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Informe provisional - Informe núm. 309, Marzo 1998

Caso núm. 1851 (Djibouti) - Fecha de presentación de la queja:: 19-SEP-95 - Cerrado

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Allégations: arrestations, licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite de grève, fermeture de locaux syndicaux

  • Allégations: arrestations, licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite de grève, fermeture de locaux syndicaux
    1. 224 Le comité a examiné le cas no 1851 à deux reprises, à ses sessions de juin 1996 et de juin 1997. (Voir les rapports du comité approuvés par le Conseil d'administration à ses 266e et 269e sessions, mai-juin 1996 et 1997, au cours desquelles il a formulé des conclusions intérimaires, 304e rapport, paragr. 255 à 286, et 307e rapport, paragr. 253 à 272 respectivement.)
    2. 225 Le cas no 1922 présenté par l'Internationale de l'éducation (EI), le Syndicat des enseignants du second degré (SYNESED) et le Syndicat des enseignants du primaire (SEP) est contenu dans une communication du 4 avril 1997.
    3. 226 Face à la gravité des allégations présentées dans ces deux cas, à sa session de mai-juin 1997, le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement d'accepter la visite sur place d'une mission de contacts directs. (Voir 307e rapport, paragr. 272.)
    4. 227 Le gouvernement ayant donné son consentement à la venue de la mission, dès le mois d'août 1997, pour qu'elle ait lieu au début de 1998, des dispositions ont été prises à cet effet. Le Directeur général a désigné le professeur Jean-Maurice Verdier, membre de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, comme son représentant pour effectuer cette mission, qui s'est tenue à Djibouti du 11 au 18 janvier 1998. Au cours de cette mission de contacts directs, le représentant du Directeur général était accompagné par Mme A.-J. Pouyat, haut fonctionnaire du Service de la liberté syndicale, ainsi que par Mme M. Guillio, chargée de programme, et de M. C. Kompier, expert associé pour les normes internationales du travail, au bureau de zone de l'OIT à Addis-Abeba. Ce bureau avait pris les contacts utiles pour assurer le bon déroulement de la mission. Le rapport de mission figure en annexe à la fin du présent rapport.
    5. 228 Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Situation antérieure à la mission

A. Situation antérieure à la mission
  1. 229. Les allégations dans le cas no 1851 se référaient aux arrestations, licenciements massifs, suspensions et radiations de militants et de dirigeants syndicaux de nombreux secteurs d'activité (chemins de fer, aéroport, électricité, postes et télécommunications, santé, eau et enseignement) à la suite d'une grève de protestation déclenchée en septembre 1995 contre une loi de finance qui portait lourdement atteinte au niveau de vie des travailleurs. Par la suite, d'autres grèves déclenchées par les enseignants au cours de l'année 1996 pour protester contre les retards accumulés dans le paiement des arriérés de salaires avaient été à nouveau suivies d'arrestations et de licenciements massifs d'un très grand nombre d'enseignants (400 enseignants auraient été radiés par une note de service du ministère de l'Education et 180 instituteurs suppléants auraient été licenciés le 28 janvier 1996 pour avoir participé à une grève), ainsi que de la suspension puis de la radiation d'enseignants fonctionnaires dirigeants du SYNESED et de nouvelles arrestations contre une manifestation de solidarité des enseignants à l'égard des radiations de leurs camarades grévistes. Parallèlement, une organisation syndicale acquise à la cause du gouvernement, le Congrès djiboutien du travail (CODJITRA), a été créée et, en mai 1996, les locaux de l'Union générale des travailleurs de Djibouti (UGTD) ont été fermés par les forces de sécurité. En outre, les cotisations syndicales des syndicats de base (postes et télécommunications (OPT) et électricité (SEED)) ont été gelées, et l'avocat de la coordination intersyndicale UDT/UGTD, Maître Mohamed Aref, a été suspendu de ses fonctions et inculpé.
  2. 230. Le cas no 1922 présenté par l'Internationale de l'éducation (EI), le Syndicat des enseignants du second degré (SYNESED) et le Syndicat des enseignants du primaire (SEP) se rapportait également aux mesures de représailles antisyndicales qui avaient frappé des enseignants au cours des événements qui s'étaient déroulés en 1995, en 1996 et en 1997.
  3. 231. Lors de son dernier examen du cas no 1851, le comité avait regretté que le gouvernement n'ait pas fourni de réponse concrète et détaillée aux allégations, ce d'autant plus que les mesures répressives qui avaient frappé les militants et les dirigeants syndicaux n'avaient pas été levées, mais qu'au contraire elles s'étaient aggravées. Il avait demandé instamment au gouvernement de libérer les syndicalistes arrêtés pour fait de grève en août et en septembre 1995 qui seraient encore détenus et dont il avait donné la liste à l'annexe I de son rapport, de le tenir informé du sort des dirigeants qui feraient l'objet de poursuites judiciaires et de communiquer le texte des jugements rendus. Il avait aussi demandé au gouvernement de fournir des informations sur les licenciements, suspensions et radiations de grévistes en 1995, 1996 et 1997, dont il avait donné la liste à l'annexe II de son rapport, et l'avait exhorté à prendre des mesures pour lever immédiatement les sanctions massives qui avaient frappé les grévistes et pour les réintégrer dans leur poste de travail. Il avait également demandé au gouvernement de rétablir les dirigeants syndicaux dans leurs fonctions, de mettre un terme à la fermeture du local de l'UGTD par les forces de l'ordre, estimant que cette mesure constitue une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux, et de lever le gel des cotisations syndicales du Syndicat des employés de l'Office des postes et télécommunications (OPT) et du Syndicat des employés de l'électricité de Djibouti (SEED). Par ailleurs, il avait demandé au gouvernement de fournir ses commentaires au sujet de la création alléguée d'une organisation syndicale acquise à sa cause, le Congrès djiboutien du travail (CODJITRA), de la radiation alléguée de cinq dirigeants d'un syndicat d'enseignants en février 1997, ainsi que de la déportation de 500 personnes dans un camp suite à une manifestation, et de la suspension de l'avocat de la coordination intersyndicale UDT/UGTD, Maître Mohamed Aref.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 232. Compte tenu de ce que les informations recueillies par le représentant du Directeur général au cours de la mission de contacts directs figurent en annexe au présent rapport, le comité se propose de formuler directement ses conclusions sur les divers aspects des cas relatifs à Djibouti actuellement en instance.
  2. 233. Le comité estime, tout d'abord, que le rapport détaillé du représentant du Directeur général prouve l'utilité de telles missions pour un examen approfondi et objectif des plaintes.
  3. 234. Le comité note avec intérêt l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et les facilités qui ont été accordées sans réserve à la mission. Il exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit. Le comité relève notamment, avec satisfaction, que la mission a pu obtenir toutes les informations désirées et rencontré toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir pour le bon accomplissement de sa tâche.
  4. 235. Sur le fond des affaires en instance, s'agissant des arrestations et des détentions de syndicalistes, le comité note avec intérêt qu'il n'y a plus actuellement de personnes détenues pour des faits intéressant l'exercice de la liberté syndicale ou le droit de grève, ni de poursuites judiciaires pour les mêmes raisons, sous réserve d'un appel interjeté par le secrétaire général adjoint de l'UGTD concernant sa condamnation à trois mois de prison et 60 000 francs d'amende pour outrage. L'intéressé ayant fait appel de sa condamnation n'a toutefois pas exécuté sa peine. Quant aux poursuites judiciaires intentées contre les enseignants du secondaire, dirigeants du SYNESED, elles ont été abandonnées. Il n'en demeure pas moins que de très nombreuses personnes ont été mises en garde à vue dans le centre de détention de Nagad pendant 72 heures à la suite de mouvements de grève ou de manifestations de solidarité en 1995, 1996 et 1997 pour, selon les autorités gouvernementales, trouble de l'ordre public, qu'elles n'ont été libérées souvent qu'à la suite de l'intervention personnelle du ministre de l'Education nationale et qu'un dirigeant syndical a été condamné à trois mois de prison et à une amende pour outrage dès la première grève de 1995, sans toutefois qu'il ait exécuté sa peine.
  5. 236. Dans ces conditions, le comité rappelle l'importance qu'il attache au droit de grève qui est un corollaire indissociable du droit d'association syndicale protégé par la convention no 87. Il souligne que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constituent une violation des principes de la liberté syndicale (voir paragr. 70, Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996) et que les condamnations pénales de dirigeants syndicaux pour le simple fait d'avoir appelé leurs militants à un mouvement de grève légitime ne sont pas compatibles avec la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement, à l'avenir, de respecter ces principes.
  6. 237. Au sujet des mesures de licenciements massifs qui ont frappé les grévistes dans l'enseignement, le comité note également que les 400 radiations d'instituteurs alléguées par la CISL et la coordination intersyndicale UDT/UGTD concernaient en réalité des chômeurs utilisés en remplacement temporaire d'enseignants grévistes recrutés durant la grève pour assurer la garde des enfants qui n'ont pas été maintenus en emploi. Il note aussi que la plupart des 180 instituteurs grévistes licenciés après les grèves ainsi que les grévistes d'autres secteurs de l'activité économique ont été repris à la satisfaction des organisations syndicales. Le comité observe cependant que, selon les représentants des travailleurs, ces réintégrations dans l'enseignement, notamment, sont intervenues après que les intéressés aient dû s'engager par écrit à ne pas adhérer à un syndicat, ce que les autorités gouvernementales du ministère de l'Education nationale ont fermement nié. Sur ce dernier point, le comité insiste sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté ou autre engagement de même nature ne devraient pas être imposées pour obtenir la réintégration dans l'emploi, et il insiste auprès du gouvernement pour que soient abrogées de telles déclarations.
  7. 238. Le comité observe par ailleurs avec un profond regret que, d'après les informations recueillies par la mission, la totalité des hauts dirigeants de la coordination intersyndicale UDT/UGTD et plusieurs hauts dirigeants du SYNESED et du SEP sont toujours privés de leur emploi, ou même radiés pour cinq d'entre eux, de la fonction publique, à la suite des actions de grève et des manifestations pacifiques de 1995, 1996 et 1997. De plus, le comité relève que les autorités gouvernementales du ministère de la Fonction publique ont déclaré à la mission que seuls les enseignants fonctionnaires en activité pouvaient appartenir aux deux syndicats d'enseignants, le SYNESED et le SEP. Force est donc de constater que les dirigeants syndicaux licenciés dans l'enseignement et que les fonctionnaires enseignants radiés de la fonction publique ainsi que les employés grévistes des chemins de fer, de l'aéroport, de l'électricité de Djibouti et de la poste ne sont plus reconnus par les autorités comme des dirigeants syndicaux élus susceptibles de défendre et de promouvoir les intérêts de leurs mandants. A ce sujet, le comité rappelle que la perte de qualité de syndicaliste résultant d'un licenciement pour fait de grève n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. (Voir le cas no 1266 Burkina Faso, 246e rapport, paragr. 164.)
  8. 239. Le comité note que le gouvernement a déclaré que certains enseignants grévistes avaient quitté le pays, mais il a indiqué qu'il ne s'opposerait pas à la reprise comme contractuels des enseignants radiés s'ils en font la demande.
  9. 240. Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement remplira le calendrier de rencontres dont le début a été fixé lors de la réunion tenue au cours de la mission de contacts directs au ministère du Travail avec les organisations syndicales, en vue d'examiner les mesures à prendre pour que soient rapportés ou annulés les licenciements des dirigeants syndicaux licenciés et pour qu'ils soient réintégrés le plus rapidement possible dans leur poste de travail et dans leurs fonctions. Il s'agit en particulier de MM. Ahmed Djama Egueh, Aden Mohamed Abdou, respectivement président et secrétaire général de l'UDT, de MM. Kamil Diraneh Hared et Mohamed Doubad Wais, secrétaires généraux de l'UGTD, de M. Habib Ahmed Doualleh, secrétaire général du Syndicat des employés de l'électricité, M. Abdillahi Aden Ali, responsable de la coordination intersyndicale, ainsi que de trois syndicalistes des chemins de fer, MM. Houssein Dirieh Gouled, Ahmed Elmi Fod et Moussa Wais Ibrahim. Tous ces dirigeants et militants syndicaux ont été licenciés depuis le mois de septembre 1995 à la suite de la grève de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement, il y a deux ans et demi. Le comité invite également le gouvernement à tout mettre en oeuvre pour que les cinq enseignants fonctionnaires titulaires de l'enseignement secondaire radiés de la fonction publique, en février 1997, et les deux enseignants du primaire révoqués en 1996, nommément désignés par les plaignants, soient réintégrés dans leur poste et dans leurs fonctions s'ils en font la demande.
  10. 241. Au sujet du gel des cotisations syndicales, le comité note avec intérêt que les banques qui détenaient les avoirs du Syndicat des employés de l'Office des postes et des télécommunications (OPT) et du Syndicat des employés de l'électricité de Djibouti (SEED) ont restitué les cotisations syndicales aux dirigeants de ces syndicats.
