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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 327, Marzo 2002

Caso núm. 2145 (Canadá) - Fecha de presentación de la queja:: 03-JUL-01 - Cerrado

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  1. 260. L’Internationale de l’éducation (IE) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario) dans une communication datée du 3 juillet 2001 au nom de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCEE), de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OTF), et de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO).
  2. 261. Le gouvernement fédéral a transmis la réponse du gouvernement de la province de l’Ontario dans une communication datée du 27 septembre 2001.
  3. 262. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Mais il n’a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 263. La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario («la fédération») représente environ 65 000 travailleurs, y compris les enseignants et enseignants suppléants employés dans les écoles du cycle élémentaire de l’Ontario. Plus précisément, la fédération représente près de 2 100 enseignants de classes élémentaires employés par le Conseil scolaire du district de Hamilton-Wentworth, organisme scolaire public créé au titre de la loi sur l’éducation.
  2. 264. La présente plainte est motivée par la façon dont le gouvernement de l’Ontario a mis fin à un conflit du travail sur les termes et conditions d’emploi des enseignants employés par le conseil scolaire. En octobre 2000, le conseil scolaire a procédé au lock-out des enseignants. En novembre 2000, le gouvernement de l’Ontario a adopté la loi (dite «loi 145») sur le retour à l’école (Conseil scolaire du district de Hamilton-Wentworth) qui mettait fin au lock-out, obligeait les enseignants à reprendre le travail, interdisait toute activité de grève sous peine de poursuites pénales en cas d’infraction et imposait l’arbitrage obligatoire pour définir les termes de la convention collective. Le projet de loi 145 stipule, inter alia, que le conseil d’arbitrage doit se plier à un règlement relatif au financement de l’éducation, établi par le gouvernement de l’Ontario. Ce règlement impose en outre au conseil d’arbitrage d’autres restrictions et conditions à remplir. De telles mesures portent atteinte à l’indépendance, à l’impartialité et, en définitive, à la crédibilité de l’arbitrage pour l’une et l’autre partie.
  3. 265. Les organisations plaignantes soutiennent que la loi 145 constitue une violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par le Canada, aux motifs que: a) elle porte atteinte au droit des enseignants de négocier collectivement; b) elle entrave l’exercice du droit de grève légitime des enseignants au titre de la législation en vigueur; et c) elle porte atteinte à l’indépendance et à l’impartialité des arbitres, de même qu’à l’intégrité du processus d’arbitrage. Pour les mêmes raisons, la loi 145 constitue aussi une infraction à la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, à la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et à la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
    • Historique du conflit
  4. 266. En temps ordinaire, les négociations collectives pour les enseignants de l’Ontario sont régies par la loi sur l’éducation, qui prescrit la notification d’une demande d’ouverture des négociations et impose l’obligation de négocier de bonne foi. Les parties sont en droit de résoudre leurs différends par la négociation collective et détiennent un droit légal à la grève ou au lock-out à condition que ces actions interviennent en temps opportun et que la grève ait été approuvée par un vote des membres de l’unité de négociation.
  5. 267. La fédération et le conseil scolaire étaient liés par une convention collective arrivant à expiration le 31 août 2000. En mars 2000, la fédération a avisé le conseil scolaire qu’elle souhaitait entamer des négociations et celles-ci ont débuté le 23 mars 2000. Mais les parties ne sont pas parvenues à s’accorder sur une convention collective et, vers le 23 juin 2000, ont demandé la nomination d’un conciliateur. Le 4 octobre 2000, un «avis de non-conciliation» a été requis et publié le 9 octobre 2000. Le 17 octobre 2000, la fédération a voté pour statuer sur la conduite d’une grève, qui fut approuvée par 96,5 pour cent des votants et devait débuter le 27 octobre, période à laquelle la fédération était légalement autorisée à faire grève.
  6. 268. La fédération avait décidé de fermer les établissements scolaires durant la journée du 30 octobre 2000, qui serait suivie d’une série de grèves tournantes en différents points de la province, du 31 octobre au 3 novembre. A la fin de cette même semaine, il devait être décidé de la reconduction éventuelle de la grève. Or, lorsque la fédération eut publiquement annoncé son projet de grève, le conseil scolaire a fait savoir le 26 octobre qu’il n’autoriserait pas les grèves tournantes et procèderait au lock-out de tous les membres de l’unité de négociation à dater du 31 octobre 2000. Le lock-out a été maintenu du 31 octobre au 22 novembre, le lendemain du jour où le projet de loi 145 recevait la sanction royale.
  7. 269. Le 17 novembre 2000, le conseil scolaire a demandé la tenue d’un scrutin sur ses dernières offres, au titre des dispositions de l’article 42 de la loi sur les relations du travail. Lors de ce vote, organisé le 24 novembre 2000, les dernières offres du conseil scolaire ont été rejetées par 98,2 pour cent des votants.
