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- 140. Le comité a déjà examiné ces plaintes lors de sa réunion de novembre 1985 (voir 241e rapport, paragr. 806 à 821, approuvé par le Conseil d'administration à sa 231e session, novembre 1985) où il a présenté des conclusions intérimaires. Le gouvernement a fourni d'autres informations dans des communications datées des 22 et 23 décembre 1985.
- 141. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; en revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 142. Au cours de l'examen antérieur du cas, le comité avait noté que la Fédération internationale syndicale de l'enseignement avait allégué l'arrestation, au début de mars 1985, de plusieurs enseignants, dont MM. Shareful Islam et Ppal Abdul Mannan, respectivement président et secrétaire général de l'Association de l'enseignement supérieur du Bangladesh (BCTA), affiliée à l'organisation plaignante, après la remise en vigueur de la loi martiale, le 1er mars 1985. Le gouvernement ne reconnaissait pas l'existence de la BCTA, ni le statut de syndicaliste des deux individus.
- 143. La seconde plainte, présentée conjointement par 15 fédérations syndicales du Bangladesh au total, alléguait que le gouvernement avait violé les conventions nos 87 et 98 en décrétant la loi martiale le 1er mars 1985, qui interdisait toutes activités syndicales. On y apprenait aussi que le gouvernement avait arrêté de nombreux syndicalistes sans en donner la raison, que les intéressés étaient demeurés en prison ces derniers mois sans passer en jugement et que la législation du travail en vigueur violait les principes de la liberté syndicale. Le gouvernement avait répondu qu'il fournirait des informations détaillées à ce sujet à brève échéance.
- 144. Le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait approuvé les conclusions intérimaires suivantes:
- "a) vu l'absence d'informations de la part des plaignants et du gouvernement concernant l'allégation relative à l'arrestation de deux dirigeants d'un syndicat d'enseignants nommément désignés, le comité exprime l'espoir que la réponse que le gouvernement s'est engagé à lui adresser lui fournira les éclaircissements nécessaires pour qu'il soit en mesure de parvenir à des conclusions sur cet aspect du cas en pleine connaissance de cause;
- b) le comité rappelle la demande de la Commission d'experts - formulée dans le cadre de son examen de 1985 et de l'application par le gouvernement des Conventions nos 87 et 98 - invitant le gouvernement à réexaminer la situation sur le plan législatif touchant le droit d'organisation du personnel de direction et du personnel administratif, l'élection à une charge syndicale, le droit de regard des autorités administratives sur les affaires internes des syndicats et la négociation collective dans les industries de transformation appartenant à l'Etat, de façon à aligner la législation sur les principes de la liberté syndicale."
- 145. Cette dernière décision était motivée notamment par le fait que, lors de cas semblables par le passé, le comité avait souligné que la loi martiale était incompatible avec le plein exercice des droits syndicaux.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 146. Dans sa communication du 22 décembre 1985, le gouvernement fait tout d'abord observer que le Sramik Karmachari Okkya Parishad n'est pas un syndicat dûment enregistré. Il déclare que, comme l'ordre public avait été sérieusement troublé, il avait dû imposer certaines restrictions aux activités politiques et syndicales en instaurant la loi martiale, le 1er mars 1985. Il souligne que ces mesures restrictives sont provisoires et qu'elles seront rapidement levées au fur et à mesure que l'ordre public se rétablira. Selon le greffier des syndicats, aucun syndicaliste n'a été arrêté ni détenu pour exercice des activités syndicales; ceux qui ont été arrêtés pour des raisons politiques ont, depuis lors, été relâchés.
- 147. S'agissant des allégations précises concernant la législation du travail du Bangladesh, le gouvernement souligne qu'aux termes de l'article 1 (3) de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles les personnes suivantes sont exclues du champ d'application de l'ordonnance: les forces armées et la police, le personnel de l'administration publique, à l'exception des employés des chemins de fer et des postes et télécommunications. De plus, l'article 29 du règlement de 1979 sur les fonctionnaires du gouvernement stipule qu'"aucun fonctionnaire du gouvernement ne sera membre, délégué ou dirigeant d'une association ... à moins que cette association ne recrute ses membres ou ses dirigeants au sein d'une catégorie distincte de fonctionnaires gouvernementaux". Deuxièmement, il fait observer que le personnel de direction fait partie de la catégorie des employeurs qui, aux termes de l'article 3 b) de l'ordonnance, ont le droit de former des syndicats de leur choix. Troisièmement, il explique que la disposition de l'ordonnance qui limite le droit de participer à la direction d'un syndicat aux personnes effectivement employées dans l'entreprise ou le groupe d'entreprises concernés visait à permettre aux travailleurs de l'usine d'assurer eux-mêmes la direction de leur syndicat plutôt que de la laisser aux mains de responsables venus de l'extérieur; il souligne que, en vertu de cette disposition, les personnes étrangères à l'entreprise peuvent être élues à une charge dans les fédérations. Quatrièmement, pour ce qui est de la faculté du greffier des syndicats de pénétrer dans les locaux du syndicat, de les inspecter ou de saisir tout document s'y trouvant, il déclare que ces démarches visent à aider les syndicats à tenir correctement leurs dossiers et non pas à s'ingérer dans leur fonctionnement. Enfin, le gouvernement explique que, dans les entreprises du secteur public, les conditions d'emploi sont régies par des décisions de la Commission des salaires, qu'il nomme à échéance fixe.