  11. 242. Au sujet de la création d'une organisation syndicale acquise à la cause du gouvernement, le Congrès djiboutien du travail (CODJITRA), le comité note que la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail de juin 1997 a estimé à l'unanimité que les pouvoirs du délégué des travailleurs de Djibouti, M. Mohamoud Ali Boulaleh, secrétaire général du Congrès djiboutien du travail, désigné par arrêté gouvernemental no 97/086/CAB en tant que représentant des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale du Travail de juin 1997, devraient être invalidés. Elle indiquait notamment: "Les éléments dont dispose actuellement la commission indique que le délégué travailleur a été choisi au sein de l'organisation, étroitement liée au gouvernement, au détriment de l'organisation qui apparaît indiscutablement comme la plus représentative à Djibouti, en violation de l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT. (Compte rendu provisoire, 85e session, Genève 1997, VII D)". Dans le cas où existe une étroite relation entre un syndicat et les autorités publiques, le comité a toujours souligné l'importance qu'il attache à la résolution de 1952 concernant l'indépendance du mouvement syndical et a demandé instamment au gouvernement de s'abstenir de faire preuve de favoritisme ou, au contraire, de discrimination à l'égard d'un syndicat donné, et d'adopter une attitude neutre lorsqu'il traite avec les organisations d'employeurs et de travailleurs afin qu'elles soient toutes placées sur un pied d'égalité. (Voir op. cit., paragr. 305.)
  12. 243. S'agissant du local de l'UGTD fermé par les forces de l'ordre depuis le 7 mai 1996, le comité note avec satisfaction qu'au cours de la réunion tenue dans le bureau du ministre du Travail avec les représentants des organisations syndicales en présence de la mission le ministre du Travail a chargé le directeur du travail d'en remettre les clés au porte-parole de la coordination intersyndicale UDT/UGTD et que la remise a été effectuée le jour même, le 15 janvier 1998.
  13. 244. Toutefois, le comité observe avec préoccupation que, selon les informations recueillies par la mission auprès des représentants des travailleurs, le 7 juillet 1997, un huissier de justice et des policiers en uniforme ont forcé la porte du domicile privé du président de l'UDT, M. Egueh, également secrétaire général du Syndicat des employés de l'aéroport, et qu'ils ont emporté les archives syndicales de l'UDT, alors que la justice avait donné gain de cause à M. Egueh sur la question de son logement.
  14. 245. Le comité rappelle l'importance du principe de l'inviolabilité des biens syndicaux. Il attire en conséquence l'attention du gouvernement sur le fait que toute descente au siège d'un syndicat ainsi qu'au domicile de syndicalistes sans mandat judiciaire constitue une très grave violation de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 175.) Le comité invite le gouvernement à restituer au plus vite les archives syndicales de l'UDT et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  15. 246. Au sujet de la suspension de Maître Aref, avocat des organisations syndicales, le comité observe que la version des plaignants et du gouvernement sont en partie contradictoires. D'après les informations recueillies par la mission, le gouvernement estime que Maître Aref a été suspendu pour des faits autres que la défense des intérêts des militants syndicaux. Il serait poursuivi pénalement pour s'être constitué défenseur d'une société de droit privé à Djibouti et de la partie adverse, une société de droit britannique dans un même procès. L'affaire le concernant devrait être jugée au mois de mars 1998. En attendant, le Barreau de Djibouti lui a interdit temporairement d'exercer la profession d'avocat. Maître Ali Dimi, bâtonnier de l'ordre des avocats de Djibouti, a fait état des mêmes causes pour la poursuite pénale. En revanche, les représentants des travailleurs contestent vigoureusement cette version des faits et estiment que Maître Aref fait l'objet de sanctions pour les avoir défendus et que, depuis lors, aucun avocat de Djibouti n'ose prendre la défense des syndicalistes, d'autant que les plaintes déposées par ces derniers auprès du ministère public restent sans suite. Selon le rapport d'une organisation de droits de l'homme adressé à la mission par Maître Aref, une réclamation purement disciplinaire avait été déposée par un cabinet d'avocats londonien en mars 1995, mais elle était restée sans suite pendant plus d'un an, après les explications fournies par Maître Aref au bâtonnier et au cabinet d'avocats londonien. Puis Maître Aref a été inculpé pour escroquerie le 23 janvier 1997 et cité à comparaître devant le tribunal correctionnel le 6 octobre 1997 sans avoir pu obtenir de précision sur les charges retenues contre lui. Parallèlement, le Conseil de l'ordre des avocats de Djibouti lui a interdit provisoirement d'exercer ses fonctions depuis février 1997, soit deux ans après la réclamation disciplinaire du cabinet britannique. Maître Aref a introduit un recours devant la Cour d'appel contre la décision d'interdiction provisoire d'exercer la profession d'avocat qui le frappe ainsi qu'un pourvoi devant la Cour suprême soulevant des moyens de nullité de la procédure pénale engagée contre lui. Les procédures pénales et disciplinaires engagées à son encontre auraient été menées dans des conditions contraires à la présomption d'innocence et au respect des droits de la défense, en vue de l'empêcher d'exercer son activité de défenseur en justice.
  16. 247. Le comité relève avec préoccupation que, selon les représentants des travailleurs rencontrés par la mission depuis que Maître Aref a fait l'objet de sanctions, aucun avocat à Djibouti n'ose prendre la défense des syndicalistes et que les plaintes déposées par ces derniers restent sans suite. Le comité insiste donc sur l'importance du principe selon lequel les garanties de procédure judiciaire régulière ne doivent pas seulement être exprimées dans la législation mais elles doivent être appliquées dans la pratique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 107.) Le comité demande au gouvernement d'exercer la plus grande vigilance dans la promotion et la défense de la liberté syndicale et de prendre les mesures nécessaires pour que soient instruites les plaintes déposées par les organisations syndicales ou les syndicalistes ainsi que celles déposées par Maître Aref, et de communiquer le texte des décisions de justice rendues au sujet de la situation disciplinaire et pénale de Maître Aref, avocat défenseur des syndicalistes.
  17. 248. Le comité observe par ailleurs, d'après les informations recueillies par la mission, que la révision du Code du travail est actuellement en cours en consultation avec les représentants des employeurs. Le comité rappelle l'importance de la consultation de l'ensemble des partenaires sociaux, y compris des représentants des travailleurs, lors de l'élaboration des législations sociales et la disponibilité de l'assistance technique du BIT pour la révision de la législation du travail en cours.
  18. 249. Le comité a été informé que, depuis le retour de la mission, un Séminaire national tripartite sur la révision du Code du travail s'est tenu à Djibouti et qu'une représentante du Service des relations professionnelles du BIT a pu y participer. Le comité prend note de cette information avec intérêt.
  19. 250. De même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son observation de décembre 1997, le comité exprime le ferme espoir qu'une législation conforme aux principes de la liberté syndicale sera adoptée et que la révision en cours de la législation du travail permettra de modifier le décret du 10 septembre 1983 afin de circonscrire les larges pouvoirs du Président de la République de réquisitionner les fonctionnaires indispensables à la vie de la nation et au bon fonctionnement des services publics essentiels, aux cas dans lesquels, de l'avis des organes de contrôle, les restrictions, voire les interdictions, à l'exercice du droit de grève sont admissibles, à savoir à l'égard des fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, ou en cas de crise nationale aiguë, et de lever les restrictions relatives aux élections syndicales contenues dans l'article 6 du Code du travail qui réservent l'exercice des fonctions syndicales aux nationaux pour permettre aux étrangers d'accéder aux fonctions syndicales, tout au moins après une période raisonnable de résidence dans le pays afin d'assurer l'application de l'article 3 de la convention no 87.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 251. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note avec intérêt l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et les facilités qui ont été accordées à la mission de contacts directs qui a pu obtenir toutes les informations qu'elle désirait et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir, et il exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit.
    • b) Le comité note également avec intérêt que plus personne n'est actuellement en prison ou ne fait l'objet de poursuites judiciaires pour des faits intéressant l'exercice de la liberté syndicale ou le droit de grève. Observant néanmoins que de très nombreuses personnes ont été mises en garde à vue dans le centre de détention de Nagad pendant 72 heures à la suite de mouvements de grève et de manifestations pacifiques en 1995, 1996 et 1997 et qu'elles ont été libérées par la suite, souvent grâce à l'intervention du ministre de l'Education nationale, le comité rappelle l'importance du droit de grève qui est un corollaire indissociable du droit d'association syndicale protégé par la convention no 87. Il souligne en conséquence que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes et pacifiques, même si c'est pour une courte période, constituent une violation des principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement à l'avenir de respecter ce principe.
    • c) Le comité note également avec satisfaction que les clés du local de l'UGTD fermé par les forces de l'ordre depuis le 7 mai 1996 ont été restituées au porte-parole de la coordination intersyndicale UDT/UGTD le 15 janvier 1998 au cours de la réunion tenue dans le bureau du ministre du Travail avec les représentants des organisations syndicales en présence de la mission. Néanmoins, le comité observe avec préoccupation que depuis le 16 juillet 1997 les archives syndicales de l'UDT ont été confisquées par les autorités au domicile privé du président de cette organisation. Le comité attire l'attention du gouvernement sur l'inviolabilité des biens syndicaux et invite le gouvernement à restituer au plus vite les archives syndicales de l'UDT et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité note avec intérêt qu'un grand nombre de travailleurs licenciés pour avoir participé à des grèves et à des manifestations ont été réintégrés dans leurs fonctions et que les personnes qui avaient été engagées pour remplacer les enseignants grévistes n'ont pas été maintenus en emploi à la satisfaction des organisations syndicales. Cependant, le comité note avec une profonde préoccupation que la haute direction de la coordination intersyndicale licenciée depuis deux ans et demi pour avoir lancé un mot d'ordre de grève de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement et plusieurs syndicalistes nommément désignés par les plaignants n'ont toujours pas été réintégrés dans leur emploi, que deux enseignants du primaire ont été révoqués en 1996 et que cinq enseignants fonctionnaires titulaires de l'enseignement secondaire ont été radiés de la fonction publique en février 1997 à la suite de grève. Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement remplira le calendrier de rencontres fixé lors de la réunion tenue au cours de la mission de contacts directs au ministère du Travail avec les organisations syndicales et invite très fermement le gouvernement à assurer que tous les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande soient réintégrés dans leur emploi et dans leurs fonctions, et le prie de le tenir informé des développements qui interviendront à cet égard. A ce sujet, compte tenu des conditions dans lesquelles s'est produite la réintégration de grévistes dans leur poste de travail, le comité insiste sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté ou autre engagement de même nature ne devraient pas être imposés pour obtenir la réintégration dans l'emploi, et il insiste auprès du gouvernement pour que soient abrogées de telles déclarations.
    • e) Le comité demande au gouvernement d'exercer la plus grande vigilance dans la promotion et la défense de la liberté syndicale et donc de prendre les mesures nécessaires pour que soient instruites les plaintes déposées par les organisations syndicales ou les syndicalistes ainsi que celles déposées par Maître Aref, et de communiquer le texte des décisions de justice rendues au sujet de la situation disciplinaire et pénale de Maître Aref, avocat défenseur des syndicalistes.
    • f) Enfin, le comité exprime le ferme espoir que la révision de la législation du travail en cours se poursuivra en consultation avec l'ensemble des partenaires sociaux employeurs et travailleurs et qu'elle permettra l'adoption de dispositions conformes aux principes de la liberté syndicale en ce qui concerne en particulier l'exercice du droit de grève et l'élection des dirigeants syndicaux, et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Annexe

Annexe
  1. Rapport sur une mission de contacts directs effectuée à
  2. Djibouti
  3. (11-18 janvier 1998)
  4. Par des communications datées des 19 septembre et 9
  5. décembre 1995, et des 28
  6. janvier et 12 mars 1996, la Confédération internationale des
  7. syndicats libres
  8. (CISL), l'intersyndicale, Union djiboutienne du travail/Union
  9. générale des
  10. travailleurs de Djibouti (UDT/UGTD), et l'Organisation de
  11. l'unité syndicale
  12. africaine (OUSA) ont présenté des plaintes en violation de la
  13. liberté
  14. syndicale contre le gouvernement de Djibouti (cas no 1851).
  15. Sur la base des plaintes relatives au cas no 1851, des
  16. informations
  17. complémentaires envoyées par les organisations plaignantes
  18. en mars 1997 et des
  19. réponses écrites fournies par le gouvernement en février 1996
  20. et mai 1997, le
  21. Comité de la liberté syndicale a examiné ce cas à deux
  22. reprises (en mai-juin
  23. 1996 et en mai-juin 1997) et abouti à chacune de ses réunions
  24. à des
  25. conclusions intérimaires (voir 304e rapport, paragr. 255 à 286,
  26. et 307e
  27. rapport, paragr. 253 à 272, approuvés par le Conseil
  28. d'administration à ses
  29. 266e et 269e sessions respectivement).
  30. Par ailleurs, l'Internationale de l'éducation (EI) a présenté une
  31. autre
  32. plainte en violation de la liberté syndicale contre le
  33. gouvernement de
  34. Djibouti, par une communication datée du 4 avril 1997 (cas no
  35. 1922).
  36. A sa session de mai-juin 1997, le Comité de la liberté syndicale
  37. a demandé au
  38. gouvernement d'accepter la visite sur place d'une mission de
  39. contacts directs
  40. (voir 307e rapport, paragr. 272).
  41. Dans une communication du 30 août 1997, le gouvernement a
  42. indiqué qu'il
  43. souhaitait que la mission de contacts directs concernant les
  44. cas nos 1851 et
  45. 1922 ait lieu au début de 1998. Le 10 décembre 1997, le
  46. ministre du Travail et
  47. de la Formation professionnelle a adressé une communication
  48. au Directeur
  49. général du BIT acceptant la venue de la mission de contacts
  50. directs dans le
  51. cadre des cas en instance devant le comité.
