Visualizar en: Inglés - Español
- 264. Le comité a examiné ce cas à sa session de février 1992 où il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire. (Voir 281e rapport du comité, paragr. 442 à 462, approuvé par le Conseil d'administration à sa 252e session (mars 1992).) L'organisation plaignante a fait savoir qu'elle retirait sa plainte dans une communication datée du 30 mars 1992. Lors de sa dernière session, le comité a pris note de cette communication. Il a néanmoins décidé de procéder à l'examen du cas quant au fond à sa session suivante. (Voir 283e rapport du comité, paragr. 11, approuvé par le Conseil d'administration à sa 253e session (mai-juin 1992).)
- 265. La République islamique de Mauritanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, elle n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 266. Dans une plainte déposée en date des 25 juin et 16 août 1991, ainsi que dans une communication en date du 2 septembre 1991 contenant des informations complémentaires, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) a allégué que le gouvernement mauritanien viole de façon flagrante les conventions nos 87 et 98. Elle a déclaré que, dans le but de faire échouer la grève générale des 19 et 20 juin 1991 décidée par l'Union des travailleurs de Mauritanie (UTM), centrale syndicale nationale, les pouvoirs publics auraient diffusé par le canal des médias d'Etat de fausses informations, exercé des pression, intimidé un grand nombre de dirigeants syndicaux et falsifié des documents produits par la direction de l'UTM.
- 267. L'organisation plaignante a également allégué que le gouvernement a arrêté une vingtaine de membres du bureau national de l'UTM et que ces personnes auraient signé sous la contrainte un communiqué exigeant de l'exécutif de l'UTM la tenue d'une réunion extraordinaire au cours de laquelle elles désavoueraient la grève qu'elles avaient librement décidée.
- 268. Une troisième allégation portait sur l'arrestation et la torture des membres des bureaux des unions syndicales régionales de Nouakchott et de Nouadhibou afin de les obliger à soutenir un comité exécutif fantoche mis sur pied par les autorités pour servir leur cause. L'OUSA a également allégué que, le 22 juin 1991, le gouvernement aurait diffusé une pétition signée sous contrainte policière par quelques membres du bureau national de l'UTM, déclarant l'éviction de M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Radhi, secrétaire général du bureau exécutif de l'UTM et légalement élu en congrès, et que les autorités auraient occupé illégalement le siège du Centre national d'éducation ouvrière de l'UTM à Nouakchott.
- 269. Dans une communication du 30 octobre 1991, le gouvernement a déclaré que les communications du plaignant révélaient une disproportion manifeste entre la gravité des accusations formulées à son encontre et la fragilité des informations avancées pour étayer ces accusations. Il a été d'avis que les accusations s'appuyaient sur les seules allégations de l'ancien secrétaire général de l'UTM, M. Radhi, suspendu de ses fonctions par le bureau national de la centrale syndicale à la majorité des deux tiers de ses membres pour avoir déclenché une grève générale en violation des statuts de l'UTM et en raison de ses déclarations et conduite politiques.
- 270. En ce qui concerne l'accusation de diffusion par les médias d'Etat d'un communiqué annonçant que le mot d'ordre de grève prévue pour les 19 et 20 juin 1991 avait été levé, le gouvernement a déclaré qu'elle était dénuée de tout fondement et qu'en réalité l'écrasante majorité des syndicalistes avait fait savoir par leurs propres communiqués qu'ils se désolidarisaient d'une grève irrégulière et de la dérive politicienne de leur centrale.
- 271. Quant à l'allégation d'arrestation des membres des bureaux de l'UTM de Nouadhibou à Nouakchott et celle de tortures exercées contre des membres des unions syndicales régionales de Nouakchott et de Nouadhibou, le gouvernement a déclaré qu'aucun syndicaliste n'a été arrêté ou torturé.
- 272. Le gouvernement a conclu en indiquant que la liberté syndicale n'a jamais été mise en cause en Mauritanie et que des recours à de quelconques manoeuvres d'intimidation à l'égard des syndicalistes ou d'autres citoyens n'ont pas eu lieu pendant la période visée par M. Radhi et la plainte. Le gouvernement a également déclaré qu'il s'apprêtait pendant cette période à soumettre au peuple, par voie de référendum, un projet de constitution consacrant l'ensemble des libertés reconnues par les nations civilisées. Ce projet, massivement approuvé par le peuple mauritanien et promulgué en juillet 1991, garantit la liberté syndicale et dispose dans son article 13 "qu'une personne ne peut être arrêtée, détenue, jugée ou condamnée que par une juridiction compétente et suivant une procédure régulière" et que "toute forme de violence physique ou morale est proscrite". Toujours selon le gouvernement, la promulgation du texte constitutionnel fut suivie par des ordonnances autorisant la libre création des parties politiques et libéralisant la presse.
