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- 471. La plainte figure dans une communication datée du 9 octobre 2003, émanant de l’Internationale de l’éducation, au nom de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (FEESO) et de l’Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens (AEECAO).
- 472. En l’absence d’une réponse du gouvernement, le comité a différé l’examen de ce cas à deux reprises. [Voir 332e et 333e rapport, paragr. 5.] A sa réunion de juin 2004 [voir 334e rapport, paragr. 9], le comité a adressé un appel pressant au gouvernement, attirant son attention sur le fait que, conformément aux règles de procédures énoncées au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter à sa prochaine réunion un rapport sur le fond de cette affaire si les informations et observations attendues du gouvernement n’étaient pas reçues en temps voulu. Le gouvernement de l’Ontario a envoyé quelques informations dans deux communications datées des 19 avril et 13 août 2004.
- 473. Le Canada a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n’a pas ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 474. Dans sa communication du 9 octobre 2004, l’IE indique que l’AEECAO représente les intérêts professionnels d’environ 36 000 membres du système scolaire anglais dans leurs relations avec les conseils scolaires qui les emploient, le gouvernement provincial et les diverses autorités réglementaires.
- 475. La plainte concerne la loi de 2003 prévoyant le retour à l’école (secteur élémentaire du Conseil catholique de Toronto) et modifiant la loi sur l’éducation et la loi sur la négociation collective dans les écoles provinciales (projet de loi no 28), promulguée par la législature de l’Ontario (ci-après «la loi»). Cette loi est entrée en vigueur en juin 2003 pour mettre fin à un lock-out de deux jours imposé par le Conseil scolaire de Toronto à l’unité de négociation des enseignants du secteur élémentaire, mesure prise par le conseil suite à une grève du zèle des enseignants. Cette loi impose une procédure de médiation/arbitrage pour résoudre les différends qui subsistent en matière de négociation collective entre l’AEECAO et le Conseil scolaire. Cette loi modifie également des dispositions de la loi sur l’éducation, qui touchent tous les enseignants de l’Ontario; cette modification introduit de nouvelles restrictions aux droits des enseignants en matière de négociation collective en leur imposant de nouvelles obligations et en élargissant la définition du terme «grève», tel qu’appliqué aux enseignants de l’Ontario.
- Le contexte
- 476. L’organisation plaignante fait remarquer que cette législation s’ajoute à la longue série de lois adoptées par le gouvernement de l’Ontario depuis 1995, qui restreignent indûment les droits des travailleurs de cette province en matière de liberté syndicale. Nombre de ces nouvelles lois contestées, y compris la législation sur la reprise du travail des enseignants, ont fait l’objet de plaintes au Comité de la liberté syndicale, lequel s’est déclaré gravement préoccupé par l’approche législative du gouvernement de l’Ontario qui touche les droits des travailleurs en matière de négociation collective, et a demandé qu’il s’abstienne à l’avenir de telles mesures d’ingérence.
- 477. Les conseils scolaires sont les employeurs légaux des enseignants. Cependant, les réformes législatives entreprises depuis 1995 les ont privés de bon nombre des pouvoirs qu’ils exerçaient auparavant en qualité d’employeurs. De 1975 jusqu’à la promulgation de la loi de décembre 1997 sur l’amélioration de la qualité de l’éducation, les enseignants de l’Ontario exerçaient leurs droits de négociation collective en vertu de la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants. Aux termes de cette loi, toutes les questions ayant trait aux conditions d’emploi des enseignants, notamment les effectifs des classes et le temps de préparation, faisaient l’objet de négociations entre les conseils scolaires locaux et les associations d’enseignants. Les enseignants avaient le droit de faire grève en vertu de la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, à deux conditions. Premièrement, les directeurs et directeurs-adjoints, qui étaient couverts par la loi et faisaient partie des unités de négociation des enseignants, devaient rester en fonction pendant les grèves et les lock-out. Deuxièmement, l’organe chargé d’administrer la loi, à savoir la Commission des relations de travail en éducation, était habilité à informer le gouvernement lorsqu’il estimait que la poursuite d’une grève ou d’un lock-out compromettrait les chances pour les étudiants concernés de compléter leur programme d’études. En vertu de la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, jamais la commission n’a formulé pareil avertissement avant au moins 27 journées scolaires de grève ou de lock-out.
