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Informe definitivo - Informe núm. 273, Junio 1990

Caso núm. 1521 (Türkiye) - Fecha de presentación de la queja:: 30-ENE-90 - Cerrado

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  1. 19. Dans des communications datées du 30 janvier et 28 février 1990, le Syndicat des travailleurs des chemins de fer turcs (DEMIRYOL-IS) a déposé une plainte contre le gouvernement de la Turquie en violation des droits syndicaux. Pour sa part, le Confédération des syndicats d'ouvriers de Turquie (TURK-IS) a adressé une plainte pour les mêmes motifs dans des communications en date du 20 février et du 13 mars 1990. La Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT) a fait part de son appui à la plainte du Syndicat des travailleurs des chemins de fer turcs (DEMIRYOL-IS) qui lui est affilié dans une communication en date du 6 février 1990.
  2. 20. Le gouvernement a adressé ses observations et commentaires en réponse aux allégations de l'ensemble des organisations plaignantes dans des communications datées des 10 et 17 avril 1990.
  3. 21. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; par contre, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 22. Le Syndicats des travailleurs des chemins de fer turcs (DEMIRYOL-IS) allègue que, sur un total de 61.788 travailleurs employés dans les entreprises publiques de transports ferroviaires, 28.000 ne sont pas autorisés à constituer des syndicats ou à s'y affilier en raison de leur statut de fonctionnaires publics ou de personnel contractuel. En effet, selon l'organisation plaignante, tant la Constitution qui consacre le principe de la liberté syndicale en son article 51 que la loi no 2821 du 5 mai 1983 sur les syndicats ne couvrent que les "travailleurs", excluant par le fait même de leur champ d'application les fonctionnaires publics et le personnel contractuel. En outre, poursuit le syndicat, le décrêt-loi no 399 du 29 janvier 1990 modifiant le décrêt-loi no 233 interdit aux fonctionnaires publics et au personnel contractuel des entreprises publiques, y compris les entreprises de transports ferroviaires, de négocier collectivement leurs conditions d'emploi et de salaires (article 34 d) et dénie au personnel contractuel tous droits syndicaux (article 14): appartenance à un syndicat, participation, incitation, soutien à une grève, en violation des principes de la liberté syndicale inscrits dans la Constitution de l'OIT et dans la convention no 98.
  2. 23. Par ailleurs, le syndicat soutient que l'article 29 de la loi no 2822 du 5 mai 1983 sur les conventions collectives de travail, la grève et le lock-out, qui interdit le déclenchement d'une grève, notamment dans les transports par chemin de fer ou autres transports publics urbains par rail, n'est pas conforme aux principes de liberté syndicale qui n'admettent une interdiction de la grève que dans les services essentiels, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger dans l'ensemble ou une partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. De l'avis de l'organisation plaignante, les services visés n'entrent pas dans la catégorie des services essentiels au sens strict du terme.
  3. 24. Pour sa part, le TURK-IS soutient qu'à long terme le décrêt-loi no 399 qui interdit tous droits syndicaux au personnel des entreprises publiques aura pour conséquence le démantèlement du mouvement syndical. La TURK-IS explique en effet qu'en application d'un décrêt similaire, décrêt no 233, adopté l'année précédente quelque 200.000 travailleurs du secteur public ont perdu leur statut de "travailleurs" et se sont trouvés automatiquement classés dans la catégorie du "personnel contractuel"; malgré la déclaration d'inconstitutionnalité du décrêt no 233 prononcée par le tribunal constitutionnel, le gouvernement a mis en vigueur, le 29 janvier 1990, le décrêt-loi no 399 dont les dispositions sont similaires à celles frappées d'inconstitutionnalité et portent atteinte à la convention no 98. La TURK-IS précise que ce décrêt, adopté et promulgué par le Conseil des ministres en vertu de la loi sur les pouvoirs spéciaux, est actuellement soumis au Parlement, conformément à la procédure applicable en pareilles circonstances.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 25. Dans sa réponse, le gouvernement précise que seuls les personnels des entreprises publiques, privés des droits syndicaux, sont ceux ayant le statut de fonctionnaires publics ou d'employés contractuels, statut déterminé conformément aux dispositions des lois nos 3173 et 5616, adoptées respectivement en 1937 et 1950, à une époque où les droits syndicaux n'étaient pas règlementés de façon détaillée dans la législation turque. Dans ces conditions, poursuit le gouvernement, les décrêts nos 233 et 399 qui ne visent que ces personnels ne peuvent être considérés comme une volonté de la part du gouvernement de restreindre les droits syndicaux inscrits dans la Constitution et autres lois des personnels ayant le statut de "travailleurs", mais comme une mesure visant à garantir les nécessités des services fournis par les entreprises en question.