  8. 270. Le 20 novembre 2000, la Commission des relations du travail dans l’éducation («la commission») a publié un «avis de risque», conformément à la loi sur l’éducation. Cet avis ne faisait pas état d’un danger imminent pour la scolarité des élèves mais indiquait que, si le conflit du travail devait se prolonger, il pourrait ultérieurement perturber l’année scolaire. Tandis que la commission recommandait la promulgation d’une loi sur la reprise du travail stipulant l’arbitrage obligatoire, elle ne recommandait aucunement que cette loi restreigne le champ de compétence du conseil d’arbitrage. Avant de publier son rapport, la commission n’a pas avisé la fédération de son intention d’émettre un avis de risque assorti de recommandations, et n’a pas offert à la fédération la possibilité de s’exprimer sur l’opportunité d’un tel avis.
  9. 271. Le gouvernement a présenté le projet de loi 145 le 20 novembre 2000 en troisième lecture et le texte a reçu la sanction royale le 21 novembre 2000. Le gouvernement n’a pas consulté la fédération avant de promulguer cette loi et a fait barrage à toutes les initiatives qui tentaient de soumettre la législation à des audiences de la commission, qui sont ouvertes aux commentaires des citoyens. En résultat, il n’est intervenu aucune consultation constructive avec la fédération ni avant la promulgation de la loi ni au moment de son entrée en vigueur. Le 20 avril 2001, l’arbitre nommé au titre de la loi 145 a rendu sa sentence.
    • Les dispositions de la loi 145
  10. 272. Conformément à l’article 3 de la loi 145, le conseil a mis fin au lock-out dès l’entrée en vigueur de la loi, qui obligeait la fédération et les membres de l’unité de négociation à cesser toute action de grève et ordonnait aux enseignants de se présenter au travail et d’accomplir leurs fonctions. Les articles 5 et 6 de la loi 145 privent les membres de l’unité de négociation de l’exercice de leur droit de grève tel qu’énoncé dans la loi sur l’éducation, et personne n’est autorisé à lancer un ordre de grève à un quelconque membre de l’unité, ni à l’autoriser à faire grève. Aucun dirigeant ou agent de la fédération n’est habilité à recommander, provoquer, appuyer ou encourager une grève de tout membre de l’unité de négociation. Une grève ou un lock-out ne peut intervenir qu’après l’adoption d’une nouvelle convention collective par les parties, et cela seulement dans le cadre défini par la loi sur l’éducation. En résultat, la grève est impossible non seulement pour la conclusion d’une nouvelle convention collective mais aussi durant toute la période jusqu’à l’expiration de la convention collective imposée par l’arbitrage.
  11. 273. Toute infraction aux dispositions relatives à la grève et au lock-out constitue un délit passible, pour les personnes individuelles, d’une amende pouvant aller jusqu’à 2 000 dollars pour chaque journée d’infraction, et de 25 000 dollars par jour dans le cas de la fédération. De plus, bien que la grève ou l’action de recommander une grève soit en toute autre circonstance un acte légal au titre de la loi sur l’éducation, la loi 145 fait de la grève un acte illégal en vertu de la loi sur les relations du travail. Elle confère à la Commission des relations du travail de l’Ontario la compétence d’ordonner qu’il soit mis fin à une grève ou à un lock-out, d’exiger le paiement de réparations pour les dommages causés par la grève et d’autoriser des poursuites pénales aux termes de la loi sur les relations du travail à l’égard des personnes qui ont fait grève (art. 4 à 8).
  12. 274. Les articles 10 à 12 de la loi 145 disposent que, si les parties rejettent l’offre du conseil scolaire et ne parviennent pas à conclure une convention collective dans les sept jours après l’entrée en vigueur de la loi, les termes de la nouvelle convention collective seront définis par voie de médiation-arbitrage. La loi 145 stipule aussi que le conseil d’arbitrage, lorsqu’il détermine les termes de la convention collective, doit se conformer aux prescriptions suivantes:
    • a) la sentence arbitrale doit être compatible avec la loi sur l’éducation et les règlements y afférents -- et en particulier ceux portant sur le financement de l’éducation -- et sa mise en application ne doit pas entraîner de déficit budgétaire pour le conseil (art. 18 1));
    • b) la sentence de l’arbitre ne doit pas porter atteinte au calendrier d’enseignement, à la durée des programmes dispensés aux élèves les jours de classe et à celle des périodes d’enseignement aux élèves (art. 18 2)); et
    • c) si la sentence du médiateur-arbitre devait entraîner une quelconque augmentation de rémunération, il ou elle doit exposer dans une déclaration écrite comment le conseil peut assumer les coûts découlant de la sentence sans accuser de déficit (art. 18 3) et 4)).
  13. 275. L’article 19 de la loi dispose en outre que, si la convention collective résultant de la sentence arbitrale porte sur une période de plus d’une année, elle peut faire l’objet d’un nouvel examen à la demande de l’une ou l’autre partie pour le cas où un nouveau règlement de finance édicté au titre de la loi sur l’éducation énoncerait de nouvelles dispositions pour un ou plusieurs exercices. Il peut alors être constitué un nouveau conseil d’arbitrage chargé de traiter exclusivement les salaires et les avantages applicables à «la période visée». Il n’est pas clairement précisé comment ces dispositions devraient s’appliquer, mais on constate que le gouvernement s’est attribué un pouvoir considérable de réviser ou d’intervenir dans toute décision arbitrale tout simplement en adoptant de nouveaux règlements financiers qui modifient les subventions légales en vigueur, de manière à déclencher un nouveau processus d’arbitrage.
