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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 296, Noviembre 1994

Caso núm. 1647 (Côte d'Ivoire) - Fecha de presentación de la queja:: 15-MAY-92 - Cerrado

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  1. 1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 3, 4 et 10 novembre 1994, sous la présidence de M. Jean-Jacques Oechslin, ancien Président du Conseil d'administration.
  2. 2. Le comité est saisi, d'une part, d'une plainte en violation de la liberté syndicale en Côte d'Ivoire, présentée par la Confédération mondiale du travail (CMT) et, d'autre part, d'une plainte relative à l'observation par la Côte d'Ivoire de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, présentée, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, par plusieurs délégués travailleurs à la 79e session (1992) de la Conférence internationale du Travail.
  3. 3. Le Conseil d'administration avait, à sa 256e session (mai 1993), adopté les conclusions intérimaires formulées par le comité dans son 289e rapport et prié le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur tous les points mentionnés dans ses recommandations.
  4. 4. Le comité soumet à l'approbation du Conseil d'administration un nouveau rapport sur cette affaire, en recommandant au Conseil de l'examiner à sa 261e session.
  5. 5. Le comité avait déjà examiné le cas no 1594 à ses sessions de novembre 1991 et 1992 et de mai 1993, où il avait présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 279e, 285e et 289e rapport du comité, paragr. 717 à 739, 4 à 61 et 5 à 29.)
  6. 6. Le comité avait également examiné le cas no 1647 à sa session de mai 1993. Certaines des allégations contenues dans cette plainte avaient également été présentées dans le cas no 1594. Le comité avait présenté un rapport intérimaire sur ce cas au Conseil d'administration. (Voir 287e rapport, paragr. 438 à 468.)
  7. 7. Depuis lors, par des communications des 6 et 17 mai, 3 juin, 12 août, 28 septembre et 16 décembre 1993, ainsi que des 23 et 28 mars 1994, les plaignants avaient présenté de nouvelles allégations sur le cas no 1594. Le gouvernement avait transmis des informations ou observations en réponse à certains aspects du cas no 1594 dans des communications des 21 septembre et 5 octobre 1993. En revanche, il n'avait pas transmis d'observation ou d'information sur le cas no 1647, et le comité avait dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises.
  8. 8. Postérieurement au dernier examen du cas no 1594, le comité avait estimé, compte tenu de ce qu'il s'agissait d'une plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, qu'il serait hautement souhaitable, vu l'importance du cas et la gravité des questions en cause, qu'un représentant du Directeur général se rende en mission de contacts directs sur place et lui fasse rapport. Par une communication du 19 mai 1994, le gouvernement de la Côte d'Ivoire a indiqué qu'il était disposé à accueillir une telle mission. A sa session de juin 1994, le comité avait décidé d'ajourner l'examen de ce cas en attendant les résultats de la mission, et il avait exprimé l'espoir qu'elle serait effectuée dans un bref délai. (Voir 294e rapport, paragr. 10.)
  9. 9. Des dispositions ont donc été prises pour qu'une mission de contacts directs se rende en Côte d'Ivoire à la fin du mois de septembre 1994. Le Directeur général a nommé M. le juge Keba Mbaye, ancien vice-président de la Cour internationale de justice, premier président honoraire de la Cour suprême du Sénégal et membre de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, comme son représentant pour effectuer cette mission. Ce dernier a séjourné à Abidjan du 24 septembre au 1er octobre 1994. Au cours de cette mission de contacts directs, le représentant du Directeur général était accompagné de Mme A-J. Pouyat, fonctionnaire supérieur du Service de la liberté syndicale. M. A. Malu, conseiller technique pour les normes internationales du travail, avait pris des contacts utiles pour préparer la mission et il a assisté celle-ci lors de ses déplacements et entretiens. Le rapport de mission figure en annexe à la fin du présent rapport.
  10. 10. La Côte d'Ivoire a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur des cas par le comité

A. Examen antérieur des cas par le comité
  1. 11. La plainte concernant le cas no 1594 portait sur les difficultés rencontrées par la centrale syndicale "Dignité", les syndicats de base qui lui sont affiliés et les militants et dirigeants syndicaux qui adhèrent à ces organisations à pouvoir jouir sans entrave du droit à la liberté syndicale.
  2. 12. Les allégations se référaient en particulier aux graves difficultés rencontrées d'abord par la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire "Dignité" puis par les syndicats de base au niveau local revendiquant leur affiliation à cette centrale pour pouvoir exercer effectivement leurs activités syndicales, pour pouvoir élire librement leurs représentants, en particulier les délégués du personnel dans les élections sociales au sein des entreprises, et pour pouvoir percevoir les cotisations de leurs adhérents.
  3. 13. Plus particulièrement, les plaignants avaient fait état d'actes de représailles antisyndicales, licenciements, transferts, rétrogradations et autres actes préjudiciables à l'encontre des travailleurs adhérant à "Dignité" ou à ses syndicats de base dans le secteur de l'enseignement et dans le secteur hospitalier, ainsi que dans un certain nombre d'entreprises des secteurs privé et public, de refus de la part des employeurs du recouvrement des cotisations syndicales des travailleurs en faveur des organisations en question, des actes d'ingérence gouvernementale dans la tenue des élections sociales au sein de plusieurs entreprises et même de l'exclusion du recensement des dockers des ports autonomes de Côte d'Ivoire adhérents au syndicat libre des dockers des ports autonomes de Côte d'Ivoire, le SYLIDOPACI, organisation de travailleurs affiliée à la centrale "Dignité".
  4. 14. Ils avaient également fait part de leur extrême préoccupation à propos de la situation des travailleurs d'une entreprise agro-alimentaire des environs d'Abidjan, la plantation expérimentale du Département des plantes oléagineuses de l'Institut de développement des forêts (IDEFOR) à Irho Lamé, où un conflit du travail déclenché en mai 1993 avait conduit à des licenciements, des expulsions des travailleurs de leurs logements de service et même, selon les plaignants, à des décès, ainsi qu'au refus réitéré de la tenue d'élections sociales au sein de l'entreprise.
  5. 15. Le gouvernement, pour sa part, avait assuré, dès 1991, que la législation de la Côte d'Ivoire ne faisait pas obstacle au droit des travailleurs de constituer librement des syndicats professionnels, tant pour les fonctionnaires que pour les travailleurs du secteur privé; il avait d'abord expliqué que le Code du travail ne prévoit pas pour les syndicats professionnels une procédure de reconnaissance formelle et une publication au Journal officiel. Le gouvernement avait cependant fait remarquer au fondateur de la Fédération libre des syndicats de la Côte d'Ivoire "Dignité", M. Basile Mahan Gahé, que les statuts de "Dignité" ne faisaient pas mention des syndicats de base qui la composaient, mais il avait indiqué que des précisions avaient été demandées à l'intéressé. Par la suite, le gouvernement avait, en 1992, réitéré ses indications selon lesquelles aucun obstacle n'était mis à la constitution d'organisations de travailleurs en marge de la structure existante, mais il avait maintenu que le prélèvement des cotisations syndicales relevait de l'application de la convention collective interprofessionnelle signée entre l'Association interprofessionnelle des employeurs de Côte d'Ivoire et l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire en 1977, qu'il appartenait aux partis signataires de la dénoncer et que, évidemment, "Dignité" n'avait pas signé une telle convention. Il avait précisé toutefois que le 7 juin 1992 un récépissé de dépôt des statuts avait été délivré à la centrale syndicale "Dignité". Il avait ajouté qu'en application de l'article 9 de la loi relative aux associations du 21 septembre 1960 "Dignité" pouvait exercer ses activités après deux mois.
  6. 16. Le gouvernement avait, par ailleurs, fourni des explications sur le conflit du travail à Irho Lamé, expliquant, selon lui, que la grève, qui avait été déclenchée par les travailleurs, ne l'avait pas été après l'épuisement des procédures légales de conciliation et de médiation; il avait convenu que des travailleurs avaient été licenciés et que certains d'entre eux avaient été expulsés de leurs logements, mais il avait nié qu'il y ait eu des morts du fait de l'intervention des forces de l'ordre.
  7. 17. La plainte concernant le cas no 1647 portait sur des mesures de détention et de représailles antisyndicales, dont avaient fait l'objet des membres du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES), ainsi que sur des allégations de violation du droit des enseignants de recourir à la grève pour défendre leurs intérêts sociaux et professionnels et du droit des membres de ce syndicat de tenir des réunions syndicales sans ingérence des pouvoirs publics.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 18. Compte tenu de ce que les informations recueillies par le représentant du Directeur général au cours de la mission de contacts directs figurent en annexe au présent rapport, le comité se propose de formuler directement ses conclusions sur les divers aspects des cas relatifs à la Côte d'Ivoire actuellement en instance.
  2. 19. Le comité estime, tout d'abord, que le rapport détaillé du représentant du Directeur général prouve l'utilité de telles missions pour un examen approfondi et objectif des plaintes.
  3. 20. Le comité note avec intérêt l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et les facilités qui ont été accordées sans réserve à la mission et exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit. Le comité relève notamment avec satisfaction que la mission a pu obtenir toutes les informations désirées et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir pour le bon accomplissement de sa tâche.
  4. 21. Sur le fond de l'affaire, s'agissant de la question de savoir si la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire "Dignité" a une existence légale et si elle participe à toutes les manifestations auxquelles sont conviées les autres organisations de travailleurs, le comité note avec satisfaction que désormais cette centrale jouit d'une existence légale et qu'elle peut de ce fait exercer ses activités sur toute l'étendue du territoire national, comme cela apparaît nettement de la lettre du ministre de l'Intérieur du 30 juin 1993, dont copie a été communiquée à la mission. Dans cette lettre, le ministre de l'Intérieur précise que, "par courrier, les autorités administratives ont été informées de l'existence légale de l'organisation syndicale Dignité" et du fait qu'"elle peut exercer ses activités sur toute l'étendue du territoire national". Le comité note en particulier avec intérêt que la centrale syndicale "Dignité" a participé au défilé du 1er mai 1994, que, comme les autres centrales syndicales, elle a reçu à cette occasion de la Présidence de la République une aide financière, et que le ministre de l'Emploi et de la Fonction publique a donné à la mission de contacts directs l'assurance qu'un représentant de "Dignité" participerait à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail ainsi qu'au Sommet mondial pour le développement social. Le comité relève également que le ministre a affirmé que la centrale syndicale "Dignité" de même que les autres organisations de travailleurs, l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTC) et la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI) étaient consultées sur les questions intéressant le sort des travailleurs, et que le secrétaire général du Conseil du patronat ivoirien (CNPI) a, quant à lui, affirmé que le patronat souhaitait que "Dignité" de même que l'UGTCI et la FESACI participent à la consultation des partenaires sociaux sur le contenu du projet de Code du travail en cours d'élaboration et d'adoption.
  5. 22. S'agissant de la question de savoir si les syndicats de base affiliés à "Dignité" peuvent se constituer par simple déclaration et exercer leurs activités sans entrave, le comité note également que les autorités gouvernementales ont indiqué que les syndicats de base peuvent se constituer par simple dépôt de leurs statuts et de la liste de leurs dirigeants à la mairie de leur siège, avec copie à l'inspecteur du travail et au Procureur de la République. Le récépissé de dépôt des statuts du syndicat de base délivré par la mairie suffit pour que le syndicat concerné puisse exercer ses activités sur l'ensemble du territoire national. Le comité prend note des indications contenues dans le rapport de mission expliquant que tant les autorités gouvernementales que les employeurs et les dirigeants syndicaux eux-mêmes avaient pendant un certain temps mal interprété les règles applicables à la constitution des syndicats en se référant à la fois à l'article 5 du Code du travail qui dispose: "Les fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Ce dépôt a lieu à la mairie ou au siège de la circonscription administrative où le syndicat est établi, et copie des statuts est adressée à l'inspecteur du travail et des lois sociales et au Procureur de la République.", et à la loi no 60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations, qui contient des limitations contraires aux principes de la liberté syndicale (autorisation préalable à la constitution d'une association, dissolution administrative, restriction aux seuls nationaux ivoiriens du droit d'être élus dirigeants, limitation du plafond des cotisations des adhérents et risque d'emprisonnement pour le maintien ou la reconstitution d'une association dissoute). Le comité note, d'après le rapport de la mission, que sur ce point l'équivoque est dissipée, que le ministre de l'Intérieur a donné à la mission l'assurance formelle que la loi relative aux associations n'est pas applicable aux syndicats, et qu'il a précisé, lors de la réunion de synthèse en présence des représentants de "Dignité", de la FESACI et du patronat, que, s'il existe encore des difficultés dans certaines entreprises, elles sont dues au retard dans la transmission de sa position telle qu'elle est exprimée dans sa lettre adressée au secrétaire général de "Dignité" le 30 juin 1993. Pour lever toute ambiguïté, le comité demande au gouvernement d'amender sa législation afin de prévoir que la loi relative aux associations ne s'applique pas aux syndicats.