  52. Le Directeur général a désigné le professeur Jean-Maurice
  53. Verdier, membre de
  54. la Commission d'experts pour l'application des conventions et
  55. recommandations,
  56. pour effectuer cette mission qui a eu lieu du 11 au 18 janvier
  57. 1998. Le
  58. professeur Verdier était accompagné de Mme Pouyat, haut
  59. fonctionnaire du
  60. Service de la liberté syndicale, et de deux fonctionnaires du
  61. bureau du BIT à
  62. Addis-Abeba, Mme Martine Guilio, chargée de programme, et
  63. M. Coen Kompier,
  64. expert associé pour les normes internationales du travail, qui
  65. avaient pris
  66. les contacts nécessaires pour préparer la mission et en assurer
  67. le bon
  68. déroulement.
  69. Le déroulement de la mission
  70. Au cours de son séjour à Djibouti, la mission a eu des
  71. entretiens avec, entre
  72. autres personnalités, le ministre du Travail et de la Formation
  73. professionnelle, M. Mohamed Ali Mohamed, de hauts
  74. fonctionnaires des
  75. ministères du Travail, de la Justice, de l'Education nationale,
  76. de la Fonction
  77. publique, de hauts dirigeants représentant les travailleurs de la
  78. coordination
  79. intersyndicale, Union djiboutienne du travail/Union générale
  80. des travailleurs
  81. de Djibouti (UDT/UGTD), du Syndicat des enseignants du
  82. second degré (SYNESED)
  83. et du Syndicat des enseignants du primaire (SEP), ainsi que de
  84. hauts
  85. dirigeants de l'Union syndicale interentreprises (USIE) et le
  86. Bâtonnier de
  87. l'Ordre des avocats de Djibouti, Maître Ali Dini.
  88. La mission tient à souligner qu'elle a bénéficié de la plus
  89. grande coopération
  90. de toutes les personnes avec lesquelles elle s'est entretenue.
  91. Elle a pu
  92. accomplir sa tâche en toute liberté et en toute indépendance
  93. et a reçu du
  94. gouvernement de Djibouti toutes les facilités nécessaires à la
  95. meilleure
  96. réalisation de la mission.
  97. Etat des cas en instance devant le Comité de la liberté
  98. syndicale
  99. S'agissant du cas no 1851, le comité avait noté que les
  100. allégations de fond
  101. faisaient état tout d'abord du fait que les deux centrales de
  102. travailleurs de
  103. Djibouti, regroupées en une intersyndicale, UDT/UGTD,
  104. avaient déclenché une
  105. grève en septembre 1995 pour protester contre un projet de loi
  106. de finances
  107. qui, selon les plaignants, avait un impact catastrophique sur le
  108. niveau de vie
  109. des travailleurs, ainsi que contre le refus du gouvernement de
  110. dialoguer avec
  111. les syndicats à propos de l'élaboration de cette loi. La grève
  112. aurait duré
  113. deux jours et elle aurait été suivie par plusieurs secteurs
  114. d'activité. Elle
  115. aurait eu pour conséquence de nombreuses arrestations et
  116. des condamnations de
  117. dirigeants et de militants syndicaux, ainsi que des
  118. licenciements massifs, des
  119. suspensions et des radiations, surtout dans les secteurs de
  120. l'enseignement
  121. (400 enseignants notamment), du chemin de fer
  122. djibouto-éthiopien, de
  123. l'aéroport, de l'électricité, des postes et télécommunications,
  124. de la santé et
  125. de l'eau. Par la suite, une autre grève, déclenchée en janvier
  126. 1996 par les
  127. enseignants contre le retard dans le paiement des arriérés de
  128. salaires, aurait
  129. été suivie de l'arrestation de 230 enseignants, dont 217
  130. auraient été
  131. rapidement libérés, et du licenciement de 180 instituteurs
  132. suppléants. Treize
  133. enseignants arrêtés auraient été déférés devant un tribunal,
  134. puis élargis
  135. grâce à l'intervention de leurs avocats. Parallèlement, une
  136. organisation
  137. syndicale acquise à la cause du gouvernement, le Congrès
  138. djiboutien du travail
  139. (CODJITRA), aurait été créé ultérieurement, les locaux de
  140. l'UGTD auraient été
  141. fermés par les forces de sécurité, les dirigeants syndicaux
  142. auraient été démis
  143. de leurs fonctions, les cotisations syndicales des syndicats de
  144. base (postes
  145. et télécommunications et électricité) auraient été gelées et
  146. l'avocat de
  147. l'intersyndicale UDT/UGDT (Maître Mohamed Aref) aurait été
  148. suspendu de ses
  149. fonctions et inculpé.
  150. Le gouvernement avait, dans sa réponse écrite, assuré le
  151. comité de son
  152. attachement aux syndicats et à la démocratie, mais il avait
  153. dénoncé les
  154. troubles sociaux graves qui avaient secoué le pays et qui
  155. l'avaient conduit à
  156. faire intervenir la police pour rétablir l'ordre. Il avait insisté sur le
  157. fait
  158. que le Président de la République n'avait pas suspendu la
  159. Constitution et
  160. qu'il avait privilégié la conciliation, la médiation et l'arbitrage en
  161. tant
  162. que mode de règlement pacifique des conflits, la Constitution
  163. reconnaissant le
  164. droit syndical et le droit de grève. Néanmoins, les
  165. licenciements qui avaient
  166. été prononcés faisaient suite à des absences au travail, à des
  167. atteintes à la
  168. liberté du travail et à des activités purement politiques.
  169. S'agissant du siège
  170. des syndicats, le gouvernement avait expliqué que l'immeuble
  171. des syndicats
  172. appartenait à l'Etat, mais que l'UGTD avait refusé de les
  173. partager et de
  174. signer une convention avec l'UDT sur les conditions et les
  175. modalités
  176. d'utilisation desdits locaux, comme le gouvernement l'avait
  177. invitée à le
  178. faire.
  179. Lors de son dernier examen du cas no 1851 en mai-juin 1997,
  180. le Comité de la
  181. liberté syndicale avait demandé au gouvernement de libérer
  182. les syndicalistes
  183. arrêtés pour faits de grève, de le tenir informé du sort des
  184. dirigeants qui
  185. faisaient encore l'objet de poursuites judiciaires ainsi que de lui
  186. communiquer le texte des jugements rendus en la matière. Il
  187. avait, en outre,
  188. demandé au gouvernement de réintégrer dans leur poste de
  189. travail les
  190. dirigeants et les membres des syndicats licenciés, suspendus
  191. ou radiés pour
  192. avoir participé à des grèves en 1995, 1996 et 1997. Il avait
  193. aussi insisté sur
  194. la nécessité de rétablir dans leurs fonctions syndicales les
  195. dirigeants
  196. syndicaux suspendus, de lever immédiatement les scellés sur
  197. le local de l'UGTD
  198. et le gel des cotisations syndicales du Syndicat des employés
  199. de l'Office des
  200. postes et des télécommunications (OPT) et du Syndicat des
  201. employés de
  202. l'électricité de Djibouti (SEED). Enfin, il avait demandé au
  203. gouvernement de
  204. commenter les dernières allégations des plaignants concernant
  205. la création
  206. d'une organisation syndicale acquise à sa cause: le Congrès
  207. djiboutien du
  208. travail; la radiation, le 16 février 1997, de cinq dirigeants du
  209. Syndicat des
  210. enseignants du second degré (SYNESED); la déportation et
  211. l'incarcération dans
  212. un camp de police situé à 10 km de la capitale de 500
  213. personnes à la suite
  214. d'une manifestation pacifique organisée pour protester contre
  215. la radiation des
  216. cinq dirigeants en question, et la suspension de l'avocat de
  217. l'intersyndicale
  218. UDT/UGTD, Maître Mohamed Aref.
  219. Pour ce qui est du cas no 1922, l'Internationale de l'éducation
  220. (EI), le
  221. Syndicat des enseignants du second degré (SYNESED) et le
  222. Syndicat des
  223. enseignants du primaire (SEP) ont critiqué, dans une
  224. communication du 4 avril
  225. 1997, la situation syndicale dans l'enseignement au regard des
  226. conventions nos
  227. 87 et 98, ratifiées par Djibouti. Ils ont expliqué que ces deux
  228. syndicats,
  229. fondés respectivement en 1994 et en 1995, étaient parvenus
  230. le 9 juin 1996 à un
  231. accord avec le gouvernement au sujet des arriérés de salaires
  232. des enseignants
  233. qui depuis deux ans étaient payés partiellement et
  234. irrégulièrement après avoir
  235. menacé de faire grève, et l'avoir fait a plusieurs reprises tout
  236. en restant
  237. prêts à négocier avec le gouvernement. Ce jour-là, en effet, le
  238. ministre de
  239. l'Education nationale avait promis au secrétaire général de
  240. l'Union
  241. djiboutienne du travail (UDT), à laquelle les deux syndicats
  242. sont affiliés, de
  243. répondre à leurs revendications après la levée du boycott, et
  244. les syndicats
  245. lui avaient fait confiance. Les revendications des enseignants
  246. portaient
  247. encore sur la demande de paiement des arriérés de salaires de
  248. quatre mois, le
  249. retrait d'un décret supprimant le droit au logement des
  250. enseignants, la
  251. réintégration dans leur poste de travail des responsables et
  252. des militants
  253. syndicaux. Le gouvernement n'aurait toutefois pas respecté
  254. l'accord et, à la
  255. rentrée des classes, les 14 et 15 septembre 1996, la grève a
  256. recommencé. La
  257. répression se serait alors intensifiée et des manifestations
  258. pacifiques
  259. auraient été réprimées avec violence. Le ministre de
  260. l'Education nationale
  261. aurait, le 16 septembre 1996, sanctionné et muté dans les
  262. régions reculées du
  263. pays les responsables syndicaux du SEP et du SYNESED.
  264. Nombre d'instituteurs
  265. auraient été radiés. Le 5 octobre, une manifestation pacifique
  266. organisée par
  267. le SYNESED, à l'occasion de la Journée mondiale des
  268. enseignants, aurait été
  269. réprimée violemment par les forces de l'ordre. Plusieurs
  270. personnes auraient
  271. été blessées, dont une grièvement. Soixante enseignants
  272. auraient été arrêtés
  273. et transférés au centre de détention de Nagad. Le 17
  274. novembre, une note de
  275. service no 185/96/DGEN a interdit aux enseignants
  276. suspendus l'accès aux
  277. établissements scolaires et d'organiser des réunions. A partir
  278. du 4 décembre
  279. 1996, les enseignants ont déclenché des grèves échelonnées
  280. de deux jours,
  281. suivies de deux jours de cours, tout en demandant au ministre
  282. de l'Education
  283. nationale de reprendre le dialogue avec le SEP et le
  284. SYNESED. Le 16 février
  285. 1997, le Conseil de discipline de la fonction publique a
  286. révoqué cinq
  287. professeurs dirigeants du SYNESED qui avaient été
  288. suspendus, ce qui a conduit
  289. à une nouvelle manifestation de solidarité réprimée avec force.
  290. Des centaines
  291. d'enseignants auraient été envoyés au camp de détention de
  292. Nagad puis libérés
  293. dans le désert sans eau ni nourriture au début du mois de mars
  294. 1997. Depuis
  295. lors, le ministre de l'Education nationale aurait constitué, à
  296. partir du 4
  297. mars 1997, une commission composée de deux enseignants
  298. par établissement, en
  299. dehors du syndicat, pour chercher à résoudre les difficultés.
  300. Les plaignants
  301. indiquent que l'avocat des militants syndicaux enseignants,
  302. Maître Mohammed
  303. Aref, aurait été suspendu de ses fonctions. Ils demandent la
  304. levée des
  305. sanctions, l'application des accords collectifs conclus en juin
  306. 1996 et le
  307. paiement des arriérés de salaires.
  308. Informations recueillies pendant la mission
  309. Situation politique et économique
  310. La République de Djibouti est un pays de 23 000 km2, d'une
  311. population estimée
  312. à 600 000 habitants, dont le taux de croissance naturelle est
  313. de 3 pour cent
  314. par an. Les deux tiers des habitants se concentrent dans la
  315. capitale,
  316. Djibouti. L'arrière-pays, semi-désertique, offre très peu de terres
  317. arables,
  318. et l'agriculture connaît de ce fait de sérieuses contraintes liées
  319. à la terre
  320. et à l'eau. L'économie est très largement fondée sur les
  321. services axés sur le
  322. port, la voie ferrée, la fonction publique et la garnison militaire
  323. française,
  324. soit 76 pour cent du produit intérieur brut (PIB). Entre 1983 et
  325. 1987, de
  326. graves sécheresses ont affecté le pays. Les pertes lourdes en
  327. bétail,
  328. principale ressource des populations nomades, ont entraîné
  329. un afflux de
  330. réfugiés vers les zones urbaines, où le chômage est déjà
  331. élevé. Enfin,
  332. l'économie a été sérieusement perturbée entre 1991 et 1994 à
  333. cause de la
  334. guerre civile ayant opposé le gouvernement aux forces du
  335. Front pour la
  336. restauration de l'unité et la démocratie (FRUD), représentant la
  337. rébellion
  338. afar.
