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Informe provisional - Informe núm. 218, Noviembre 1982

Caso núm. 1100 (India) - Fecha de presentación de la queja:: 14-DIC-81 - Cerrado

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  1. 655. Dans une lettre commune du 14 décembre 1981, le Congrès panindien des syndicats, le Centre des syndicats indiens, le congrès national des syndicats de l'Inde dirigé par M. J.S. Dara, Hind Mazdoor Subha, Bhartiya Mazdoor Singh, le congrès des syndicats uni fiés, le Congrès des syndicats unifiés (Lenin Sarani) et le Centre de coordination des syndicats ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux en Inde. Ces organisations syndicales ont envoyé un complément d'information dans une communication datée du 27 janvier 1982. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 14 mai 1982.
  2. 656. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 657. Dans leur lettre du 14 décembre 1981, les plaignants allèguent de graves violations des droits syndicaux au cours des 18 derniers mois qui ont trouvé leur point culminant dans la promulgation de la loi sur la sécurité nationale de décembre 1980 et de la loi sur le maintien des services essentiels de septembre 1981. D'après les plaignants, les dispositions de la loi sur la sécurité nationale, aux termes de laquelle les motifs de détention n'ont pas à être communiqués au détenu si le gouvernement juge qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire, ont été utilisées contre des permanents syndicaux en vue de dénier à la classe ouvrière la liberté syndicale et le droit d'organisation. Les plaignants ont communiqué une liste des personnes arrêtées en vertu de la loi: A.K. Roy (permanent du Centre des syndicats indiens, maintenant libéré), C.K. Rajanna (président de l'Association panindienne du personnel roulant des chemins de fer), S. Mahalingam (secrétaire de division de l'AILSRA), Jaswant Singh (secrétaire de section de l'AILSRA), Naval Singh (secrétaire de section), Sukh Lal (président de branche), Newton Eliza (syndicat AJNI), Datta Samant (chef syndical de Bombay, maintenant libéré), M. Madhukar (dirigeant du personnel de l'Etat de Himachal), Samresh Singh (président du Rashtriya Mazdoor Singh de l'Etat de Bokaro), Sukhbir Tyagi et Than Singh Tyagi (tous deux militants du syndicat Ghaziab).
  2. 658. De plus, la loi sur le maintien des services essentiels, au dire des plaignants, donne au gouvernement de larges pouvoirs pour interdire les grèves dans presque toutes les branches d'activité en Inde en vertu de l'article 2(1)(a)(xvii) qui définit les services essentiels comme comprenant tout service "au sujet duquel le Parlement a le pouvoir de légiférer et que le gouvernement central, étant d'avis que les grèves y affecteraient de manière préjudiciable le maintien de tout service d'utilité publique, la sécurité publique ou le maintien des approvisionnements et des services nécessaires à la vie de la communauté, ou qui provoqueraient de graves préjudices à la communauté nationale, peut ... déclarer être un service essentiel". Les plaignants relèvent que les articles 5 et 7 de cette loi prévoient de lourdes sanctions en cas de participation à des grèves interdites aux termes de la loi ou de financement de celles-ci et que l'article 10 permet à tout officier de police d'arrêter n'importe quelle personne sans mandat si cette personne "est soupçonnée raisonnablement d'avoir commis un délit aux termes de cette loi".
  3. 659. De plus, les plaignants se réfèrent à l'article 311 de la Constitution de l'Inde et à la règle 14(ii) du Règlement de discipline et d'appel des chemins de fer qui prévoient le licenciement de certains agents publics (comme ceux qui sont occupés dans les postes et télégraphes, les chemins de fer et les travaux publics) sans que ces travailleurs jouissent de la moindre protection lorsque l'autorité responsable est convaincue qu'une enquête préalable n'est pas raisonnablement praticable et lorsque le président ou le gouverneur est convaincu que, dans l'intérêt de la sécurité de l'Etat, il n'est pas opportun de procéder à une telle enquête préalable. Ces dispositions sont utilisées, au dire des plaignants, pour licencier des travailleurs sans motif valable, et certains cas d'appel contre ces licenciements devant les tribunaux civils ont abouti à des ordonnances de réintégration. Toutefois, dans un cas de ce genre concernant les agents des chemins de fer publics Tilak Raj, Pritam Singh et Gujjar Mal, l'Administration des chemins de fer a déclaré qu'elle ne pourrait pas se conformer à l'ordonnance judiciaire de réintégration parce que les licenciements avaient eu lieu en vertu de l'article 311 qui n'exige pas d'enquête avant le licenciement.