  6. 23. Le comité invite le gouvernement à garantir que toutes les entreprises et les administrations soient informées que la centrale syndicale "Dignité" et les syndicats de base qui lui sont affiliés, comme tous les autres syndicats, unions ou centrales peuvent se constituer selon la procédure prévue à l'article 5 du Code du travail, sans autre formalité, et exercer effectivement leurs activités au sein des entreprises.
  7. 24. S'agissant de la question de savoir si toutes les organisations syndicales, y compris "Dignité", peuvent présenter librement des candidats aux élections sociales de délégués du personnel dans toutes les entreprises où un syndicat de base existe, et ce, dès le premier tour de scrutin, le comité note avec intérêt que les autorités gouvernementales ont assuré que, passé la période d'adaptation au retour au multipartisme et à la pluralité syndicale, la Côte d'Ivoire était bien décidée à appliquer les lois ivoiriennes et les conventions internationales auxquelles elle a librement adhéré, et que désormais aucun écueil n'était mis à la liberté pour les syndicats de base affiliés à "Dignité" de présenter des candidats aux élections des délégués du personnel dès le premier tour de scrutin.
  8. 25. Le comité invite le gouvernement à assurer que les élections sociales aient lieu dans les entreprises des secteurs public et privé le plus rapidement possible pour qu'il soit tenu compte de la nouvelle situation résultant du pluralisme syndical, et le prie de le tenir informé à cet égard.
  9. 26. S'agissant de la question de la restitution des cotisations syndicales aux organisations choisies par les travailleurs, le comité note que les autorités gouvernementales ont indiqué à la mission que le système de prélèvement à la source des cotisations syndicales ne posait pas de problème quand il y avait un syndicat unique, elles ont admis cependant que le pluralisme syndical nécessitait l'adoption de mesures ponctuelles pour que les cotisations syndicales soient reversées aux organisations choisies par les travailleurs.
  10. 27. Le comité invite le gouvernement à veiller à ce que les solutions déjà trouvées pour la répartition équitable des cotisations syndicales soient étendues à toutes les entreprises et administrations où les problèmes se posent.
  11. 28. En ce qui concerne la circulaire du ministère des Affaires étrangères no 4104 AE/AP/RB/AF.1 du 18 mai 1992 qui subordonne à l'approbation préalable les projets ou dossiers de financement soumis aux missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire par les associations ivoiriennes, y compris les syndicats, le comité prend note avec intérêt de l'assurance donnée par les autorités gouvernementales lors de la réunion de synthèse selon laquelle la circulaire ne s'applique pas aux aides que peuvent recevoir les syndicats ivoiriens des organisations internationales de travailleurs auxquelles ils sont affiliés.
  12. 29. S'agissant du droit des organisations de travailleurs de tenir librement des réunions et des manifestations syndicales, le comité prend note de l'assurance donnée par le ministre de l'Intérieur également lors de la réunion de synthèse, qui a affirmé que les réunions et les manifestations syndicales peuvent se tenir librement, que les réunions sur les lieux de travail sont conditionnées au bon déroulement du travail dans l'entreprise et que les manifestations pacifiques et de nature syndicale sont libres.
  13. 30. Pour ce qui est de la question de savoir si des dirigeants et des militants syndicaux étaient en état d'arrestation pour des activités liées à la défense des intérêts des travailleurs, le comité note que le ministère de l'Intérieur a aussi assuré, lors de la réunion de synthèse, qu'aucun dirigeant syndical n'était à ce jour en état d'arrestation et qu'il a demandé aux représentants syndicaux présents de lui signaler tous cas qui viendraient à leur connaissance.
  14. 31. S'agissant des sanctions pénales qui avaient frappé les 6 mars et 28 avril 1992 les neuf membres du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES), nommément désignés par les plaignants, le comité note les informations fournies par les autorités gouvernementales et confirmées par des représentants du SYNARES selon lesquelles les neuf membres du SYNARES ont bénéficié de la loi d'amnistie no 92-465 du 30 juillet 1992, qu'ils ont repris leur travail et que leurs salaires leur ont été payés.
  15. 32. Le comité, tout en prenant note de cette information, insiste néanmoins sur le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des mesures de détention et de condamnations prises à l'encontre de représentants des travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 91.) Le comité note d'ailleurs avec intérêt que l'article 6 de la loi d'amnistie précitée interdit de laisser subsister dans les dossiers des personnes condamnées "les condamnations et déchéances" effacées par l'amnistie.
  16. 33. Au sujet de la question de la réintégration des travailleurs qui ont perdu leur emploi à la suite de conflits du travail liés à la reconnaissance des syndicats de base affiliés à "Dignité" et à la tenue des élections sociales, le comité prend note avec intérêt de ce que, d'après le rapport de la mission de contacts directs, au cours de la réunion tenue à Irho Lamé, il a été entendu, entre la direction de l'établissement et les représentants de la centrale syndicale "Dignité", que les travailleurs qui avaient perdu leur emploi à la suite de la grève du 11 mai 1993 seraient repris à la suite de négociations qui seraient vite engagées à la diligence du directeur de l'emploi, selon un calendrier à établir en tenant compte des intérêts en présence
  17. 34. Le comité invite le gouvernement à le tenir informé de tout développement à cet égard tant en ce qui concerne la réintégration des travailleurs qui ont perdu leur emploi qu'en ce qui concerne la tenue des élections à Irho Lamé et dans les entreprises qui connaissent des problèmes similaires, en particulier à Cosmivoire, à Abidjan Catering, à la Scierie africaine (SCAF) à Bassam, dans l'entreprise Blohorn Sahsl (Unilever) et dans l'entreprise SOAT. De plus, le comité attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à la suppression des lettres d'excuses comme condition préalable pour pouvoir reprendre le travail
  18. 35. Le comité invite enfin le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour résoudre le conflit du travail concernant les dockers affiliés au Syndicat libre des dockers des ports autonomes de Côte d'Ivoire (SYLIDOPACI) qui exercent leurs activités au port autonome d'Abidjan, mais qui ne sont, semble-t-il, pas employés par la direction du port afin d'assurer que les dockers ne soient pas congédiés ou exclus du recensement des dockers du port en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 36. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note avec intérêt l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et les facilités qui ont été accordées à la mission de contacts directs qui a pu obtenir toutes les informations qu'elle désirait et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir et exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit.
    • b) Le comité note avec intérêt que les dirigeants et les militants syndicaux du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES) qui avaient été arrêtés et condamnés les 6 mars et 28 avril 1992 ont bénéficié d'une amnistie en application de la loi no 92-465 du 13 juillet 1992, qu'ils ont recouvré leur entière liberté, que les condamnations et déchéances qui les avaient frappés ont été effacées par l'amnistie, qu'ils ont repris leur travail et que leurs salaires leur ont été payés. Le comité attire néanmoins l'attention du gouvernement sur le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux les mesures de détention et de condamnation prises à l'encontre des représentants des travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants.
    • c) Le comité note également avec intérêt que les autorités gouvernementales ont déclaré publiquement que les autorités administratives ont été informées par courrier de l'existence légale de l'organisation syndicale "Dignité" et du fait qu'elle peut exercer ses activités sur toute l'étendue du territoire national, que cette centrale a participé et continuera à participer à toutes les manifestations auxquelles sont conviées les autres organisations de travailleurs.
    • d) Le comité invite cependant le gouvernement à garantir que toutes les entreprises et les administrations soient informées que la centrale syndicale "Dignité" et les syndicats de base qui lui sont affiliés, comme tous les autres syndicats, unions et centrales peuvent se constituer selon la procédure prévue par l'article 5 du Code du travail, sans autre formalité, et qu'ils peuvent exercer effectivement leurs activités au sein des entreprises. De plus, le comité demande au gouvernement, afin de lever toute ambiguïté, d'amender sa législation afin de prévoir que la loi relative aux associations ne s'applique pas aux syndicats.
    • e) Le comité invite également le gouvernement à assurer que les élections sociales aient lieu le plus rapidement possible pour qu'il soit tenu compte de la nouvelle situation résultant du pluralisme syndical et il le prie de le tenir informé de tous développements qui interviendront à cet égard.
    • f) Le comité invite aussi le gouvernement à veiller à ce que les solutions déjà trouvées pour la répartition équitable des cotisations syndicales entre les organisations professionnelles choisies par les travailleurs soient étendues à toutes les entreprises et administrations où les problèmes se posent.
    • g) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des négociations concernant la réintégration des travailleurs qui ont perdu leur emploi à la suite de conflits du travail liés à la reconnaissance des syndicats de base affiliés à "Dignité" et à la tenue des élections sociales tant à Irho Lamé que dans les entreprises qui ont connu ou qui connaissent des problèmes similaires, en particulier à Cosmivoire, à Abidjan Catering, à la Scierie africaine (SCAF) à Bassam, dans l'entreprise Blohorn Sahsl (Unilever) et dans l'entreprise SOAT. Le comité demande au gouvernement que soient supprimées les lettres d'excuses comme condition préalable pour pouvoir reprendre le travail.
    • h) Enfin, le comité invite le gouvernement à le tenir informé des mesures prises pour résoudre le conflit du travail concernant les dockers affiliés au SYLIDOPACI qui exercent leurs activités au port autonome d'Abidjan afin de garantir que les dockers adhérant à ce syndicat de base affilié à la centrale syndicale "Dignité" ne soient pas congédiés ou exclus du recensement des dockers du port en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales.

Annexe I

Annexe I
  1. Rapport sur une mission de contacts directs effectuée en Côte d'Ivoire
  2. (24 septembre - 1er octobre 1994)
  3. Cas nos 1594 et 1647
  4. Introduction
  5. S'agissant du cas no 1594, la Confédération mondiale du travail (CMT), par des communications des 22 février et 17 juillet 1991, a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre la Côte d'Ivoire. Elle a formulé de nouvelles allégations sur ce cas le 20 janvier 1992.
  6. Parallèlement, par des lettres adressées au Directeur général du BIT les 11 et 18 juin 1992, MM. José E. Pinzon et Willy Peirens, respectivement délégués travailleurs du Guatemala et de la Belgique à la 79e session de la Conférence internationale du Travail, ont déposé une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail (OIT) contre le gouvernement de la Côte d'Ivoire pour violation de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Dans une communication du 30 juin 1992, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) s'est associée à cette plainte. Par la suite, la CMT a présenté de nouvelles allégations dans des communications des 13 février et 17 mai 1993. Le gouvernement de la Côte d'Ivoire, pour sa part, a transmis ses informations ou observations en réponse à plusieurs aspects de ce cas dans des communications des 22 février et 17 juillet 1991, 20 mai, 1er juin et 7 août 1992, 22 février, 21 septembre et 5 octobre 1993. Sur la base de ces plaintes et des réponses du gouvernement, le Comité de la liberté syndicale a examiné le cas à trois reprises à ses réunions de novembre 1991 et 1992 et mai 1993, et avait présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 279e, 285e et 289e rapport du comité, paragr. 717 à 739, 4 à 61 et 5 à 29.)
  7. Depuis lors, la CMT a présenté de nouvelles allégations et des informations complémentaires à l'appui des plaintes dans des communications des 3 juin, 12 août, 28 septembre et 16 décembre 1993 ainsi que des 23 et 28 mars 1994.
  8. Pour ce qui est du cas no 1647, la plainte du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES) figure dans une communication datée du 15 mai 1992. Certaines des allégations contenues dans ce cas avaient été également présentées dans le cas no 1594. Le gouvernement avait répondu à plusieurs allégations dans une première communication datée du 17 février 1993. Le comité avait examiné ce cas à sa réunion de mai 1993 et avait présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 287e rapport, paragr. 438 à 468.)
  9. Cependant, le comité avait estimé qu'il serait hautement souhaitable, compte tenu de l'importance des plaintes et de la gravité des questions en cause, qu'un représentant du Directeur général se rende sur place.
  10. Le 19 mai 1994, le ministre de l'Emploi et de la Fonction publique de la Côte d'Ivoire a adressé une lettre au Directeur général du BIT indiquant qu'il était disposé à accueillir une mission de contacts directs en Côte d'Ivoire pour qu'elle puisse se documenter sur le cas.
  11. A sa réunion de juin 1994, le comité avait décidé d'ajourner l'examen de ce cas et avait exprimé l'espoir que la mission serait effectuée dans un bref délai. (Voir 294e rapport, paragr. 10.)
