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Informe provisional - Informe núm. 291, Noviembre 1993

Caso núm. 1699 (Camerún) - Fecha de presentación de la queja:: 26-ENE-93 - Cerrado

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  1. 516. Par une communication en date du 26 janvier 1993, le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Cameroun. Par la suite, ce syndicat a transmis des informations complémentaires concernant cette affaire par des communications des 12 avril et 12 juillet 1993. Le gouvernement, pour sa part, a envoyé ses commentaires et observations sur ce cas dans des communications des 7 juin et 9 septembre 1993.
  2. 517. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. En revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations du syndicat plaignant

A. Allégations du syndicat plaignant
  1. 518. Le SYNES, dans sa communication du 26 janvier 1993, allègue que le gouvernement du Cameroun a porté atteinte aux conventions nos 87 et 98 qu'il a ratifiées en refusant de le reconnaître et en laissant se perpétrer des agressions, intimidations, pressions et répressions qui rendent les activités des syndicats indépendants impossibles, sinon dangereuses.
  2. 519. Cette plainte formelle fait suite à une demande d'intervention que le syndicat plaignant avait adressée au BIT par une communication en date du 25 juin 1992. Dans cette demande d'intervention, il faisait état de diverses entraves portées à son fonctionnement. Ladite communication avait été transmise au gouvernement le 7 juillet 1992 afin qu'il fournisse ses observations sur cette affaire. Elle était restée sans réponse.
  3. 520. Dans cette demande d'intervention, le SYNES expliquait que par une lettre du 21 octobre 1991 le ministre de l'Enseignement supérieur, de l'Informatique et de la Recherche scientifique avait voulu soumettre sa constitution à une législation inexistante. La lettre du ministre faisait référence à une loi du 19 décembre 1990 relative aux libertés d'association qui prévoyaient que les syndicats devaient être régis par des textes particuliers, lesquels n'avaient pas encore été adoptés.
  4. 521. Toujours dans cette demande d'intervention, le SYNES faisait état du fait que, dans la nuit du 11 au 12 décembre 1991, le président du bureau exécutif national du SYNES, M. Jongwane Dipoko, avait été l'objet d'une tentative d'assassinat devant son domicile.
  5. 522. Le SYNES indiquait également qu'il avait vainement sollicité de l'université l'octroi de locaux pour exercer ses activités syndicales et que le chancelier de l'université avait non seulement refusé l'octroi desdits locaux, mais il avait interdit les manifestations prévues au motif de l'absence d'une reconnaissance officielle du syndicat. Estimant que ces comportements étaient contraires aux articles 2 et 3 de la convention no 87, le SYNES précisait qu'il avait tenu une manifestation sur l'esplanade du campus universitaire, l'administration ayant fait fermer hermétiquement toutes les salles et que, dès que son président avait commencé à prononcer un discours, l'assistance avait été dispersée par les forces de l'ordre. Depuis, les responsables du SYNES faisaient l'objet de nombreuses tracasseries.
  6. 523. Dans la plainte qu'il soumet le 26 janvier 1993, le SYNES réitère les informations qu'il a déjà fournies dans sa demande d'intervention, insistant sur le fait que le ministre de l'Enseignement supérieur a voulu le soumettre à une législation inexistante, alors que la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC) et les syndicats de base qui lui sont affiliés et qui sont proches du gouvernement fonctionnent sans problème.
  7. 524. Il ressort de la documentation jointe par le SYNES qu'une assemblée constitutive du 1er juin 1991 avait constitué une structure permanente portant création de ce syndicat dont les statuts et règlements avaient été déposés à la préfecture de Mfoundi à Yaoundé, le 11 juin 1991, sous la référence no 773/AD/JO6/BAPP. Cependant, ce syndicat n'avait pas obtenu d'autorisation administrative de fonctionner au motif que la loi no 90/53 du 19 décembre 1990 prévoyait que des dispositions devaient être adoptées pour régir la vie des syndicats. La copie de la déclaration de dépôt du 11 juin 1991 est effectivement signée pour le préfet de Yaoundé par un administrateur civil sur papier à en-tête du bureau des associations et des partis politiques. Dans cette déclaration, il est certifié que le dossier du SYNES ainsi que les exemplaires des statuts et la liste des membres du bureau exécutif ont été reçus. Cette déclaration de dépôt ajoute que "la présente attestation ne tient nullement lieu d'autorisation d'exercer des activités afférentes audit syndicat avant l'autorisation du ministre de l'Administration territoriale".