- 478. La loi de décembre 1997 sur l’amélioration de la qualité de l’éducation a apporté un certain nombre de changements fondamentaux au système éducatif de l’Ontario, notamment dans le domaine du financement et de la gouvernance, ainsi qu’au régime de négociation collective pour les enseignants. Avant la promulgation de cette loi, le système éducatif était financé à l’aide de subventions diverses versées par le gouvernement provincial et de revenus perçus par les conseils scolaires locaux par prélèvement sur les impôts fonciers municipaux. Dans ce système, les conseils scolaires locaux conservaient le contrôle du financement des écoles; ils avaient un pouvoir de décision en matière de budget et de dépenses et étaient habilités à fixer les taux d’imposition applicables à l’échelle locale pour le financement de l’éducation. La loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation a conféré de facto au gouvernement provincial le contrôle du financement de l’éducation puisque la fixation des taux d’imposition pour le système éducatif relève désormais du ministre des Finances. La loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation a également introduit des dispositions conférant au gouvernement provincial des pouvoirs très larges pour déterminer comment les crédits disponibles pour l’éducation doivent être dépensés. La loi a également instauré un nouveau régime de négociation collective pour les enseignants: les directeurs et directeurs-adjoints ont été exclus des unités de négociation des enseignants et n’ont pas accès non plus au nouveau régime de négociation. Par une conjonction de dispositions légales, la loi de 1995 sur les relations de travail (législation générale sur les relations de travail de l’Ontario) est rendue largement applicable aux enseignants, à l’exception des modifications apportées par la loi sur l’éducation. Selon ce nouveau régime, la Commission des relations de travail en éducation a été maintenue en tant qu’organe habilité à informer le gouvernement lorsque la poursuite d’une grève ou d’un lock-out compromettrait la possibilité pour les élèves concernés de compléter leur programme d’études.
- 479. La loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation a également eu des incidences sur le contenu et la portée des négociations collectives menées par les enseignants en conférant au gouvernement provincial le contrôle d’un certain nombre d’aspects fondamentaux, tels que les effectifs des classes et le temps de préparation, qui faisaient auparavant l’objet d’une négociation collective sans restriction aucune. Le contrôle exercé par le gouvernement sur le financement de l’éducation a également une incidence considérable sur le régime de négociation collective des enseignants. Du fait des derniers changements qu’elle introduit, cette loi apparaît hautement contestable aux yeux des acteurs du secteur de l’éducation. Les enseignants de l’Ontario ont engagé contre cette loi un mouvement de protestation politique de deux semaines, en octobre et en novembre 1997, convaincus que tous les changements proposés par cette loi entraîneraient une dégradation des conditions d’emploi et de la qualité du système d’éducation financé par les fonds publics de l’Ontario.
- 480. Le programme législatif du gouvernement ne s’est pas arrêté à la promulgation de la loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation. Au cours de ces dernières années, il a continué de promulguer des lois imposant de nouvelles exigences dans le domaine de la reconnaissance des titres et compétences, de la recertification et de l’évaluation des performances. La première a été adoptée en 1998, alors que les syndicats d’enseignants et les conseils scolaires étaient engagés dans la première série de négociations pour la nouvelle convention collective sous le nouveau régime légal de négociation collective. Les négociations portant sur le temps de préparation et les effectifs des classes ont été particulièrement difficiles dans le cycle secondaire, et des grèves et des lock-out ont été organisés dans un certain nombre de conseils scolaires. Le gouvernement n’a pas suivi la procédure établie pour déterminer si les étudiants risquaient de perdre leur année scolaire, et n’a pas non plus mené de consultations avec les syndicats d’enseignants avant d’adopter, le 28 septembre 1998, la loi de 1998 sur le retour à l’école. Par la suite, le gouvernement de l’Ontario a passé trois autres lois sur la reprise du travail par les enseignants avant le projet de loi no 28: la loi de 2000 sur le retour à l’école (Conseil scolaire du district de Hamilton-Wentworth), SO 2000, c. 23; la loi de 2001 sur le retour à l’école (Toronto et Windsor), SO 2001, c. 1; et la loi de 2002 sur le retour à l’école (Conseil scolaire catholique du district de Simcoe Muskoka), SO 2002, c. 20. La loi de 2003 sur le retour à l’école (projet de loi no 28), qui fait l’objet de la présente plainte, est la cinquième loi sur la reprise du travail par les enseignants que le gouvernement de l’Ontario a adoptée au cours des cinq dernières années.
- Evénements ayant conduit à l’adoption de la loi
- de 2003 sur le retour à l’école (la «loi»)
- 481. L’AEECAO et le Conseil scolaire catholique de Toronto sont parties à une convention collective entrée en vigueur le 1er septembre 2001 et arrivée à terme le 31 août 2002. Le 23 janvier 2002, l’AEECAO a envoyé le préavis de négociation de la nouvelle convention collective pour les années scolaires 2002-03 et 2003-04. Les parties se sont rencontrées et ont échangé des propositions le 5 juin 2002. Elles ont ensuite tenu des séances de négociation collective en juin, octobre et novembre 2002, ainsi qu’en janvier et février 2003. Le 28 février 2003, l’AEECAO a demandé au ministère du Travail de nommer un conciliateur. Un agent a été nommé le 14 mars 2003 et une réunion de conciliation s’est tenue le 4 avril 2003. A la suite de cette réunion, l’AEECAO a demandé un rapport («no-board» report) recommandant de ne pas instituer une commission de conciliation (en vertu de la loi de 1995 sur les relations de travail, la publication d’un rapport de conciliation ou la décision de ne pas publier un tel rapport est une condition préalable au déclenchement d’une grève ou d’un lock-out). L’AEECAO et le Conseil scolaire ont continué d’échanger des propositions au cours du mois d’avril et au début du mois de mai.