    • Violations des conventions de l’OIT
  14. 276. Les organisations plaignantes soutiennent que la loi 145 porte atteinte aux principes essentiels de la liberté d’association au titre de la convention no 87, et notamment: le droit des travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, la primauté de la négociation collective en tant qu’outil de règlement des différends, et l’interdiction de l’ingérence de l’Etat dans l’exercice du droit de grève, puisque qu’en effet, cette loi: a) interdit aux enseignants employés par le conseil scolaire d’engager une grève licite au titre de loi sur l’éducation; et b) stipule que les personnes individuelles et les syndicats sont passibles de poursuites judiciaires et d’amendes pour avoir conseillé ou observé une grève par ailleurs légale au regard du droit de l’Ontario.
  15. 277. En promulguant la loi sur le retour à l’école, le gouvernement n’était pas fondé à prétexter une perturbation des services essentiels. Même si la situation était susceptible de provoquer ultérieurement une telle perturbation, le gouvernement a agi avant même de disposer de la moindre indication selon laquelle la scolarité des élèves était compromise. Il s’est simplement fondé sur un pronostic selon lequel l’année scolaire des élèves pourrait être compromise dans un avenir indéfini si le conflit du travail venait à se poursuivre sans aucune perspective de conclusion d’un accord négocié.
  16. 278. De surcroît, le gouvernement n’a pas respecté le principe de la consultation des parties en cause puisqu’il n’a donné absolument aucune possibilité à la fédération de soumettre ses commentaires à la commission des relations du travail avant que celle-ci ne rende son «avis de risque» et n’a pas non plus consulté la fédération lorsqu’il a promulgué la loi 145.
  17. 279. Les organisations plaignantes soutiennent aussi que la loi 145, dès lors qu’elle impose au conseil d’arbitrage des contraintes de nature budgétaire et d’autres restrictions de ses pouvoirs et ses compétences, constitue une atteinte à l’indépendance du conseil d’arbitrage, sape la confiance dans le processus d’arbitrage, instrumentalise le conseil d’arbitrage pour imposer des restrictions de rémunération et entrave le droit des enseignants de négocier librement avec leur employeur les termes et conditions de leur emploi. Qui plus est, l’ingérence du gouvernement dans le processus d’arbitrage affaiblit la capacité et l’utilité de ce dernier en tant que moyen de compenser le dommage que constitue, pour les enseignants en cause, la perte injustifiée de leur droit de grève. Par conséquent, en imposant de telles conditions aux arbitres, la loi 145 constitue une violation des principes fondamentaux de la liberté syndicale. Au Canada, les arbitres spécialisés dans le règlement des différends ont reconnu, à l’instar des organisations internationales, que le processus d’arbitrage est définitivement compromis par les dispositions législatives qui, à l’instar de celles contenues dans la loi 145, imposent des contraintes financières obligatoires de nature à dicter ou à définir les résultats auxquels l’arbitre doit parvenir. De tout temps, les arbitres ont systématiquement rejeté les restrictions financières imposées par l’autorité de l’Etat, en raison précisément des incidences néfastes de ces restrictions sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitrage.
  18. 280. En cas de déni du droit de grève des travailleurs, l’un des principes essentiels de l’arbitrage des différends consiste à tenter d’obtenir un résultat qui soit le plus proche possible de celui qui aurait été obtenu par la négociation collective. A cet effet, les arbitres amenés à définir les salaires dans les conventions collectives du secteur public de l’Ontario, à l’instar des autres administrations canadiennes, appliquent traditionnellement une méthode consistant à se référer aux salaires des catégories suivantes: les salariés qui effectuent un travail comparable pour le même employeur; les salariés qui effectuent un travail comparable pour d’autres employeurs du secteur public et les salariés qui effectuent un travail comparable pour des employeurs du secteur privé. Ce critère de «comparabilité» garantit que les salaires soumis à l’arbitrage des différends dans le secteur public sont plus ou moins parallèles à ceux définis dans les conventions collectives librement négociées dans les secteurs où les parties ont le droit de grève ou de lock-out. Si la capacité financière (ou la solvabilité) de l’employeur peut être un critère légitime dans les négociations du secteur privé, les arbitres de l’Ontario et du reste du Canada rejettent catégoriquement, depuis des décennies, l’application de ce critère qu’ils jugent inapproprié au secteur public.