  339. Le conflit a pris fin en décembre 1994, date à laquelle le
  340. gouvernement de
  341. Djibouti a signé un accord de paix avec certains éléments du
  342. FRUD.
  343. En septembre 1992, un référendum visant à modifier la
  344. Constitution a institué
  345. le multipartisme. En avril 1997 s'est tenu le premier congrès du
  346. FRUD. Au
  347. cours de ce congrès, le FRUD a réalisé sa transformation en
  348. parti politique
  349. légal, devenant ainsi la quatrième force politique du pays.
  350. Djibouti figure parmi les pays les moins avancés de la planète
  351. (PMA) et occupe
  352. la 164e place (sur 174) dans le classement établi par le
  353. Programme des Nations
  354. Unies pour le développement (PNUD) en fonction de
  355. l'indicateur de
  356. développement humain (IDH).
  357. Le taux d'alphabétisme est parmi le plus bas du monde (44
  358. pour cent).
  359. L'éducation formelle est prodiguée essentiellement dans les
  360. centres urbains.
  361. Il n'y a pas d'universités et la formation professionnelle y est
  362. peu
  363. développée. Tous les secteurs de l'économie souffrent d'une
  364. pénurie en
  365. main-d'oeuvre qualifiée.
  366. L'espérance de vie a été estimée à quarante-huit ans en 1993,
  367. avec un taux de
  368. mortalité infantile de 114 pour 1 000.
  369. Les perspectives de développement de Djibouti dépendent
  370. beaucoup de sa
  371. capacité à devenir un centre de services et de transit de biens
  372. pour la
  373. sous-région.
  374. La Constitution du 4 septembre 1992 confère aux travailleurs
  375. le droit de créer
  376. des syndicats et de faire grève en son article 15.
  377. Quatre partis politiques sont autorisés. Il s'agit du
  378. Rassemblement populaire
  379. pour le progrès (RPP), actuellement au pouvoir, du Parti
  380. national démocratique
  381. (PND), du Parti pour le renouveau démocratique (PRD),
  382. récemment scindé en deux
  383. dont l'une des composantes n'est pas légale, d'après les
  384. autorités
  385. gouvernementales, les principaux responsables ayant été
  386. évincés de leur poste,
  387. malgré des plaintes déposées mais restées sans suite, et du
  388. Front pour la
  389. restauration de l'unité et la démocratie (FRUD). Enfin, toujours
  390. d'après les
  391. autorités gouvernementales, le Groupe pour la démocratie et la
  392. République
  393. (GDR) est une formation politique illégale à laquelle appartient
  394. un ancien
  395. directeur du Cabinet du Président de la République, M. Ismael
  396. Guedi Hared, en
  397. fonction depuis de nombreuses années à la présidence de la
  398. République,
  399. aujourd'hui écarté du pouvoir après avoir été condamné
  400. comme opposant
  401. politique.
  402. Soixante-cinq députés viennent d'être élus le 19 décembre
  403. 1997 à l'Assemblée
  404. législative, et un récent remaniement ministériel a eu lieu le 28
  405. décembre
  406. 1997. Ainsi, le ministre du Travail et de la Formation
  407. professionnelle, M.
  408. Osman Robleh Daach, en fonction lors des événements, objet
  409. des plaintes, a été
  410. appelé à d'autres fonctions ministérielles. L'actuel ministre du
  411. Travail et de
  412. la Formation professionnelle, M. Mohamed Ali Mohamed, qui
  413. était ministre des
  414. Finances et auteur de la loi de finances, contestée par les
  415. organisations de
  416. travailleurs plaignantes en 1995 ne vient d'être nommé dans
  417. ses nouvelles
  418. fonctions que le 28 décembre 1997.
  419. Selon les représentants des travailleurs rencontrés par la
  420. mission, la loi de
  421. finances rectificative de 1995, objet de la plainte initiale, a été
  422. déclarée
  423. inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel trois mois
  424. après avoir été
  425. adoptée.
  426. Arrestation, détention, poursuites judiciaires
  427. Lorsque la mission est arrivée à Djibouti, les autorités
  428. gouvernementales et
  429. les représentants des travailleurs ont confirmé qu'aucun
  430. syndicaliste n'était
  431. actuellement détenu et que pratiquement aucune poursuite
  432. judiciaire n'était en
  433. instance à l'encontre de militants et de dirigeants syndicaux.
  434. Seul M. Mohamed
  435. Doubad Wais, secrétaire général adjoint de l'UGTD et
  436. secrétaire général du
  437. Syndicat des employés de l'Office des postes et des
  438. télécommunications (OPT),
  439. a été condamné le 14 septembre 1995 par le tribunal de
  440. première instance de
  441. Djibouti, à l'audience de flagrant délit pour outrage à l'égard du
  442. ministre du
  443. Travail, à une peine de trois mois de prison et 60 000 francs
  444. djiboutiens
  445. d'amende ferme. Cependant, l'intéressé ayant interjeté appel,
  446. la peine n'a pas
  447. été exécutée. Quant aux poursuites judiciaires intentées
  448. contre les
  449. enseignants du secondaire, dirigeants du SYNESED, elles ont
  450. effectivement été
  451. abandonnées.
  452. S'agissant des arrestations massives de militants et de
  453. dirigeants syndicaux
  454. intervenues au cours des années récentes lors des différents
  455. conflits du
  456. travail et des manifestations syndicales, les autorités
  457. gouvernementales du
  458. ministère de la Justice ont expliqué que le ministre de la Justice
  459. était
  460. désormais chargé des droits de l'homme. Les affaires qui sont
  461. venues devant
  462. les juridictions concernant les troubles de l'ordre public n'ont
  463. pas conduit à
  464. des condamnations. Les arrestations qui sont intervenues
  465. n'ont jamais dépassé
  466. la durée légale de la garde à vue, qui est de soixante-douze
  467. heures à
  468. Djibouti, et qui peut être portée à huit jours en dehors de la
  469. ville.
  470. S'agissant du centre de détention de Nagad, les autorités
  471. gouvernementales ont
  472. expliqué qu'il s'agit d'un centre où sont détenues
  473. provisoirement les
  474. personnes en situation de séjour illégal avant leur expulsion du
  475. pays. Elles
  476. ont toutefois convenu que le centre a pu dépasser sa
  477. destination d'origine.
  478. Les autorités gouvernementales du ministère de l'Education
  479. nationale ont admis
  480. que des arrestations ont eu lieu pour troubles de l'ordre public,
  481. mais elles
  482. ont indiqué que les problèmes avaient été réglés dans les
  483. soixante-douze
  484. heures à la suite de l'intervention personnelle du ministre de
  485. l'Education
  486. nationale.
  487. Au sujet des perquisitions sans mandat judiciaire qui seraient
  488. intervenues,
  489. les autorités gouvernementales du ministère de la Justice ont
  490. incriminé un
  491. manque général de connaissances et assuré que les autorités
  492. judiciaires
  493. peuvent se saisir d'elles-mêmes de telles violations. En tout
  494. état de cause,
  495. ont-elles indiqué, les personnes qui en seraient victimes
  496. doivent porter
  497. plainte. Elles ont expliqué que l'état de droit doit s'apprendre.
  498. Dans
  499. l'opinion publique, sous la période coloniale, le juge pénal avait
  500. un
  501. caractère éminemment répressif. Les justiciables doivent savoir
  502. que désormais
  503. le juge pénal a un rôle de protection des citoyens.
  504. Sur ce point, les représentants des travailleurs ont souligné
  505. que ces
  506. derniers, et en particulier les membres des syndicats, n'étaient
  507. pas incités à
  508. faire confiance à la justice, les plaintes déposées par eux étant
  509. restées sans
  510. suite.
  511. D'une manière générale, les autorités gouvernementales du
  512. ministère de la
  513. Justice ont rappelé que la Constitution, le Code du travail et le
  514. Statut de la
  515. fonction publique reconnaissent le droit syndical et le droit de
  516. grève aux
  517. travailleurs et aux fonctionnaires, mais que les problèmes
  518. d'application des
  519. textes existent, notamment à cause du manque de dialogue.
  520. Depuis 1977, date de
  521. l'indépendance, le mouvement syndical et le mouvement
  522. politique n'étaient pas
  523. indépendants. Un mouvement syndical indépendant a surgi
  524. après l'adoption de la
  525. nouvelle Constitution en 1992, mais les pouvoirs publics n'ont
  526. pas changé.
  527. Auparavant, les dirigeants syndicaux étaient nommés par les
  528. pouvoirs publics.
  529. Ainsi, le secrétaire général de l'UGTD était membre du
  530. Parlement et ne
  531. disposait d'aucune indépendance vis-à-vis de l'exécutif. Les
  532. autorités
  533. publiques ont eu des difficultés à comprendre que les
  534. syndicats puissent se
  535. révolter contre les pouvoirs publics. La tolérance des pouvoirs
  536. publics par
  537. rapport à l'action syndicale est nécessaire, mais les syndicats
  538. doivent
  539. également apprendre à se comporter conformément à la loi.
  540. Licenciements, mutations, sanctions, radiations pour faits de
  541. grève
  542. Lors de son arrivée, les représentants des travailleurs ont remis
  543. à la mission
  544. la liste des dirigeants syndicaux encore licenciés, ou radiés, à
  545. la suite des
  546. grèves de protestation contre la politique économique et
  547. sociale du
  548. gouvernement de 1995, 1996 et 1997. Il s'agit de la haute
  549. direction de la
  550. coordination intersyndicale, UDT/UGTD, du secrétaire général
  551. du Syndicat de
  552. l'électricité, de la secrétaire générale du Syndicat des
  553. enseignants du
  554. secondaire et de plusieurs dirigeants et militants syndicaux des
  555. secteurs des
  556. chemins de fer et de l'enseignement primaire et secondaire. Ils
  557. ont rappelé
  558. qu'une grève légale avait été déclenchée contre le contenu
  559. d'une loi de
  560. finances rectificative par les deux centrales syndicales
  561. UDT/UGTD du 6 au 23
  562. septembre 1995 conformément aux dispositions relatives au
  563. droit de grève
  564. garanti par la Constitution du 4 septembre 1992, et que toutes
  565. les mesures
  566. nécessaires avaient été prises pour assurer les services
  567. minimums tels que
  568. prévus par la réglementation dans les différents secteurs
  569. d'activité
  570. économique. Ils ont précisé que le 14 septembre 1995, un
  571. ordre de reprise du
  572. travail avait été imposé par la plus haute autorité de l'Etat et
  573. que des
  574. licenciements pour abandon de poste avaient frappé les
  575. dirigeants syndicaux
  576. dès le 12 septembre à la poste et à l'aéroport, et dès le 16
  577. septembre aux
  578. chemins de fer.
  579. Dirigeants syndicaux de l'intersyndicale UDT/UGTD licenciés
  580. depuis septembre
  581. 1995
  582. 1. M. Ahmed Djama Egueh, président de l'UDT et coprésident
  583. de l'intersyndicale
  584. 2. M. Aden Mohamed Abdou, secrétaire général de l'UDT et
  585. porte-parole de
  586. l'intersyndicale
  587. 3. M. Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l'UGTD et
  588. coprésident de
  589. l'intersyndicale
  590. 4. M. Mohamed Doubad Wais, deuxième secrétaire général de
  591. l'UGTD et secrétaire
  592. général du Syndicat de l'OPT
  593. 5. M. Habib Ahmed Doualleh, secrétaire général du Syndicat
  594. des employés de
  595. l'Electricité de Djibouti
  596. 6. M. Abdillahi Aden Ali, responsable syndical de
  597. l'intersyndicale
  598. Enseignants du second degré suspendus depuis août 1996,
  599. puis radiés de la
  600. fonction publique le 16 février 1997
  601. 1. M. Souleman Ahmed Mohamed, secrétaire général adjoint
  602. de l'UDT et
  603. ex-secrétaire général du SYNESED
  604. 2. M. Mohamed Ali Djama, secrétaire général adjoint du
  605. SYNESED
  606. 3. Mme Mariam Hassan Ali, ex-secrétaire générale du
  607. SYNESED
  608. 4. M. Kamil Hassan, secrétaire chargé de l'information au
  609. SYNESED
  610. 5. Mlle Mallyoun Benoit Frumence, secrétaire chargée de la
  611. documentation au
  612. SYNESED
  613. Enseignants du primaire révoqués en 1996
  614. 1. M. Abdoulfatah Hassan Ibrahim, secrétaire général du SEP
  615. 2. M. Ahmed Ali Sultan, dirigeant syndical du SEP
  616. Membres du Syndicat du chemin de fer de Djibouti-Ethiopie,
  617. licenciés le 23
  618. septembre 1995 pour agression contre la personne d'un agent
  619. par décision de la
  620. Direction des chemins de fer
  621. 1. M. Houssein Dirieh Gouled
  622. 2. M. Ahmed Elni Fod
  623. 3. M. Moussa Wais Ibrahim
  624. D'après les représentants des travailleurs rencontrés par la
  625. mission, M. Kamil
  626. Diraneh Hared, Secrétaire général de l'UGTD a été licencié le
  627. 16 septembre
  628. 1995 par la Direction des chemins de fer de Djibouti pour
  629. absence de son poste
  630. de travail. Il a été repris par une note de service no 37/97 du
  631. 15 avril 1997
  632. du directeur général des chemins de fer, et cette note a été
  633. annulée par une
  634. nouvelle note écrite du président et du vice-président du
  635. conseil
  636. d'administration des chemins de fer, respectivement ministres
  637. des Transports
  638. de Djibouti et d'Ethiopie, le 21 avril 1997. Le licenciement de
  639. l'intéressé
  640. est donc maintenu. Les autres syndicalistes, nommément
  641. désignés, figurant sur
  642. la liste contenue dans l'annexe II au 307e rapport du Comité
  643. de la liberté
  644. syndicale, qui ne sont pas mentionnés parmi les dirigeants
  645. syndicaux encore
  646. licenciés, ont été repris ou vivent en exil en France ou au
  647. Canada.
  648. S'agissant du cas no 1922, les autorités gouvernementales du
  649. ministère du
  650. Travail ont indiqué à la mission qu'elles n'avaient pas reçu
  651. copie de la
  652. plainte de l'Internationale de l'éducation (EI) et des deux
  653. syndicats
  654. d'enseignants (SYNESED et SEP) plaignants dans cette
  655. affaire. La mission a
  656. donc remis en mains propres aux fonctionnaires de ce
  657. ministère une copie de
  658. ladite plainte.