- 148. Dans sa lettre du 23 décembre 1985, le gouvernement déclare que MM. Shareful Islam et Abdul Mannan ont été relâchés les 2 et 18 juin 1985, respectivement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 149. Le comité se réjouit d'apprendre que, selon les renseignements reçus, l'interdiction de toutes activités syndicales décrétée par la loi martiale a été levée le 1er janvier 1986.
- 150. Il constate également que les deux dirigeants des syndicats d'enseignants nommément désignés ont été libérés en juin 1985. Il déplore que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements (comme il le lui avait expressément demandé lors de l'examen antérieur du cas) sur les motifs des autres arrestations, en mars 1985, et qu'il n'ait pas précisé les charges retenues contre ces responsables syndicaux, ni la nature de l'action en justice intentée contre eux. Il rappelle que, puisque la détention des dirigeants syndicaux risque d'enfreindre sérieusement les droits syndicaux et vu l'importance qu'il attache au principe d'une procédure prompte et impartiale, le comité a prié instamment les gouvernements de faire passer les détenus en justice, indépendamment des raisons que les gouvernements ont invoquées pour leur détention. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas nos 1157 et 1192 (Philippines), paragr. 298.)
- 151. Pour ce qui est des aspects législatifs, le comité prend note de l'explication du gouvernement sur les restrictions au droit d'organisation qui touchent les fonctionnaires du gouvernement. Il rappelle que la commission d'experts, dans son Etude d'ensemble de 1983, paragraphe 130-1, a examiné la restriction apportée au droit des cadres du secteur public de s'associer dans des organisations syndicales avec d'autres catégories de salariés et en a conclu qu'"interdire à ces personnes de s'affilier à des syndicats représentant le reste des travailleurs n'est pas nécessairement incompatible avec la liberté syndicale, mais seulement à deux conditions: tout d'abord, qu'elles aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts et, ensuite, que la catégorie des cadres et du personnel de direction et de confiance ne soit pas définie en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l'entreprise ou de la branche d'activité risquent de s'en trouver affaiblies, en les privant d'une proportion substantielle de leurs membres effectifs ou éventuels". Quant aux restrictions plus générales limitant l'affiliation des fonctionnaires de la fonction publique à un syndicat réservé à cette seule catégorie de travailleurs (voir idem, paragr. 126), la commission d'experts a constaté que l'on pouvait admettre que les organisations de base des agents de la fonction publique puissent être limitées à cette catégorie de travailleurs, à condition, toutefois, qu'il ne soit pas prévu simultanément que ces organisations doivent se limiter aux agents d'un ministère, département ou service particulier et que les organisations de base d'agents de la fonction publique puissent librement s'affilier aux fédérations et confédérations de leur choix.
- 152. Puisque, selon la législation qui régit les agents de la fonction publique, la restriction apportée à l'affiliation à des syndicats mixtes ne concerne pas seulement les cadres de la fonction publique et que cette limitation s'adresse également aux membres des fédérations ou confédérations, le comité ne peut que renvoyer à l'observation de la Commission d'experts - formulée en 1985 à propos de la Convention no 87 -, qui prie le gouvernement d'adopter les mesures appropriées pour garantir à ces catégories de travailleurs l'application de l'article 2 de la convention.
- 153. S'agissant du droit des cadres supérieurs de s'organiser, le comité note que le gouvernement considère ces salariés comme des "employeurs" qui, aux termes de l'article 3 b) de l'ordonnance sur les relations professionnelles, ont le droit de former les organisations de leur choix. Au vu de cette définition, le comité invite le gouvernement à fournir des informations à la commission d'experts, lors son prochain rapport, sur la question de savoir si cette catégorie de personnel est exclue du champ d'application de l'ordonnance (art. 2 (xxviii) b)) et qu'il précise les noms et effectifs des organisations qui défendent actuellement les intérêts de cette catégorie de personnel.