  19. 281. Le droit international reconnaît également que l’indépendance des conseils d’arbitrage est d’autant plus importante dans des circonstances où l’arbitrage obligatoire se substitue au droit de grève ou de lock-out. La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et le Comité de la liberté syndicale de l’OIT ont toujours statué, lorsque des restrictions étaient imposées au droit de grève dans les services essentiels, que le processus d’arbitrage des différends devait être impartial afin de sauvegarder les intérêts des travailleurs auxquels le droit de grève est refusé. De plus, ces instances considèrent qu’il est non seulement essentiel que les tribunaux chargés de fonctions d’arbitrage soient strictement impartiaux, mais qu’ils le soient à la fois à l’égard des employeurs et des travailleurs en cause. A cet égard, l’OIT a également reconnu qu’en matière de gestion économique les intérêts de l’Etat s’accompagnent souvent d’une propension à influencer les résultats des négociations collectives. Il est par exemple notoire, en droit canadien comme en droit international, que les conditions imposées par l’Etat aux arbitres de façon à leur dicter les résultats auxquels ils doivent parvenir compromettent considérablement l’indépendance et l’intégrité de l’arbitrage, de même que la confiance des parties. Ainsi l’arbitre, qui devrait pouvoir statuer en toute indépendance, et auquel on pourrait au maximum demander de «tenir compte» de certains critères, devient finalement un agent des pouvoirs publics servant de relais pour imposer la politique gouvernementale. Dans la mesure où les résultats du processus d’arbitrage ont inévitablement des conséquences pour l’Etat, l’imposition de conditions légalement contraignantes est une manière de dévoyer la législation en faveur de l’une des parties. Cette partialité est d’autant plus marquée ici que les restrictions peuvent se fonder sur des règlements budgétaires concoctés pour l’occasion par le ministère compétent. En conséquence, les dispositions de la loi 145, et en particulier ses articles 15 6), 18 et 19 ne sont pas conformes aux normes internationales d’indépendance et d’impartialité.
  20. 282. Les organisations plaignantes soutiennent que la loi 145 amoindrit la capacité d’un conseil d’arbitrage de recréer un contexte de négociation collective libre et viole ainsi la convention no 98. De surcroît, l’initiative consistant à imposer des restrictions salariales par le biais du processus d’arbitrage constitue une violation de la convention no 98, qui stipule qu’il y a lieu de créer un contexte propre à promouvoir la négociation volontaire afin de régler les termes et conditions d’emploi dans le cadre de la négociation collective. L’ingérence du gouvernement dans le processus de négociation et d’arbitrage et sa tentative de résilier unilatéralement la convention collective et d’imposer une revalorisation salariale prédéterminée ne respecte pas la primauté de la négociation collective. En recourant à la coercition, le gouvernement porte atteinte à la liberté de la négociation collective et affaiblit l’autonomie des parties.
  21. 283. L’ingérence du gouvernement dans le processus de négociation collective et d’arbitrage et sa démarche pour imposer unilatéralement les termes et conditions d’emploi constituent également des infractions à la convention no 151. A cet égard, la loi 145 manque à promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d’emploi entre le conseil scolaire et la fédération. De plus, la loi 145 porte atteinte au droit de grève légalement reconnu des enseignantes et des enseignants ainsi qu’au processus d’arbitrage en tant qu’instrument indépendant et impartial de règlement des différends, établi de manière propre à susciter la confiance des parties.
  22. 284. Enfin, les organisations plaignantes soutiennent que la méthode adoptée par le gouvernement de l’Ontario pour régler les conflits sur les termes et conditions d’emploi des enseignantes et des enseignants employés par le conseil scolaire n’a pas pour effet de promouvoir la négociation collective au sens de la convention no 154.
  23. 285. Les organisations plaignantes soutiennent qu’en interdisant la grève dans le cadre du conflit avec le conseil scolaire le gouvernement a violé les principes fondamentaux de la liberté syndicale et du droit de grève dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts.
  24. 286. Les organisations plaignantes soutiennent en outre qu’en s’efforçant de déterminer unilatéralement les termes et conditions d’emploi, en obligeant le conseil d’arbitrage constitué au titre de la loi 145 à se conformer aux règlements de l’Etat en matière de budget et en prévoyant qu’une sentence arbitrale peut être révisée pour faire l’objet d’un nouvel arbitrage, qui serait déclenché par l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement à l’avenir, le gouvernement a: a) porté atteinte à l’impartialité et à l’indépendance du conseil d’arbitrage; b) sapé la confiance des parties dans le processus d’arbitrage; c) amoindri la capacité du processus d’arbitrage de se substituer à la grève, et d) compromis le processus de négociations collectives libres.
  25. 287. Enfin, les organisations plaignantes soutiennent que, par la promulgation dans la précipitation d’une loi sur la reprise du travail sans consultation adéquate, loi qui restreint l’étendue des pouvoirs et des compétences du conseil d’arbitrage, le gouvernement a porté atteinte au droit des travailleurs du secteur public à la négociation collective et a failli à promouvoir cette forme de négociation.
  26. 288. Pour étayer leurs allégations et leurs assertions, les organisations plaignantes citent de nombreux articles des conventions pertinentes ainsi que des extraits du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996. Elles soutiennent que le gouvernement de l’Ontario doit réviser sa législation pour la mettre en conformité avec les conventions de l’OIT.