  659. La mission a, par ailleurs, rencontré les représentants des
  660. travailleurs et
  661. les autorités gouvernementales des ministères de l'Education
  662. nationale et de
  663. la Fonction publique à propos de cette affaire. Ces autorités
  664. ont indiqué que
  665. la plupart des enseignants contractuels de l'enseignement
  666. primaire et
  667. secondaire ont été réintégrés dans leur emploi. Elles ont
  668. convenu que cinq
  669. enseignants fonctionnaires, nommément désignés par les
  670. plaignants, ont été
  671. radiés de la fonction publique.
  672. Les représentants des travailleurs ont fourni une note de
  673. service no
  674. 13861/95/MEN du 12 septembre 1995 faisant état de la
  675. radiation de tous les
  676. instituteurs suppléants qui n'avaient pas rejoint leur poste le 9
  677. septembre
  678. 1995 et qui, de ce fait, ont été radiés de leurs fonctions le 13
  679. septembre
  680. 1995. Cette note est signée par le ministre de l'Education
  681. nationale, M. Ahmed
  682. Guirreh Waberi. Ils ont par ailleurs précisé qu'une des
  683. fonctionnaires radiée,
  684. Mme Hassan Ali, secrétaire générale du SYNESED,
  685. suspendue de ses fonctions
  686. depuis le 15 août 1996 puis, comme les autres fonctionnaires,
  687. radiée de la
  688. fonction publique le 16 février 1997, a dû s'exiler en France où
  689. elle a
  690. rejoint son conjoint, enseignant coopérant français dont le
  691. contrat de travail
  692. à Djibouti n'a pas été renouvelé.
  693. Selon les autorités gouvernementales, le contrat de travail de
  694. ce coopérant
  695. avait été renouvelé précédemment et arrivait normalement à
  696. expiration, les
  697. coopérants ne restant jamais en poste dans un pays plus de
  698. six ans.
  699. Les représentants des travailleurs ont également précisé
  700. qu'une enseignante
  701. contractuelle, Mlle Khadija Aboulkader Abeba, a dû quitter le
  702. pays pour le
  703. Canada, qu'un enseignant, M. Abdourachid Ali Abdo, a
  704. changé de travail et que
  705. M. Farah Abdillahi, secrétaire général du SYNESED, muté
  706. dans un poste éloigné
  707. de la capitale, est revenu à Djibouti à la rentrée scolaire
  708. d'octobre 1997
  709. après avoir dû produire un certificat médical faisant état d'un
  710. accident du
  711. travail, notamment d'une blessure au pied.
  712. Concernant la radiation alléguée de 400 enseignants par une
  713. note de service du
  714. ministère de l'Education nationale, les autorités
  715. gouvernementales du
  716. ministère de l'Education nationale ont nié qu'elle ait eu lieu.
  717. Elles ont
  718. expliqué qu'à la suite des grèves sauvages, qui s'étaient
  719. déroulées en 1996,
  720. environ 400 personnes, chômeurs sans emploi, ont été
  721. mobilisées pour remplacer
  722. les instituteurs titulaires et contractuels, grévistes, pendant la
  723. durée de la
  724. grève pour assurer la garde des enfants. Toutefois, à la
  725. satisfaction des
  726. syndicats, à l'issue des grèves, les enseignants du primaire et
  727. du secondaire,
  728. titulaires et contractuels, ont été repris dans leur poste, et les
  729. 400
  730. personnes sans emploi, qui avaient été mobilisées
  731. ponctuellement pour les
  732. remplacer, n'ont pas été maintenues en emploi. Les
  733. représentants des
  734. travailleurs ont, dans l'ensemble, corroboré cette version des
  735. faits, ajoutant
  736. toutefois que des enseignants repris dans leur poste avaient
  737. dû s'engager par
  738. écrit à ne pas adhérer à un syndicat, ce qu'ont nié les autorités
  739. gouvernementales du ministère de l'Education nationale.
  740. Concernant le non-renouvellement allégué des contrats
  741. d'environ 180
  742. instituteurs, maîtres auxiliaires, les autorités gouvernementales
  743. du ministère
  744. de l'Education nationale ont indiqué que ces instituteurs ont
  745. été repris après
  746. trois semaines de grève à la suite de négociations avec le
  747. Syndicat des
  748. enseignants du second degré (SYNESED). Cependant, elles
  749. ont expliqué que
  750. l'enseignement primaire comptant un millier d'enseignants, dont
  751. 400 suppléants
  752. instituteurs maîtres auxiliaires, des discussions ont été
  753. engagées avec le
  754. Syndicat des enseignants du primaire (SEP) à propos,
  755. notamment, de la
  756. titularisation des suppléants et des arriérés de salaires
  757. particulièrement
  758. lourds pour les suppléants. Les autorités gouvernementales du
  759. ministère de
  760. l'Education nationale ont convenu que certains maîtres
  761. auxiliaires n'ont pas
  762. été renouvelés dans leur emploi non pas, selon elles, pour fait
  763. de grève, mais
  764. parce que les autorités souhaitaient que le recrutement des
  765. instituteurs suive
  766. la voie de la procédure normale de formation des maîtres,
  767. notamment en passant
  768. par l'Ecole normale d'instituteurs.
  769. Les représentants des travailleurs ont indiqué qu'à la suite des
  770. grèves un
  771. certain nombre d'instituteurs maîtres auxiliaires, en fonction
  772. depuis de
  773. nombreuses années, parfois de très nombreuses années,
  774. n'ayant pas obtempéré à
  775. la demande des autorités de reprendre le travail, ont reçu une
  776. notification de
  777. rupture de leur contrat de travail et ils ont fourni la note de
  778. service du 12
  779. septembre 1995 qui apportait la preuve de leurs dires.
  780. S'agissant de la
  781. titularisation des enseignants du primaire, les représentants des
  782. enseignants
  783. du primaire ne contestent pas le mode de recrutement dans ce
  784. secteur, mais ils
  785. réclament en vain, depuis des années, une formation
  786. adéquate pour les
  787. intéressés.
  788. D'une manière générale, les autorités gouvernementales du
  789. ministère de
  790. l'Education nationale ont expliqué que le système éducatif
  791. fonctionne, mais
  792. que les retards dans le paiement des salaires constituent un
  793. problème
  794. financier qui touche toutes les personnes qui émargent au
  795. budget de l'Etat,
  796. fonctionnaires ou contractuels des secteurs publics et
  797. parapublics. Sur ce
  798. point, le ministre du Travail a même indiqué à la mission que la
  799. masse
  800. salariale des dépenses publiques s'élève à 17 milliards de
  801. francs djiboutiens
  802. et que les recettes ne s'élèvent qu'à 12 ou 13 milliards de
  803. francs
  804. djiboutiens. En conséquence, les enseignants, qui
  805. représentent le troisième
  806. poste budgétaire après ceux de la Défense nationale et de
  807. l'intérieur,
  808. perçoivent leur salaire avec retard. Actuellement ils attendent
  809. deux mois
  810. d'arriérés de salaires pour 1995 et trois mois d'arriérés de
  811. salaires pour
  812. 1997. Les autorités gouvernementales du ministère de
  813. l'Education nationale ont
  814. indiqué à la mission que ces arriérés de salaires ne sont pas du
  815. ressort du
  816. ministère de l'Education nationale, mais que le ministère fait
  817. tout son
  818. possible pour que les enseignants soient payés et qu'il
  819. souhaite pouvoir
  820. s'appuyer sur des syndicats forts, face notamment au ministère
  821. des Finances.
  822. Elles ont affirmé qu'à Djibouti, la tâche des enseignants est
  823. noble et
  824. respectée, mais il est exact que les professeurs travaillent dans
  825. des
  826. conditions difficiles. Il n'y a pas eu de mutations sanctions, le
  827. ministère
  828. s'efforçant simplement de répartir les enseignants sur
  829. l'ensemble du
  830. territoire. D'ailleurs, le secrétaire général du SYNESED, M.
  831. Farah Abdillali,
  832. qui avait été muté dans une province éloignée, est revenu en
  833. octobre 1997 à
  834. Djibouti après avoir présenté un certificat médical faisant état
  835. d'un accident
  836. du travail. Le ministère de l'Education nationale ne met pas en
  837. cause la
  838. compétence pédagogique des enseignants licenciés ou
  839. radiés; au contraire, il
  840. s'efforce de les réintégrer. Ainsi, les enseignants contractuels
  841. ont été
  842. repris. Deux des cinq enseignants radiés ont fait une demande
  843. de
  844. réintégration. Leur cas est en ce moment à l'étude.
  845. Les autorités gouvernementales du ministère de l'Education
  846. nationale ont remis
  847. à la mission le texte d'une communication écrite que ce
  848. ministère avait
  849. adressé à l'Internationale de l'éducation (EI) le 6 avril 1997 en
  850. réponse à la
  851. plainte que cette organisation avait adressée conjointement au
  852. BIT et au
  853. ministre de l'Education nationale de Djibouti, soit deux jours
  854. après le dépôt
  855. de la plainte de EI au BIT. D'après cette communication, qui
  856. répond pour
  857. partie à la plainte contenue dans le cas no 1922, mais qui
  858. n'avait pas été
  859. portée à la connaissance du Comité de la liberté syndicale, le
  860. dialogue a
  861. repris avec le SEP; plusieurs rencontres ont fait progresser les
  862. négociations.
  863. Après deux semaines de grève, les enseignants ont repris les
  864. cours. Les
  865. enseignants sanctionnés pour abandon de poste ont été repris
  866. et même
  867. réintégrés dans la fonction publique.
  868. S'agissant du dialogue avec le SYNESED, le ministre de
  869. l'Education nationale a
  870. lui-même effectué des tournées dans les établissements pour
  871. dialoguer avec les
  872. enseignants en vue d'une reprise du travail. A l'initiative d'une
  873. délégation
  874. de professeurs grévistes, du lycée d'Etat de Djibouti, une
  875. réunion entre les
  876. membres d'un commission d'enseignants (désignés par le
  877. syndicat) et la
  878. direction générale de l'Education nationale s'est tenue le 8
  879. mars 1997. Six
  880. points ont été évoqués au cours de ladite réunion:
  881. -- la réintégration des professeurs contractuels dont le contrat
  882. n'a pas été
  883. renouvelé;
  884. les trois professeurs ont été repris le 11 mars 1997 dans des
  885. établissements
  886. publics;
  887. -- la réintégration de cinq professeurs fonctionnaires révoqués
  888. par décision
  889. du Conseil de discipline le 16 février 1997;
  890. la décision de ce conseil étant souveraine, leur réintégration
  891. n'est pas du
  892. ressort du ministère de l'Education et le syndicat doit, s'il le
  893. souhaite,
  894. utiliser tous les recours légaux en vigueur dans le pays;
  895. -- les salaires et indemnités de logement;
  896. l'ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire
  897. international pour
  898. assainir l'économie a obligé le ministère des Finances de
  899. séparer salaires et
  900. indemnités sur deux mandats différents. Salaires et indemnités
  901. ont donc été
  902. payés séparément, mais en même temps;
  903. -- les salaires des professeurs nouvellement recrutés;
  904. les salaires de la majorité des nouveaux professeurs ont été
  905. payés et quelques
  906. décisions sont en cours de règlement;
  907. -- les retenues sur salaires dues à la grève;
  908. le syndicat refuse les retenues sur salaires; ces retenues sont
  909. liées à une
  910. absence du travail, en application des textes en vigueur.
  911. Cependant, il a été
  912. proposé aux syndicats soit d'élaborer un calendrier de
  913. rattrapage des cours
  914. pour boucler le programme à tous les niveaux, préalable au
  915. réexamen de
  916. l'application de ces retenues, soit d'échelonner les retenues,
  917. échelonnement
  918. qui est à l'étude;
  919. -- le droit de circuler dans les établissements;
  920. ce droit a été limité dans les situations suivantes: manque de
  921. respect du
  922. préavis de quinze jours pour déclencher une grève;
  923. comportement inacceptable
  924. de certains délégués, par exemple lorsque le chef
  925. d'établissement n'est pas
  926. préalablement informé de l'affichage ou de la visite des
  927. délégués extérieurs,
  928. ou lorsque les non-grévistes se plaignent des provocations des
  929. grévistes dans
  930. la salle des professeurs. Les grévistes ont le droit de faire
  931. grève, mais les
  932. non-grévistes ont aussi le droit de ne pas faire grève. Enfin,
  933. l'incitation, à
  934. l'intérieur et à l'extérieur des établissements, des élèves à se
  935. solidariser
  936. avec les professeurs et à faire grève a contraint l'administration
  937. à prendre
  938. des mesures.