- 482. L’AEECAO a obtenu de ses membres un vote de grève le 22 avril 2003, avec 92 pour cent des suffrages. Les enseignants ont entamé le 5 mai 2003 une grève du zèle légale puisqu’ils étaient dans une situation qui les y autorisaient. Le 8 mai 2003, le Conseil scolaire a informé les représentants de l’AEECAO qu’il envisageait de décréter un lock-out. Le 12 mai 2003, après avoir fait une autre proposition d’augmentation salariale, le Conseil scolaire a publié un avis de lock-out, puis lockouté les enseignants le 15 mai 2003. Le 21 mai 2003, après deux jours de lock-out et sans consultation préalable, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi no 28. Jamais le gouvernement n’avait pris de mesure pour la reprise du travail dans un délai aussi court. En outre, le gouvernement a omis de demander à la Commission des relations de travail en éducation d’exercer ses compétences pour déterminer, avant l’introduction de la nouvelle législation, si la formation des étudiants était compromise. Le 28 mai 2003, l’AEECAO a demandé au Conseil scolaire d’accepter un arbitrage volontaire en vertu de l’article 40 de la loi de 1995 sur les relations de travail, et de mettre fin au lock-out et à la grève du zèle. Le Conseil scolaire a rejeté cette proposition.
- La loi de 2003 sur le retour à l’école
- 483. La loi concerne spécifiquement le conflit du travail entre l’AEECAO et le Conseil scolaire en mettant fin au lock-out et en établissant une procédure d’arbitrage obligatoire pour statuer sur la nouvelle convention collective. L’AEECAO et le Conseil scolaire n’auraient pu éviter un règlement du différend par voie législative que s’ils avaient volontairement conclu une convention collective avant l’entrée en vigueur de cette loi. Deuxièmement, la loi et ses règlements d’application redéfinissent le sens des termes «grève» et «lock-out» appliqués aux enseignants, de manière à imposer de nouvelles restrictions au droit de grève pour tous les enseignants de l’Ontario. Le gouvernement n’a consulté l’AEECAO sur aucun aspect de cette loi avant sa mise en place.
- 484. En ce qui concerne le conflit au sein du Conseil scolaire, la loi dispose que ce dernier doit mettre fin au lock-out et que le syndicat cesse la grève (en l’occurrence, une grève du zèle) dès l’entrée en vigueur de la loi. Les enseignants doivent reprendre le travail et assumer pleinement leurs fonctions. La loi interdit de nouvelles grèves et de nouveaux lock-out en rapport avec les négociations pour la nouvelle convention collective. Elle prescrit également que la nouvelle convention collective est valable jusqu’au 31 août 2004. Les conditions d’emploi qui étaient en vigueur avant le premier jour de grève légale restent applicables jusqu’à l’entrée en application d’une nouvelle convention collective. La loi établit des pénalités financières en cas d’infraction aux dispositions relatives à la reprise du travail: 2 000 dollars pour une personne et 25 000 dollars pour une association ou un syndicat. Chaque jour de non-respect de ces dispositions constitue une infraction distincte aux fins des pénalités financières.
- 485. Si les parties n’ont pas signé une convention collective dans les sept jours de la date d’entrée en vigueur de la loi, toutes les questions en instance seront confiées à un médiateur-arbitre. Une fois la législation entrée en vigueur, les parties ne peuvent nommer un arbitre, un médiateur ou un médiateur-arbitre autrement que selon les dispositions de cette loi. Les parties ont sept jours pour choisir conjointement un médiateur-arbitre et en notifier la nomination au ministère du Travail. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur une nomination, il appartient au ministère de nommer le médiateur-arbitre, sauf si les parties signent une nouvelle convention collective avant que ne survienne ladite nomination. Bien que le médiateur-arbitre soit censé avoir compétence pour statuer sur toutes questions s’il juge nécessaire de conclure une nouvelle convention collective, la loi restreint ses compétences pour rédiger une telle convention, ce qui rappelle les restrictions similaires constatées dans les lois pour la reprise du travail promulguées ces dernières années par le gouvernement de l’Ontario. Premièrement, la sentence arbitrale doit être compatible avec la loi sur l’éducation et ses règlements d’application et doit, par ailleurs, permettre au Conseil scolaire de se conformer à cette loi. Deuxièmement, la sentence arbitrale doit pouvoir s’appliquer de manière raisonnable, sans exposer le Conseil scolaire à un risque de déficit. Troisièmement, si la mise en œuvre de la sentence arbitrale entraîne une augmentation des traitements et indemnités des membres de l’unité de négociation soit dans le chiffre total pour le Conseil scolaire, soit dans la moyenne par enseignant, le médiateur-arbitre doit inclure dans la sentence arbitrale une déclaration écrite expliquant comment le Conseil scolaire peut faire face aux coûts résultant de la sentence sans s’exposer à un déficit et tout en se conformant à la loi sur l’éducation et à ses règlements d’application.