  27. 289. Etant donné que la présente plainte est la dernière en date d’une série de plaintes pour entrave à la négociation collective, le Comité de la liberté syndicale devrait recommander l’envoi d’une mission du BIT au Canada, qui serait chargée d’examiner le processus de négociation collective dans le secteur de l’enseignement. Les plaintes précédentes visaient notamment les gouvernements du Québec, de l’Ontario, du Yukon, de l’Ile-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et du Manitoba.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 290. Dans sa communication du 27 septembre 2001, le gouvernement soutient que les organisations plaignantes ne tiennent pas compte des circonstances qui ont exigé la promulgation de la loi sur le retour à l’école et déforment le sens de cette loi. Il soutient aussi que ladite loi ne constitue pas une violation des conventions nos 87, 98, 151 et 154, et en expose dans les grandes lignes l’origine et la nature.
    • - La convention collective entre le conseil scolaire du district de Hamilton-Wentworth («le conseil scolaire») et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario («la fédération») arrivait à expiration le 31 août 2000.
    • - Les services de conciliation et de médiation fournis par les pouvoirs publics se sont avérés inefficaces, et les négociations entre les parties sont entrées dans l’impasse.
    • - La fédération a lancé un ordre de grève pour le 30 octobre 2000 et le conseil scolaire, pour raisons de sécurité, a procédé au lock-out des enseignantes et des enseignants le 31 octobre 2000.
    • - Le 17 novembre 2000, le conseil scolaire a demandé un «scrutin sur la dernière offre» présentée à la fédération.
    • - Le 20 novembre 2000, la Commission des relations du travail dans l’éducation (CRE) a émis un «avis de risque» qu’elle a adressé au lieutenant-gouverneur du conseil.
    • - Entrée en vigueur le 20 novembre 2000, la loi sur le retour à l’école a reçu la sanction royale le 21 novembre 2000.
  2. 291. Les traits saillants de la loi sont les suivants:
    • - Le conseil scolaire est tenu de rétablir le fonctionnement normal des écoles et les enseignants doivent se présenter au travail et accomplir leurs fonctions.
    • - Toute nouvelle action de lock-out ou de grève est interdite, mais cela seulement dans le cadre de l’actuel cycle de négociation.
    • - Le non-respect de la loi est passible d’une amende.
    • - Dans le souci d’offrir aux parties une nouvelle possibilité de conclure leur convention, le processus de «scrutin sur les dernières offres» a été autorisé à se poursuivre.
    • - En outre, les parties ont eu droit à sept jours supplémentaires pour parvenir à un accord de plein gré ou déférer à un médiateur-arbitre toutes les questions litigieuses en suspens.
    • - Si les parties ne sont pas en mesure de parvenir à un accord et ne nomment pas de médiateur-arbitre, celui-ci est nommé par le ministre du Travail.
    • - Toute sentence rendue par un médiateur-arbitre doit être conforme à la loi sur l’éducation et doit pouvoir être mise en application sans entraîner de déficit budgétaire pour le conseil.
  3. 292. Le gouvernement considère que la négociation entre les parties est le meilleur moyen de régler les conflits du travail. En temps ordinaire, le gouvernement n’agit que pour soutenir et faciliter le processus de négociation collective en toute neutralité par le biais de ses services de conciliation et de médiation, respectueux de l’autonomie des parties. Ce n’est qu’en dernier ressort, lorsque les intérêts vitaux du public sont en jeu, que le gouvernement intervient directement par voie législative. Pour ce qui est de la loi de 2000, les écoles du district de Hamilton-Wentworth ont été privées d’enseignement en raison de l’absence des professeurs. Les conditions justifiant la législation de retour à l’école dans ce contexte étaient manifestement réunies.
    • - Les parties avaient déjà largement recouru aux services de conciliation et de médiation offerts par les pouvoirs publics, en vain et sans la moindre perspective de résultats.
    • - Les négociations entre les parties étaient entrées dans l’impasse.
    • - Aucune autre négociation entre les parties n’était programmée.
    • - Aucune probabilité d’accord négocié n’était en vue.
    • - Les enfants ont le droit, reconnu par la loi, d’être scolarisés dans la province de l’Ontario.
    • - Les élèves ont manqué l’école durant trois semaines et la perturbation causée par la grève a fortement compromis leur scolarité.
    • - La Commission des relations du travail dans l’éducation (CRE) a émis un «avis de risque» au titre de la loi sur l’éducation.
      • En ce qui concerne ce dernier point, le gouvernement attire l’attention sur la nature et les fonctions de la CRE, organe indépendant composé d’experts et chargé d’observer les répercussions des conflits sociaux dans le secteur de l’enseignement. Plus spécifiquement, la CRE a pour mission de conseiller le gouvernement lorsqu’elle considère que la poursuite d’une grève, d’un lock-out ou de la fermeture d’une école risque de faire perdre des heures d’enseignement aux élèves concernés. Le gouvernement n’a pris aucune mesure tant qu’il n’a pas reçu l’avis de la CRE sur les conséquences de ce conflit du travail.
