etat pour ingérence dans ses activités et regrette qu’aucune mesure correctrice n’ait été prise par le gouvernement pour donner suite aux recommandations du Comité de la liberté syndicale.
- 21. L’organisation plaignante rappelle en particulier les précédentes recommandations du comité relatives à la nécessité qu’une enquête du secrétariat d’Etat à la Défense soit diligentée sur les faits entourant l’interpellation et la garde à vue de M. Ze à partir du 16 avril 2004 sur la base d’une résolution de la faction dissidente du SNUIPEN. L’organisation plaignante indique qu’aucune enquête n’a jusqu’à présent été menée et ajoute que, sur la base des mêmes accusations et documents de la faction dissidente, M. Ze a été convoqué par la Division de la police judiciaire du Centre respectivement le 12 mars 2007 et le 17 mars 2008. Au cours de la dernière convocation, M. Ze s’est vu notifier sa garde à vue et son défèrement au parquet. Il a été libéré le 24 mars 2008 sans avoir été entendu. Pour l’organisation plaignante, ces faits illustrent le harcèlement judiciaire que continue de subir M. Ze.
- 22. Dans sa communication du 15 octobre 2008, l’organisation plaignante dénonce des ingérences dans ses activités et fait cas d’une conférence de presse organisée par le ministère de l’Education de base en compagnie de la faction dissidente du SNUIPEN suite au dépôt d’un préavis de grève par le secrétaire général de l’organisation, M. Ze. Au cours de cette conférence, le ministère a déclaré aux médias que la grève était sans objet dans la mesure où M. Ze n’avait pas la qualité de secrétaire général du SNUIPEN. L’organisation plaignante dénonce ce genre d’agissement contraire aux principes de l’OIT sur la conduite que doivent avoir les pouvoirs publics en cas de crise au sein d’un comité directeur d’un syndicat et pour ce qui concerne la déclaration d’illégalité d’une grève.
- 23. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que M. Jean-Pierre Ateba, au nom de la faction dissidente du SNUIPEN, a introduit un recours en annulation du congrès des 28 et 29 septembre 2006 mais a été débouté par le tribunal qui s’est déclaré incompétent.
- 24. Enfin, l’organisation dénonce le harcèlement antisyndical dont fait l’objet M. Ze, dont le salaire a été suspendu pour absence irrégulière de son poste de travail, ceci en violation des procédures disciplinaires en la matière. L’organisation plaignante précise que le ministère de l’Education de base a demandé la suspension du solde de M. Ze, son seul moyen de subsistance, par une simple correspondance du 23 juillet 2008 en violation des dispositions légales en vigueur et en dehors de toute vérification. Le salaire de M. Ze a été suspendu pour cause d’absence irrégulière de son poste de travail depuis le 15 mai 2007. Or, selon l’organisation plaignante, ce constat est erroné et contredit par un ordre de mission délivré à M. Ze par son supérieur hiérarchique le 17 septembre 2007. L’organisation plaignante rappelle les dispositions du Statut général de la fonction publique en vigueur concernant les autorisations d’absence en vue de l’accomplissement d’un mandat syndical. L’organisation plaignante a envoyé des informations additionnelles dans une communication en date du 2 mars 2009.
- 25. Dans une communication en date du 8 octobre 2008, le gouvernement indique ne pas être partie prenante des procédures judiciaires et donc ne pas être en mesure d’intervenir dans des affaires concernant des détournements de fonds. Par ailleurs, le gouvernement, réitérant son attachement au principe de non-ingérence dans les affaires internes des syndicats, déclare qu’en l’espèce ne soutenir aucune faction du SNUIPEN et attendre un verdict final des tribunaux compétents en la matière.