  4. 660. Les plaignants allèguent que le gouvernement, qui est le premier employeur du pays, refuse de respecter les conventions collectives qu'il a signées avec les syndicats et qu'il modifie unilatéralement certaines de leurs dispositions par des avis officiels sans le consentement des syndicats. Ils citent les exemples de la Life Insurance Corporation, compagnie d'assurance sur la vie qui relève du secteur public, qui a cherché à modifier des conditions agréées pour le versement de primes par la voie d'une décision parlementaire, le General Insurance Sector (secteur d'assurance générale) qui, par une notification dans le Journal officiel, a modifié les conditions d'emploi de son personnel, ainsi que l'Administration des chemins de fer qui n'a pas appliqué l'accord portant sur les équipes de travail de dix heures. Les plaignants relèvent que ce dernier exemple montre bien les mauvaises relations professionnelles dans le secteur des chemins de fer où les réunions ou toute autre forme d'agitation dans les locaux appartenant aux chemins de fer sont interdites et où les dirigeants et les membres des syndicats font l'objet de représailles pour leurs activités syndicales régulières, ainsi Amar Nath Misra, Tej Narain et Girish Chandra Pande, tous des dirigeants syndicaux, qui ont été mutés après avoir protesté contre la violation des règles de sécurité par l'employeur.
  5. 661. Les plaignants allèguent que plusieurs entreprises publiques refusent arbitrairement de reconnaître des syndicats antérieurement reconnus; par exemple, J.K. Rayon Mills Kanpur a refusé de négocier avec le syndicat de cette entreprise et a passé un accord avec une organisation "gangster" qui a attaqué les locaux du syndicat reconnu et ses membres actifs. Ces attaques sont, au dire des plaignants, fréquentes dans l'Etat de Haryana où, par exemple, dans les usines textiles Gopi Chand, le 19 mars 1981, les gardes de sécurité ont ouvert le feu sur des travailleurs récemment syndiqués sans aucune provocation; le 27 avril 1981, la police a ouvert le feu sur une manifestation pacifique des mêmes travailleurs; le 29 avril, le président du Syndicat des agents publics de la classe IV, M. J.P. Pande, a été battu et torturé par la police.
  6. 662. Les plaignants déclarent également que six travailleurs ont récemment été tués pendant un mouvement qui a agité les travail leurs du secteur public lorsque la police a ouvert le feu sur eux: le 20 janvier 1981, MM. Govindaraju, Krishna et Srinivas ont été tués par balles à Bangalore; Prem Singh et Amar Chand, le 6 octobre 1980, et Rattan Chand, le 10 octobre 1980, ont été tués en Himachal Pradesh.
  7. 663. Dans leur communication en date du 27 janvier 1982, les plaignants insistent sur le fait que le gouvernement de l'Inde n'a pas encore ratifié les deux conventions fondamentales de l'OIT sur la liberté syndicale et ils déclarent que le refus flagrant de ratifier ces deux conventions, qui sont absolument essentielles au développement, voire à l'existence d'un syndicat libre, revient à refuser à la classe travailleuse le droit de s'organiser.