    • 293. Eu égard à la situation d’ensemble, les intérêts des élèves, des parents et de la collectivité exigeaient du gouvernement une action ferme, malgré sa réticence à intervenir dans les relations du travail en temps ordinaire. S’il n’avait pas agi pour protéger l’intérêt public dans ces circonstances, il aurait manqué à ses obligations. Les décisions de supprimer par voie législative le droit de grève et de lock-out durant une période limitée doivent être prises au cas par cas selon les circonstances et dans un cadre souple permettant au gouvernement d’agir de manière responsable pour protéger l’intérêt public.
  4. 294. Dans son action, le gouvernement de l’Ontario est guidé par le souci d’autoriser et même d’encourager le bon déroulement de la négociation collective. En règle générale, les parties ont à charge de négocier leur convention collective et ont toute latitude à cet effet. Les services de conciliation et de médiation du ministère du Travail ont été proposés au conseil scolaire et à la fédération, comme c’est habituellement le cas. Le gouvernement n’est pas intervenu immédiatement dans le conflit par voie législative. Au contraire, il a fait preuve de retenue afin de laisser la grève influer sur les positions des négociateurs, dans l’espoir que les parties négocieraient librement leur convention collective. Mais au bout de presque trois mois sans convention collective et de trois semaines de conflit social, les élèves de Hamilton-Wentworth étaient toujours privés de leur droit à la scolarité. Aussi le gouvernement a-t-il décidé qu’au regard de la situation d’ensemble les intérêts des élèves de l’Ontario consistant à reprendre les cours devaient primer sur le droit de grève et de lock-out.
  5. 295. Quant à l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle le gouvernement n’aurait «donné aucune possibilité à la fédération de faire valoir ses arguments devant la commission des relations du travail dans l’éducation», celle-ci ne tient pas compte de l’autonomie de la CRE. La CRE surveille de manière indépendante les répercussions des conflits du travail dans le secteur de l’enseignement et joue un rôle consultatif auprès du gouvernement. Pour ce qui est de la consultation au sens large, les parties prenantes du secteur de l’enseignement et les citoyens peuvent exprimer leur point de vue sur les réformes de l’éducation avant leur entrée en vigueur en Ontario, soit par communication directe avec le gouvernement, soit par la procédure législative.
  6. 296. Quant aux allégations relatives aux restrictions imposées au médiateur-arbitre dans le domaine du financement, le gouvernement soutient que celles-ci relèvent de la politique de l’éducation. Le Comité de la liberté syndicale a reconnu que l’on pouvait distinguer, d’une part, les questions qui relèvent essentiellement de la direction et de la gestion des activités et sont réputées extérieures au champ de négociation et, d’autre part, les questions portant sur les conditions d’emploi qui doivent faire l’objet de négociations collectives. Le comité a reconnu en outre que certaines questions qui pouvaient être considérées comme étroitement liées à la politique de l’éducation étaient cependant susceptibles d’être exclues du champ de la négociation collective. Les conseils scolaires de l’Ontario fournissent un service public vital. Ils ont pour mission d’administrer des écoles fréquentées par près de 2 millions d’élèves, qui ont un droit légal à l’enseignement. Le fonctionnement des écoles en tant que lieux de travail doit par conséquent être compatible avec les objectifs de politique générale, dont la qualité de l’enseignement est l’un des principaux objectifs. Il est donc raisonnable, selon le gouvernement, d’exiger des arbitres qu’ils tiennent compte, en rendant leur sentence, des obligations particulières des conseils scolaires et des impératifs d’une gestion financière rationnelle.
  7. 297. Les organisations plaignantes allèguent que les restrictions imposées à l’instance d’arbitrage privent partiellement le mécanisme de sa capacité à compenser la perte du droit de grève pour les enseignants. Il s’agit là d’une interprétation erronée de la loi sur le retour à l’école. Les organisations plaignantes soutiennent par exemple que «les critères imposés par l’Etat .... sont de nature à dicter à l’arbitre les résultats auxquels il doit parvenir». Or l’objectif primordial des restrictions financières énoncées dans la loi sur le retour à l’école est de garantir que tout accord d’arbitrage, à l’instar de toute autre convention négociée, est conforme à la loi sur l’éducation (y compris le règlement afférent au système de financement) qui s’applique à tous les conseils scolaires de la province de l’Ontario. Il importe également de prendre en compte la nature de la formule de financement établie par voie réglementaire au titre de la loi sur l’éducation. Cette formule est libellée de manière conforme aux normes établies par la constitution canadienne quant au respect du droit à l’éducation dans les établissements confessionnels et du droit à l’éducation dans les langues minoritaires. De plus, la loi sur l’éducation stipule que les règlements régissant le financement de l’éducation doivent s’appliquer de façon «équitable et non discriminatoire».