  12. Le Directeur général a désigné M. Keba Mbaye, ancien Vice-président de la Cour internationale de justice, Premier président honoraire de la Cour suprême du Sénégal et membre de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, pour effectuer cette mission qui a eu lieu du 24 septembre au 1er octobre 1994. M. Mbaye était accompagné de Mme Anna-Juliette Pouyat, chef adjoint du Service de la liberté syndicale. M. Anatole Malu, Conseiller technique pour les normes internationales du travail, avait pris sur place des contacts utiles au bon déroulement de la mission et a assisté celle-ci lors de tous ses déplacements et entretiens.
  13. Le déroulement de la mission
  14. Au cours de son séjour en Côte d'Ivoire, la mission a eu des entretiens avec entre autres personnalités, M. Atsain Achi, ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, M. Emile Constant Bombet, ministre de l'Intérieur, ainsi qu'avec de hauts fonctionnaires des ministères de l'Emploi et de la Fonction publique, de la Justice et des Affaires étrangères.
  15. La mission a également rencontré des délégations des différentes organisations de travailleurs et d'employeurs existant dans le pays, à savoir l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI), la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI) et le Conseil national du patronat ivoirien (CNPI).
  16. La mission s'est entretenue à plusieurs reprises avec des dirigeants de la centrale syndicale "Dignité" qui, en outre, étaient présents quand la mission s'est rendue à la direction de l'entreprise Blohorn (UNILEVER) à Abidjan, dans la plantation expérimentale de l'Institut de développement des forêts (IDEFOR) à Irho Lamé et à la direction du Port Autonome d'Abidjan. La mission a donc pu visiter différentes entreprises où avaient eu lieu des difficultés relatives à la reconnaissance des syndicats de base affiliés à "Dignité", à la tenue d'élections sociales ou à des pertes d'emplois consécutives à des grèves.
  17. La mission a demandé, et le gouvernement de la Côte d'Ivoire a accepté, qu'une réunion de synthèse puisse se tenir sous la présidence du ministre de l'Emploi et de la Fonction publique. En l'absence du ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, empêché parce qu'il était en déplacement à l'étranger, la réunion de synthèse a eu lieu en présence du ministre de l'Intérieur chargé de l'intérim du ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, avec des représentants de la centrale "Dignité" concernés par la plainte, des représentants de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI) et des représentants du Conseil national du patronat ivoirien (CNPI)
  18. La mission tient à souligner qu'elle a bénéficié de la plus grande coopération de toutes les personnes avec lesquelles elle s'est entretenue. Elle a pu accomplir sa tâche en toute liberté et en toute indépendance et a reçu du gouvernement les facilités nécessaires à la réalisation de la visite sur place.
  19. Etat des cas en instance devant le comité avant la mission
  20. Plainte initiale de la Confédération mondiale du travail (CMT)
  21. La plainte de la CMT portait sur les difficultés rencontrées par la centrale syndicale "Dignité", les syndicats de base qui lui sont affiliés et les militants et dirigeants syndicaux qui adhèrent à ces organisations à pouvoir jouir sans entrave du droit à la liberté syndicale.
  22. Elle avait trait en particulier à des mesures de répression qui auraient été prises par les autorités et à des actes de discrimination antisyndicale qui auraient frappé les travailleurs qui voulaient s'affilier à "Dignité", au refus des autorités de reconnaître cette centrale, à des arrestations de personnes nommément désignées, à savoir Marcel Ette, le professeur Francis Wodie, le maître assistant Emile Boga et les docteurs Richard Kodjo et Assoua Adou, ainsi que 29 militants syndicaux de la centrale syndicale "Dignité" en avril 1990. Elle portait aussi sur de nombreux licenciements, transferts ou rétrogradations de dirigeants et de militants syndicaux dans des entreprises du secteur privé ou dans le secteur public, sur des actes d'ingérence des autorités à l'encontre de "Dignité" et de ses syndicats de base, sur le recouvrement des cotisations syndicales et sur les entraves à la tenue d'élections sociales dans les entreprises.
  23. Plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution
  24. Dans leur plainte des 12 et 18 juin 1992, MM. Peirens et Pinzon avaient déclaré que, malgré les recommandations du Comité de la liberté syndicale, aucune amélioration n'avait eu lieu et que d'autres violations flagrantes s'étaient produites.
  25. Les plaignants alléguaient qu'après des manoeuvres dilatoires évoquées dans la plainte no 1594 le ministre de l'Intérieur, M. Constant Bombé, avait fait savoir qu'il était d'accord de délivrer un document d'enregistrement. Cependant, à maintes reprises, le secrétaire général de "Dignité" s'était vu refuser la délivrance dudit document par les autorités compétentes sans explication ni justification.
  26. - Avant le départ du secrétaire général de "Dignité" pour la Conférence internationale du Travail, pendant un entretien au ministère de l'Intérieur, le document en question lui avait été montré à distance avec la promesse qu'il serait remis à un représentant de "Dignité" le lundi 8 juin 1991.
  27. - Les employeurs exigeaient une reconnaissance officielle de "Dignité" avant d'autoriser "Dignité" à participer aux élections sociales et à percevoir les cotisations syndicales de ses membres.
  28. - L'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) se permettait de déposer des listes de délégués du personnel, sans organisation préalable d'élections sociales, dans les entreprises où "Dignité" était majoritaire (par exemple, SCAF à Bassam).
  29. - Certaines autorités menaçaient de prendre des mesures de répression si "Dignité" agissait sans "autorisation" (par exemple collecte ou perception des cotisations, organisations de réunions syndicales ou de meetings, etc.).
  30. La vague de licenciements pour cause syndicale aurait continué. Ainsi, parmi les fonctionnaires et enseignants, des suspensions de traitements ou affectations abusives auraient été fréquentes à l'encontre des responsables ou militants de "Dignité". En outre, des arrestations et détentions arbitraires auraient été à signaler. Dans tous les cas, il se serait agi d'une répression dont la seule justification était l'activité syndicale des personnes visées.
  31. D'après les plaignants, l'UGTCI et l'Union patronale de Côte d'Ivoire (UPACI) (association des employeurs), avec la complicité du gouvernement, retenaient les cotisations syndicales à la source de manière non discriminée (y compris celles des membres de "Dignité"). Il y avait là appropriation injustifiée des cotisations des travailleurs qui n'optaient pas pour l'affiliation à l'UGTCI. En outre, il se serait agi d'une mesure coercitive, dans la mesure où cela obligeait les "opposants" à s'identifier, s'exposant ainsi aux pratiques mentionnées au point précédent.
  32. Les plaignants faisaient également état d'une circulaire du ministère des Affaires étrangères de Côte d'Ivoire, adressée à toutes les missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire, qui stipulait que toute demande de financement de projet qui leur était soumise par les différents groupements et associations ivoiriens, y compris les syndicats et les partis politiques, devrait faire l'objet d'une approbation préalable par les autorités administratives locales. Les plaignants étaient d'avis qu'il s'agissait d'une intimidation visant à entraver le développement de la liberté syndicale et d'une mesure qui risquait de remettre en question non seulement la coopération bilatérale, mais également la coopération multilatérale, y compris la coopération technique de l'OIT.
  33. Plainte du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES)
  34. La plainte du SYNARES portait sur des mesures de détention et de représailles antisyndicales dont auraient fait l'objet des membres de ce syndicat ainsi que sur des allégations de violation du droit des enseignants de recourir à la grève pour défendre leurs intérêts sociaux et professionnels et du droit des membres de ce syndicat de tenir des réunions syndicales sans ingérence des pouvoirs publics.
  35. L'organisation plaignante avait fait état d'un conflit social qui était survenu en 1991 au sein de l'Université d'Abidjan. Elle avait indiqué que, suite à ce qu'elle avait appelé une "expédition punitive" effectuée dans la nuit du 17 au 18 mai par les forces armées contre les étudiants, elle avait protesté contre la violation des franchises universitaires, l'interdiction des réunions syndicales sur le campus universitaire et la violence des militaires, et elle avait demandé la constitution d'une commission internationale d'enquête pour déterminer les responsabilités. Devant l'absence de réaction du gouvernement face aux vols, tortures et viols qu'auraient subis les étudiants, le SYNARES avait observé un arrêt de travail de soixante-douze heures. Après cet arrêt de travail, alors que des négociations entre le SYNARES et le Président de la République étaient en cours, le gouvernement avait décidé de réquisitionner les enseignants. En réponse à cette mesure "illégale", le SYNARES avait déclenché une grève illimitée pour défendre le droit de grève et demander une nouvelle fois l'institution d'une commission d'enquête. Le SYNARES avait en outre expliqué que les salaires des grévistes avaient alors été suspendus pendant trois mois. L'organisation plaignante avait ajouté qu'une commission nationale d'enquête, instituée en 1991, aurait conclu que dans la nuit du 17 au 18 mai 1991 des étudiants avaient été torturés et violés par les militaires, les principaux responsables de cette "expédition punitive" ayant été nommément désignés par ladite commission. Toujours selon le syndicat plaignant, face au refus du Président de prendre des sanctions à l'égard des coupables, une marche de protestation avait été organisée par le Front populaire ivoirien (FPI) et la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI). Des organisations politiques, humanitaires et syndicales, dont le SYNARES, y avaient également participé. Les autorités auraient arrêté de façon arbitraire un certain nombre de personnes, nommément désignées, la plupart du temps à leur domicile et sans mandat d'arrêt. Selon le syndicat plaignant, ces personnes auraient été battues, emprisonnées et condamnées à l'issue d'un procès en première instance au cours duquel les garanties prévues par la Déclaration universelle des droits de l'homme n'auraient pas été respectées. Le SYNARES indiquait que, en dépit de l'appel interjeté par la défense, ces personnes avaient été "abusivement" maintenues en détention. L'organisation plaignante déclarait notamment que parmi les personnes condamnées figuraient neuf militants du SYNARES dont elle considérait qu'ils étaient indiscutablement innocents. Il s'agissait de MM. Koudou Kessié Raymond, Azibo-Coffy Antoine, Gnaoule Oupoh, Degni Segui René, Ouraga Obou, Koudou Gbagbo Laurent, Kouablan François, Lida Kouassi et Mme Gbagbo Ehivet Simone (voir annexe II).
  36. En outre, toujours selon le SYNARES, depuis février 1992, les salaires de ces personnes avaient été suspendus en violation de l'article 27 de la loi no 64-488 du 21 décembre 1964 portant Statut général de la fonction publique qui dispose qu'une décision de suspension de traitement doit être précédée d'une décision de suspension de fonctions prise par le ministre de tutelle et que, même dans ce cas, la suspension ne peut avoir pour effet qu'une rétention de la moitié du salaire du fonctionnaire en cause qui a droit à l'intégralité des prestations familiales. Enfin, d'après le SYNARES, le gouvernement appliquait aux chercheurs et aux enseignants recrutés à partir du 1er octobre 1991 des échelles de traitement discriminatoires en vertu du décret no 91-818 du 11 décembre 1991.
  37. Réponses écrites du gouvernement
  38. Dans ses premières réponses écrites sur les plaintes de la CMT, le gouvernement avait assuré que le droit syndical était reconnu tant aux fonctionnaires qu'aux travailleurs du secteur privé en vertu du Statut général de la fonction publique et du Code du travail. Il avait d'abord indiqué que le Code du travail ne prévoit pas pour les syndicats professionnels de procédure de reconnaissance formelle et de publication au Journal officiel. Néanmoins, les statuts de "Dignité" avaient été déposés en avril 1990 à la mairie d'Abidjan par son secrétaire général M. Basile Mahan Gahé au nom d'une Fédération des syndicats libres de Côte d'Ivoire dénommée "Dignité", lequel n'avait pas fait mention des différents syndicats de base qui la constituaient. Toutefois, des précisions avaient été demandées à l'intéressé.
  39. Ultérieurement, le gouvernement avait annoncé que, le 7 juin 1992, le récépissé de dépôt des statuts de "Dignité" avait été délivré conformément aux dispositions du Code du travail de 1964, et qu'aux termes de la loi du 21 septembre 1960 relative aux associations (article 9) cette association devait attendre deux mois à compter du dépôt de la déclaration pour commencer l'exercice de ses activités.
  40. Concernant les élections des délégués du personnel dans diverses entreprises, le gouvernement avait indiqué qu'aux termes de l'article 136 4) du Code du travail il n'était pas nécessaire d'appartenir dans les entreprises à un syndicat de base pour être délégué du personnel puisqu'au deuxième tour de scrutin les candidatures individuelles étaient recevables et que les contestations en la matière relevaient des organes judiciaires (article 137 du Code).