- 486. La loi comporte également deux modifications à la loi sur l’éducation qui touchent tous les enseignants du système éducatif de l’Ontario: la première accroît les obligations légales des enseignants. Dans la loi sur l’éducation et ses règlements d’application, les fonctions légales de l’enseignant ont été définies par référence à des principes généraux, notamment: «enseigner avec application et loyauté aux classes que lui assigne le directeur d’école, et enseigner ainsi les matières que lui assigne celui-ci»; et «faire respecter, sous la direction du directeur de l’école, le bon ordre et la discipline dans sa classe…». La loi ajoute à cette liste une nouvelle clause générale, en vertu de laquelle les enseignants sont tenus d’«exercer toutes les fonctions attribuées conformément à la présente loi et aux règlements». En vertu à cette nouvelle compétence législative, le gouvernement a modifié le règlement applicable pour assigner aux enseignants les activités spécifiques énumérées ci-après: veiller à ce que les bulletins scolaires soient dûment remplis et traités conformément aux prescriptions en vigueur dans la province; coopérer et apporter leur aide dans l’administration des examens de niveau des étudiants selon les prescriptions en vigueur dans la province; participer aux entretiens périodiques avec les parents ou tuteurs des élèves; assumer les fonctions normalement associées à la promotion des élèves. Par le passé, ces activités étaient volontaires et, ces derniers mois, elles ont fait l’objet d’actions destinées à faire pression sur un certain nombre de conseils scolaires engagés dans des négociations avec les syndicats d’enseignants pour la conclusion de conventions collectives. (Il y a plusieurs années, le gouvernement a renoncé à une tentative d’introduire des modifications similaires à la loi sur l’éducation, qui auraient rendu obligatoires certaines activités éducatives connexes que les enseignants menaient auparavant sur une base volontaire; le gouvernement a finalement retiré ces amendements devant les résistances politiques et compte tenu du rapport d’un groupe consultatif nommé par le gouvernement, qui recommandait de ne pas s’engager dans cette voie.) Or, avec l’adoption de la loi de 2003 sur le retour à l’école, certaines des activités d’enseignant visées par la tentative, finalement abandonnée, du gouvernement de rendre obligatoires les activités éducatives connexes figurent désormais parmi les fonctions légalement prescrites aux enseignants.
- 487. La loi introduit une nouvelle définition du terme «grève», qui élargit encore la portée des activités couvertes par ce terme, tel qu’appliqué aux enseignants de l’Ontario. La nouvelle définition se lit comme suit:
- La «grève» s’entend en outre d’une action ou d’une activité de la part d’enseignants, agissant en groupe, de concert ou d’un commun accord, qui vise à restreindre, à limiter ou à gêner ou dont il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle ait pour effet de restreindre, de limiter ou de gêner:
- i) soit les activités normales d’un conseil ou de ses employés;
- ii) soit le fonctionnement d’une ou de plusieurs des écoles d’un conseil ou d’un ou de plusieurs programmes offerts dans une ou plusieurs écoles d’un conseil, y compris des programmes d’activités complémentaires;
- iii) soit l’exercice des fonctions des enseignants énoncées dans la loi ou ses règlements d’application, y compris toute cessation de services ou grève du zèle de la part d’enseignants agissant en groupe, de concert ou d’un commun accord.
- 488. La loi modifie la définition du terme «grève» sous trois aspects. Premièrement, alors que l’ancienne définition portait essentiellement sur la question de savoir si l’action visait à restreindre, limiter ou gêner les programmes scolaires, la nouvelle définition couvre également toute action visant à obtenir cet effet ou dont «il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle ait cet effet». Deuxièmement, alors que l’ancienne définition portait principalement sur l’interruption d’un ou plusieurs programmes scolaires, la nouvelle définition couvre également les actions qui restreignent, limitent ou gênent les activités normales d’un conseil ou de ses employés. Troisièmement, la nouvelle définition intègre en bloc toutes les fonctions qui peuvent être prescrites par le gouvernement conformément à la nouvelle compétence qui lui est conférée d’ajouter de nouvelles fonctions dans la loi sur l’éducation et ses règlements d’application.
- 489. Il importe de noter que, même si ces deux modifications ont été adoptées dans le cadre de la loi pour la reprise du travail dans le contexte du différend spécifique opposant le Conseil scolaire catholique de Toronto et ses enseignants du secteur élémentaire, ces nouvelles dispositions s’appliquent à l’ensemble des 135 000 enseignants de l’Ontario.
- 490. Les plaignants ont fait valoir que cette loi est incompatible avec l’exercice légal de la liberté syndicale et des droits en matière de négociation collective et qu’elle enfreint les conventions nos 87, 98, 151 (en particulier ses articles 7 et 8) et 154 de l’OIT. Le droit de négocier librement les conditions de travail avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale. Le comité a souligné en particulier la nécessité de promouvoir la négociation collective dans le secteur de l’éducation. Tout en reconnaissant que la «détermination des grandes lignes de la politique de l’éducation» peut être exclue de la négociation collective, il a clairement déclaré que «les conséquences sur les conditions d’emploi de décisions touchant à la politique de l’éducation doivent continuer de relever de la libre négociation collective». Le droit de grève est reconnu en tant qu’élément constitutif du droit de négociation collective. C’est l’un des «moyens essentiels» par lesquels les syndicats et les travailleurs peuvent faire valoir et protéger leurs intérêts économiques et sociaux. Le comité a indiqué à plusieurs reprises qu’une restriction ou une interdiction du droit de grève constitue une atteinte à la liberté syndicale, sauf si le service concerné est un «service essentiel». Selon la définition restrictive qu’en donne le comité, ce terme couvre uniquement «les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne». Plus spécifiquement, le comité a expressément déclaré que le secteur de l’éducation n’entre pas dans cette définition stricte des services essentiels. Par conséquent, le fait d’interdire par voie législative le droit de grève des enseignants constitue une violation des principes de la liberté syndicale et ne peut être justifié, sauf si la poursuite d’une grève correspond à la norme stricte d’un service essentiel.