  8. 298. Le gouvernement conclut que, eu égard aux circonstances, la loi sur le retour à l’école ne constitue pas une violation des conventions de l’OIT nos 87, 98, 151 et 154.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 299. Le comité note que les allégations avancées dans cette affaire découlent de l’adoption de la loi sur le retour à l’école (loi 145) en novembre 2000. Cette loi oblige les enseignants du cycle élémentaire d’Ontario à reprendre le travail après que trois semaines de grève et de lock-out licites n’eurent pas permis aux parties de conclure une nouvelle convention collective. Les principales dispositions de la loi 145 sont les suivantes:
    • a) l’article 3 fait obligation au conseil scolaire d’assurer la reprise des activités normales et aux enseignants de se présenter au travail et d’accomplir leurs fonctions;
    • b) les articles 5 et 6 interdisent toute autre action de grève et de lock-out;
    • c) les articles 10 à 12 autorisent la poursuite d’un processus de «scrutin sur les dernières offres», conférant aux parties une nouvelle occasion de conclure une convention collective de leur plein gré. Si l’offre du conseil scolaire est rejetée et si les parties ne parviennent pas à un accord dans les sept jours suivant la promulgation de la loi, les termes de la nouvelle convention collective seront déterminés par voie de médiation-arbitrage;
    • d) l’article 18 impose des contraintes au médiateur-arbitre, portant à la fois sur les aspects financiers et sur l’enseignement dispensé aux élèves.
  2. 300. D’emblée, le comité ne peut que relever la similitude frappante entre la présente plainte et le cas no 2025. [Voir 320e rapport, paragr. 374-414.] Les deux font intervenir pratiquement les mêmes parties, les allégations des organisations plaignantes sont presque identiques, les observations et arguments du gouvernement sont essentiellement les mêmes et les deux affaires soulèvent des questions semblables: a) la violation du droit de grève; b) l’imposition d’un processus d’arbitrage qui ne remplit pas les conditions d’indépendance et d’impartialité requises et qui restreint indûment l’étendue des compétences de l’arbitre; et c) l’absence de consultation avant l’adoption de la loi. Tout en soulignant la gravité de ces violations, le comité juge inutile de réitérer l’ensemble de ses commentaires et recommandations, dont la plupart sont également applicables ici, mutatis mutandis, et se limitera à rappeler les principes reconnus de la liberté syndicale.
    • Le droit de grève
  3. 301. Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a violé leur droit légal de faire grève pour défendre leurs intérêts; elles notent que la grève a eu lieu en temps opportun et a été approuvée par un vote des membres de l’unité de négociation. Le gouvernement répond qu’il n’est pas intervenu immédiatement dans le conflit et qu’il a au contraire fait preuve de retenue, en laissant la grève influencer les positions de négociation des parties en espérant que celles-ci négocieraient librement leur convention; le gouvernement soutient que la promulgation de ladite loi était justifiée afin de protéger l’intérêt public, en particulier l’intérêt des élèves à une reprise des cours, et que cet intérêt prime sur le droit de grève et de lock-out.
  4. 302. Le comité note que les organisations plaignantes ont observé toutes les prescriptions légales pour exercer leur droit à l’action syndicale et rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels et légitimes dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 474-475] sous réserve d’un nombre limité d’exceptions, en notant que le secteur de l’enseignement ne figure pas dans la liste de ces exceptions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.]
  5. 303. Tout en reconnaissant qu’une grève dans un service non essentiel peut avoir des conséquences préjudiciables, celles-ci ne sauraient justifier une limitation radicale du droit de grève, à moins qu’elles ne soient de nature à mettre en péril la vie, la sécurité et la santé de tout ou partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 541.] Qui plus est, lors de l’examen d’une autre plainte relative au secteur de l’enseignement, le comité a déclaré que les conséquences éventuelles à long terme d’une grève dans le secteur de l’enseignement ne sauraient justifier l’interdiction de la grève [262e rapport, cas no 1448, paragr. 117]. Dans le cas présent, tout en ayant conscience que la poursuite du conflit aurait pu s’avérer préjudiciable aux élèves, le comité n’est pas convaincu que, eu égard aux circonstances et au stade où se trouvait alors le conflit, la situation était de nature à justifier l’action législative du gouvernement. Le comité déplore profondément la décision du gouvernement, à deux reprises [plainte relative à la loi sur le retour à l’école no 2025 en septembre 1998], d’adopter une telle législation d’exception qui crée une situation où les travailleurs de l’enseignement jouissent en théorie du droit de grève alors que, dans la pratique, ce droit leur est dénié lorsqu’ils veulent l’exercer. Le comité considère que le recours systématique à de telles restrictions législatives pour suspendre ou supprimer l’exercice des droits garantis par la législation générale aux travailleurs et à leurs syndicats ne peut que déstabiliser durablement le climat des relations du travail. Le comité réitère par conséquent sa demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir aux enseignantes et aux enseignants de l’Ontario l’exercice du droit de grève et d’éviter à l’avenir de recourir à la loi sur le retour à l’école. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • L’arbitrage obligatoire
  6. 304. Les organisations plaignantes soutiennent que le gouvernement a porté atteinte à l’indépendance et à l’impartialité du processus d’arbitrage, de même qu’à la liberté de la négociation collective, en restreignant le champ de compétence de l’arbitre et en lui imposant notamment des contraintes financières qui reviennent à lui dicter ou à déterminer à l’avance les résultats de l’arbitrage. Le gouvernement déclare que les restrictions fiscales imposées à l’arbitre relèvent de sa politique de l’éducation dont on peut considérer qu’elle n’entre pas dans le champ de la négociation collective.