  939. La communication écrite poursuit en indiquant que le ministre
  940. de l'Education
  941. nationale a appelé à la poursuite du dialogue et ajouté
  942. qu'après quatre
  943. semaines de grève les professeurs du secondaire ont repris le
  944. travail. Il a
  945. confirmé que des professeurs ont été arrêtés à l'extérieur des
  946. établissements
  947. suite aux troubles de l'ordre public, puis relâchés sur son
  948. intervention. Il a
  949. rappelé que le maintien de l'ordre public n'est pas du ressort de
  950. son
  951. ministère. Enfin, il a indiqué qu'une autre réunion entre les
  952. fonctionnaires
  953. de l'Education nationale et les syndicalistes a eu lieu le 25
  954. mars 1997 où les
  955. questions de rejet de décisions de non-renouvellement de
  956. contrat concernant
  957. certains stagiaires, de logement, de salaire des révoqués, de
  958. liberté
  959. syndicale (circulation de délégués dans les établissements), de
  960. retenues sur
  961. salaire et de réintégration des révoqués ont été abordées.
  962. Il semble à la mission que cette réunion n'ait pas débouché sur
  963. un
  964. procès-verbal de conciliation sur tous les points examinés lors
  965. de celle-ci,
  966. d'après les indications fournies par les représentants des
  967. travailleurs et
  968. corroborées par les autorités gouvernementales.
  969. Sur la question des radiations, les autorités gouvernementales
  970. du ministère de
  971. la Fonction publique ont elles aussi expliqué que tous les
  972. agents de l'Etat
  973. avaient des arriérés de salaires, que des commissions de
  974. médiation, composées
  975. de représentants des ministères du Travail, de l'Enseignement
  976. et de la
  977. Fonction publique, avaient reçu les enseignants, qu'elles
  978. avaient écouté leurs
  979. revendications et fait droit à leurs demandes, sauf à celle
  980. relative aux
  981. arriérés de salaires qui concernaient l'ensemble des
  982. fonctionnaires et des
  983. employés des secteurs publics et parapublics. Les
  984. procès-verbaux de
  985. conciliation l'attestent. Mais les syndicats avaient fait de la
  986. désinformation. Les préavis de quinze jours, prévus par la loi,
  987. pour
  988. déclencher les grèves dans la fonction publique n'avaient pas
  989. toujours été
  990. respectés. Les autorités gouvernementales du ministère de la
  991. Fonction publique
  992. ont rappelé que les fonctionnaires étaient tenus à un devoir de
  993. réserve. Ils
  994. avaient cependant affiché des communiqués syndicaux dans
  995. des journaux
  996. d'opposition et fait boycotter des examens et des corrections
  997. d'examens, ce
  998. qui avait conduit à des suspensions en août 1996 et à la
  999. comparution de cinq
  1000. enseignants fonctionnaires devant le Conseil de discipline de
  1001. la fonction
  1002. publique, qui rend des décisions motivées, en février 1997. Le
  1003. Conseil de
  1004. discipline, composé de six membres et présidé par le ministre
  1005. de la Fonction
  1006. publique, avait entendu le rapporteur désigné par les deux
  1007. parties et avait
  1008. rendu, à huis clos, par des décisions adoptées à la majorité
  1009. des voix dans les
  1010. cinq cas proposant la radiation des intéressés à la présidence
  1011. de la
  1012. République. Dans un cas au moins, la décision avait été
  1013. adoptée avec la voix
  1014. prépondérante du président après partage des voix. La
  1015. radiation a donc été
  1016. prononcée par le Président de la République en février 1997.
  1017. Les recours
  1018. devant le tribunal administratif ne sont plus possibles, le délai
  1019. de
  1020. forclusion de trois mois pour faire appel ayant été épuisé. Les
  1021. autorités
  1022. gouvernementales du ministère de la Fonction publique ont
  1023. néanmoins indiqué
  1024. qu'elles ne s'opposeraient pas à la reprise des enseignants
  1025. radiés comme
  1026. contractuels si une demande leur était adressée en ce sens.
  1027. Elles ont
  1028. toutefois exclu la possibilité d'une réintégration des intéressés
  1029. en tant que
  1030. fonctionnaires, ce qui aura selon elles pour incidence qu'ils ne
  1031. pourront pas
  1032. être réélus à la direction syndicale du SYNESED, le syndicat
  1033. des enseignants
  1034. de fonctionnaires.
  1035. Les représentants des travailleurs enseignants du SYNESED
  1036. ont indiqué sur ce
  1037. point à la mission que les conseils de discipline qui les avaient
  1038. radiés ne
  1039. comportaient pas d'enseignants et qu'ils n'avaient pas reçu la
  1040. notification
  1041. formelle de leur radiation, raison pour laquelle ils n'avaient pas
  1042. pu saisir
  1043. le tribunal administratif d'un recours en appel sur ces
  1044. radiations. Par
  1045. ailleurs, ils ont indiqué à la mission que les statuts du SEP et
  1046. du SYNESED,
  1047. dont ils ont remis copie à la mission, permettent à tous les
  1048. enseignants du
  1049. primaire et du secondaire de Djibouti, qu'ils soient ou non
  1050. fonctionnaires,
  1051. d'adhérer à ces syndicats.
  1052. Gel des cotisations syndicales
  1053. Les représentants des travailleurs ont indiqué à la mission que
  1054. les banques
  1055. privées, où se trouvaient les avoirs du Syndicat des employés
  1056. de l'Office des
  1057. postes et des télécommunications (OPT), et du Syndicat des
  1058. employés de
  1059. l'Electricité de Djibouti (SEED), ont restitué aux dirigeants
  1060. syndicaux de ces
  1061. syndicats les cotisations des travailleurs.
  1062. Congrès djiboutien du travail (CODJITRA)
  1063. Les représentants des travailleurs ont indiqué à la mission que
  1064. cette
  1065. centrale, nouvellement créée, n'avait aucune audience dans
  1066. le pays, qu'elle ne
  1067. représentait qu'une seule personne: le dirigeant qui l'avait
  1068. créée et qui
  1069. était proche du gouvernement. Ils ont fourni à la mission des
  1070. communiqués de
  1071. presse de ladite centrale faisant état de son soutien aux
  1072. mesures prises par
  1073. le gouvernement et de la désignation par arrêté du
  1074. gouvernement no 97/086/CAB,
  1075. en tant que représentant des travailleurs de Djibouti à la
  1076. Conférence
  1077. internationale du Travail de juin 1997, de son secrétaire
  1078. général, M. Mohamoud
  1079. Ali Boulaleh. Ils ont également fourni à la mission la décision de
  1080. la
  1081. Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence
  1082. internationale du
  1083. Travail de juin 1997, estimant à l'unanimité que les pouvoirs du
  1084. délégué des
  1085. travailleurs de Djibouti devraient être invalidés. La Commission
  1086. de
  1087. vérification des pouvoirs y indiquait notamment:
  1088. Les éléments dont dispose actuellement la commission
  1089. indiquent que le délégué
  1090. travailleur a été choisi au sein de l'organisation, étroitement liée
  1091. au
  1092. gouvernement, au détriment de l'organisation des travailleurs
  1093. qui apparaît
  1094. indiscutablement comme la plus représentative à Djibouti, en
  1095. violation de
  1096. l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT (Compte
  1097. rendu
  1098. provisoire, 85e session, Genève, 1997, VII D).
  1099. Les représentants des travailleurs ont également fourni à la
  1100. mission un autre
  1101. communiqué de presse du CODJITRA rédigé notamment
  1102. comme suit:
  1103. Le CODJITRA est une institution sociale, forte et
  1104. démocratique, qui partage
  1105. les mêmes idéaux que les dirigeants actuels, donc proche du
  1106. parti au pouvoir,
  1107. en l'occurrence le Rassemblement populaire pour le progrès
  1108. (RPP).
  1109. Le communiqué conclut que "le contenu du rapport de la
  1110. Commission de
  1111. vérification des pouvoirs de la 85e session de la Conférence
  1112. internationale du
  1113. Travail et du 307e rapport du Comité de la liberté syndicale
  1114. constitue une
  1115. violation grave des articles 2 et 3 de la convention no 87 de
  1116. l'OIT".
  1117. Locaux syndicaux
  1118. Les représentants des travailleurs ont expliqué à la mission que
  1119. les locaux de
  1120. l'UGTD étaient toujours fermés. Ils avaient souhaité, dans un
  1121. premier temps,
  1122. obtenir un local séparé pour l'UDT mais depuis, les
  1123. représentants de l'UGTD et
  1124. de l'UDT étaient parfaitement d'accord pour partager ce local
  1125. qui avait été
  1126. construit en 1958 pour les gens de mer par la Confédération
  1127. française Force
  1128. Ouvrière (CGT-FO). Le gouvernement avait cherché à imposer
  1129. à l'UGTD et à l'UDT
  1130. des conditions inacceptables concernant l'usage des locaux
  1131. syndicaux,
  1132. comportant un grand nombre d'interdits. Ils ont indiqué qu'ils
  1133. souhaitaient
  1134. obtenir la levée des scellés du siège syndical sans condition et
  1135. dans l'état
  1136. initial de l'immeuble. Ils ont rappelé en effet que, ainsi, la
  1137. coordination
  1138. intersyndicale, UDT/UGTD, pourrait tenir des réunions
  1139. syndicales sans devoir
  1140. demander d'autorisation au ministère de l'Intérieur et se la voir
  1141. refuser.
  1142. Par ailleurs, les représentants des travailleurs ont expliqué que,
  1143. le 7
  1144. juillet 1997, un huissier de justice et des policiers en uniforme
  1145. avaient
  1146. forcé la porte du domicile privé du président de l'UDT,
  1147. coprésident de
  1148. l'intersyndicale, M. Egueh, secrétaire général du Syndicat des
  1149. employés de
  1150. l'aéroport, emportant notamment les archives syndicales de
  1151. l'UDT, alors que la
  1152. justice avait donné gain de cause à M. Egueh sur la question
  1153. de son logement.
  1154. Suspension de Maître Aref, avocat des organisations
  1155. syndicales, et poursuites
  1156. judiciaires le concernant
  1157. Concernant la suspension dont fait l'objet Maître Mohamed
  1158. Aref, les autorités
  1159. gouvernementales du ministère de la Justice ont indiqué à la
  1160. mission que
  1161. l'intéressé a été suspendu pour des faits autres que la défense
  1162. des intérêts
  1163. des militants syndicaux. Il serait actuellement poursuivi
  1164. pénalement pour
  1165. s'être constitué défenseur d'une société privée à Djibouti et de
  1166. la partie
  1167. adverse, une société de droit britannique, dans un même
  1168. procès. L'affaire le
  1169. concernant n'a pas été jugée, elle devait l'être en janvier
  1170. 1998, mais elle a
  1171. été reportée au mois de mars 1998. En attendant, le Barreau
  1172. de Djibouti lui a
  1173. interdit, temporairement, d'exercer la profession d'avocat.
  1174. Maître Ali Dini,
  1175. Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Djibouti, a fait état des
  1176. mêmes causes
  1177. pour la poursuite pénale.
  1178. Les représentants des travailleurs contestent vigoureusement
  1179. cette version des
  1180. faits; ils estiment que Maître Aref fait l'objet de sanctions pour
  1181. les avoir
  1182. défendus et que, depuis lors, aucun avocat à Djibouti n'ose
  1183. prendre la défense
  1184. des syndicalistes, d'autant plus que les plaintes déposées par
  1185. ces derniers
  1186. auprès du ministère public restent sans suite.
  1187. Des documents de la Fédération internationale des ligues des
  1188. droits de l'homme
  1189. (FIDH) et de la Fédération nationale des unions de jeunes
  1190. avocats (FNUJA) ont
  1191. été adressés par Maître Aref à la mission corroborant les
  1192. indications fournies
  1193. par les représentants des travailleurs.
  1194. Dans la lettre en date du 26 janvier 1996 adressée au
  1195. Président de la
  1196. République de Djibouti, la Fédération internationale des ligues
  1197. des droits de
  1198. l'homme (FIDH) fait état d'informations concernant des
  1199. menaces et des
  1200. tracasseries administratives et policières à l'égard de Maître
  1201. Aref, destinées
  1202. à l'intimider et à le pousser à abandonner certaines affaires en
  1203. cours, et
  1204. s'inquiète d'une paralysie du système judiciaire du fait que des
  1205. plaintes
  1206. déposées par Maître Aref auprès du Procureur de la
  1207. République n'ont pas donné
  1208. lieu aux enquêtes nécessaires à l'instruction du dossier.
  1209. Le rapport établi par la mission d'observation judiciaire
  1210. effectuée à Djibouti
  1211. du 4 au 11 octobre 1997 pour la Fédération nationale des
  1212. unions de jeunes
  1213. avocats (FNUJA) mentionne les difficultés rencontrées à son
  1214. arrivée par
  1215. l'avocat chargé de la mission (tentative de refoulement) qui a
  1216. pu ensuite
  1217. rencontrer de nombreux représentants de la vie politique et
  1218. sociale de
  1219. Djibouti, plusieurs magistrats et recueillir de nombreuses
  1220. informations.