- 491. Le comité a également souligné la nécessité de mener des consultations franches et complètes sur toutes questions ou tous projets de loi ayant des incidences sur les droits syndicaux. Il a souligné en particulier la nécessité d’engager un processus de consultation approprié lorsqu’un gouvernement s’efforce de modifier un régime de négociation où il est, directement ou indirectement, employeur. Un processus de consultation approprié doit offrir la possibilité d’examiner tous les objectifs des parties concernées. Cette consultation doit être menée en bonne foi avec toutes les parties disposant des informations nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause. Ces principes exigent que toute mesure prise par le gouvernement pour limiter la négociation collective doit être précédée d’une consultation avec les organisations de travailleurs et les employeurs concernées. Dans le contexte de l’éducation, ces principes exigent également qu’une consultation préalable soit menée sur les questions concernant le régime de négociation collective, mais aussi sur les questions concernant la politique générale de l’éducation qui, tout en étant éventuellement exclue du processus de négociation collective, peut néanmoins avoir des incidences sur les conditions de travail des enseignants.
- 492. Les principes de la liberté syndicale exigent que soit offerte la possibilité de résoudre un différend par une procédure d’arbitrage ou de conciliation lorsque le droit de grève est interdit ou soumis à des restrictions. La procédure de règlement d’un différend par voie d’arbitrage ou de conciliation devrait tendre à obtenir des résultats aussi proches que possible de ceux que permettrait d’obtenir une négociation collective librement menée. Le comité a adopté le principe selon lequel il est primordial de garantir l’indépendance et l’impartialité du système d’arbitrage pour compenser la perte du droit de grève. Il a en outre estimé que la nomination des arbitres, directement par le gouvernement, constitue une atteinte au principe d’indépendance du système, puisque celui-ci prescrit aussi les critères législatifs auxquels les arbitres doivent se conformer dans leurs sentences. Tout ce qui est de nature à compromettre l’impartialité et l’indépendance du système d’arbitrage entraînera inévitablement une crise de confiance. Le comité a admis qu’un arbitre peut être amené à prendre en compte les considérations financières dans les cas impliquant des fonds publics, mais il a par ailleurs statué qu’une loi qui est restrictive au point d’imposer un «carcan financier» viole le principe d’indépendance et d’impartialité de l’arbitrage, au-delà de ce qui est acceptable au regard des principes de la liberté syndicale.
- 493. L’article 5 de la convention no 151 interdit au gouvernement, en tant qu’employeur, de restreindre le droit des organisations de travailleurs de gérer librement leurs activités et de formuler leurs programmes. Tout acte d’ingérence de la part du gouvernement constituerait une atteinte aux droits syndicaux énoncés dans la convention no 87 ainsi qu’aux principes qui en découlent. Le comité a également déclaré que, lorsque le gouvernement restreint la négociation collective pour que les parties à la négociation subordonnent leurs intérêts à la politique économique du gouvernement, une telle intervention est incompatible avec les principes généralement admis selon lesquels les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier du droit de gérer librement leurs activités et de formuler leurs programmes.
- Contexte récent dans l’Ontario
- 494. La loi de 2003 sur le retour à l’école est la dernière d’une série de lois promulguées par le gouvernement depuis son élection en juin 1995, et qui restreignent de manière importante les droits syndicaux des travailleurs de l’Ontario. Nombre de ces lois contestées, notamment l’exclusion des directeurs et directeurs-adjoints des unités de négociation collective en vertu de la loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation ont fait l’objet de plaintes auprès du comité. Depuis 1995, les réformes législatives concernant la négociation collective dans le secteur de l’éducation ainsi que la loi pour la reprise du travail, également dans le secteur de l’éducation, ont donné lieu à quatre plaintes distinctes auprès du comité, qui a estimé que le gouvernement de l’Ontario enfreignait les conventions sur la liberté syndicale de l’OIT (cas nos 1951, 2025, 2119 et 2145).
- 495. Depuis 1995, les réformes législatives du gouvernement de l’Ontario ont également fait l’objet de trois plaintes supplémentaires, indépendantes du secteur de l’éducation, à propos desquelles le comité a exprimé sa préoccupation face à l’inobservation, par le gouvernement, des conventions sur la liberté syndicale de l’OIT (cas nos 1943, 1975 et 2182). Lors de l’examen des lois adoptées par le gouvernement provincial, qui affectent les droits syndicaux des travailleurs, le comité s’est déclaré préoccupé de voir les relations de travail dans l’Ontario sous la menace d’actes d’ingérence qui portent atteinte à la liberté syndicale et à la négociation collective.