  8. 664. Les plaignants expliquent que, dernièrement, toutes les centrales syndicales, à l'exception du Congrès national des syndicats de l'Inde (INTUC) qui est parrainé et protégé par le gouvernement, ont lancé un appel commun á une grève de protestation d'un jour le 19 janvier 1982. L'action de protestation était motivée notamment par les revendications ci-après: abrogation de la loi sur le maintien des services essentiels et de la loi sur la sécurité nationale; reconnaissance des syndicats fondée sur un scrutin secret; pleine garantie des droits de négociation collective et des droits syndicaux. D'après les plaignants, malgré la promesse solennelle faite par le gouvernement au cours du débat sur le projet de loi concernant la sécurité nationale et selon laquelle cette mesure ne serait pas utilisée contre les syndicalistes et malgré une déclaration analogue faite par les moyens de communication de masse une fois le projet de loi adopté, plus de 50.000 dirigeants et militants de syndicats ont été arrêtés dans tout le pays. Les gouvernements de l'Etat central et des Etats ont menacé les travailleurs qui se joindraient à la grève de protestation de punition pour absence du service, ou de réduction de salaire pendant sept jours. Une fois encore, il semble que les mesures antigrève les plus graves sont appliquées dans l'Etat de Haryana où tous les salariés de Hansi Co-operative Spinning and Weaving Mills Ltd. et de Haryana Concast Ltd. Hissar, au nombre de 3.000 environ, ont été licenciés pour avoir participé à la grève.
  9. 665. Enfin, les plaignants attirent l'attention sur la question de la nomination de la délégation indienne à la Conférence internationale du Travail. La plupart des centrales syndicales de l'Inde ont exigé que le chef de la délégation soit nommé par rotation mais, apparemment, le gouvernement n'a nommé que le représentant de la faction de l'INTUC, qu'il patronne, en prétendant qu'il s'agissait de la plus grande organisation dans le pays. D'après les plaignants, cette mesure prive la grande majorité des travailleurs du pays d'envoyer leurs représentants à la Conférence, notamment en vue du fait qu'il n'y a pas de méthode acceptable de déterminer la force numérique des organisations. Par exemple, ils prétendent que le nombre de membres est gonflé de connivence avec les employeurs et que les personnes chargées de le vérifier agissent sur les ordres du gouvernement; la fausseté de la procédure de vérification a été démontrée chaque fois que les travailleurs ont pu voter librement; les syndicats déclarés "représentatifs" par les autorités qui appliquent leur propre méthode ont eu de très mauvais résultats et ont souvent obtenu le plus faible nombre de votes des travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 666. Dans sa lettre du 14 mai 1982, le gouvernement nie qu'il y ait eu en Inde une violation des normes internationales établies par l'OIT. Il déclare que les plaignants représentent certains groupes d'opposition politique qui, étant minoritaires et ayant échoué dans d'autres tentatives de l'affaiblir, ont présenté cette plainte de manière à l'embarrasser dans une enceinte internationale. Il relève qu'aux termes de la Constitution indienne, la liberté syndicale est protégée et que les instances judiciaires sont ouvertes à ceux qui cherchent réparation lorsque ce droit est violé, comme le prouve le fait que de nombreux incidents cités par les plaignants sont en cours de jugement. Le gouvernement rappelle que l'Inde n'a pas été en mesure de ratifier les conventions nos 87 et 98, non parce qu'elle ne respecte pas les principes qui y sont contenus, mais á cause de "certaines autres raisons techniques et administratives" qui ont été exposées à l'OIT. En outre, il déclare que, comparés à la population totale de l'Inde, les plaignants ne représentent qu'un très petit nombre de personnes et devraient être considérés sous un angle plus général.
  2. 667. Quant à l'allégation spécifique relative à l'adoption et à l'application d'une législation antisyndicale, le gouvernement déclare que, s'il est possible que certaines des personnes qui ont fait l'objet de mesures aux termes de la nouvelle législation soient des syndicalistes, les poursuites engagées contre eux ne l'ont pas été en raison de leurs activités syndicales, mais bien de leurs activités antisociales ou antinationales pour lesquelles ils ne peuvent prétendre à aucune immunité. Au dire du gouvernement, les autorités nationales sont bien placées pour juger des questions qui touchent á la souveraineté et à l'intégrité de la nation et "il ne conviendrait pas qu'une autorité extérieure quelconque mette en question cette opinion".