  41. Au sujet du recouvrement des cotisations syndicales et du recouvrement opéré à la source, le gouvernement avait expliqué qu'il résultait d'une disposition conventionnelle. En 1977, l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) et l'Union patronale de Côte d'Ivoire (UPACI) avaient conclu un accord prévoyant la retenue à la source des cotisations syndicales aux termes de l'article 12 de la convention collective interprofessionnelle; or "Dignité" étant de création récente n'avait pas adhéré à cette convention. De plus, bien que l'UGTCI ait proposé à "Dignité" de bien vouloir communiquer à l'UGTCI la liste des adhérents de "Dignité" pour lesquels l'UGTCI aurait perçu indûment les cotisations afin de les lui restituer, "Dignité" avait refusé de les communiquer parce que "les opposants seraient obligés de s'identifier".
  42. Concernant les allégations de licenciements survenus dans plusieurs entreprises où les travailleurs voulaient adhérer aux syndicats de base affiliés à "Dignité", les gouvernement n'avait fourni que des réponses vagues.
  43. S'agissant des arrestations de Marcel Ette, secrétaire général du SYNARES et des autres syndicalistes, et de la réquisition des enseignants, le gouvernement avait expliqué qu'à la suite de la crise économique qui sévissait dans le pays il avait dû prendre des mesures de réduction de 15 à 40 pour cent des traitements des fonctionnaires, ce qui avait provoqué des mouvements sociaux, dont une grève des étudiants d'Abidjan. Le gouvernement avait admis avoir suspendu les réunions sur le campus et interdit les manifestations. Mais il avait expliqué que le SYNARES avait organisé en mars 1990 une grève générale et une marche de protestation et de soutien aux étudiants avec l'appui de "Dignité" et d'autres organisations dont le SYNACASSI, lequel avait déclenché une grève des médecins pour soutenir les enseignants et les chercheurs. L'agitation avait dégénéré, les syndicats s'étant engagés dans des activités politiques, à savoir dans la lutte contre le plan d'austérité. Le gouvernement avait admis que 126 personnes avaient été interpellées et envoyées au camp militaire d'Akouédo, puis relâchées après quelques jours. (...). D'après le gouvernement, le SYNARES, en appelant ses membres à la grève pour un motif d'ordre politique et non professionnel (soutien aux étudiants) et avant de déclencher la procédure de conciliation, s'était placé dans l'illégalité. Cette grève illégale avait eu pour corollaire la mesure de réquisition des enseignants, décidée par le décret no 91-418 du 21 juin 1991.
  44. Concernant l'allégation de suspension des salaires des grévistes ayant participé à la grève de 1991 concomitante à la grève illimitée déclenchée par le SYNARES, le gouvernement avait indiqué que seuls les 311 enseignants nationaux sur les 802 que comptait l'université en 1991 qui n'avaient pas déféré à l'ordre de réquisition avaient vu leur rémunération suspendue pendant la durée de l'arrêt de travail et que, nonobstant l'absence de prestations durant la grève, les grévistes avaient par la suite perçu l'intégralité de leur rémunération.
  45. S'agissant des salaires qui, d'après le SYNARES, avaient été suspendus depuis le mois de février 1992, en prétendue violation des dispositions du Statut général de la fonction publique, le gouvernement avait expliqué que l'article 21 du statut prévoyait que tout fonctionnaire a droit après service fait à une rémunération comportant le traitement soumis à retenue pour pension, prestations familiales, indemnité de résidence et, éventuellement, indemnités diverses. Cependant, se référant aux poursuites judiciaires engagées contre les neuf militants du SYNARES condamnés en 1992, il avait souligné que ces derniers avaient été poursuivis pour destruction de véhicules et d'immeubles privés et publics, violences ou voies de fait et rébellion, et il avait fourni copie de l'arrêté de suspension des salaires pris après avis du Conseil de discipline. Pour le gouvernement, la décision de suspension de salaires des neuf membres du SYNARES placés sous mandat de dépôt avait été prise en conformité avec les textes légaux et réglementaires régissant la fonction publique. De plus, les intéressés avaient conservé le bénéfice des allocations familiales, contrairement à ce qu'avait prétendu le SYNARES.
  46. En ce qui concernait l'allégation d'après laquelle des échelles de traitement discriminatoires auraient été appliquées aux chercheurs et aux enseignants recrutés à partir du 1er octobre 1992 par le décret no 91-818 du 11 décembre 1991, le gouvernement avait expliqué que, dès 1976, il avait institué en faveur des fonctionnaires et des enseignants des échelles particulières de traitement. Depuis lors, les enseignants étaient, à diplôme égal et formation égale, parmi les fonctionnaires les mieux rémunérés, voire privilégiés, car logés aux frais de l'Etat. En raison de la crise économique persistante, disposant de moyens toujours plus réduits et face à un besoin grandissant d'enseignants, l'Etat avait été contraint d'ajuster ses moyens à ses besoins et par conséquent de recruter les nouveaux enseignants sur une nouvelle base de traitement qui, du reste, était celle de la majorité des fonctionnaires non enseignants. Pour les anciens enseignants, tous les avantages étaient maintenus en respect du principe des droits acquis tel qu'il était précisé à l'article 2 du décret no 91-818 du 11 décembre 1991, disposant que "les échelles de traitement fixées par le décret no 75-22 du 9 janvier 1976 restent applicables aux personnels recrutés avant le 1er octobre 1991". Le gouvernement avait estimé qu'il ne s'agissait pas d'un reclassement ni d'une diminution des salaires des enseignants, mais plutôt de nouvelles conditions de recrutement.
  47. Conclusions intérimaires du comité sur ces cas
  48. Concernant la plainte du SYNARES, à sa session de mai 1993, le Comité de la liberté syndicale avait rappelé que la liberté de réunion syndicale ainsi que le droit d'organiser des réunions publiques constituent l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux, et il avait demandé au gouvernement de s'abstenir à l'avenir de mesures d'interdiction pure et simple des réunions et manifestations syndicales et, au cas où il craindrait des désordres, de s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs des manifestations afin de permettre leur tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre.
  49. En ce qui concernait la condamnation, en mars et avril 1992, de neuf membres du SYNARES et la suspension de leurs salaires depuis février 1992, le comité avait prié le gouvernement de communiquer le texte des jugements prononcés avec leurs attendus. Il lui demandait également de fournir des informations sur la situation actuelle des personnes en question.
  50. Le comité avait rappelé que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les organisations de travailleurs pour promouvoir et pour défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs membres et que les enseignants ne tombent pas dans la notion de services essentiels dans lesquels la grève peut être restreinte ou interdite, et il avait demandé au gouvernement de s'abstenir à l'avenir d'avoir recours à des mesures aussi graves que la réquisition de travailleurs en dehors des secteurs d'activité fournissant un service essentiel dans des circonstances de la plus haute gravité ou de crise nationale aiguë.
  51. Enfin, le comité avait rappelé que le fait d'imposer des sanctions aux fonctionnaires publics en raison de leur participation à une grève n'était pas de nature à favoriser des relations professionnelles harmonieuses.
  52. Concernant la plainte de la CMT et la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, à sa session de mai 1993, le Comité de la liberté syndicale avait constaté que la centrale syndicale "Dignité" avait été officiellement reconnue en juin 1992. Il avait néanmoins demandé au gouvernement d'indiquer si, au niveau local, les syndicats de base pouvaient effectivement exercer leurs activités sans entrave. Il avait par ailleurs demandé au gouvernement de ne pas avoir recours à des mesures d'arrestation à l'encontre de syndicalistes pour des activités liées à la défense des intérêts des travailleurs. Il avait en outre insisté auprès du gouvernement pour qu'il fournisse davantage d'informations sur les mesures prises pour lever les sanctions qui avaient frappé des syndicalistes de l'enseignement pour avoir participé à des activités syndicales légitimes, en particulier sur les personnes transférées pour motif disciplinaire à l'intérieur du pays.
  53. S'agissant des allégations concernant un grand nombre de licenciements de militants et de dirigeants syndicaux nommément désignés par les plaignants, membres notamment de syndicats de base affiliés à "Dignité", tels que le Syndicat libre des dockers des ports autonomes de Côte d'Ivoire (SYLIDOPACI), le Syndicat des travailleurs de Cosmivoire, le Syndicat des travailleurs des parfumeries et cosmétiques de Côte d'Ivoire (SYTRAPACOCI), le Syndicat des travailleurs de l'usine Blohorn-Sahsl (UNILEVER) et le Syndicat des travailleurs d'Abidjan Catering (SYTAC), le comité avait insisté sur la nécessité de diligenter des enquêtes afin d'établir les motifs des licenciements et d'obtenir la réintégration dans leur poste de travail de tous les militants et dirigeants qui avaient été licenciés en raison de leurs activités syndicales en relation avec la centrale syndicale "Dignité". Il avait rappelé l'importance qu'il attache à ce que des procédures efficaces assurent l'application dans la pratique des dispositions interdisant les actes de discrimination antisyndicale et les actes d'ingérence des employeurs dans les affaires des syndicats.
  54. Le comité avait également demandé au gouvernement de fournir davantage d'informations sur les mesures prises pour assurer que les cotisations syndicales soient effectivement versées aux organisations professionnelles choisies par les travailleurs.
  55. Enfin, le comité avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour assurer que toutes les organisations syndicales reconnues, et en particulier "Dignité", puissent présenter librement leurs candidats aux élections des délégués du personnel dans toutes les entreprises, et ceci dès le premier tour du scrutin, en particulier aux ports autonomes d'Abidjan, dans les entreprises Nestlé, Sotra et à Bassam où, selon les plaignants, le gouvernement aurait tenté d'imposer des élections à liste unique en faveur de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI).
  56. Nouvelles allégations des plaignants
  57. Dans leurs communications ultérieures de 1993, les plaignants regrettaient une fois de plus que les recommandations du Comité de la liberté syndicale concernant la réintégration dans leur poste de travail des personnes licenciées en raison de leurs activités syndicales, la participation de toutes les organisations syndicales reconnues aux élections des délégués du personnel à partir du premier tour du scrutin, le traitement sur un pied d'égalité des différents syndicats en ce qui concerne le recouvrement des cotisations syndicales n'aient pas été mises en application.
  58. Ils alléguaient que les travailleurs licenciés n'avaient toujours pas été réintégrés, notamment dans le Port Autonome d'Abidjan (5 personnes), ce malgré les promesses faites par le ministre de l'Equipement, des Transports et du Tourisme; de plus, le directeur des Affaires maritimes du ministère de l'Equipement avait, selon eux, affirmé que ces travailleurs ne seraient pas réintégrés. Il en était de même à Abidjan Catering (8 personnes), à la scierie SCAF à Bassam (4 personnes) et dans l'entreprise de chaussures Soat (35 personnes). Les plaignants alléguaient aussi que le processus des élections sociales était toujours sérieusement entravé: à l'hôtel Ivoire, où les élections avaient eu lieu le 10 mars 1993 et où "Dignité" avait obtenu la majorité des voix, mais où, au lendemain des élections, le directeur du travail, par l'intermédiaire du directeur du personnel de l'hôtel Ivoire, aurait convoqué l'UGTCI et "Dignité" à la Direction du travail pour leur annoncer l'annulation pure et simple des élections et leur proposer d'en tenir de nouvelles à une date ultérieure; à l'Utexi, Dimbokro, où le Syndicat libre des travailleurs de l'Utexi (SYLTILEX), affilié à "Dignité", aurait été empêché par la direction de participer aux élections sociales; à Cotivo (Agboville), où le représentant de l'UGTCI, l'inspecteur du travail d'Agboville et le directeur de l'entreprise auraient physiquement fermé la porte à "Dignité" le 5 mai, jour où les élections devaient se dérouler; face à cette situation, les travailleurs de Cotivo avaient refusé de voter mais ils auraient été appelés, un par un, par la direction afin de leur intimer l'ordre de voter sur le champ; enfin, à Irho Lamé, où la direction de l'entreprise et l'inspecteur du travail avaient empêché le syndicat de base "Dignité" de participer dès le premier tour aux élections des délégués du personnel, indiquant qu'"une porte serait laissée ouverte au deuxième tour au cas où tous les délégués n'auraient pas été élus dès le premier tour". Les plaignants alléguaient également que le recouvrement des cotisations syndicales effectué à la source était toujours versé intégralement à l'UGTCI en dépit du fait de l'affiliation de nombreux travailleurs au syndicat "Dignité". Enfin, les préfets et les sous-préfets, notamment à Dimbokro, à Gagnoa et à Anyama, intervenaient, d'après les plaignants, régulièrement et de façon abusive dans des questions de droit du travail.