  8. 525. Le SYNES regrette, par ailleurs, que la tentative d'assassinat devant son domicile du président de son bureau exécutif n'ait toujours pas fait l'objet d'une enquête judiciaire malgré les demandes en ce sens déposées auprès des autorités administratives.
  9. 526. Il fait état également du fait que l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur, devenu secrétaire général de la Présidence de la République, exigeait pour la création et le fonctionnement du SYNES que les textes d'application prévus à l'article 5 (4) de la loi no 90/53 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association soient adoptés et que le ministre qui lui succède ne demande plus officiellement d'attendre l'adoption de ces textes, mais se contente d'exiger un dossier administratif relatif au syndicat.
  10. 527. S'agissant des entraves perpétrées à l'encontre du SYNES depuis le 23 juin 1992, le syndicat plaignant explique que les militants syndicaux ayant respecté le mot d'ordre de grève du SYNES suite au non-paiement des salaires et à la suspension arbitraire de l'un d'entre eux se sont vu infliger des demandes d'explication qui sont des mesures administratives préalables à une procédure disciplinaire. En outre, au mépris des règles de procédure disciplinaire, un enseignant, M. Noumba Issidor, a été suspendu pour deux ans au motif fallacieux que ses épreuves auraient été subversives. Enfin, depuis novembre 1992, des notes circulaires du chancelier de l'Université de Yaoundé et des télex du ministre de l'Enseignement supérieur mettent en demeure les enseignants du supérieur de fournir un dossier en vue de la prise en charge de leur traitement par un organisme spécialisé. D'après le syndicat plaignant, cette mesure vise à mettre en cause le statut particulier des enseignants du supérieur et l'autonomie des universités, et donc l'opportunité de l'existence d'un syndicat réservé aux enseignants du supérieur, cet enseignement devenant une tâche administrative comme les autres.
  11. 528. Dans une communication ultérieure du 12 avril 1993, le SYNES fournit une copie de la lettre du ministre de l'Enseignement supérieur du 26 mars 1993 adressée au recteur de l'Université de Yaoundé affirmant que "le SYNES ne peut être considéré valablement comme syndicat", ainsi que la copie d'une note de service du vice-recteur de l'Université de Yaoundé du 30 mars 1993 mettant fin au sein du campus à toute activité de l'association illégale dite "Syndicat des enseignants du supérieur" (SYNES). Il fournit également une copie d'une demande d'explication écrite des autorités adressée à un militant du syndicat, le chef du Département de la presse écrite, qui avait fait saisir sur ordinateur à des fins de publication des ouvrages intitulés "Le tribalisme, un monstre" et "La presse et les tyrans africains: immobilisme et mensonges grossiers".
  12. 529. Enfin, dans une communication du 12 juillet 1993, le SYNES fournit une lettre du 2 juin 1993 du recteur de l'Université de Yaoundé adressée au président du bureau exécutif du SYNES tendant à impliquer sans enquête préalable le syndicat d'actes de violence, d'incendie et d'assassinat survenus sur le campus. Le recteur y rappelle que "malgré les instructions de Monsieur le Ministre de l'Enseignement supérieur interdisant toute activité du syndicat illégal dit "SYNES", celui-ci continue à tenir des réunions au sein du campus, à écrire des mots d'ordre de grève et autres tracts incitant à la démobilisation". Le recteur demande en conséquence de "faire savoir par écrit que les enseignants ne continueront pas à mener des activités dans ce regroupement illégal, dit SYNES, regroupement qui aurait appuyé les actes de violence et les assassinats perpétrés par le regroupement d'étudiants dit "Parlement".

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 530. Dans sa réponse du 7 juin 1993, le gouvernement transmet une lettre du ministre de l'Enseignement supérieur sur cette affaire datée du 19 janvier 1993. Le ministre de l'Enseignement supérieur y estime que le SYNES, ne remplissant pas les conditions exigées par la législation nationale et en attendant les textes devant être adoptés par le législateur, n'a sur toute l'étendue du territoire aucune existence légale. Il n'a donc pas de personnalité juridique qui lui permette de fonctionner légalement ou de "porter plainte" contre le gouvernement du Cameroun devant le BIT.