  7. 305. Quant au caractère obligatoire du processus d’arbitrage, le comité rappelle que les organismes appelés à résoudre des différends de ce type devraient être indépendants et que le recours à ces organismes devrait se faire sur une base volontaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 858.] De plus, le recours à l’arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la négociation collective n’est admissible que pour les services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 860.]
  8. 306. En ce qui concerne les restrictions imposées au médiateur-arbitre, le comité est d’avis que, si l’on peut en l’espèce tenir compte de certaines considérations financières, en reconnaissant par là que les caractéristiques spéciales du service public justifient une certaine souplesse dans l’application du principe d’indépendance des parties à la négociation collective, dans la pratique, la loi 145 impose aux arbitres une sorte de camisole de force en matière financière qui va au-delà de ce qui est admissible au regard des principes de la liberté d’association. Le comité rappelle que, dans le cadre des procédures de médiation et d’arbitrage de conflits collectifs, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties soit maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549.] Par conséquent, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de faire en sorte qu’à l’avenir le recours à l’arbitrage pour le règlement des différends intervienne sur une base volontaire et que cet arbitrage, dès lors qu’il est choisi de plein gré par les parties pour régler leur différend, soit pleinement indépendant et conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande à être informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • Absence de consultation
  9. 307. Les organisations plaignantes soutiennent également que le gouvernement a porté atteinte à la liberté de négociation collective en édictant la loi sur le retour à l’école de manière précipitée et sans consultation adéquate. Le gouvernement déclare que les parties prenantes du secteur de l’enseignement et la société civile ont la possibilité d’exprimer leur avis sur les réformes dans ce secteur, soit par communication directe avec le gouvernement, soit par voie législative.
  10. 308. Le comité rappelle à cet égard l’importance qu’il convient d’attacher à la tenue de consultations franches et complètes sur toute question ayant une incidence sur les droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 927.] Il rappelle aussi le caractère essentiel et l’intérêt de la consultation lors de la préparation et de la mise en œuvre de la législation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 929.] Le comité prie le gouvernement de veiller à l’avenir, en de telles circonstances, à tenir des consultations approfondies et de bonne foi afin que les parties disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute connaissance de cause.
    • Remarques finales
  11. 309. Le comité prend acte de la demande des organisations plaignantes d’envoyer une mission du BIT au Canada afin d’examiner le processus de négociation collective dans le secteur de l’enseignement, sachant que le présent cas n’est que le dernier en date d’une série de plaintes pour atteintes au processus de négociation collective dans plusieurs provinces.
  12. 310. Le comité note avec une inquiétude croissante que les violations de la liberté syndicale énoncées dans le présent cas constituent une réplique quasi exacte de celles examinées dans un cas récent, deux ans à peine après le premier. De plus, ainsi que l’a déjà souligné le comité [320e rapport, cas no 2025, paragr. 412-413], ces violations interviennent dans le cadre d’une longue série de réformes législatives en Ontario. Chaque fois, le comité en a souligné les éléments incompatibles avec le principe de la liberté syndicale [cas no 1900, 308e rapport; cas no 1943, 310e rapport; cas no 1951, 311e et 316e rapports; cas no 1975, 316e rapport]. Le comité insiste sur la gravité de la situation et souligne que le recours répété à des restrictions législatives de la liberté syndicale et de la négociation collective ne peut, à terme, qu’avoir un effet préjudiciable et déstabilisant sur les relations du travail, car il prive les travailleurs d’un droit fondamental et d’un instrument de défense et de promotion de leurs intérêts socio-économiques. Le comité suggère une fois encore au gouvernement de faire appel à l’assistance technique du Bureau.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 311. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures pour garantir aux enseignantes et aux enseignants de l’Ontario l’exercice du droit de grève et d’éviter de recourir à la législation sur le retour au travail. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de faire en sorte que le recours à l’arbitrage pour le règlement des différends concernant les enseignants de l’Ontario soit de nature volontaire et, dès lors qu’il est choisi librement par les parties, qu’il soit authentiquement indépendant et conforme au principe de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité invite le gouvernement à faire en sorte qu’à l’avenir se déroulent des consultations complètes et de bonne foi sur toute question ayant des incidences sur les droits syndicaux, en particulier lorsque la législation porte précisément sur ces droits, de telle sorte que les parties disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute connaissance de cause.
    • d) Le comité suggère à nouveau au gouvernement de recourir à l’assistance technique du Bureau.
    • e) Le comité soumet les aspects législatifs du présent cas relevant de la convention no 87 à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
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