  59. Les plaignants alléguaient dans leur communication du 17 mai 1993 l'intervention de l'armée dans une entreprise agro-alimentaire à Irho Lamé en mai 1993 pour faire cesser une grève de quatre jours déclenchée par les travailleurs, pour protester contre l'interdiction faite au syndicat de base affilié à "Dignité" de participer dès le premier tour du scrutin aux élections des délégués syndicaux. Ils expliquaient que 670 des 700 travailleurs de l'entreprise d'Irho Lamé s'étaient mis en grève depuis le 11 mai 1993 pour obtenir l'organisation d'élections sociales démocratiques, mais que le ministre de tutelle exigeait de chaque travailleur de présenter individuellement une lettre d'excuse avant de pouvoir reprendre le travail et refusait de fixer une date pour la tenue des élections sociales, malgré la décision en ce sens de l'inspecteur du travail compétent. De plus, d'après les allégations des délégués du syndicat de base affiliés à "Dignité", expulsés de leur logement, ne pouvaient réintégrer leur domicile sur le site de l'entreprise et dormaient toujours dehors avec leurs familles. Selon les plaignants, l'armée continuait d'occuper le village, expulsait la plupart des travailleurs et leurs familles de leurs habitations et apposait des scellés sur les logements. Un grand nombre de personnes se seraient trouvées à la rue et auraient dû vivre en plein air sous la pluie. Pour déloger les habitants, l'armée aurait utilisé la force et la violence, blessant de nombreuses personnes et endommageant matériels et effets personnels. Les travailleurs expulsés auraient été soumis aux intempéries, puisque c'était la saison des pluies, et auraient subi de fortes atteintes à leur santé. Selon les plaignants, 200 personnes étaient malades, et l'une d'entre elles était décédée par manque de soins. L'organisation syndicale "Dignité" aurait loué des bâches afin de tenter de prodiguer un minimum d'abri à des milliers de personnes.
  60. Ils alléguaient également qu'au Port Autonome d'Abidjan les autorités portuaires avaient systématiquement exclu du recensement, dont l'objectif était d'établir la liste exacte du personnel salarié de l'entreprise, les travailleurs du port affiliés à "Dignité". Selon eux, cette exclusion du recensement avait pour conséquence de radier ces travailleurs de la liste du personnel, et donc de les empêcher de participer aux élections sociales. Plus particulièrement, au Port Autonome d'Abidjan, depuis décembre 1991, tous les membres du bureau du Syndicat libre des dockers des ports autonomes de Côte d'Ivoire (SYLIDOPACI), syndicat de base affilié à "Dignité", s'étaient vu retirer la carte de docker qui donnait accès au port, et étaient sans salaire. De plus, depuis juillet 1993, le gouvernement aurait dissous le SYLIDOPACI sans consulter les membres du bureau, et il aurait refusé la tenue d'élections au port estimant que le bureau du syndicat affilié à l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) était seul habilité à représenter les travailleurs.
  61. Les plaignants citaient également d'autres allégations d'atteintes à la liberté syndicale concernant les travailleurs syndiqués dans des syndicats de base affiliés à "Dignité": dans l'enseignement, le cas de Mme Ouattara, enseignante du secondaire depuis vingt-trois ans, qui, en raison de ses activités syndicales, avait été affectée dans une école primaire d'une zone rurale reculée; depuis janvier 1992, son salaire était suspendu en totalité; à l'aéroport d'Abidjan, en janvier 1992, à l'issue d'une grève, cinq membres du bureau du syndicat de base affilié à "Dignité" avaient été licenciés sans indemnités; le tribunal d'Abidjan leur avait donné raison en mars 1992, mais l'employeur avait fait appel et la décision du tribunal n'avait pas été exécutée; à la Scierie africaine (SCAF) à Bassam, les quinze membres du bureau du syndicat de base affilié à "Dignité" avaient été licenciés, l'employeur aurait affirmé qu'il ne voulait pas de "Dignité" dans son entreprise; deux plaintes avaient été déposées devant le tribunal du travail, en février puis en mars 1993, mais elles seraient restées sans suite; à Cotivo (Agboville), l'employeur avait refusé au Syndicat libre des travailleurs de Cotivo (SYLITCO) de participer aux élections sociales organisées les 27 et 28 mai 1993; à trois reprises, l'UGTCI, ancienne centrale syndicale unique, s'était présentée aux élections et ses représentants n'avaient pas été élus faute de quorum; la troisième fois, sur 1 078 travailleurs inscrits, 217 avaient pris part au vote et 861 s'étaient abstenus; toutefois, l'employeur avait validé les élections; les plaignants poursuivaient qu'à Utexi (Dimbokro), le 12 mars 1993, le préfet avait interdit au syndicat de base affilié à "Dignité" de participer aux élections sociales malgré l'accord de l'employeur et de l'inspection du travail de la localité; les deux plaintes déposées près du tribunal du travail en mars 1993 seraient restées sans suite.
  62. Les plaignants joignaient en annexe un résumé de la situation concernant les élections sociales tenues jusqu'en août 1993 qui, d'après eux, attestait de la représentativité croissante de "Dignité" dans le pays. Il ressortait de cette documentation que les élections de 1992 et de 1993 avaient été remportées par "Dignité" sur l'UGTCI dans huit des quinze entreprises où elles s'étaient déroulées, et que les deux centrales étaient arrivées à égalité dans deux autres entreprises. Selon les plaignants, sous la pression des travailleurs, certaines autres entreprises semblaient commencer à accepter le principe d'élections sociales pluralistes en leur sein, mais aucune mesure concrète n'avait été prise par les employeurs à la Sotra, à Blohorn et dans toutes les brasseries. Par ailleurs, entre 1991 et 1993, dans 14 entreprises, "Dignité" aurait été seule à présenter une liste, l'UGTCI ayant déclaré forfait faute de candidats. Le total des délégués par centrale serait de 174 pour "Dignité" et de 54 pour l'UGTCI. Enfin, les plaignants avaient admis que "Dignité" s'était opposée à la tenue d'élections dans certaines entreprises, mais ils avaient expliqué qu'il s'agissait des entreprises où les employeurs avaient refusé la participation du syndicat de base qui lui est affilié, ou avait exigé que les candidats appartenant à ce syndicat se présentent comme candidats indépendants. Il en était ainsi en particulier à Abidjan Catering, Nestlé, aux Ports Autonomes, à la Scierie africaine (SCAF) à Bassam, à Snaib Gagnoa, à l'Unicao et à l'Unicoci où "Dignité" avait exigé que les employeurs organisent des élections dans le respect du pluralisme et de la liberté syndicale des travailleurs, conformément aux textes en vigueur. Le tribunal du travail n'avait pas encore statué sur les plaintes déposées par "Dignité" depuis plusieurs mois.
  63. Dans une communication du 16 décembre 1993, les plaignants alléguaient que la situation à Irho Lamé devenait désespérée et qu'une centaine de cas médicaux très graves faisait craindre le pire. D'après eux, le directeur d'Irho Lamé et l'ancien ministre de la Recherche scientifique auraient sciemment laissé pourrir une situation qui n'aurait dû présenter aucun caractère conflictuel: l'organisation d'élections sociales dans l'entreprise. Après huit mois de conflits, de mai à décembre 1993, les travailleurs étaient toujours sans salaire et sans assistance. Cinq décès étaient survenus sur le site. Les plaignants avaient sollicité l'assistance de la Croix-Rouge et de l'UNICEF pour secourir les enfants des syndicalistes gravement menacés.
  64. Enfin, dans les communications des 23 et 28 mars 1994, les plaignants alléguaient que la répression qui frappait les travailleurs qui avaient été mêlés aux conflits du travail dans l'entreprise agro-alimentaire d'Irho Lamé continuait et qu'au 24 mars 1994 quatorze décès étaient survenus. Ils ajoutaient que les conditions de vie des 700 travailleurs de l'entreprise devenaient quotidiennement plus dramatiques et que, malgré les interventions du BIT demandant la réintégration des travailleurs, le gouvernement se contentait de manoeuvres dilatoires, alors que les travailleurs de cette entreprise étaient en grève depuis le mois de mai 1993 pour que leur liberté syndicale soit reconnue. Selon eux, le gouvernement se refusait toujours à fixer la date des élections dans l'entreprise, et il maintenait sur place la gendarmerie chargée d'intimider les travailleurs.
  65. Quant à la situation au Port Autonome d'Abidjan, les membres du bureau du SYLIDOPACI n'étaient toujours pas réintégrés dans leur poste, malgré les recommandations du Comité de la liberté syndicale. Depuis décembre 1991, ces travailleurs luttaient pour que soit respectée leur liberté syndicale.
  66. Nouvelle réponse écrite du gouvernement
  67. Concernant le conflit qui s'était développé à Irho Lamé, le gouvernement expliquait, dans ses communications de septembre et d'octobre 1993, que le Département des plantes oléagineuses (DPO) des instituts des forêts (IDEFOR) était une plantation expérimentale de recherche située à Lamé à 20 kilomètres d'Abidjan dans la sous-préfecture d'Anyama. Ce département comptait un effectif de 618 travailleurs, tous logés sur le site de la station. Or, le 30 avril 1993, le secrétaire général de la centrale syndicale "Dignité", M. Basile Mahan Gahé, avait présenté à la direction d'IDEFOR à Irho Lamé une liste de 11 revendications sociales relatives aux conditions de travail. Le 7 mai 1993, sans attendre la réponse du directeur d'IDEFOR, il lui avait adressé un préavis de grève menaçant de déclencher le mouvement si ces revendications n'étaient pas satisfaites avant le 11 mai 1993. Les termes du préavis de grève étaient les suivants: "Soucieux de préserver la paix sociale dans votre société, nous vous demandons de bien vouloir ménager dans les plus brefs délais une rencontre avec "Dignité" en vue d'un examen concerté de ces différends." La plus grande diligence était demandée au directeur de la station en raison de l'urgence que requérait la situation. Le 11 mai 1993, malgré l'intervention du sous-préfet et du conseiller technique du ministère de la Recherche scientifique pour dénouer la crise, les travailleurs avaient durci leur position et arrêté le travail à l'instigation de la centrale syndicale "Dignité". Ils avaient placé des piquets de grève empêchant les travailleurs non grévistes de se rendre à leur poste. La direction, considérant cette grève comme illégale et consciente que cet arrêt de travail pourrait mettre en péril la station (blocage des machines, pourrissement des graines), avait demandé aux grévistes de libérer leur logement afin qu'elle puisse y loger les nouveaux travailleurs recrutés pour la cueillette des régimes. Le 17 mai 1993, face à la persistance du mouvement et au risque de sabotage des machines, et pour assurer la sécurité des lieux et du personnel désireux de travailler, le sous-préfet d'Anyama avait sollicité l'intervention de quelques éléments de la brigade de gendarmerie de ladite localité (ceux-ci avaient demandé aux meneurs, au nombre de 29, de libérer leur logement). Aucun travailleur n'avait été blessé, pas plus qu'il n'y avait eu de morts.
  68. Selon le gouvernement il y avait eu immixtion de la centrale syndicale "Dignité" dans un conflit qui ne la concernait pas de prime abord. Elle s'était substituée au personnel de la station pour lancer un mot d'ordre de grève en lieu et place du personnel sans respecter la procédure en matière de règlement des conflits collectifs. La centrale syndicale "Dignité" avait ignoré les dispositions de l'article 6 D 15 à 6 D 20 du décret no 68-301 du 20 juin 1968 et les articles 177 à 188 du Code du travail. La centrale syndicale "Dignité" n'avait pas respecté le délai de six jours prévu par la législation avant d'engager la procédure de grève (article 188), ce qui prouvait son intention de nuire à la station d'Irho Lamé. Le 7 mai 1993, le préavis de grève avait été adressé au directeur de la plantation, et le 11 mai 1993 des piquets de grève avaient été postés à l'instigation du syndicat "Dignité".
  69. L'intervention des éléments de la brigade de gendarmerie était devenue nécessaire à cause du comportement particulièrement agressif des grévistes qui menaçaient de mettre le feu à l'usine, pour garantir la liberté de travail des travailleurs désireux de se rendre au travail, mais qui étaient menacés de représailles par les grévistes, en assurant leur protection, et pour prévenir tout acte de sabotage des installations techniques de la station. L'armée ivoirienne n'était jamais intervenue sur le site de la station Irho Lamé et seuls 29 travailleurs sur 618 que comptait l'établissement avaient été reconnus responsables des troubles et invités à libérer leurs logements.
  70. A propos des travailleurs délogés de leurs habitations et se trouvant en plein air sous la pluie, le gouvernement avait assuré que de telles allégations ne pouvaient être tenues pour vraies. Elles étaient dépourvues de tout fondement. De l'enquête menée par la Direction de l'inspection du travail, il ressortait que l'organisation syndicale "Dignité" n'avait jamais loué de bâches afin de tenter d'assurer un minimum d'abri à ces personnes invitées à libérer leur logement.