- 154. Le comité note que le gouvernement exige de tout candidat à une charge syndicale qu'il appartienne à l'entreprise ou au groupe d'entreprises concernés. Il rappelle toutefois que la commission d'experts a formulé des commentaires sur cette disposition de l'ordonnance sur les relations professionnelles car elle est contraire à l'article 3 de la convention no 87. Il souhaite, comme la commission d'experts l'a déjà fait, que cette disposition soit abrogée ou tout ou moins que la révision de l'article 7A(1) a) et b) permette d'accepter la candidature de personnes qui ont antérieurement travaillé dans la profession et de lever les conditions d'appartenance à la profession pour une proportion raisonnable des responsables des organisations. (Voir Etude d'ensemble, 1983, paragr. 158.)
- 155. Quant à la faculté du greffier des syndicats de pénétrer dans les locaux syndicaux, de les inspecter ou de saisir tout document s'y trouvant, le comité prend note de la déclaration du gouvernement mais rappelle la conclusion de la commission d'experts qui affirme que cette procédure investit une autorité administrative de trop larges pouvoirs de contrôle sur les affaires internes d'un syndicat, ce qui est contraire à l'article 3 de la convention. Il demande une nouvelle fois au gouvernement de réexaminer l'article 10 du règlement de 1977 sur les relations professionnelles de façon à limiter ce pouvoir discrétionnaire à des cas exceptionnels, lorsqu'il est justifié par des circonstances particulières, comme des irrégularités présumées découlant de la présentation des rapports financiers annuels ou des plaintes émanant de membres du syndicat. En outre, afin de garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure, ces contrôles devraient être sujets à réexamen par l'autorité judiciaire compétente. (Voir Etude d'ensemble, 1983, paragr. 188.)
- 156. Au sujet de la violation de l'article 4 de la convention no 98 évoquée par l'organisation plaignante, le comité constate que le gouvernement se réfère au rôle de la Commission des salaires en matière de fixation des conditions d'emploi dans certaines branches du secteur public. Le comité aimerait rappeler toutefois qu'une autre fédération d'employeurs du Bangladesh a mentionné le rôle de cette commission dans le contexte de l'article 23 de la Constitution de l'OIT. Le comité aimerait appeler l'attention du gouvernement sur les observations formulées par la commission d'experts relatives à la négociation collective, et notamment sur le principe selon lequel le droit de négocier librement les salaires et les conditions d'emploi avec les employeurs et leurs organisations est un aspect fondamental de la liberté syndicale.
- 157. Le comité soumet les aspects législatifs du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 158. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité se réjouit d'apprendre que, selon les renseignements reçus, l'interdiction de toutes activités syndicales décrétée par la loi martiale a été levée le 1er janvier 1986.
- b) Tout en notant que les deux dirigeants des syndicats d'enseignants nommément désignés ont été libérés en juin dernier, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements sur les motifs des autres arrestations et n'ait pas précisé les charges retenues contre ces responsables syndicaux ni la nature de l'action en justice intentée contre eux.
- c) Au sujet de la restriction exigeant des fonctionnaires de l'Etat qu'ils ne forment une organisation de travailleurs, ou y adhèrent, que si celle-ci est réservée à cette seule catégorie de travailleurs, le comité renvoie à l'observation de la commission d'experts selon laquelle le gouvernement doit adopter des mesures appropriées pour garantir aux fonctionnaires du gouvernement la complète application de l'article 2 de la convention no 87.
- d) S'agissant du droit des cadres supérieurs de s'organiser, le comité invite le gouvernement à fournir des informations à la commission d'experts, lors de son prochain rapport, sur la question de savoir si cette catégorie de personnel est exclue du champ d'application de la législation du travail. Les noms et effectifs des organisations qui défendent actuellement les intérêts de cette catégorie de personnel seront précisés à cette occasion.
- e) Le comité souhaite, comme l'a déjà fait la commission d'experts, que la disposition de la législation sur les conditions d'admission à une charge syndicale soit abrogée ou, à tout le moins, que sa révision permette d'accepter la candidature de personnes qui ont antérieurement travaillé dans la profession et de lever les conditions d'appartenance à la profession pour une proportion raisonnable des responsables des organisations.
- f) Se référant à la conclusion de la commission d'experts sur ce point, le comité demande au gouvernement de réexaminer la disposition qui permet au greffier des syndicats de pénétrer dans les locaux du syndicat, de les inspecter ou de saisir tout document s'y trouvant.
- g) Au sujet des attributions de la Commission des salaires, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le droit de négocier librement les salaires et les conditions d'emploi avec les employeurs et leurs organisations est un aspect fondamental de la liberté syndicale.
- h) Le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.