  2. 26. Par ailleurs, le gouvernement indique que les décrêts en question n'obligent pas un "travailleur" à changer son statut pour celui de contractuel s'il ne l'a pas lui-même demandé; en fait, ce sont des personnels ayant statut de fonctionnaires publics qui ont opté pour le changement parce que les décrêts nos 233 et 399 leur accordent des conditions plus favorables en terme de salaires que la loi no 657 sur les fonctionnaires publics. Dans les chemins de fer, environ 17.000 fonctionnaires publics se sont prévalus de cette mesure. Il est donc inexact, comme le fait la TURK-IS, d'affirmer que 200.000 "travailleurs" des entreprises publiques sont devenus des "contractuels", alors que le nombre de "travailleurs" dans le secteur public s'élevait à 391.644 au 31 décembre 1985, 387.339 au 31 décembre 1986, 385.224 au 31 décembre 1987 et 379.777 au 31 décembre 1989. En ce qui concerne le secteur des chemins de fer, le gouvernement précise qu'aucun des 28.297 "travailleurs" occupés dans ces entreprises n'a jamais bénéficié d'un changement de statut ni n'a été contraint de le faire, et qu'en tant que "travailleurs" tous bénéficient des droits syndicaux que leur reconnaît la législation turque.
  3. 27. Le gouvernement ajoute par ailleurs que, conformément à l'article 60, le décrêt no 399 n'entrera en vigueur qu'aprés sa ratification par le Parlement, ce qui vient contredire les allégations de la TURK-IS. En outre, le gouvernement signale que DEMIRYOL-IS a adressé une circulaire au personnel contractuel soulignant cette disposition du décrêt et invitant tout le personnel contractuel à se syndiquer. Toutefois, le gouvernement souligne que, s'il est prématuré de prévoir l'avenir reservé à ce décrêt, tout employé qui n'est pas un travailleur n'est pas couvert par la convention no 98 et que, si les fonctionnaires publics et les personnels contractuels des entreprises publiques ne sont pas autorisés à participer à des activités syndicales, à des grèves ou à négocier collectivement, cette interdiction doit être envisagée dans le cadre des dispositions de l'article 6 de la convention no 98.
  4. 28. En ce qui concerne l'interdiction du droit de grève dans les transports par chemin de fer ou autres transports publics urbains par rail prévue à l'article 29 de la loi no 2822, le gouvernement est d'avis que cette interdiction est conforme aux principes de la liberté syndicale puisqu'il s'agit de services essentiels dont l'interruption peut mettre en danger dans l'ensemble ou une partie de la population la vie, la sécurité et la santé de la personne et appropriée compte tenu des conditions nationales, comme le prévoit l'article 4 de la convention no 98.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 29. Le comité constate que les plaintes s'articulent autour de trois points: 1) déni des droits syndicaux des fonctionnaires publics et employés contractuels des entreprises publiques; 2) déni du droit de négocier collectivement de ces deux catégories de personnels; 3) interdiction du droit de recourir à la grève dans le secteur des transports ferroviaires.
  2. 30. S'agissant du premier volet de la plainte, le comité note qu'aux termes de l'article 51 de la Constitution turque seuls les "travailleurs" bénéficient du droit de constituer des organisations syndicales pour la défense et le développement des droits économiques et sociaux et des intérêts de leurs membres, ce qui semble exclure de ce droit constitutionnel les fonctionnaires publics régis par statut, notamment, comme l'allègue le DEMIRYOL-IS, les personnes des entreprises publiques ayant statut de fonctionnaires publics. Dans sa réponse, le gouvernement ne dément pas cette allégation, mais il indique que les "fonctionnaires publics" des entreprises publiques constituent, notamment dans le secteur des transports ferroviaires, une catégorie limitée, arrêtée conformément aux lois adoptées avant la réglementation des droits syndicaux en Turquie. Le comité constate cependant que le décrêt no 399 se propose, en son article 3, de réviser cette catégorie de personnel.
  3. 31. Pour ce qui concerne les employés contractuels des entreprises publiques au vu des informations contradictoires dont il dispose, le comité n'est pas en mesure de confirmer ni d'infirmer l'allégation selon laquelle ces personnels se trouvent exclus du champ d'application de la loi no 2821 du 5 mai 1983 sur les syndicats.
  4. 32. Toutefois, le comité constate que, si le décrêt no 399 est adopté, ces personnels se verront, en application de l'article 14, déniés tous droits syndicaux, à savoir: le droit de se syndiquer, de mener une activité syndicale, de décider la grève, de la préconiser, d'y participer, d'en soutenir l'initiative ou le déroulement. En outre, le comité croit comprendre, compte tenu des allégations non démenties des organisations plaignantes, qu'un décrêt-loi, le décrêt no 233, adopté l'année précédente puis frappé d'inconstitutionnalité contenait des dispositions similaires.