- 26. Dans des communications en date des 14 janvier et 4 mai 2009, le gouvernement indique que la suspension du salaire de M. Ze ne résulte pas de ses activités syndicales mais de ses absences non justifiées de son poste de travail, ceci en violation des textes en vigueur. Ceux-ci exigent notamment des fonctionnaires qu’ils demandent une décharge de service pour l’exercice d’un mandat syndical pour être considérés comme en position d’activité. Or, selon le gouvernement, M. Ze a omis de demander une telle décharge et a donc été sanctionné pour abandon de poste conformément à l’article 105 du Statut général de la fonction publique. Le gouvernement précise que M. Ze est suspendu de solde en raison d’un abandon de poste depuis le 14 février 2006 et non depuis le 15 mai 2007 comme allégué. Ce dernier est par ailleurs passible de sanction de révocation d’office au titre de l’article 121, alinéa 2, du décret no 20008/287 du 12 octobre 2000 modifiant et complétant le décret de 1994 portant statut général de la fonction publique.
- 27. Le comité prend note des informations communiquées par le SNUIPEN et des éléments de réponse du gouvernement. Le comité rappelle que le présent cas qu’il examine depuis 2005 concerne l’arrestation, la détention et l’interrogatoire du secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles normales (SNUIPEN), M. Joseph Ze, ainsi que l’ingérence des autorités dans un conflit interne à un syndicat.
- 28. S’agissant de ses dernières recommandations où il avait invité le gouvernement ou l’organisation plaignante à le tenir informé de tout recours introduit devant un tribunal compétent concernant la régularité de la convocation du congrès du SNUIPEN le 4 août 2004 contesté par l’organisation plaignante, ainsi que des jugements éventuellement prononcés sur cette affaire, le comité note l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle il ne lui appartient pas de contester en justice d’éventuelles résolutions issues de ce présumé congrès de la faction dissidente dans la mesure où celles-ci ne lui auraient jamais été notifiées. En outre, il n’y aurait pas lieu d’une validation judiciaire du congrès national légitime tenu le 28 septembre 2006. Le comité note l’indication selon laquelle la faction dissidente du SNUIPEN a introduit un recours en annulation du congrès de septembre 2006 mais a été déboutée par le tribunal qui s’est déclaré incompétent. Le comité note que le gouvernement réitère son attachement au principe de non-ingérence dans les affaires internes des syndicats, et déclare ne soutenir aucune faction du SNUIPEN et attendre un verdict final des tribunaux compétents en la matière. Cependant, le comité note que l’organisation plaignante se réfère à une situation où, suite au dépôt d’un préavis de grève, le ministère de l’Education de base aurait organisé une conférence de presse en compagnie de la faction dissidente du SNUIPEN pour déclarer que l’appel à la grève était sans objet dans la mesure où M. Ze n’avait pas la qualité de secrétaire général du SNUIPEN.
- 29. Le comité exprime sa préoccupation devant ce genre d’agissement qui, s’il est avéré, constituerait un parti pris manifeste du gouvernement en faveur d’une faction dans un conflit reconnu par tous comme non résolu au sein d’un syndicat. Une telle intervention du gouvernement est une violation de l’article 3 de la convention no 87 aux termes duquel il est lié par l’obligation de s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations professionnelles d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action. Le comité souligne avec fermeté à l’attention du gouvernement son obligation d’observer une attitude de totale neutralité dans les différends au sein du mouvement syndical.
- 30. Le comité rappelle que, dans des cas de conflits internes à une organisation syndicale, l’intervention de la justice permettrait de clarifier la situation du point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de l’organisation en cause. Un autre moyen de procéder à cette normalisation consisterait à désigner un médiateur indépendant, en accord avec les parties intéressées, en vue de chercher conjointement la solution des problèmes existants et, le cas échéant, de procéder à de nouvelles élections. Dans l’un et l’autre de ces cas, le gouvernement devrait reconnaître les dirigeants qui apparaîtraient comme les représentants légitimes de l’organisation. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1124.] Compte tenu de ce qui précède, le comité invite une nouvelle fois le gouvernement et l’organisation plaignante à le tenir informé de tout recours devant les juridictions compétentes qui permettrait de clarifier la situation en ce qui concerne la représentation légitime du SNUIPEN, ou de tout autre moyen engagé par les parties concernées pour régler le conflit.