  2. 531. Sur le fond, le gouvernement indique que la création du SYNES en 1991 appelle les observations suivantes:
    • L'article 6 des statuts dispose que "le SYNES peut se prononcer publiquement en assemblée générale après vote majoritaire sur tel ou tel grand sujet engageant la vie ou le devenir de la nation". Or, d'après le gouvernement, le but poursuivi par tout syndicat devrait être la défense des intérêts professionnels de ses membres. Par les dispositions de l'article 6, le SYNES sort du cadre de ses attributions ordinaires et légitimes et tend à engager les enseignants membres dans des voies d'intervention dangereuses, tant pour eux-mêmes que pour la nation tout entière.
  3. 532. Le gouvernement communique les observations de forme suivantes: selon lui, le problème juridique important que pose le dossier SYNES est celui de son existence juridique et, plus précisément, de la question de savoir lequel des textes suivants devrait le régir:
    • - la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 (relative aux associations ou syndicats professionnels non régis par le Code du travail) et son décret d'application no 69/DF/7 du 6 janvier 1969;
    • - la loi no 74/14 du 26 novembre 1974 portant Code du travail modifiée par la loi no 92/007 du 14 août 1992;
    • - ou la loi no 90-53 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association.
      • Aux termes du premier texte, l'article premier dispose que les personnes relevant du statut de la fonction publique fédérale ou fédérée et les agents de la fonction publique du Cameroun occidental, à l'exception des membres des forces armées ou assimilés et des forces de police, peuvent se regrouper en associations ou syndicats professionnels dans le cadre de la loi no 67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté d'association. L'article 2 dispose que les associations ou syndicats visés par le présent décret doivent demander leur agrément au ministre chargé de l'Administration territoriale, responsable du contrôle des libertés publiques. L'article 9 dispose que l'absence de réponse du ministre de l'Administration territoriale pendant trois mois équivaut à un refus d'agrément. Cette loi intéresse donc uniquement les fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique. Or, dans le cas d'espèce, le SYNES est formé d'un mélange d'enseignants fonctionnaires et contractuels. Le SYNES a régulièrement fait sa déclaration depuis plus d'un an. Cette déclaration est demeurée jusqu'ici sans aucune réponse du ministre compétent, ce qui équivaut à un refus d'agrément. Le deuxième texte, le Code du travail de 1974 modifié en 1992, prévoit que, sans aucune restriction et sans autorisation préalable, la loi reconnaît aux travailleurs et aux employeurs le droit de créer librement des syndicats professionnels (article 3 de la loi no 74/14 du 27.11.1974), lesquels n'ont d'existence légale qu'à partir du jour où un certificat d'enregistrement leur est délivré par le greffier des syndicats article 6 de la même loi). A cause du caractère hétérogène déjà dénoncé de la composition du SYNES, ce certificat d'enregistrement ne lui a été et ne peut lui être délivré, les enseignants contractuels pouvant seuls y prétendre éventuellement. Troisième texte: la loi du 19 décembre 1992. L'article premier de cette loi dispose que la liberté d'association proclamée par le préambule de la Constitution est reconnue à toute personne physique ou morale sur l'ensemble du territoire national. Il existe deux régimes d'association: le régime de la déclaration et le régime de l'autorisation (article 5, alinéa 1). Relèvent du régime de l'autorisation les associations étrangères et les associations religieuses (article 5, alinéa 2). Toutes les autres formes d'association sont soumises au régime de la déclaration (article 5, alinéa 3). La déclaration est faite par les fondateurs de l'association à la préfecture du département où celle-ci a son siège. Un récépissé leur est délivré si l'association n'est pas frappée de nullité (article 7, alinéa 1). Le silence du préfet gardé pendant deux mois après le dépôt du dossier de déclaration vaut acceptation et emporte acquisition de la personnalité juridique (article 7, alinéa 3). Si, par définition (article 2), le syndicat est une association puisque évoqué dans les dispositions générales de la loi du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association, le syndicat est une association spéciale qui est de ce fait régie par des textes spéciaux selon les dispositions précises de l'article 5, alinéa 4, de la loi qui prévoit: "les partis politiques et les syndicats sont régis par des textes particuliers". Dans le cas d'espèce, le SYNES, qui se veut un syndicat, a malheureusement suivi la procédure de la déclaration des associations prévue à l'article 7, alinéa 1, précité pour obtenir un récépissé et brandir plus de deux mois après sa personnalité juridique, faute de réaction du préfet (article 7, alinéa 3), ce qui est manifestement illégal, l'article 7, alinéa 1, ne visant que les associations ordinaires au sens classique du terme.