  5. 33. Dans ces conditions, le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe de la liberté syndicale selon lequel tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte et notamment quelquesoit leur statut juridique, y compris les fonctionnaires publics et les employés contractuels, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et se s'y affilier. Le comité demande donc au gouvernement de modifier les dispositions de la législation actuelle ou proposée qui contreviennent à ces principes afin de garantir aux personnels des entreprises publiques ayant statut de fonctionnaire public ou d'employé contractuel le droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier et de l'informer de l'évolution de la situation à cet égard.
  6. 34. En ce qui concerne le second aspect de la plainte, le comité, d'après les informations dont il dispose, croit comprendre que les personnels des entreprises publiques ayant statut de fonctionnaire public sont exclus du champ d'application de la législation sur la négociation collective (loi no 2822 du 5 mai 1983), n'étant pas des "travailleurs" au sens de cette loi et que, compte tenu des informations disponibles, leurs conditions d'emploi et de salaires sont réglementées conformément au statut no 657 de la fonction publique. En outre, le décrêt no 399 se propose d'interdire à cette catégorie de personnel ainsi qu'aux employés contractuels des entreprises publiques le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi et de salaires (article 3 d) du décrêt no 399.
  7. 35. Dans ces conditions, le comité rappelle qu'effectivement la convention no 98 permet en son article 6 l'exclusion des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. Toutefois, le comité a déjà signalé, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, que, si l'on peut admettre que le concept de fonctionnaire public puisse varier dans une certyaine mesure selon les différents systèmes juridiques, l'exclusion du champ d'application de la convention des fonctionnaires non commis à l'administation de l'Etat, même lorsqu'on leur a conféré un statut identique à celui des fonctionnaires publics dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat, est contraire aux exigences de la convention; il conviendrait donc d'établir une distinction entre les fonctionnaires publics employés à des titres divers dans les ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, d'une part, et les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes, d'autre part.
  8. 36. En outre, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'aucune disposition de la convention no 98 n'autorise l'exclusion des personnels ayant un statut de contractuel de son champ d'application.
  9. 37. Le comité demande donc au gouvernement de modifier les dispositions de la législation nationale, en particulier celles du décrêt no 399 afin de reconnaître aux fonctionnaires publics non commis à l'administration de l'Etat et aux employés contractuels des entreprises publiques le droit de négocier collectivement conformément à l'article 4 de la convention no 98. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et des recommandations sur cet aspect du cas.
  10. 38. S'agissant du dernier aspect de la plainte, à savoir l'interdiction du droit de grève dans les transports par chemin de fer ou autres transports urbains par rail prévue à l'article 29 de la loi no 2822, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle cette interdiction se justifie du fait qu'il s'agit de services dont l'interruption mettrait en danger dans l'ensemble ou une partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne, compte tenu des conditions nationales dans les instruments internationaux concernant les droits syndicaux a pour objectif de permettre aux gouvernements de tenir compte de la situation nationale dans la mise en oeuvre des droits qu'ils sont tenus de promouvoir, mais ne peut justifier une interdiction de ces droits.
  11. 39. Le comité attire donc l'attention du gouvernement sur le fait que selon lui les travailleurs des entreprises de transports par chemin de fer ou autres transports urbains par rail - quelquesoit leur statut juridique - n'effectuent pas une activité essentielle au sens donné à ce terme par le Comité de la liberté syndicale et qu'ils devraient en conséquence pouvoir recourir à la grève comme moyen de défendre leurs intérêts. Toutefois, le comité n'exclut pas la possibilité que puisse être mis en place dans ces entreprises un service minimum pour maintenir les activités strictement essentielles à la sécurité des installations ou à la prévention des accidents avec le participation des organisations de travailleurs concernées. Le comité veut donc croire que le gouvernement modifiera sa législation, conformément aux principes de la liberté syndicale voulant que les travailleurs puissent recourir à la grève comme moyen de défendre leurs intérêts lorsqu'ils n'effectuent pas des activités essentielles au sens strict du terme.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 40. Au vu des conclusions qui précèdent. le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de modifier les dispositions de la législation nationale actuellement en vigueur et celles qu'il est envisagé d'adopter afin d'autoriser les personnels des entreprises publiques ayant statut de fonctionnaire public et de contractuel de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier et prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • b) Rappelant que seuls les fonctionnaires commis à l'administration de l'Etat ne sont pas couverts par la convention no 98, le comité demande au gouvernement de modifier les dispositions de la législation nationale en vigueur ainsi que celles qu'il est envisagé d'adopter afin d'autoriser les personnels des entreprises publiques ayant statut de fonctionnaire public et de contractuel de négocier collectivement leurs conditions d'emploi et de salaires, conformément à l'article 4 de la convention no 98; le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.
    • c) Rappelant que, conformément aux principes de la liberté syndicale, seuls les travailleurs exerçant des fonctions essentielles au sens strict du terme peuvent être privés du droit de recourir à la grève, le comité demande au gouvernement de modifier les dispositions de la législation nationale qui interdisent le recours à la grève dans les transports par chemin de fer ou autres transports urbains par rail, et de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
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