  71. S'agissant de l'intervention du sous-préfet dans le règlement de ce conflit, il n'y avait pas eu, d'après le gouvernement, de substitution à l'inspecteur du travail, comme l'avait indiqué le secrétaire général de "Dignité". Le sous-préfet était habilité à négocier en lieu et place de l'inspecteur du travail et des lois sociales. L'article 133 du Code du travail dispose: "En cas d'absence ou d'empêchement de l'inspecteur du travail et des lois sociales, ou du contrôleur du travail, le chef de la circonscription administrative est leur suppléant légal." Le chef de la circonscription administrative de la sous-préfecture d'Anyama est le sous-préfet. Il est la première autorité de cette localité et le représentant des pouvoirs publics. En outre, l'article premier du décret no 65-133 du 2 avril 1965 fixe les conditions d'application des dispositions du Code du travail relatives au règlement des conflits collectifs et précise que "tout différend collectif de travail est immédiatement notifié par la partie la plus diligente au préfet qui charge l'inspecteur du travail et des lois sociales d'intervenir pour aider au règlement du différend". Il était donc du devoir du préfet et du sous-préfet d'intervenir dans tout conflit collectif relevant de leur ressort territorial.
  72. Le gouvernement avait admis que les deux revendications sociales qui avaient entraîné les travailleurs à se mettre en grève étaient le licenciement opéré par la direction et les élections des délégués syndicaux, mais il avait considéré, s'agissant des licenciements décidés par la direction, que seule la direction était responsable de la gestion de la station et qu'il lui appartenait, en vertu de cette prérogative, de décider des licenciements ou de mettre les travailleurs au chômage technique, conformément aux textes en vigueur, et s'agissant des élections des délégués du personnel, que le syndicat devait saisir l'inspection du travail à qui incombait de mettre en demeure la direction d'organiser les élections de délégués du personnel.
  73. Enfin, dans sa communication écrite du 19 mai 1994, le gouvernement avait admis le licenciement de nombreux travailleurs grévistes à Irho Lamé, mais avait expliqué que ce licenciement était la conséquence de l'inobservation de la procédure prescrite par les articles L-179 à 187 du Code du travail où il était précisé à l'alinéa 2 de l'article 188: "le lock-out et la grève engagés ou continués en contravention des précédentes dispositions peuvent entraîner ... pour les travailleurs la perte du droit à l'indemnité de préavis et aux dommages et intérêts pour rupture de contrats; ...". Selon lui, les appels à la reprise du travail lancés par la Direction de l'entreprise et les autorités de tutelle n'avaient été entendus que par 170 travailleurs qui avaient repris leur poste sur les 618 grévistes.
  74. Le gouvernement avaient ajouté que les autorités de tutelle s'étaient efforcées de trouver un terme à ce différend, que le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique avait proposé, le 20 avril 1994, de reprendre 200 grévistes. Mais que, par une lettre signée le 21 avril 1994 par le secrétaire général de la centrale syndicale "Dignité", les travailleurs avaient rejeté cette proposition. Les expulsions des logements de service étaient aussi une conséquence de la rupture du contrat de travail prescrite à l'article 188 du Code du travail. Cependant, les travailleurs grévistes occupaient encore leur logement sur le site de la station et continuaient de bénéficier des avantages sociaux (eau, électricité, soins gratuits), alors que depuis douze mois ils ne s'étaient jamais présentés à leur poste de travail.
  75. Le gouvernement avait assuré que les cas de décès signalés n'étaient pas dus aux conséquences de la grève ou d'une répression qui n'avait jamais existé, dans la mesure où les travailleurs en conflit avec l'entreprise vivaient librement dans le village. La centrale syndicale "Dignité" n'avait jamais dressé la liste des morts pour les communiquer au ministère de l'Emploi et de la Fonction publique. Cependant, le gouvernement avait admis qu'il arrivait dans ce village, habité par près de 700 travailleurs et leurs familles, des cas de décès à la suite de maladie sans que cela soit dû à des brutalités policières.
  76. Informations recueillies au cours de la mission
  77. La mission, dès son arrivée, a tenu à rendre visite aux ministres chargés du Travail, des Affaires étrangères, de la Justice et de l'Intérieur. En l'absence des trois premiers, elle a été reçue par de hauts fonctionnaires des ministères de l'Emploi et de la Fonction publique, de la Justice et des Affaires étrangères. Elle a également eu un entretien avec le ministre de l'Intérieur. Le troisième jour de son séjour à Abidjan, elle a rencontré le ministre de l'Emploi et de la Fonction publique. A chacune de ses rencontres avec les personnalités ivoiriennes, la mission s'est félicitée de l'esprit d'ouverture, de dialogue et de coopération dont ont fait preuve ses interlocuteurs et a remercié le gouvernement de la Côte d'Ivoire d'avoir accepté l'envoi de cette mission de contacts directs du BIT. Elle a rappelé que de telles missions ne peuvent avoir lieu qu'avec l'accord des gouvernements et en a précisé l'objet et le fondement juridique.
  78. Les autorités gouvernementales ont assuré à la mission que les engagements pris par la Côte d'Ivoire vis-à-vis de l'OIT seraient respectés. Revenant à un des objets de la plainte concernant la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire dénommée "Dignité", elles ont, en guise d'exemple de ce qu'elles affirmaient, expliqué que le Chef de l'Etat avait reçu, à l'occasion de la fête du 1er mai 1994, l'ensemble des représentants des organisations syndicales, y compris le secrétaire général de la centrale "Dignité". Puis elles ont brossé l'historique du mouvement syndical ivoirien. Elles ont indiqué que l'émergence du multipartisme, au début des années quatre-vingt-dix, avait généré le pluralisme syndical. Avant cette date, les travailleurs ivoiriens s'étaient regroupés dans une organisation syndicale unitaire: l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI). Les relations professionnelles étaient et demeurent encore largement régies par le Code du travail de 1964 et par la convention collective interprofessionnelle de 1977 signée entre l'UGTCI et l'Union patronale de Côte d'Ivoire (UPCI). Cette convention collective s'appliquait à la majorité des travailleurs de Côte d'Ivoire. Toutefois, elle ne régissait pas l'agriculture. En outre, certains secteurs d'activité professionnelle relevaient de conventions collectives propres. Ainsi une nouvelle convention collective venait d'être signée dans l'enseignement privé laïc. Des travailleurs demandaient l'élaboration d'une nouvelle convention collective dans le secteur des transports, particulièrement pour ce qui concerne les chauffeurs professionnels et les taxis à compteur.
  79. C'était dans ce contexte que la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire, dénommée "Dignité", était apparue. Cela avait tout de suite posé le problème de la retenue à la source des cotisations syndicales. D'après les autorités gouvernementales du ministère chargé de l'Emploi, la question de la restitution des cotisations syndicales prélevées par les employeurs sur le salaire des travailleurs, à l'UGTCI ou à "Dignité", y était désormais réglée, entreprise par entreprise, avec le concours de l'Inspection du travail du ressort, chaque centrale syndicale devant faire connaître la liste de ses adhérents pour pouvoir percevoir les cotisations.
  80. Le pluralisme syndical avait par ailleurs fait naître d'autres problèmes en matière de représentativité syndicale notamment, le Code du travail actuellement en vigueur étant muet sur la question des critères de représentativité des organisations syndicales.
  81. Sur ce point, la mission a rappelé que les principes du BIT en matière de liberté syndicale ne s'opposaient pas à ce que certains avantages soient accordés aux organisations syndicales les plus représentatives dès lors que leur représentativité était déterminée selon des critères objectifs, précis et préétablis, pour éviter toute possibilité de partialité ou d'abus de la part des pouvoirs publics. A cet égard les autorités gouvernementales ont déclaré que le projet de Code du travail, actuellement soumis à l'Assemblée nationale, devrait permettre de résoudre la question par la tenue d'élections syndicales. Ce projet devrait être adopté avant la fin de l'année 1994. Un exemplaire de la plus récente version du projet a été remis à la mission.
  82. Par ailleurs, la mission a fait observer au ministre de l'Intérieur que la loi du 21 septembre 1960 relative aux associations, qui avait été invoquée par le gouvernement dans sa réponse écrite, impose des limitations contraires aux principes de la liberté syndicale. Il en est ainsi notamment de l'autorisation préalable à la constitution d'une association, de la dissolution administrative d'une association, du droit pour les seuls nationaux ivoiriens d'être élus dirigeants d'une association, de la limitation du plafond des cotisations des adhérents et de l'emprisonnement de un à trois ans pour le maintien ou la reconstitution d'une association dissoute. Répondant à la préoccupation exprimée par la mission à ce sujet, le ministre de l'Intérieur a donné à la mission l'assurance formelle que cette loi ne s'applique pas aux syndicats. Selon ses propres déclarations, seules sont applicables, en l'état actuel des textes, les dispositions du Code du travail et des conventions collectives. Faisant l'historique de la reconnaissance de "Dignité", il a exposé tous les motifs qui, selon lui, ont retardé l'existence légale de ce syndicat. Après plusieurs péripéties, le maire de la ville d'Abidjan a délivré en juin 1992 à "Dignité" le récépissé de dépôt des statuts de la centrale, récépissé valable sur l'ensemble du territoire national. S'agissant de la question de l'existence légale de la centrale syndicale "Dignité", le secrétaire général de "Dignité" a d'ailleurs confirmé à la mission que par une lettre du 30 juin 1993 le ministre de l'Intérieur lui avait indiqué que les autorités administratives avaient été informées par courrier de ce que l'organisation syndicale "Dignité" avait une existence légale et qu'elle pouvait, de ce fait, exercer ses activités sur toute l'étendue du territoire national. Le ministre de l'Intérieur a par ailleurs rappelé que les syndicats doivent défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs qu'ils représentent. Il a déclaré, que conjointement avec son collègue du ministère de l'Emploi et de la Fonction publique, ils étaient convenus qu'il était nécessaire d'adapter les textes législatifs en vigueur à la situation nouvelle résultant du pluralisme politique. Des événements graves: la mort du Président Houphouët Boigny, la dévaluation et la nomination du nouveau gouvernement, avaient retardé l'adoption des textes d'adaptation, mais le processus était en cours et se poursuivra.
  83. D'une manière générale, les autorités gouvernementales et surtout les hauts fonctionnaires du ministère de l'Emploi et de la Fonction publique ont déclaré qu'il serait hautement souhaitable que les syndicats, lorsqu'ils rencontrent des difficultés, s'adressent à eux avant de porter directement leurs réclamations auprès des instances internationales.
  84. Le ministre de l'Emploi et de la Fonction publique a, pour sa part, confirmé à la mission que "Dignité" avait déclaré regrouper 87 syndicats de base. Lui-même était intervenu à la demande du secrétaire général de "Dignité" pour débloquer une situation conflictuelle au Port Autonome de San Pedro où depuis des élections sociales avaient effectivement eu lieu. Il avait consulté l'ensemble des centrales, y compris la centrale syndicale "Dignité", au sujet de la hausse des prix de l'eau et de l'électricité. "Dignité" avait soulevé la question des fonctionnaires payés en dessous du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et des travailleurs agricoles touchant moins que le salaire minimum agricole garanti (SMAG) à la Palmindustrie, notamment. S'agissant des fonctionnaires, le ministre avait immédiatement fait corriger ce manquement; pour les travailleurs agricoles, il avait fait diligenter une enquête afin d'y remédier si nécessaire. En tout état de cause, la centrale syndicale "Dignité" était consultée de même que les autres organisations représentatives de travailleurs, l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) et la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI), sur les questions intéressant le sort des travailleurs.
  85. Le ministre a par ailleurs donné l'assurance que "Dignité" participerait à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail et au Sommet mondial pour le développement social. Il a en outre précisé que, si le gouvernement n'avait pas pu prendre en charge la participation de "Dignité" à la Conférence internationale du Travail en juin 1994, c'était uniquement parce que deux postes seulement avaient été budgétisés.
  86. De son côté, le secrétaire général du Conseil national du patronat ivoirien (CNPI) a affirmé à la mission que le patronat souhaitait que "Dignité" de même que l'UGTCI et la FESACI participent à la consultation des partenaires sociaux sur le contenu du projet de Code de travail.
  87. Le secrétaire général de "Dignité" a convenu que sur plusieurs points la situation de sa centrale s'était améliorée. "Dignité" avait une existence légale sur toute l'étendue du territoire national. "Dignité" avait été conviée au défilé du 1er mai 1994 avec les autres organisations de travailleurs; à cette occasion, elle avait même reçu une assistance financière de 3 millions de francs CFA, comme les autres syndicats; les élections sociales avaient pu se dérouler et auraient été remportées dans 56 entreprises sur 59, les trois autres étant remportées par l'UGTCI. "Dignité" avait gagné dans l'hôtellerie d'Abidjan à l'hôtel Ivoire et au Golf hôtel notamment, ainsi qu'à UTEXI et au Port Autonome de San Pedro.