    • 533. Le gouvernement poursuit en indiquant que s'il est vrai que les dispositions finales de la dernière loi précisent, à l'article 35, que la loi no 67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté d'association est abrogée et remplacée par les dispositions de la présente loi, c'est-à-dire qu'il n'a pas été fait allusion aux lois précitées de 1968 et de 1974, ce qui permettrait de conclure qu'elles n'auraient pas été abrogées, il n'en est pas moins exact que, selon l'article 5, alinéa 4, de la même loi qui dispose que "les partis politiques et les syndicats sont régis par des textes particuliers", aucun autre texte que ceux encore attendus (puisque les textes régissant les partis politiques existent déjà) sur les syndicats ne devrait plus être applicable, exception faite de la loi no 92/007 du 14 août 1992, promulguée après celle du 19 décembre 1990, mais loi qui, elle aussi, pour les raisons précitées, n'est d'aucun secours pour le SYNES.
  4. 534. Le gouvernement conclut en indiquant qu'il estime que le SYNES ne remplit pas les conditions exigées par les textes visés et, en attendant celui promis par le législateur, il n'a aucune existence légale sur toute l'étendue du territoire. Selon le gouvernement, il n'a donc pas de personnalité juridique lui permettant de fonctionner légalement et de "porter plainte" contre le gouvernement camerounais devant le BIT.
  5. 535. Dans une communication ultérieure du 9 septembre 1993, le gouvernement insiste sur le fait que les statuts du SYNES disposent en leur article 6 que "le SYNES peut se prononcer publiquement en assemblée générale sur tel ou tel sujet engageant l'avenir de la nation". Il souligne que, si l'avenir de la nation camerounaise dépend de l'ensemble de ses citoyens y compris ceux membres du SYNES, il n'en demeure pas moins qu'un syndicat professionnel n'est pas le cadre approprié pour en débattre. En effet, la convention no 87 en son article 10 dispose que "le but des syndicats professionnels est de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs et des employeurs". Quant à la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail, elle précise en son article 3 la nature de ces intérêts. Celui-ci stipule en effet que les syndicats professionnels ont pour objet l'étude, la défense, le développement et la protection de leurs intérêts notamment économiques, industriels et agricoles. En clair, le but des syndicats professionnels est la défense des intérêts professionnels de leurs membres.
  6. 536. En conséquence, selon le gouvernement, le SYNES en s'occupant de l'avenir de la nation camerounaise outrepasse son objet et s'exclut de lui-même du cadre défini par la loi pour les syndicats professionnels. Il est évident que, si le SYNES venait à se conformer à la loi, rien ne saurait entraver dès lors l'exercice par les enseignants du supérieur de cette liberté fondamentale qu'est la liberté syndicale, étant entendu qu'il s'agira ici des enseignants du supérieur régis par le Code du travail. Quant aux enseignants du supérieur ayant la qualité de fonctionnaires donc régis par le statut général de la fonction publique, ils demeurent régis par la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 en attendant que les textes particuliers annoncés par la loi du 19 décembre 1990 sur les associations syndicales soient adoptés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 537. Le comité observe que la présente plainte porte sur le refus du gouvernement du Cameroun de reconnaître le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES); elle porte également sur le fait qu'aucune enquête judiciaire n'a été ouverte contre l'allégation de tentative d'assassinat du président de son comité exécutif, sur le refus d'octroi de locaux à ce syndicat, sur l'interdiction de toute activité syndicale au SYNES et à ses membres et sur les tracasseries dont ses membres auraient été l'objet.
  2. 538. Le comité observe que le gouvernement déclare que le SYNES n'a pas de personnalité juridique lui permettant de fonctionner légalement et de "porter plainte" devant le BIT.
  3. 539. A cet égard, le comité rappelle qu'aux termes de la procédure spéciale de plainte en violation de la liberté syndicale (paragraphe 35 de la procédure), il possède entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme une organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'OIT et qu'il ne se considère lié par aucune définition nationale de ce terme. En outre, l'absence d'une reconnaissance officielle d'une organisation ne peut justifier le rejet des allégations lorsqu'il ressort de la plainte que cette organisation a, pour le moins, une existence de fait (paragraphe 38 de la procédure).