  1221. Relatant par ailleurs de multiples atteintes aux droits de
  1222. l'homme et aux
  1223. libertés à Djibouti, il fait état de graves irrégularités et violations
  1224. de
  1225. principes élémentaires garantissant un procès équitable
  1226. commises au cours des
  1227. procès concernant quatre parlementaires et le Président du
  1228. Conseil
  1229. constitutionnel (révoqué après avoir présidé la séance au
  1230. cours de laquelle le
  1231. Conseil avait estimé viciée la procédure de levée de l'immunité
  1232. de ces
  1233. parlementaires), pour lesquels Maître Aref avait été sollicité
  1234. comme
  1235. défenseur, le Conseil de l'Union interparlementaire réuni au
  1236. Caire en
  1237. septembre 1997 ayant exprimé sa profonde préoccupation à
  1238. cet égard.
  1239. Selon le rapport, Maître Aref lui-même, défenseur actif des
  1240. droits de l'homme,
  1241. a été inculpé pour escroquerie le 23 janvier 1997. Une
  1242. réclamation purement
  1243. disciplinaire avait été déposée par un cabinet d'avocats
  1244. londonien en mars
  1245. 1995 mais était restée plus d'un an sans suite après les
  1246. explications fournies
  1247. par Maître Aref au Bâtonnier et au cabinet d'avocats; puis il a
  1248. été cité à
  1249. comparaître pour tentative d'escroquerie devant le tribunal
  1250. correctionnel à
  1251. l'audience du 6 octobre 1997, sans avoir pu obtenir de
  1252. précisions sur les
  1253. faits retenus comme charges contre lui lors de l'audience
  1254. antérieure de
  1255. première comparution, depuis laquelle aucun acte d'instruction
  1256. n'a été
  1257. diligenté par le magistrat instructeur. Un avocat parisien
  1258. sollicité par
  1259. Maître Aref pour sa défense a été refoulé et a dû aussitôt
  1260. regagner la France.
  1261. Au cours de l'audience, le cabinet londonien et le ministère
  1262. public
  1263. demandaient le renvoi de l'affaire, que le tribunal a décidé sur
  1264. le champ
  1265. malgré l'opposition des défenseurs de Maître Aref, le Procureur
  1266. de la
  1267. République (sur l'intervention d'un avocat parisien) informant
  1268. par la suite le
  1269. tribunal que l'affaire était renvoyée jusqu'à décision de la Cour
  1270. suprême sur
  1271. un pourvoi de Maître Aref soulevant des moyens de nullité de
  1272. la procédure,
  1273. toujours pendant devant la Cour suprême.
  1274. Sur le plan disciplinaire, le Conseil de l'Ordre des avocats de
  1275. Djibouti avait
  1276. décidé en février 1997, près de deux ans après la réclamation
  1277. disciplinaire du
  1278. cabinet britannique, d'interdire provisoirement à Maître Aref
  1279. d'exercer ses
  1280. fonctions d'avocat, dans l'attente de poursuites disciplinaires,
  1281. décision
  1282. contre laquelle il a formé un recours devant la Cour d'appel. En
  1283. outre,
  1284. l'avocat désigné par le Conseil de l'Ordre en qualité
  1285. d'administrateur de son
  1286. cabinet a informé la mission d'observation judiciaire que toutes
  1287. les
  1288. juridictions de Djibouti refusaient qu'il se constitue en cette
  1289. qualité pour
  1290. de nouveaux dossiers, bien qu'aucun texte en vigueur à
  1291. Djibouti n'autorise une
  1292. juridiction à refuser la constitution d'un avocat représenté par
  1293. l'administrateur de son cabinet dûment mandaté par le Conseil
  1294. de l'Ordre (ce
  1295. qui serait de nature à entraîner la disparition de ce cabinet).
  1296. Le rapport de la FNUJA conclut que les procédures pénales et
  1297. disciplinaires
  1298. engagées à l'encontre de Maître Aref ont été menées dans
  1299. des conditions
  1300. contraires à la présomption d'innocence et au respect des
  1301. droits de la
  1302. défense, en vue de l'empêcher d'exercer son activité de
  1303. défenseur en justice.
  1304. Elections sociales
  1305. Les représentants des travailleurs ont indiqué à la mission qu'ils
  1306. souhaitaient la tenue, à brève échéance, des élections
  1307. sociales dans les
  1308. entreprises et des élections syndicales afin d'être à même de
  1309. participer
  1310. pleinement au dialogue et à la concertation sociale en tant
  1311. que partenaire
  1312. social incontournable. Ils souhaitaient ainsi pouvoir désigner
  1313. un représentant
  1314. des travailleurs au tribunal du travail et des représentants des
  1315. travailleurs
  1316. dans les conseils d'administration des entreprises publiques et
  1317. parapubliques
  1318. et à la Commission consultative du travail. A cet égard, ils ont
  1319. rappelé en
  1320. particulier leur ferme souhait d'être consultés lors de la révision
  1321. du Code du
  1322. travail en cours.
  1323. Les représentants des employeurs rencontrés par la mission
  1324. ont indiqué, pour
  1325. leur part, que le ministère du Travail et de la Formation
  1326. professionnelle les
  1327. avait consultés dans le cadre de la révision du Code du travail
  1328. en cours, en
  1329. particulier sur la question du titre III sur le contrat de travail
  1330. ainsi que
  1331. sur les autres modifications envisagées du code. Ils souhaitent
  1332. que les
  1333. représentants des travailleurs puissent à nouveau siéger dans
  1334. les conseils
  1335. d'administration, mais actuellement les dirigeants de
  1336. l'UDT/UGTD ne
  1337. représentent pas, selon eux, l'ensemble des travailleurs. Ils se
  1338. sont donc
  1339. également montrés favorables à la tenue des élections
  1340. sociales.
  1341. Réunions entre le ministre du Travail et les hauts représentants
  1342. syndicaux de
  1343. l'UDT/UGTD au ministère du Travail
  1344. La mission avait demandé et a obtenu qu'une réunion de haut
  1345. niveau ait lieu
  1346. sous la présidence du ministre du Travail avec cinq dirigeants
  1347. syndicaux de la
  1348. coordination intersyndicale, UDT/UGTD. Lors de cette
  1349. réunion, les
  1350. représentants des travailleurs ont manifesté leur intention de
  1351. voir le
  1352. dialogue reprendre avec les autorités afin de pouvoir participer
  1353. pleinement à
  1354. la concertation sociale dans le pays. Le ministre du Travail a
  1355. accepté de
  1356. faire remettre à la coordination intersyndicale les clés des
  1357. locaux syndicaux,
  1358. fermés depuis le 7 mai 1996 sur intervention de la police. Le
  1359. porte-parole de
  1360. la coordination intersyndicale, UDT/UGTD, a donc déclaré
  1361. par écrit avoir reçu
  1362. les clés des locaux syndicaux le 15 janvier 1998. Le ministre a
  1363. précisé, sur
  1364. le point essentiel des revendications des dirigeants syndicaux,
  1365. à savoir la
  1366. réintégration dans leurs emplois et fonctions des membres de
  1367. la haute
  1368. direction des deux centrales ainsi que des syndicats
  1369. d'enseignants du primaire
  1370. et du secondaire, qu'un début de calendrier allait se mettre en
  1371. place pour
  1372. discuter de ces questions. Il a donné rendez-vous aux
  1373. dirigeants syndicaux
  1374. concernés pour une nouvelle réunion trois jours après la fin du
  1375. Ramadan pour
  1376. l'Aïd El Fitr, expliquant qu'il venait de prendre ses fonctions et
  1377. qu'il était
  1378. nécessaire qu'il puisse disposer d'un certain temps pour se
  1379. concerter avec les
  1380. autres membres du gouvernement sur ces questions
  1381. importantes. Les
  1382. représentants des travailleurs ont accepté ce nouveau délai
  1383. dans l'espoir
  1384. d'obtenir la réintégration dans leurs emplois et fonctions des
  1385. dirigeants
  1386. syndicaux licenciés ou radiés et la reconnaissance légale,
  1387. pleine et entière,
  1388. des organisations syndicales, à savoir de la coordination
  1389. intersyndicale,
  1390. UDT/UGTD, et du SYNESED et du SEP.
  1391. Communication écrite du gouvernement
  1392. Les autorités gouvernementales du ministère du Travail et de
  1393. la Formation
  1394. professionnelle ont assuré à la mission qu'une communication
  1395. écrite en réponse
  1396. aux deux cas en instance serait envoyée prochainement au
  1397. Comité de la liberté
  1398. syndicale.
  1399. Résultats obtenus, assurances données par les autorités et
  1400. perspectives
  1401. d'avenir
  1402. La mission a pu constater, malgré un contexte général
  1403. demeuré à bien des
  1404. égards répressif, à la fois que la situation s'était déjà clarifiée
  1405. avant son
  1406. arrivée sur certains points, en particulier sur les détentions et
  1407. certaines
  1408. poursuites judiciaires, mais qu'elle demeurait hypothéquée par
  1409. une quasi
  1410. totale absence de dialogue entre les autorités
  1411. gouvernementales et
  1412. administratives et les organisations syndicales, de sorte que les
  1413. problèmes
  1414. graves concernant les licenciements de dirigeants syndicaux
  1415. et les radiations
  1416. d'enseignants, ainsi que la fermeture et la privation des locaux
  1417. syndicaux et
  1418. du matériel syndical, restaient sans solution depuis un temps
  1419. déjà long.
  1420. A cet égard, la mission de contacts directs peut être
  1421. considérée comme une
  1422. bonne initiative et paraît avoir déjà porté des fruits dans la
  1423. mesure où un
  1424. dialogue vient de s'établir entre le ministre du Travail et les
  1425. représentants
  1426. des organisations syndicales et où l'accord auquel ceux-ci
  1427. sont parvenus sera
  1428. respecté et suivi d'effets.
  1429. Résultats obtenus et assurances données par les autorités
  1430. Un accord de contenu limité, mais de portée plus ample, a en
  1431. effet été conclu
  1432. à l'issue de la réunion commune suggérée par la mission,
  1433. aussitôt acceptée par
  1434. le ministre du Travail et proposée par celui-ci aux organisations
  1435. syndicales.
  1436. Cette réunion, tenue dans le bureau du ministre du Travail,
  1437. rassemblant
  1438. celui-ci et ses proches collaborateurs, les représentants des
  1439. organisations
  1440. syndicales, en présence de la mission, a certainement
  1441. constitué le temps fort
  1442. de celle-ci du fait qu'y a été manifesté la volonté d'établir un
  1443. dialogue et
  1444. d'expliquer et de comprendre les points de vue et les positions
  1445. respectifs.
  1446. Le représentant du Directeur général pouvait se féliciter
  1447. d'emblée de la tenue
  1448. de cette réunion, susceptible de dissiper des
  1449. incompréhensions et des
  1450. malentendus. D'autant plus que les problèmes à résoudre ne
  1451. procèdent pas des
  1452. textes et réglementations en vigueur, conformes aux principes
  1453. de la liberté
  1454. syndicale, mais concernent l'application de ces textes. Celle-ci
  1455. devrait
  1456. permettre, dans le contexte des changements politiques et
  1457. économiques que
  1458. vient de connaître la République de Djibouti, qui sollicite des
  1459. aides, de
  1460. constater que le principe de la liberté syndicale y est respecté
  1461. et qu'une vie
  1462. syndicale normale peut s'y rétablir non seulement grâce à la
  1463. réintégration des
  1464. syndicalistes licenciés ou radiés, mais par l'organisation des
  1465. élections de
  1466. représentants des travailleurs dans les entreprises, dans les
  1467. conditions
  1468. légales qui exigent la possibilité de la participation des
  1469. syndicats; une
  1470. préparation de ce rétablissement serait possible grâce à une
  1471. session
  1472. tripartite de formation à laquelle pourrait participer le BIT.
  1473. Les représentants des syndicats ont vu dans cette réunion un
  1474. pas positif leur
  1475. permettant de ne plus être considérés comme des
  1476. organisations subversives,
  1477. mais comme des partenaires sociaux exerçant leurs droits et
  1478. s'acquittant de
  1479. leurs devoirs en vue du développement économique et social
  1480. du pays. Aussi
  1481. demandent-ils en priorité le rétablissement dans leurs emplois
  1482. et fonctions,
  1483. et donc dans leurs droits, des dirigeants syndicaux licenciés,
  1484. sous prétexte
  1485. d'abandon de poste, quelques jours après avoir exercé leur
  1486. droit de grève
  1487. constitutionnellement reconnu, alors qu'ils ont agi dans le
  1488. cadre de la loi et
  1489. de leur rôle de dirigeants syndicaux et qu'ils n'ont pas été
  1490. réintégrés bien
  1491. que la loi de finances (relative au Plan d'ajustement structurel),
  1492. objet du
  1493. conflit, ait été retirée trois mois plus tard pour
  1494. inconstitutionnalité. Ils
  1495. demandent aussi la reconnaissance légale des organisations
  1496. syndicales
  1497. existantes et de leurs dirigeants, quelle que soit leur situation
  1498. personnelle,
  1499. et souhaitent des élections sociales dans les entreprises ainsi
  1500. que la
  1501. création d'une commission de concertation sociale pour la
  1502. mise en oeuvre du
  1503. Plan d'ajustement structurel. Le mouvement syndical a besoin
  1504. de formation et
  1505. aussi de se restructurer. Quant au problème des locaux, il
  1506. devrait pouvoir
  1507. trouver une solution simple et rapide.