  88. En 1993, l'UGTCI avait restitué à "Dignité" la totalité des cotisations syndicales prélevées sur les salaires des travailleurs de la Compagnie ivoirienne du bois à Gagnoa (CIBG) et, depuis, sur les salaires des dockers du Port Autonome de San Pedro. Comme les autres centrales, "Dignité" avait été consultée sur les conséquences de la dévaluation; elle avait même participé à la première réunion sur le réajustement des grilles de salaires, mais pas aux trois autres, l'UGTCI ayant soulevé la question de la représentativité de "Dignité" et de la FESACI. S'agissant des élections sociales, le secrétaire général de "Dignité" a regretté vivement que le processus du déroulement des élections, qui avaient eu lieu en 1993, ait été arrêté. Il reconnaît que les difficultés ne relèvent pas seulement du gouvernement, mais également de certains employeurs. En effet, à San Pedro, le ministre de l'Emploi et de la Fonction publique avait demandé la réintégration sur le champ des travailleurs licenciés. Il avait promis de faire de même pour la Société National Electric de Côte d'Ivoire (NELCI) où des délégués du personnel avaient été licenciés en vertu d'une circulaire non publiée au Journal officiel et portant application de la loi no 92-573 du 11 septembre 1992, relative aux licenciements pour motif économique. Selon eux, cette circulaire permet d'annuler les effets de l'article 38 de la convention collective de 1977 sur la protection des délégués syndicaux, c'est-à-dire qu'elle supprime la nécessité de l'autorisation préalable de l'Inspecteur du travail pour pouvoir procéder aux licenciements collectifs. L'UGTCI avait d'ailleurs également dénoncé cette loi.
  89. En revanche, le secrétaire général de "Dignité" s'est déclaré extrêmement préoccupé de la situation qui résulte de ce que plusieurs entreprises refusent la tenue d'élections. Il a, en particulier, cité la Société ivoirienne de coco râpé (SICOR) à Jacqueville, le Port Autonome d'Abidjan, Irho Lamé, la Cotonnerie ivoirienne (COTIVO), IM Yopougon, la Société d'électricité (NELCI), la Société de distribution d'eau de Côte d'Ivoire (SODECI), la plantation d'hévéas de Pakidie, la Société de restauration de l'aéroport Abidjan Catering, la Scierie africaine (SCAF) à Grand-Bassam, la Société africaine de transport menuiserie (SOAT) de Koumassi, ADIB KALOUT, le groupe Nestlé, Blohorn, le Sofitel, le Laboratoire du bâtiment et des travaux publics (LBTP), la Société de consignation maritime de transit et de transport maritime aérien (SOCOPAO), les plantations Aghien Yacé et MGK. S'agissant de la question des cotisations syndicales, il a indiqué qu'elles continuaient à être prélevées à la source en faveur de l'UGTCI dans la fonction publique, l'enseignement primaire et le secteur des travaux publics. Toutefois, il a admis qu'à la Société abidjanaise des transports urbains (SOTRA) et chez Mercedes le prélèvement se faisait en fonction des adhérents à l'une ou l'autre des deux centrales.
  90. Au cours de ses entretiens avec des dirigeants de l'UGTCI, la mission a pu noter que l'UGTCI reconnaissait l'existence légale de la FESACI qui regroupait en une fédération un certain nombre de syndicats autonomes de travailleurs du secteur public. Ils ont expliqué que les syndicats eux-mêmes et les chefs d'entreprises s'étaient mépris sur la question de la constitution des syndicats professionnels en se référant à la loi de 1960 relative aux associations. Ils ont précisé qu'ils avaient eu quelques difficultés à comprendre que la centrale syndicale "Dignité" avait une existence légale avant la tenue d'un congrès constitutif. Etant néanmoins opposés à toute entrave à la liberté syndicale, ils reconnaissent que la centrale "Dignité" n'a pas besoin d'agrément pour exercer ses activités syndicales. Ils ont confirmé que pour les travailleurs, soit du secteur public soit du secteur privé, dont la cotisation syndicale est prélevée à la source, ces cotisations syndicales versées par les employeurs à l'UGTCI doivent être rétrocédées aux syndicats de base auxquels les travailleurs appartiennent, qu'ils soient affiliés à "Dignité" ou à la FESACI, en fonction des listes des adhérents fournies par les uns et les autres.
  91. Les dirigeants de la FESACI ont expliqué au sujet des cotisations syndicales que la situation des syndicats autonomes qui la composent n'était pas la même selon que ces syndicats, à un moment donné, étaient affiliés à l'UGTCI ou ne l'avaient jamais été. Pour les fonctionnaires, "le précompte syndical" était général. Cependant, l'UGTCI venait de remettre le jour-même un chèque de 2 millions de francs CFA au Syndicat autonome de l'enseignement primaire public (SAEPPCI), qui correspondrait à la restitution des cotisations à la source d'un dixième seulement de ses adhérents. Cela n'était vraisemblablement dû qu'à une erreur matérielle. En fait, tant le syndicat des enseignants de l'enseignement primaire affiliés à l'UGTCI que le SAEPPCI devaient percevoir chacun 25 millions de francs CFA. Le secrétaire général du SAEPPCI a souhaité que cette difficulté soit rapidement résolue. S'agissant des agents du secteur public de la communication, leur syndicat, le SYNINFO, devait entreprendre la même démarche afin d'obtenir la restitution des cotisations de ses adhérents. Dans le secteur des douanes, le SYNAD-CI s'occupait directement d'obtenir auprès de ses adhérents les cotisations syndicales. Il en était de même dans le secteur des transports du SYNTRA et dans l'enseignement supérieur du SYNARES, ce dernier n'ayant quant à lui jamais été affilié à l'UGTCI.
  92. Au sujet des mesures de représailles antisyndicales qui avaient frappé des militants syndicaux, membres du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur, les dirigeants du SYNARES ont reconnu que les neuf syndicalistes, nommément désignés, qui avaient été condamnés le 6 mars et le 28 avril 1992 et dont les salaires avaient été suspendus, avaient bénéficié de la loi d'amnistie du 30 juillet 1992 et que les salaires des intéressés avaient été rétablis rétroactivement. Ils se sont également réjouis de l'annonce du rétablissement dans leur poste, dès la rentrée scolaire le 3 octobre 1994, de six militants de leur syndicat en poste à Yamoussoukro qui avaient été mutés. S'agissant du cas de Mme Ouattara, professeur de l'enseignement secondaire, qui avait été rétrogradée dans l'enseignement primaire, le représentant du SYNES-CI a précisé qu'elle était également réintégrée dans l'enseignement secondaire dès la rentrée scolaire 1994. Enfin, le secrétaire général du Syndicat autonome de l'enseignement primaire public (SAEPPCI) a expliqué que, lorsqu'il avait voulu se désaffilier de l'UGTCI en août 1991 et qu'il avait déposé les statuts de son syndicat de base à la mairie d'Abidjan, il n'avait reçu le récépissé de dépôt des statuts de son syndicat qu'en 1993. Il avait, par contre, été relevé de ses fonctions et expulsé de son logement de fonction puis muté dans un village. Son salaire avait été suspendu pendant dix mois. Il venait d'être rétabli dans ses fonctions à Abidjan. D'une manière générale, les dirigeants de la FESACI, représentant le secteur de l'enseignement, ont admis que plusieurs mesures préjudiciables aux militants et dirigeants syndicaux de l'enseignement avaient été levées pour la rentrée scolaire 1994.
  93. Résultats obtenus, assurances données par les autorités et perspectives d'avenir
  94. Il convient de souligner qu'à notre avis la mission de contacts directs a été une bonne initiative et pourra parfaitement être considérée comme un succès, dès lors que les demandes formulées lors de la réunion de synthèse seront mises en oeuvre par le gouvernement.
  95. I. Résultats obtenus et assurances données par les autorités
  96. 1. L'atmosphère des rapports entre les dirigeants de la centrale syndicale "Dignité", d'une part, les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires et les chefs des entreprises que nous avons visitées, d'autre part, s'est décrispée. A titre d'exemple, on peut relever qu'au cours des entretiens que la mission a organisés avec la direction d'IDEFOR (Irho Lamé), les représentants de "Dignité" et ceux du syndicat affilié à l'UGTCI, un membre de la délégation de "Dignité" a dit, après l'intervention du chef d'entreprise: "Si le directeur d'Irho Lamé nous avait toujours parlé comme maintenant, il n'y aurait pas eu tous ces problèmes.". Cette phrase illustre les progrès réalisés dans les rapports entre deux parties qui, à notre arrivée, ne se parlaient plus.
  97. 2. La centrale syndicale "Dignité" a désormais une existence légale. Cela apparaît nettement de la lettre que le ministre de l'Intérieur a adressée au secrétaire général de cette centrale et dans laquelle on peut lire: "J'ai l'honneur de vous faire connaître que, par courrier de ce jour, les autorités administratives ont été informées de ce que votre organisation syndicale a une existence légale et peut, de ce fait, exercer ses activités sur toute l'étendue du territoire national." "Dignité" a même participé au défilé du 1er mai 1994 et, comme les autres centrales syndicales, a reçu du Président de la République une aide financière de 3 millions de francs CFA.
  98. 3. Les syndicats de base peuvent se constituer par simple dépôt de leurs statuts et de la liste de leurs dirigeants à la mairie de leur siège, avec copies à l'Inspecteur du travail et au Procureur de la République. Ce dépôt est fait contre un récépissé qui suffit pour que le syndicat concerné puisse exercer ses activités sur l'ensemble du territoire national. S'il existe encore à ce propos des difficultés dans certaines entreprises, elles sont dues au retard de la transmission de la position du ministère de l'Intérieur, telle qu'elle est exprimée dans la lettre précitée du 30 juin 1993. Il faut souligner ici que tant les autorités que les entrepreneurs, et même les dirigeants des syndicats, interprétaient mal les règles applicables à la constitution des syndicats, en se référant à la fois au Code du travail (article 5) et à la loi no 60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations qui exige certaines formalités et permet notamment la dissolution administrative des associations. Aujourd'hui, l'équivoque est dissipée.
  99. 4. Selon les déclarations du ministre de l'Intérieur qui a assuré l'intérim du ministre de l'Emploi et de la Fonction publique à la réunion de synthèse du 30 septembre 1994, dont la mission a demandé et obtenu l'organisation, aucun dirigeant syndical n'était à ce jour en état d'arrestation pour des activités liées à la défense des intérêts des travailleurs. Le ministre a demandé aux représentants syndicaux présents de lui signaler les cas qui viendraient à leur connaissance.
  100. 5. S'agissant de sanctions qui auraient été prises contre des dirigeants syndicaux, le gouvernement a produit le texte de la loi no 92-465 du 30 juillet 1992 portant amnistie. Aux termes de cette loi, les neuf membres du syndicat SYNARES nommément désignés dans la plainte de ce syndicat ont bénéficié de l'amnistie. Ils ont repris leur travail; leurs salaires leur ont été payés. Conformément à l'article 6 de cette loi, il est même interdit de laisser subsister dans un dossier, à l'exception des minutes déposées dans les greffes, "les condamnations et les déchéances effacées par l'amnistie". Les représentants du SYNARES ont confirmé ces faits.
  101. 6. Au cours de la réunion tenue à Irho Lamé, il avait été entendu, entre la direction de l'établissement et les représentants de la centrale "Dignité", que les travailleurs qui avaient perdu leur emploi à la suite de la grève du 11 mai 1993 seraient repris à la suite de négociations qui seraient vite engagées, à la diligence du directeur de l'emploi qui était présent et selon un calendrier à établir en tenant compte de tous les intérêts en présence.
  102. 7. Le ministre de l'Intérieur a assuré que la Côte d'Ivoire, passée la période d'adaptation au retour du multipartisme et à la pluralité syndicale, est bien décidée à appliquer les lois ivoiriennes et les conventions internationales auxquelles elle a librement adhéré, pour assurer de mieux en mieux la protection des droits syndicaux à toutes les organisations professionnelles et à tous leurs adhérents sans discrimination aucune.
  103. 8. Il a indiqué que le régime des cotisations syndicales ne posait pas de problème quand il y avait un syndicat unique. Avec le pluralisme syndical, des mesures ponctuelles sont en train d'être prises pour que les cotisations syndicales soient réservées aux organisations choisies par les travailleurs. Il a promis que le gouvernement veillera à ce que ces mesures se poursuivent.