- 273. S'agissant de l'accusation de diffusion par les médias d'Etat d'une pétition signée sous contrainte policière par quelques membres du bureau national de l'UTM déclarant l'éviction du secrétaire général élu en congrès, le gouvernement a précisé tout d'abord qu'il ne s'agissait pas d'une pétition, mais d'un communiqué de l'organe légal de l'UTM, le bureau national (à la majorité des deux tiers de ses membres), notamment à titre provisoire un nouveau secrétaire général ad interim en attendant, comme les statuts et le règlement intérieur le permettent, la tenue du congrès de la centrale. Il a indiqué qu'ensuite les médias d'Etat n'ont fait que publier cette information, et il a ajouté que si l'intéressé avait voulu contester la validité de la décision du bureau national de l'UTM, il aurait pu le faire devant le tribunal du travail, ce qui n'a pas été le cas.
- 274. Finalement, le gouvernement a nié l'accusation d'occupation illégale du siège du Centre national d'éducation ouvrière de l'UTM. Il a conclu ses observations en réaffirmant son attachement aux libertés syndicales qui, selon lui, sont appelées sans doute à se développer et à s'épanouir dans le cadre de la démocratie pluraliste pour laquelle la République islamique de Mauritanie a opté de façon irréversible.
- 275. A sa session de mars 1992, le Conseil d'administration a, au vu des conclusions intérimaires du comité, approuvé la recommandation suivante:
- Compte tenu du caractère contradictoire des informations fournies par l'organisation plaignante et le gouvernement, le comité demande à l'OUSA de fournir les commentaires qu'elle estime appropriés sur la réponse du gouvernement.
- B. Communication supplémentaire de l'organisation plaignante
- 276. Dans une communication du 30 mars 1992, l'OUSA a déclaré qu'elle avait décidé de ne plus poursuivre l'affaire contre le gouvernement mauritanien et qu'elle retirait par conséquent officiellement sa plainte, conformément aux voeux de la nouvelle direction de l'UTM.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 277. Le comité note que le cas présent concerne des allégations ayant trait à la violation des droits fondamentaux de l'UTM et de ses membres, d'une part, et à l'ingérence dans le libre fonctionnement de l'organisation syndicale, d'autre part. Il note également que l'organisation plaignante a retiré sa plainte en déclarant qu'elle le faisait conformément aux voeux de la nouvelle direction de l'UTM.
- 278. Le comité rappelle tout d'abord que, dans des cas précédents où il a été saisi d'une demande de retrait de plainte, il a considéré que le désir manifesté par une organisation plaignante de retirer sa plainte, tout en constituant un élément dont il doit tenir le plus grand compte, n'est cependant pas en lui-même un motif suffisant pour qu'il se trouve automatiquement dessaisi de l'examen du cas. Dans le cas présent, le retrait de la plainte correspond, selon l'OUSA, aux voeux des nouveaux dirigeants de l'UTM. Le comité relève cependant que les allégations formulées par l'organisation plaignante avaient trait à des violations commises à l'encontre de l'ancienne direction de l'UTM. En conséquence, le comité considère que les motifs donnés au retrait de la plainte ne lui semblent pas suffisants pour qu'il renonce à examiner le cas quant au fond.
- 279. Le comité note que les allégations formulées dans le présent cas concernaient des mesures répressives prises par le gouvernement à la suite d'une grève générale de quarante-huit heures organisée par la centrale nationale en juin 1991 et en particulier des arrestations, accompagnées de mauvais traitements, des dirigeants syndicaux et l'occupation irrégulière de locaux syndicaux par les autorités.
- 280. Comme le gouvernement a nié ces allégations par des déclarations générales et que l'OUSA n'a pas souhaité fournir des informations complémentaires, le comité n'est pas en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les allégations spécifiques formulées dans le présent cas. Toutefois, il estime devoir formuler des conclusions générales sur les différents aspects de cette affaire, fondées sur les principes qu'il a mentionnés dans le passé à l'égard d'allégations de nature similaire.
- 281. En ce qui concerne la grève générale prévue pour les 19 et 20 juillet 1991, le comité rappelle qu'il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux; ceux-ci se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l'entreprise, et qui intéressent directement les travailleurs. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 362 et 368.)
- 282. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ont été arrêtés et subi de mauvais traitements, le comité estime que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes (même si c'est pour une courte période) constitue une violation des principes de la liberté syndicale et qu'il appartient aux gouvernements de prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestations ainsi que pour faire en sorte qu'aucun détenu fasse l'objet de mauvais traitements. (Recueil, paragr. 84, 88 et 97.)
- 283. S'agissant de l'allégation d'occupation illégale du siège du Centre national d'éducation ouvrière de l'UTM, le comité a indiqué à maintes reprises que l'occupation des locaux syndicaux risque de constituer une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales et que l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire que les autorités ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant. (Recueil, paragr. 202 et 203.)
- 284. De manière générale, le comité tient à rappeler l'importance qu'il attache aux principes selon lesquels un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme, et les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat dénué de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes; il appartient aux gouvernements d'assurer le respect de ces principes. (Recueil, paragr. 68 et 70.)
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 285. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Rappelant qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat dénué de violence, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement mettra tout en oeuvre pour que les droits et libertés syndicales soient garantis en Mauritanie, y compris le droit à la sécurité de la personne des dirigeants syndicaux, le droit des travailleurs et de leurs organisations de se mettre en grève pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux et le droit à l'inviolabilité des locaux syndicaux.