  1508. Le ministre du Travail a déclaré qu'il est prêt à examiner les
  1509. situations dans
  1510. lesquelles sont intervenus les licenciements, dont il pense que
  1511. les motifs
  1512. étaient autres que d'ordre syndical et concernaient non des
  1513. faits de grève
  1514. mais des absences répétées au travail. Nouveau à ce
  1515. ministère, il ne dispose
  1516. pas de toutes les données de la question, les faits remontant à
  1517. deux ans et
  1518. demi; il lui faut du temps et il demande aux syndicalistes de lui
  1519. donner les
  1520. outils lui permettant de revoir ce problème sans a priori, et de
  1521. travailler à
  1522. réduire les préjugés de part et d'autre et à dissiper l'impression
  1523. de certains
  1524. selon laquelle les syndicalistes ont voulu jouer un rôle politique.
  1525. Il y a une
  1526. absence de culture syndicale et de compréhension du rôle des
  1527. syndicats. Un
  1528. dialogue sans a priori doit permettre de faire avancer les
  1529. choses, et le
  1530. ministre entend s'y employer, les syndicats devant de leur côté
  1531. tenir compte
  1532. des changements réalisés et en cours à Djibouti dans le sens
  1533. du multipartisme
  1534. et du pluralisme syndical.
  1535. Le ministre propose alors aux représentants des organisations
  1536. syndicales un
  1537. début de calendrier de rencontres destinées à permettre
  1538. d'examiner les
  1539. problèmes; rendez-vous est pris pour une première rencontre le
  1540. troisième jour
  1541. après la fin du ramadan.
  1542. Quant aux locaux syndicaux, fermés par la police depuis le 7
  1543. mai 1996, le
  1544. ministre charge le directeur du travail d'en remettre les clés au
  1545. porte-parole
  1546. de l'intersyndicale UGTD/UDT; la remise en est effectuée le
  1547. jour même (15
  1548. janvier 1998).
  1549. Enfin, en ce qui concerne les enseignants licenciés ou radiés,
  1550. le ministre du
  1551. Travail prendra contact avec les autorités gouvernementales
  1552. compétentes, et en
  1553. particulier avec le ministre de l'Education nationale qui a déjà
  1554. fait
  1555. effectuer la reprise de certains d'entre eux.
  1556. Perspectives d'avenir
  1557. I. Ayant recueilli les informations fournies par le gouvernement
  1558. et par les
  1559. organisations syndicales rencontrées, et ayant participé à la
  1560. réunion tenue au
  1561. ministère du Travail, sur sa proposition, entre le ministre du
  1562. Travail et les
  1563. représentants des organisations syndicales, la mission a
  1564. constaté que la
  1565. situation avait connu une certaine amélioration à plusieurs
  1566. égards, et en
  1567. particulier sur les points suivants:
  1568. -- il n'y a plus, actuellement, de personnes détenues en prison
  1569. pour des faits
  1570. intéressant l'exercice de la liberté syndicale ou du droit de
  1571. grève, reconnus
  1572. par la législation djiboutienne, ni de poursuites judiciaires pour
  1573. les mêmes
  1574. raisons, sous réserve de l'appel -- en suspens -- d'une
  1575. condamnation pénale
  1576. pour outrage;
  1577. -- les locaux antérieurement occupés par les organisations
  1578. syndicales, puis
  1579. fermés par les forces de l'ordre, ont été remis à la disposition
  1580. de
  1581. l'intersyndicale à la fin de la réunion tenue au ministère du
  1582. Travail le 15
  1583. janvier 1998, la remise des clés constituant a priori un geste
  1584. significatif de
  1585. reconnaissance légale de l'intersyndicale UGTD/UDT en tant
  1586. que coordination
  1587. des deux organisations;
  1588. -- il se confirme, par ailleurs, que les radiations massives
  1589. d'instituteurs,
  1590. alléguées dans la plainte de la CISL et de l'intersyndicale
  1591. UGTD/UDT, ont été
  1592. en réalité des opérations de remplacement temporaire des
  1593. enseignants en grève
  1594. par des personnes au chômage recrutées durant la grève pour
  1595. assurer la garde
  1596. des enfants.
  1597. II. En revanche, tout en étant consciente des difficultés
  1598. d'ordre économique
  1599. et en matière d'emploi que connaît le pays, et tout en tenant
  1600. compte des
  1601. changements politiques intervenus depuis peu, la mission doit
  1602. souligner la
  1603. gravité des problèmes qui se posent encore et dont la solution
  1604. commande le
  1605. rétablissement d'une situation syndicale normale et conforme
  1606. aux principes
  1607. garantis par la convention no 87 de l'OIT. Elle a donc invité le
  1608. gouvernement
  1609. dans son ensemble et le ministre du Travail en particulier à
  1610. mettre en oeuvre,
  1611. en accord avec les organisations syndicales, les moyens
  1612. propres à répondre aux
  1613. demandes suivantes:
  1614. 1) Au ministre du Travail elle a demandé de remplir le
  1615. calendrier de
  1616. rencontres, dont le début a été fixé à la fin de la réunion tenue
  1617. au ministère
  1618. du Travail avec les organisations syndicales, en vue
  1619. d'examiner avec ces
  1620. dernières les situations des dirigeants de l'UGTD et de l'UDT
  1621. licenciés à la
  1622. suite de grèves, de prendre les mesures nécessaires et
  1623. d'utiliser tous les
  1624. moyens légaux pour que soient rapportés ou annulés leurs
  1625. licenciements et pour
  1626. qu'ils soient réintégrés le plus rapidement possible dans leur
  1627. poste de
  1628. travail et dans leurs fonctions, dans des conditions (calendrier
  1629. et conditions
  1630. de reprise, etc.) négociées avec eux.
  1631. 2) Relativement aux radiations d'enseignants titulaires à la
  1632. suite de grèves,
  1633. et tout en notant avec intérêt que certains enseignants
  1634. contractuels ont été
  1635. repris sur décision du ministre de l'Education nationale, elle a
  1636. demandé
  1637. qu'une concertation entre les ministres du Travail, de
  1638. l'Education nationale
  1639. et de la Fonction publique ait pour résultat que soient
  1640. rapportées ces
  1641. radiations et assurée la réintégration des enseignants
  1642. concernés dans leur
  1643. poste et dans leurs fonctions dans des conditions (calendrier
  1644. et conditions de
  1645. reprise) négociées avec eux.
  1646. 3) De la part des autorités judiciaires, la mission estime
  1647. nécessaire que la
  1648. plus grande vigilance soit exercée pour la promotion et la
  1649. défense de la
  1650. liberté syndicale, et que soient prises des dispositions pour que
  1651. soient
  1652. instruites les plaintes déposées par les organisations
  1653. syndicales ou les
  1654. syndicalistes ainsi que celles déposées par Maître Aref,
  1655. jusque-là restées
  1656. sans suite, et pour que soit examinée en toute sérénité et en
  1657. toute
  1658. indépendance la situation personnelle et professionnelle de
  1659. Maître Aref.
  1660. 4) A tous les interlocuteurs des organisations syndicales, la
  1661. mission a
  1662. demandé de tout mettre en oeuvre pour que puissent
  1663. continuer ou reprendre une
  1664. vie et une activité syndicales normales à tous les niveaux et
  1665. dans tous les
  1666. secteurs de l'activité de travail, dans le respect des principes
  1667. de la liberté
  1668. syndicale et du pluralisme syndical. Elle a adressé la même
  1669. recommandation aux
  1670. organisations syndicales avec les représentants desquelles
  1671. elle s'est
  1672. entretenue.
  1673. 5) Enfin, la mission a enregistré la demande, exprimée par les
  1674. autorités
  1675. gouvernementales et par les organisations syndicales
  1676. rencontrées, relative à
  1677. un besoin de formation et recommande en conséquence
  1678. l'organisation prochaine à
  1679. Djibouti, avec le concours du BIT, d'un séminaire tripartite
  1680. consacré aux
  1681. normes internationales relatives à la liberté syndicale en
  1682. particulier ainsi
  1683. qu'aux normes internationales du travail en général. Elle
  1684. espère que le BIT
  1685. pourra répondre favorablement à cette demande, qu'elle
  1686. appuie sans réserve,
  1687. dès que la situation syndicale sera rétablie.
  1688. Elle a rappelé aussi la disponibilité constante du BIT pour
  1689. assister le
  1690. gouvernement dans la révision du Code du travail
  1691. actuellement en cours.
  1692. Paris, le 30 janvier 1998. M. Jean-Maurice Verdier
  1693. Mme Anna-Juliette Pouyat
  1694. Liste des personnes rencontrées pendant la mission
  1695. Autorités gouvernementales
  1696. Ministère du Travail et de la Formation professionnelle
  1697. M. Mohamed Ali Mohamed, ministre du Travail et de la
  1698. Formation professionnelle
  1699. M. Iwad Hassan, secrétaire général
  1700. M. Gérard Karche, conseiller technique
  1701. M. Abdi Ilmi Achkir, directeur du travail
  1702. M. Guedi Absiye Houssein, inspecteur du travail et des lois
  1703. sociales
  1704. M. Arbahim Ali, directeur de l'Organisme de protection sociale
  1705. Mme Osman Fatouma, responsable du service juridique
  1706. Ministère de la Justice
  1707. M. Abdi Ismael Hersi, directeur général des affaires judiciaires
  1708. Ministère de l'Education nationale
  1709. M. Areitha, conseiller technique
  1710. M. Fathi Chamsam, chef de service en charge de
  1711. l'enseignement du second degré
  1712. Ministère de la Fonction publique
  1713. M. Yacin Ahmed Liban, directeur
  1714. Présidence de la République
  1715. M. Amin A. Robleh, secrétaire général du gouvernement
  1716. Représentants des travailleurs
  1717. Coordination intersyndicale -- Union générale des travailleurs
  1718. de
  1719. Djibouti/Union djiboutienne du travail (UGTD/UDT)
  1720. M. Kamil Diraneh Hared, licencié pour abandon de poste le 16
  1721. septembre 1995:
  1722. secrétaire général de l'Union générale des travailleurs de
  1723. Djibouti (UGTD),
  1724. secrétaire général du Syndicat des cheminots, coprésident de
  1725. la coordination
  1726. intersyndicale
  1727. M. Ahmed Djama Egueh, licencié pour abandon de poste le
  1728. 12 septembre 1995:
  1729. président de l'Union djiboutienne du travail (UDT), dirigeant du
  1730. Syndicat des
  1731. employés de l'aéroport international de Djibouti, coprésident de
  1732. la
  1733. coordination intersyndicale
  1734. M. Aden Mohamed Abdou, licencié pour abandon du poste le
  1735. 12 septembre 1995:
  1736. secrétaire général de l'UDT, dirigeant du Syndicat des
  1737. employés de
  1738. l'Electricité de Djibouti (SEED), porte-parole de la coordination
  1739. intersyndicale
  1740. M. Mohamed Doubad Wais, licencié pour abandon de poste
  1741. le 12 septembre 1995:
  1742. secrétaire général adjoint de l'UGTD, secrétaire général du
  1743. Syndicat des
  1744. employés de l'Office des postes et télécommunications (OPT),
  1745. membre du comité
  1746. de la coordination intersyndicale
  1747. ainsi que plusieurs dirigeants syndicaux du Syndicat des
  1748. enseignants du second
  1749. degré (SYNESED) et du Syndicat des enseignants du primaire
  1750. (SEP), notamment:
  1751. Syndicat des enseignants du second degré (SYNESED)
  1752. M. Soulaiman Ahmad Mohamed, secrétaire général adjoint de
  1753. l'UDT, ex-secrétaire
  1754. général du SYNESED, suspendu de ses fonctions le 15 août
  1755. 1996, puis radié de
  1756. la fonction publique le 16 février 1997
  1757. M. Farah Abdillahi Miguil, secrétaire général du SYNESED
  1758. M. Osman Miguil Waiss, secrétaire général adjoint
  1759. M. Ali Mohamed Dimbia, secrétaire à la documentation
  1760. M. Hassan Isman Doubad, commissaire aux comptes
  1761. M. Elmi Youssof Weiss, ex-délégué syndical, agent contractuel
  1762. de
  1763. l'enseignement, contrat non renouvelé, puis réintégré
  1764. Mlle Mallyoun Benoit Frumence, secrétaire chargée de la
  1765. documentation,
  1766. suspendue de ses fonctions le 15 août 1996, radiée de la
  1767. fonction publique le
  1768. 16 février 1997
  1769. Syndicat des enseignants du primaire (SEP)
  1770. M. Mohamed Ali Djama, ex-secrétaire général adjoint du SEP,
  1771. suspendu de ses
  1772. fonctions le 15 août 1996, radié de la fonction publique le 16
  1773. janvier 1997
  1774. M. Abdoul Fatah Hassan, ex-secrétaire général du (SEP),
  1775. secrétaire à
  1776. l'organisation
  1777. Représentants des employeurs
  1778. M. Saïd Omar Moussa, président de l'Union syndicale
  1779. interentreprises (USIE)
  1780. M. Jean-Philippe Delarue, USIE
  1781. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
  1782. M. Teoufik Ben Amara, Représentant résident
  1783. Autre personnalité Maître Ali Dini, avocat, Bâtonnier de l'Ordre
  1784. des avocats
  1785. de Djibouti
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