  4. 540. Dans le cas d'espèce, le comité observe que les enseignants du supérieur au Cameroun, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou de contractuels, se sont regroupés en syndicat dans une structure permanente lors de leur assemblée constitutive le 1er juin 1991, et qu'ils ont déposé leurs statuts et règlements à la préfecture de Mfoundi à Yaoundé, le 11 juin 1991, sous la référence no 773/AD/JO6/BAPP. Ils ont d'ailleurs dûment reçu copie de cette déclaration de dépôt. Le comité observe cependant que la copie en question, communiquée par les plaignants, mentionne "la présente attestation ne tient nullement lieu d'autorisation d'exercer les activités afférentes audit syndicat".
  5. 541. Le comité relève que le gouvernement insiste sur le fait de l'article 6 des statuts du SYNES dispose que "le SYNES peut se prononcer publiquement en assemblée générale sur tel ou tel sujet engageant l'avenir de la nation". Il argue du fait qu'aux termes de l'article 10 de la convention no 87, "le but des syndicats professionnels est de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs et des employeurs". Il ajoute que le Code du travail de 1992 précise en son article 3 la nature de ces intérêts en prévoyant que les syndicats professionnels ont pour objet l'étude, la défense, le développement et la protection de leurs intérêts, notamment économiques, industriels et agricoles.
  6. 542. Le comité observe qu'aux termes de l'article 5 des statuts du SYNES, ce syndicat a pour but de:
    • a) regrouper tous les enseignants du supérieur autour d'un même idéal de défense des intérêts matériels, académiques et moraux;
    • b) représenter ses adhérents partout où besoin sera;
    • c) défendre la qualité de l'enseignement et de la recherche;
    • d) veiller à ce que l'université, une des premières forces de la nation, constitue une référence permanente dans la recherche des solutions aux problèmes du pays;
    • e) sensibiliser le milieu enseignants camerounais sur la nécessité de comportements individuels et collectifs à la hauteur de la dignité universellement attachée à l'exercice de cette profession;
    • f) concourir à la protection sociale des enseignants et de leurs familles par la création de mutuelles;
    • g) oeuvrer pour l'instauration des conditions optimales de travail et de sécurité des enseignants, des étudiants et des techniciens dans les laboratoires de formation et de recherche, les amphithéâtres et dans tout déplacement à caractère professionnel.
      • Aux termes de l'article 6, le SYNES est un syndicat indépendant. Il peut se prononcer publiquement en assemblée générale après vote majoritaire sur tel ou tel grand sujet engageant la vie ou le devenir de la nation. Toutefois, chaque membre reste libre et responsable de son opinion dans la formation politique ou religieuse de son choix.
    • 543. Le comité en conclut que l'article 5 des statuts du SYNES qui vise la défense des intérêts matériels académiques et moraux des enseignants, la protection sociale des enseignants et de leurs familles par la création de mutuelles et l'instauration de conditions optimales de travail et de sécurité des enseignants et techniciens de laboratoire est en conformité avec l'article 10 de la convention no 87.
  7. 544. Pour ce qui est de l'article 6 qui insiste sur l'indépendance du syndicat, il prévoit que ses membres sont libres de leurs opinions et autorise le SYNES à se prononcer par vote majoritaire sur les grands sujets de la vie ou du devenir de la nation. Le comité estime que le souhait du SYNES d'être indépendant, de laisser ses adhérents libres de leurs opinions et de se prononcer majoritairement sur les grands sujets de la vie et du devenir de la nation constitue des buts légitimes. De même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, le comité rappelle que l'action syndicale ne saurait être restreinte au seul domaine professionnel. En effet, le choix d'une politique générale, notamment en matière économique, entraîne des conséquences affectant la condition des salariés (rémunération, congés, conditions de travail, marche de l'entreprise, etc.). L'évolution du mouvement syndical montre que l'objectif de promotion des conditions de travail par la négociation collective, tout en demeurant un axe fondamental de l'action des syndicats, s'accompagne de manière de plus en plus prononcée de leur participation dans les organes appelés à se prononcer sur les politiques économiques et sociales. Cette participation requiert en échange que les syndicats puissent porter attention aux problèmes d'intérêt général et donc politiques au sens le plus large du terme et que, entre autres, ils puissent manifester publiquement leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement, étant entendu que la mission fondamentale des syndicats devrait être d'assurer le développement du bien-être économique et social de tous les travailleurs. (Etude d'ensemble, paragr. 195.)