- 31. S’agissant de ses recommandations relatives à la nécessité qu’une enquête du secrétariat d’Etat à la Défense soit diligentée sur les faits entourant l’interpellation et la garde à vue de M. Ze à partir du 16 avril 2004 sur la base d’une résolution de la faction dissidente du SNUIPEN, le comité regrette l’absence d’information de la part du gouvernement à cet égard. Il note en outre l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle aucune enquête n’a jusqu’à présent été menée. Par ailleurs, sur la base des mêmes accusations et documents de la faction dissidente, M. Ze aurait été convoqué par la Division de la police judiciaire du Centre respectivement le 12 mars 2007 et le 17 mars 2008 et, au cours de la dernière convocation, M. Ze s’est vu notifier sa garde à vue et son défèrement au parquet. Sa détention aurait pris fin le 24 mars 2008 sans qu’il n’ait été entendu.
- 32. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner effet à ses recommandations précédentes de diligenter une enquête sur les conditions de l’interpellation et de la garde à vue de M. Ze en avril 2004. Il rappelle que cette enquête est nécessaire compte tenu des allégations graves d’actes de torture et d’extorsion de fonds dont aurait été victime M. Ze durant sa détention, et une telle enquête permettrait non seulement de déterminer les faits et les responsabilités, de sanctionner les coupables, mais surtout de prévenir la répétition de tels actes. En outre, le comité demande au gouvernement de fournir sans délai ses observations concernant les allégations relatives aux interpellations de M. Ze par la police judiciaire du Centre en mars 2007 et mars 2008 et à sa détention pendant plusieurs jours sans qu’il n’ait été entendu.
- 33. Enfin, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante concernant la suspension du salaire de M. Ze pour absence irrégulière de son poste de travail à la demande du ministère de l’Education de base, ceci en violation des procédures à suivre en matière disciplinaire. La décision de suspension du salaire de M. Ze aurait été prise sans tenir compte des procédures prévues à cet effet par le Statut général de la fonction publique, notamment la nécessité d’un rappel à l’ordre préalable, le droit pour le fonctionnaire concerné de fournir des explications au sujet des griefs reprochés, la saisine d’un conseil de discipline de la fonction publique qui statue en toute indépendance et objectivité. Le comité note que selon le gouvernement la suspension du salaire de M. Ze ne résulte pas de ses activités syndicales mais d’absences non justifiées de son poste de travail, ceci en violation des textes en vigueur qui exigent notamment des fonctionnaires qu’ils demandent une décharge de service pour l’exercice d’un mandat syndical pour être considérés comme en position d’activité. Le comité note que, selon le gouvernement, M. Ze aurait omis de demander une telle décharge et a donc été sanctionné pour abandon de poste conformément à l’article 105 du Statut général de la fonction publique. Ce dernier est suspendu de solde en raison d’un abandon de poste depuis le 14 février 2006 et non depuis le 15 mai 2007 comme allégué, et est passible de sanction de révocation d’office au titre de l’article 121, alinéa 2, du décret no 20008/287 du 12 octobre 2000 modifiant et complétant le décret de 1994 portant statut général de la fonction publique.
- 34. Compte tenu de l’historique du présent cas et des éléments d’informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement sur la suspension de salaire de M. Ze au motif allégué d’une absence irrégulière de son poste de travail, le comité demande au gouvernement de prendre l’initiative d’examiner sans délai, en fonction des faits présentés, la possibilité d’octroi d’une décharge de service à M. Ze pour exercice d’un mandat syndical, au besoin en explicitant à l’intéressé les modalités d’obtention d’une telle décharge. A cet égard, le comité appelle l’attention sur les dispositions pertinentes de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, que le Cameroun a ratifiée, s’agissant des facilités à accorder aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions. Il rappelle qu’il y est expressément déclaré que les représentants des travailleurs doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Le comité rappelle aussi que l’octroi de facilités aux représentants des organisations d’agents publics, dont entre autres l’octroi de temps libre, a pour corollaire la garantie d’un fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé. Un tel corollaire signifie qu’il peut y avoir un contrôle des demandes de temps libre pour des absences pendant les heures de travail par les autorités administratives compétentes, seules responsables du fonctionnement efficace des services. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1111.] Le gouvernement est prié d’indiquer tout fait nouveau à cet égard.