- 496. Lors de l’examen de la plainte de l’AEECAO concernant la législation de 1998 sur la reprise du travail par les enseignants, le comité a constaté que le gouvernement avait, une fois de plus, porté atteinte aux principes de la liberté syndicale en restreignant sans justification le droit de grève des enseignants et en imposant une procédure d’arbitrage obligatoire qui ne satisfaisait pas aux exigences d’indépendance et d’impartialité. Le comité a demandé au gouvernement de l’Ontario de s’abstenir à l’avenir d’adopter de telles lois. Le comité a également exprimé sa vive préoccupation devant la violation flagrante, par le gouvernement de l’Ontario, des droits des enseignants en matière de négociation collective. Lorsqu’une nouvelle plainte a été présentée ultérieurement au comité au sujet d’une nouvelle loi sur le retour au travail des enseignants, adoptée deux années seulement après la loi de 1998, le comité a été frappé par la similitude entre les deux lois, en a tiré des conclusions similaires au sujet des atteintes aux principes de la liberté syndicale (cas no 2145, 327e rapport, paragr. 300) et a de nouveau exprimé son inquiétude devant ces atteintes flagrantes et répétées du gouvernement aux droits syndicaux des travailleurs de l’Ontario (ibid., paragr. 310). Avec la loi de 2003 sur le retour à l’école, le gouvernement de l’Ontario a affiché une fois de plus son mépris total des normes et principes de liberté syndicale reconnus au plan international, et sa volonté de continuer à ignorer les avis et les demandes du comité.
- 497. Les plaignants souhaitent que le comité: a) déclare la loi de 2003 sur le retour à l’école incompatible avec les conventions et principes de l’OIT; b) demande au gouvernement de l’Ontario: i) d’abroger la loi de 2003 sur le retour à l’école; ii) de restaurer la libre négociation collective pour les enseignants de la province; iii) de s’abstenir de toute nouvelle ingérence dans le processus de négociation collective dans l’Ontario.
- 498. Pour remédier plus adéquatement à ce problème sérieux et qui ne cesse de s’aggraver dans l’Ontario, les plaignants demandent au comité: a) d’inviter le Conseil d’administration de l’OIT à confier de son propre chef cette affaire à une commission d’enquête; b) de demander l’accord du gouvernement canadien pour renvoyer cette affaire à la Commission d’investigation et de conciliation sur la liberté syndicale; c) de soumettre les aspects législatifs de cette affaire à la commission d’experts, pour complément d’examen.
- B. Communications du gouvernement
- 499. Dans sa communication du 19 avril 2004, le gouvernement de l’Ontario indique que le projet de loi no 28 a été adopté par le précédent gouvernement pour faire face à un arrêt de travail bien spécifique dans les écoles élémentaires à l’automne 2003. Le nouveau gouvernement a une approche différente des relations de travail dans le secteur de l’éducation et s’est fixé pour objectif de mettre en place une législation équilibrée et juste dans le domaine des relations de travail. Des discussions ont commencé avec les enseignants, leurs fédérations, les Conseils scolaires et d’autres partenaires de l’éducation afin d’obtenir leurs vues sur les changements qui pourraient s’avérer nécessaires pour restaurer la paix et la stabilité et assurer un fonctionnement efficace de l’éducation dans les écoles publiques de l’Ontario. Les questions soulevées par la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et par l’Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens seront dûment prises en considération.
- 500. Dans sa communication du 13 août 2004, le gouvernement réitère son approche différente en matière de relations professionnelles, et souligne que celles-ci sont actuellement à un tournant particulièrement délicat dans le secteur de l’éducation, puisque toutes les conventions collectives des enseignants de la province expirent le 31 août 2004. Dans ces circonstances, il ne serait pas opportun pour le gouvernement de prendre des engagements unilatéraux, alors que des discussions sont en cours avec les Conseils scolaires et les syndicats sur plusieurs sujets. Le gouvernement confirme qu’il y a eu un changement d’atmosphère; il en veut pour preuve l’attitude des syndicats d’enseignants à l’égard du nouveau gouvernement, ainsi que le dialogue plus franc et constructif qui s’est engagé entre les syndicats et le ministère de l’Education. Dans le cadre de son engagement d’établir un régime de relations professionnelles équilibré et équitable, et de restaurer la stabilité dans les écoles de l’Ontario, le ministère de l’Education a récemment lancé le projet dit «Table de concertation sur l’éducation» (Education Partnership Table), où les questions d’orientation générale, y compris les relations professionnelles, seront présentées par le ministre aux syndicats d’enseignants, aux Conseils scolaires et aux autres intervenants du secteur, pour analyse et retour d’information. A ce jour, la Table de concertation sur l’éducation a examiné les demandes des enseignants en matière de développement professionnel et les questions relatives à la direction du Collège des enseignants. Cette initiative devrait normalement déboucher sur des orientations de principe, y compris des modifications législatives.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 501. Tout en prenant note des informations et des déclarations d’intention du gouvernement dans ses communications des 19 avril et 13 août 2004, le comité rappelle qu’un gouvernement qui succède à un autre successeur dans le même Etat ne peut pas, du seul fait de ce changement, échapper à la responsabilité que les événements survenus sous un gouvernement précédent peuvent avoir engagée. Le nouveau gouvernement est en tout cas responsable de toutes suites que de tels événements peuvent avoir. En cas de changement de régime dans un pays, le nouveau gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte la plainte auraient pu continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 18.]