  3. 668. En ce qui concerne la loi sur la sécurité nationale, le gouvernement déclare qu'il a été expliqué clairement, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Parlement, que les dispositions de cette loi ne seront utilisées que contre des personnes antisociales ou antinationales et qu'à cette fin, le gouvernement central a publié de temps à autre des directives et des explications détaillées à l'usage de tous les gouvernements des Etats. D'après le gouvernement, la loi contient suffisamment de sauvegardes contre les abus, en particulier l'article 8 (les motifs d'un ordre de détention doivent être communiqués aux personnes visées dans les cinq jours de manière qu'elles puissent dès que possible présenter une protestation contre cette ordonnance au gouvernement compétent, mais rien n'exige la divulgation de faits qui est considérée comme allant á l'encontre de l'intérêt public) et les articles 9, 10 et 11 (des conseils consultatifs comprenant trois juges à la haute cour, en exercice ou non, doivent dans les sept jours suivant la date de la détention faire rapport au gouvernement compétent sur le point de savoir s'il existe une cause suffisante à la détention de la personne intéressée). En ce qui concerne les arrestations des personnes énumérées par les plaignants, le gouvernement donne les explications suivantes: M. Roy a été arrêté le 11 novembre 1980 pour des activités criminelles affectant le maintien de l'ordre public et n'ayant rien à faire avec l'exercice des droits syndicaux; l'ordonnance a été révoquée et cette personne relâchée trois jours après. Les six cheminots énumérés n'ont pas été arrêtés non plus pour leurs activités syndicales et ne se trouvent plus en détention. D'après des informations reçues du gouvernement de l'Etat de Bihar, M. Samresh Singh n'a jamais été arrêté en 1981 aux termes de cette loi. Le gouvernement déclare que M. Datta Samant, un syndicaliste partisan de la manière forte, a été arrêté le 24 juin 1981 afin de l'empêcher d'agir d'une manière préjudiciable au maintien de l'ordre public au motif que 70 incidents violents s'étaient produits à la suite de ses discours provocateurs; cette personne a été libérée par la haute cour de Bombay le 28 juillet, arrêtée de nouveau le même jour et relâchée une fois encore par la même instance judiciaire le 17 août, les deux libérations ayant été ordonnées pour des motifs techniques et l'un des juges ayant reconnu que cette personne menaçait gravement la paix du travail dans l'Etat. D'après le gouvernement, M. Madhukar a saboté les efforts du gouvernement visant a régler une grève des salariés de l'Etat de Himachal et il a été arrêté le 3 octobre 1980 pour des activités nuisibles à l'Etat; il a été relâché neuf jours plus tard lorsque les travailleurs ont arrêté leur grève sans condition. M. Sukhbir Singh Tyagi a été arrêté le 3 juin 1981 pour des activités criminelles; il a été relâché sur l'avis du conseil consultatif le 27 juillet 1981. M. Than Singh Tyagi a été arrêté le 7 octobre 1980 et libéré le 20 juin 1981 sur ordre de la haute cour de Delhi.
  4. 669. En ce qui concerne la loi sur le maintien des services essentiels, le gouvernement rappelle les observations qu'il a présentées antérieurement à l'OIT, lors de l'examen du cas no 1091, au sujet de cette législation. Il confirme que cette loi est de caractère économique seulement et n'a été utilisée que dans un seul cas (lors de la grève des travailleurs de l'Office de l'électricité de l'Etat de Maharashtra), les deux autres cas mentionnés dans la réponse au cas no 1091 n'ayant rien à faire avec les droits syndicaux.