  104. 9. Le ministre de l'Intérieur a donné l'assurance que la circulaire no 4104 AE/AP/ RB/AF.1 du 18 mai 1992, qui subordonne à l'approbation préalable tout projet ou dossier de financement soumis aux missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire, par les groupements ou associations ivoiriennes ne s'applique pas aux aides que peuvent recevoir les syndicats ivoiriens d'une organisation internationale de travailleurs à laquelle ils sont affiliés. Il a même relaté qu'en sa présence la centrale syndicale "Dignité" a bénéficié d'un don de la nature des aides indiquées ci-dessus, sans qu'il ait eu quoi que ce soit à objecter en l'espèce. Cela a été confirmé par le secrétaire général de "Dignité". Par ailleurs, "Dignité" a reçu de l'Union européenne un don de deux voitures qui, malheureusement, ne sont pas encore entrées en sa possession par suite d'une escroquerie dont elle est victime.
  105. 10. Désormais, aucun écueil n'est plus mis à la liberté pour les syndicats de base dépendant de la centrale "Dignité" de présenter des candidats aux élections de délégués du personnel, et cela dès le premier tour de scrutin. Le Code du travail en projet prévoit des règles équitables de représentativité qui vont normaliser la situation.
  106. 11. Les réunions et manifestations syndicales peuvent, selon le ministre de l'Intérieur, se tenir librement. Les réunions dans les lieux de travail sont conditionnées, suivant le cas, par le bon déroulement du travail. Ailleurs, elles sont libres. Il en est de même des manifestations pacifiques et de nature syndicale.
  107. II. Perspectives d'avenir
  108. 12. Au cours de la réunion de synthèse tenue sous la présidence du ministre de l'Intérieur, la mission a formulé à l'égard du gouvernement les demandes résumées ci-après.
  109. 1. Les entreprises et les administrations devraient être informées que la centrale "Dignité" et les syndicats de base qui lui sont affiliés ont une existence légale et que lesdits syndicats de base, comme tous les autres syndicats, unions ou centrales, peuvent se former selon la procédure prévue à l'article 5 du Code du travail, sans autre formalité.
  110. 2. Des élections sociales devraient être tenues le plus rapidement possible pour que compte soit tenu de la nouvelle situation résultant du pluralisme syndical.
  111. 3. Les solutions retenues quant à la tenue d'élections sociales et quant aux négociations relatives à la réintégration des travailleurs d'"Irho Lamé" devraient être étendues aux entreprises qui connaissent des problèmes similaires.
  112. 4. Les négociations relatives aux élections et à la réintégration des travailleurs qui ont perdu leur emploi devraient débuter le plus tôt possible, à l'initiative du ministère de l'Emploi et de la Fonction publique.
  113. 5. Les solutions déjà trouvées pour la répartition équitable des cotisations syndicales devraient être étendues à toutes les entreprises et les administrations où le problème se pose.
  114. 6. S'agissant des problèmes qui préoccupent les dockers, il conviendra que très tôt une réunion groupant tous les intéressés se tienne, à l'initiative du ministère de l'Emploi et de la Fonction publique, pour déterminer de qui dépendent les questions suivantes (si elles subsistent) et pour les résoudre:
  115. a) les cinq membres de "Dignité" licenciés;
  116. b) l'exclusion des travailleurs affiliés à "Dignité" du "recensement";
  117. c) le retrait de cartes à des dockers appartenant au syndicat SYLIDOPACI;
  118. d) l'arrestation, en juillet 1993, de travailleurs de SYLIDOPACI;
  119. e) le refus d'élections sociales;
  120. f) le licenciement de membres du bureau du syndicat SYLIDOPACI.
  121. La mission remercie toutes les autorités, représentants ou individus avec qui elle s'est entretenue en Côte d'Ivoire, qui lui ont permis d'accomplir sa tâche en toute liberté et en pleine indépendance.
  122. Genève, 10 octobre 1994. Keba Mbaye,
  123. Anna J. Pouyat.
  124. Liste des personnes rencontrées
  125. Autorités gouvernementales
  126. Ministère de l'Emploi et de la Fonction publique
  127. - M. Atsain Achi, ministre de l'Emploi et de la Fonction publique.
  128. - M. Ambeu Yenon, directeur de cabinet.
  129. - M. Konan Lazare N'Dri, directeur de l'emploi et de la réglementation du travail.
  130. Ministère des Affaires étrangères
  131. - M. l'Ambassadeur Moïse Aka, secrétaire général ad interim du ministère des Affaires étrangères, accompagné de son conseiller technique.
  132. Ministère de la Justice
  133. - M. Lanciné Bamba, directeur de cabinet du ministre de la Justice.
  134. - M. Jérome Anoma, chef de cabinet.
  135. - M. Jacques Kouadio Kouassi, conseiller technique.
  136. Ministère de l'Intérieur
  137. - M. Emile Constant Bombet, ministre de l'Intérieur, entouré de ses collaborateurs.
  138. Organisations de travailleurs
  139. Centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire "Dignité"
  140. - M. Basile Mahan Gahé, secrétaire général national.
  141. - M. Assienin Koffi, secrétaire général adjoint de "Dignité".
  142. - M. Samuel Dioulo Dogbo, secrétaire général adjoint de "Dignité", chargé du contact, secrétaire du Syndicat national des agents journaliers des travaux publics (SYNAJTP).
  143. - M. Gabriel Abré Goré, secrétaire général adjoint de "Dignité", chargé des relations publiques, secrétaire général du Syndicat libre des enseignants du primaire de Côte d'Ivoire (SYLEPCI).
  144. - M. Edouard Guehi, secrétaire général adjoint chargé des projets "Dignité", secrétaire général du Syndicat libre des agents de l'alimentation (SYLIDESA).
  145. - M. Félix Gname Gahoua, secrétaire à l'information du Syndicat des agents de la Société de distribution de l'eau de Côte d'Ivoire (SODECI), le SYNASOD.
  146. - M. Kagouehi Gagbei, secrétaire général adjoint du SYNASOD (SODECI).
  147. - M. Konan Loukou, secrétaire général du Syndicat national des hôteliers, bars et restaurants de Côte d'Ivoire (SYNEHOREB-CI).
  148. - M. Mathias Obrou Gnahoa, permanent, chef de département relations publiques.
  149. Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI)
  150. - M. Kipre Tape, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement secondaire de Côte d'Ivoire (SYNES-CI).
  151. - M. Dohia M. Traoré, secrétaire général du Syndicat national des douanes de Côte d'Ivoire (SYNAD-CI).
  152. - M. Julien Tahou, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la SOTRA (Société des transports abidjanais) (SYNTRAS).
  153. - M. François Yoa K., secrétaire général du Syndicat national du secteur de l'électricité et du gaz (SYNASEG).
  154. - M. Flan Zran Senan, secrétaire à l'organisation du Syndicat national des agents du secteur public de la communication (SYNINFO).
  155. - M. Lancine Kone, membre du bureau exécutif national du Syndicat national des agents du secteur public de la communication (SYNINFO).
  156. - M. N'Guessan Kouakou, membre du bureau exécutif national du Syndicat national des agents du secteur public de la communication (SYNINFO).
  157. - M. Messon Niamien, secrétaire général adjoint du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES).
  158. - M. N'Guessan, secrétaire général adjoint du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES).
  159. - M. Amoakon Ettien, trésorier général du Syndicat national de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES).
  160. - M. Koudou E. Zegbeuh, secrétaire au bureau exécutif national de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI).
  161. - M. Didier Koffi Koffi, membre du bureau exécutif national de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI).
  162. - M. Firmin Kouakou, membre du bureau exécutif national de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI).
  163. - M. Kadjo Kamenan, secrétaire général du Syndicat autonome de l'enseignement primaire et public de Côte d'Ivoire (SAEPPCI).
  164. Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI)
  165. - M. Vamory Traoré, membre du comité exécutif de l'UGTCI, département juridique.
  166. - M. Gnako M. Bessou, secrétaire national aux conflits et licenciements.
  167. - M. Fankroban Touré, Syndicat national des travailleurs de l'industrie hôtelière de Côte d'Ivoire (SYNTIHCI).
  168. - M. Blanchard Yapo A., Syndicat des travailleurs des cabinets médicaux et privés de Côte d'Ivoire (SYNTCMPCI).
  169. - M. Richard Tagro, Syndicat des agents de nettoyage sanitaire, de surveillance et de sécurité civile de Côte d'Ivoire (SASSSCI).
  170. - M. Kouadio N'Dri, secrétaire général des syndicats des travailleurs des industries.
  171. - M. Patrice Blé, membre du comité exécutif de l'UGTCI.
  172. Visites effectuées par la mission dans certaines entreprises
  173. - A Blohorn filiale d'Unilever située à Vridi, quartier d'Abidjan: entretien avec le président de la société et deux membres de la direction, en présence du secrétaire général de la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire "Dignité", d'autres dirigeants de cette centrale et d'un membre du bureau du syndicat de base affilié à "Dignité".
  174. - Au Département des plantes oléagineuses de l'Institut du développement des forêts (IDEFOR/DPO), dans la plantation expérimentale située à Irho Lamé: entretien avec le directeur de l'entreprise et deux membres de la direction en présence, d'une part, de trois délégués du personnel du Syndicat national du personnel des instituts de la recherche scientifique de Côte d'Ivoire (SYNAPIRSCI) affilié à l'UGTCI et, d'autre part, outre le secrétaire général de "Dignité" et le secrétaire général adjoint, de trois délégués du personnel qui se sont désaffiliés du SYNAPIRSCI et qui ont créé le syndicat de base affilié à la centrale "Dignité", le SYNTIF/DPO.
  175. - Au Port Autonome d'Abidjan situé à Vridi: entretien avec le directeur du personnel du Port Autonome en présence de membres de la direction, du secrétaire général du syndicat des employés du Port Autonome affilié à l'UGTCI et du secrétaire général de "Dignité" accompagné du secrétaire général adjoint et de dirigeants du SYLIDOPACI.
  176. Réunion de synthèse sous la présidence du ministre de l'Intérieur assurant l'intérim du ministre de l'Emploi et de la Fonction publique en présence de la mission
  177. Autorités civiles
  178. - M. Ambeu Yenon, directeur du cabinet du ministre de l'Emploi et de la fonction publique.
  179. - M. Konan Lazare N'Dri, directeur de l'emploi et de la réglementation au ministère de l'Emploi et de la Fonction publique.
  180. Organisations de travailleurs
  181. - M. Basile Mahan Gahe, secrétaire général de la centrale des syndicats libres de Côte d'Ivoire "Dignité".
  182. - M. Assienin Koffi, secrétaire général adjoint de la centrale "Dignité".
  183. - M. Yapi Adou, membre du comité exécutif de la centrale "Dignité", secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l'Institut des forêts Département des plantes oléagineuses (SYNTIF/DPO).
  184. - M. Kipre Tape, membre du comité exécutif de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI), secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement secondaire de Côte d'Ivoire (SYNES-CI).
  185. - M. François Yao, membre du comité exécutif de la FESACI, secrétaire général du Syndicat national du secteur de l'électricité et du gaz (SYNASEG).
  186. - M. Mamadou Soumahoro, membre du comité exécutif de la FESACI et du comité exécutif du syndicat des travailleurs de la SOTRA, Société des transports abidjanais (SYNTRAS).
  187. Organisations d'employeurs
  188. - M. Soungalo Traoré, secrétaire général du Conseil national du patronat ivoirien (CNPI).
  189. - M. Daniel Teurquetil, secrétaire général de la Fédération nationale des industriels de Côte d'Ivoire (FNICI/GIPA).
  190. Annexe II
  191. Membres du SYNARES qui avaient été condamnés et qui ont bénéficié, comme l'a indiqué le gouvernement à la mission et comme l'ont confirmé les délégués du SYNARES, des dispositions de la loi no 92-465 du 30 juillet 1992 portant amnistie
  192. A. Personnes condamnées le 6 mars 1992
  193. 1. M. Koudou Kessié Raymond Premier secrétaire général adjoint
  194. 2. M. Ahibo-Coffy Antoine Militant, ancien membre du bureau exécutif national
  195. 3. M. Gnaoule Oupoh Militant
  196. 4. M. Degni Segui René Militant
  197. 5. M. Ouraga Obou Militant
  198. 6. Mme Gbagbo Ehivet Simone Militante, ancien membre du bureau exécutif national
  199. 7. M. Koudou Gbagbo Laurent Militant
  200. B. Personnes condamnées le 28 avril 1992
  201. 8. M. Kouablan François Secrétaire général de la section INJS
  202. 9. M. Lida Kouassi Militant
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