- 502. Quant au fond, le comité note que les allégations présentées dans ce cas découlent de l’adoption de la loi de 2003 sur le retour à l’école (projet de loi no 28), qui est entrée en vigueur au début de juin 2003 et a mis fin à une grève du zèle légale de l’unité de négociation des enseignants du secteur élémentaire du Conseil scolaire catholique romain de Toronto (le «Conseil scolaire») ainsi qu’à un lock-out de deux jours, imposé par le Conseil scolaire. Cette loi a interdit toute nouvelle grève et tout nouveau lock-out en rapport avec la nouvelle convention collective, sous peine de pénalités lourdes; la loi a également imposé une procédure de médiation-arbitrage pour régler les questions litigieuses en instance dans la négociation collective entre l’AEECAO et le Conseil scolaire. La loi traite les questions spécifiques soulevées par ce conflit du travail, mais élargit aussi la définition des termes «grève» et «lock-out», imposant ainsi de nouvelles restrictions au droit de grève pour tous les enseignants de l’Ontario. Enfin, la loi prévoit une procédure de médiation-arbitrage qui impose des restrictions au médiateur-arbitre. L’AEECAO n’a été consultée sur aucun aspect de la loi avant sa mise en place.
- 503. Une fois de plus, le comité ne peut que relever la similitude frappante de la présente plainte avec les cas nos 2025 [320e rapport, paragr. 374 à 414] et 2145 [327e rapport, paragr. 260 à 311]. Ces cas concernent, pour l’essentiel, les mêmes parties; les allégations des plaignants sont presque identiques et les cas soulèvent des questions similaires: violations du droit de grève; imposition d’une procédure d’arbitrage qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance et d’impartialité et qui restreint indûment le champ de compétence de l’arbitre; absence de consultation avant l’adoption de la loi. Dans le cas présent, la loi incriminée restreint, en plus, le droit de grève de tous les enseignants de la province.
- 504. Comme il l’avait fait dans le cas no 2145 [paragr. 300] et compte tenu, en particulier, de cette nouvelle atteinte à la liberté syndicale, le comité, tout en soulignant la gravité de ces violations répétées, estime inutile de réitérer indéfiniment ses commentaires et recommandations, dont la plupart peuvent s’appliquer ici mutatis mutandis, et se bornera à rappeler quelques principes bien établis de la liberté syndicale en la matière.
- Droit de grève
- 505. Notant que les plaignants remplissaient toutes les conditions légales pour exercer leur droit de mener des actions de revendication, le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens légitimes et essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux [Recueil, op. cit., paragr. 474 et 475] sauf dans certaines exceptions spécifiées, parmi lesquelles ne figure pas le secteur de l’enseignement. [Recueil, op. cit., paragr. 545.] Tout en reconnaissant qu’une grève dans un service non essentiel peut avoir des conséquences néfastes, cela ne justifie pas une limitation importante du droit de grève, sauf si ces conséquences sont de nature à mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. [Recueil, op. cit., paragr. 541.] Le comité rappelle en outre que, lors de l’examen d’une plainte antérieure concernant le secteur de l’éducation, il a déclaré que les conséquences que des grèves peuvent avoir à long terme dans le secteur de l’enseignement ne justifiaient pas leur interdiction. [Cas no 1448, 262e rapport, paragr. 117.] Le comité n’est pas convaincu qu’il existait, dans les circonstances qui prévalaient alors et dans la phase initiale du conflit, une situation qui justifiait les mesures législatives prises par le gouvernement. Le comité déplore profondément que le gouvernement ait décidé, pour la troisième fois en quelques années (sept. 1998, nov. 2000 et juin 2003), d’adopter une telle loi de circonstance, qui crée une situation où les établissements d’enseignement et les travailleurs de l’éducation ont en théorie un droit légal, qui leur est cependant dénié dans la pratique dès qu’ils veulent l’exercer. Le comité considère que le recours répété à ces restrictions législatives ne peut, à long terme, que perturber le climat des relations professionnelles si le législateur intervient fréquemment pour suspendre ou supprimer l’exercice de droits accordés aux travailleurs et aux syndicats par la législation générale. Dans ce contexte, le comité considère que, en vue de contribuer davantage à un climat harmonieux des relations professionnelles, le gouvernement devrait instaurer un mécanisme volontaire et efficace qui préviendrait et résoudrait les conflits du travail à la satisfaction des parties concernées. Dans l’hypothèse où, en dépit de tels mécanismes, les travailleurs auraient recours à la grève, un service minimum pourrait être organisé avec l’accord des parties concernées. En conséquence, le comité demande instamment au gouvernement d’envisager d’établir un système volontaire et efficace de prévention et de résolution des conflits du travail plutôt que d’avoir recours à des législations de retour au travail. Le comité demande en outre de le tenir informé à cet égard.