  8. 545. En outre, le comité lui-même a déjà signalé dans des cas antérieurs que le contrôle normal de l'activité des syndicats devrait être effectué a posteriori et par le juge; et que le fait qu'une organisation qui demande à bénéficier du statut de syndicat professionnel pourrait, le cas échéant, se livrer à une activité étrangère à l'activité syndicale ne constitue pas un motif suffisant pour que les organisations syndicales soient soumises à un contrôle a priori de leur composition et de la composition de leur comité directeur. Le refus d'enregistrer un syndicat parce que les autorités considèrent, d'avance et de leur propre chef, qu'un tel enregistrement pourrait ne pas être souhaitable du point de vue politique, équivaut à subordonner l'enregistrement obligatoire d'un syndicat à une autorisation préalable de la part des autorités, ce qui n'est pas compatible avec les dispositions de la convention no 87. (Voir Recueil de décisions et de principes de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 279.)
  9. 546. Le comité ne peut qu'insister sur le fait qu'en ratifiant la convention no 87 le gouvernement du Cameroun s'est engagé à accorder aux travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, y compris donc évidemment aux fonctionnaires et aux contractuels de l'enseignement, et ce sans autorisation préalable, le droit de constituer les organisations de leur choix et de s'affilier à ces organisations.
  10. 547. Le comité observe en conséquence avec préoccupation que, contrairement aux engagements internationaux découlant de la ratification de la convention no 87, le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) ne jouit toujours pas de la personnalité juridique alors qu'il a déposé sa demande de reconnaissance il y a plus de deux ans.
  11. 548. Par ailleurs, s'agissant du fait que le SYNES regroupe des fonctionnaires de l'enseignement, à l'instar de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans l'observation qu'elle adresse au gouvernement du Cameroun sur l'application de la convention no 87 (Conférence internationale du Travail, 80e session, 1993, rapport III, partie IV A, pp. 190 et 191), le comité note avec regret que le nouveau Code du travail n'a pas abrogé la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 qui soumet l'existence juridique d'un syndicat ou d'une association professionnelle de fonctionnaires à l'agrément préalable du ministre de l'Administration territoriale. Il regrette également le libellé de l'article 6 (2) du nouveau Code du travail qui dispose que les promoteurs d'un syndicat non encore enregistré qui se comporteraient comme si ledit syndicat avait été enregistré sont passibles de poursuites judiciaires en violation de l'article 1er de la convention no 98, ratifiée par le Cameroun, qui prévoit que les travailleurs, donc y compris les fonctionnaires et les contractuels de l'enseignement supérieur, doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale.
  12. 549. Le comité demande en conséquence instamment au gouvernement de reconnaître aux enseignants du supérieur le droit de se syndiquer dans le syndicat de leur choix, sans autorisation préalable, et de modifier sa législation et sa pratique en conséquence. Il lui demande en outre de garantir que des locaux leur soient accordés pour leur permettre d'exercer leurs activités et de le tenir informé de tout développement à cet égard.
  13. 550. Le comité rappelle par ailleurs que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans un climat exempt de violence et de crainte et observe avec regret que le gouvernement n'a pas encore répondu aux allégations du SYNES relatives à la tentative d'assassinat devant son domicile dont aurait été victime le président du comité exécutif de ce syndicat ainsi que les agressions, intimidations et pressions dont auraient été l'objet les membres du SYNES. Il demande par conséquent au gouvernement d'envoyer ses observations à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 551. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Constatant avec regret que le Syndicat national des enseignants du supérieur ne jouit toujours pas de la personnalité juridique, alors qu'il a déposé sa demande de reconnaissance en juin 1991, il y a plus de deux ans, le comité demande instamment au gouvernement de reconnaître aux enseignants du supérieur, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou de contractuels, le droit de se syndiquer dans le syndicat de leur choix sans autorisation préalable pour la défense de leurs intérêts professionnels et de modifier sa législation et sa pratique en conséquence. Il lui demande en outre de garantir que les enseignants du supérieur bénéficient des locaux leur permettant d'exercer leurs activités syndicales. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
    • b) Le comité demande au gouvernement d'abroger la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 qui soumet l'existence juridique d'un syndicat de fonctionnaires à l'agrément préalable du ministre de l'Administration territoriale et d'abroger l'article 6 (2) de la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail qui permet de poursuivre judiciairement les promoteurs d'un syndicat non enregistré qui se comporteraient comme si le syndicat était enregistré, contrairement aux dispositions des conventions nos 87 et 98. Il prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations du syndicat plaignant concernant la tentative d'assassinat, devant son domicile, dont a été victime son président du comité exécutif ainsi que sur les agressions, intimidations et pressions dont ses membres sont l'objet.
    • d) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas au regard des conventions nos 87 et 98.
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