- Médiation-arbitrage
- 506. En ce qui concerne le caractère obligatoire de la procédure de médiation-arbitrage, le comité rappelle une fois de plus que les organismes appelés à résoudre des différends doivent être indépendants, que le recours à ces organismes devrait se faire sur une base volontaire [Recueil, op. cit., paragr. 858] et que le recours à l’arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la négociation collective n’est admissible que pour les services essentiels au sens strict. [Recueil, op. cit., paragr. 860.]
- 507. En ce qui concerne les restrictions législatives imposées au médiateur-arbitre, le comité considère que, même si des considérations financières peuvent être prises en considération dans les cas tels que celui-ci, reconnaissant ainsi que les particularités du service public justifient une certaine flexibilité dans l’application du principe d’autonomie des parties à la négociation collective, la loi impose dans la pratique des restrictions à l’arbitre qui vont au-delà de ce qui est acceptable au regard des principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle que, en cas de médiation-arbitrage de conflits collectifs, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs. [Recueil, op. cit., paragr. 549.] En conséquence, le comité demande une fois de plus au gouvernement de veiller à l’avenir à ce que le recours à l’arbitrage pour le règlement des différends se fasse sur une base volontaire et que cet arbitrage, dès lors qu’il a été librement choisi par les parties pour régler leur différend, soit véritablement indépendant, en pleine conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- Consultation
- 508. S’agissant de la question des consultations, le comité rappelle l’importance qu’il attache à ce que des consultations franches et complètes aient lieu sur toute question [Recueil, op. cit., paragr. 927] et souligne l’intérêt d’une consultation lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation. [Recueil, op. cit., paragr. 929.] Notant l’information fournie par le gouvernement dans la communication du 13 août 2004, le comité lui demande de la tenir informé de l’évolution de la situation, et notamment des résultats obtenus dans la cadre de la Table de concertation sur l’éducation, initiée par le ministère de l’Education.
- Considérations finales
- 509. Le comité note une fois de plus que les atteintes à la liberté syndicale dans le cas présent sont une quasi-répétition de celles qu’il a examinées ces dernières années. Par ailleurs, ces atteintes ont donné lieu à une longue série de réformes législatives en Ontario, dans chacune desquelles le comité a constaté des incompatibilités avec les principes de la liberté syndicale [cas no 1900, 308e rapport; cas no 1943, 310e rapport; cas no 1951, 311e et 316e rapports; cas no 1975, 316e rapport; cas no 2025, 320e rapport]. Le comité souligne une fois encore la gravité de la situation et insiste sur le fait que le recours répété à des restrictions législatives de la liberté syndicale et de la négociation collective ne peuvent, à long terme, qu’avoir des effets préjudiciables et déstabilisants sur les relations professionnelles, puisque les travailleurs se trouvent ainsi privés d’un droit fondamental et d’un moyen essentiel de défendre et de promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux.
- 510. Le comité est conscient du fait que la présente plainte découle d’une loi promulguée par le précédent gouvernement. Le comité a également pris note des assurances de l’actuel gouvernement: qu’il a une approche différente des relations professionnelles dans le secteur de l’éducation; qu’il s’est fixé pour objectif de mettre en place une loi équilibrée et juste dans le domaine des relations professionnelles; qu’il a entamé des discussions avec les partenaires de l’éducation, y compris les enseignants et leurs organisations; et que les questions soulevées par la FCE et l’AEECAO seront dûment prises en considération. Tout en notant ces intentions, le comité recommande que le gouvernement, dans ses discussions avec les partenaires sociaux intéressés, s’inspire des principes de la liberté syndicale susmentionnés et s’efforce de parvenir rapidement à des résultats concrets, compte tenu de la période de temps couvrant les diverses violations mentionnées ci-dessus, aussi bien dans le cas présent que dans les cas précédents. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard, y compris en ce qui concerne les orientations de principe et les amendements législatifs qui, selon le gouvernement, devraient résulter de la Table de concertation sur l’éducation initiée par le ministère de l’Education.
- 511. Le comité rappelle que, s’agissant des questions soulevées dans le présent cas, l’assistance technique du Bureau est à la disposition du gouvernement s’il le souhaite.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 512. Compte tenu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande instamment au gouvernement d’envisager d’établir un système volontaire et efficace de prévention et de résolution des conflits du travail plutôt que d’avoir recours à des législations de retour au travail. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité demande une fois de plus au gouvernement de veiller à ce que le recours à l’arbitrage pour le règlement de conflits concernant les enseignants de l’Ontario se fasse sur une base volontaire et que cet arbitrage, dès lors qu’il a été choisi librement par les parties, soit véritablement indépendant, conformément aux principes de la liberté syndicale.
- c) Le comité demande au gouvernement de veiller à l’avenir à ce que des consultations complètes soient menées en bonne foi sur toute question ayant des incidences sur les droits syndicaux.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation pour toutes les questions mentionnées ci-dessus, notamment en ce qui concerne les résultats de la Table de concertation sur l’éducation.
- e) Le comité rappelle que, s’agissant des questions soulevées dans le présent cas, l’assistance technique du Bureau est à la disposition du gouvernement s’il le souhaite.