  5. 670. En ce qui concerne l'allégation relative à l'article 311(2)(c) de la Constitution de l'Inde, le gouvernement relève que les mesures permettant de licencier un agent d'un service public aux termes de cette disposition ne sont prises que dans des cas extrêmes, lorsque cette personne est engagée dans une activité subversive ou associée á une telle activité et que cette mesure est prise par un comité de conseillers de haut niveau qui tranche sur le fond dans chaque cas. Le gouvernement déclare que l'affaire judiciaire concernant les trois cheminots renvoyés mentionnée par les plaignants est indépendante des mesures disciplinaires prises contre eux aux termes du Règlement de discipline et d'appel; ces travailleurs ont en fait présenté des demandes écrites auprès de la haute cour de Delhi en vue de faire rapporter les mesures de licenciement
  6. 671. En ce qui concerne la non-application des conventions collectives alléguée par les plaignants, le gouvernement déclare que, dans le cas de la Life Insurance Corporation, lorsque la convention en cause est venue à échéance le 31 mars 1977, le gouvernement et la direction de cette société ont fait plusieurs tentatives en vue de rectifier certaines anomalies contenues dans les dispositions visant les primes et les allocations. Les salariés ont porté la question devant la cour suprême qui a décidé que les dispositions demeureraient en vigueur jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention, sentence ou législation qui les remplacerait. Le gouvernement a décidé en, conséquence de modifier le règlement de la Life Insurance Corporation en ce qui concerne les primes et les allocations. Les travailleurs ont contesté ces modifications devant la cour suprême qui a toutefois tranché en faveur de leur maintien. Dans le cas de la General Insurance Corporation, le gouvernement déclare que les conditions d'emploi sont régies par la loi sur les assurances générales (nationalisation des sociétés) et que les modifications qui lui ont été apportées en 1980 n'ont pas apporté de préjudice aux travailleurs, mais au contraire amélioré sensiblement leurs conditions de travail. En ce qui concerne la situation dans le secteur des chemins de fer, le gouvernement considère que la question des circulaires interdisant les manifestations pendant les heures de travail et sur les lieux de travail ne viole pas les droits syndicaux. De plus, en réponse á l'allégation concernant le refus de reconnaître certains syndicats antérieurement reconnus, le gouvernement rappelle l'examen fait par le comité de cas analogues relatifs à l'Inde.
  7. 672. En ce qui concerne la prétendue suppression des droits syndicaux dans l'Etat de Haryana, en particulier l'exemple des usines Gopi Chand Textile Mills, le gouvernement déclare qu'un syndicat enregistré fonctionne depuis 1970 dans ces établissements sous le nom de Gopi Chand Textile Mazdoor Union et qu'un autre syndicat, le syndicat des travailleurs du textile, conteste actuellement le refus que lui a opposé le greffier des syndicats de l'enregistrer dans la même entreprise. D'après les informations reçues du gouvernement de Haryana, cet établissement a connu des violences de la part des travailleurs et l'incident du 19 mars 1981 a fait l'objet d'une enquête de la police qui a abouti à l'adoption de mesures en vertu du Code pénal et de la loi sur les armes. Les travailleurs ont recouru à la grève à partir du 23 mars et, malgré les efforts du gouvernement en vue d'une conciliation et d'un arbitrage, le 27 avril une foule violente a attaqué le commissariat de police et plusieurs fonctionnaires de police ont été gravement blessés. Le gouvernement déclare que la police a montré une retenue louable dans sa façon de faire face à la situation et que les incidents du 29 avril, allégués par les plaignants, sont présentés de manière entièrement fausse.
  8. 673. En ce qui concerne les six travailleurs prétendument tués par la police pendant les grèves du secteur public, le gouvernement de Karnataka déclare que, pendant une grève violente qui a commencé le 21 janvier 1981, la police a été obligée d'ouvrir le feu, après avoir donné les avertissements qui convenaient et afin de se défendre, sur une foule dangereuse d'environ 5.000 personnes; trois personnes sont mortes à la suite de ces incidents et, dans un incident parallèle, une quatrième personne a été blessée et est morte ultérieurement (il pourrait s'agir de M. Srinivas mentionné par les plaignants). Le gouvernement souligne que 57 policiers ont été blessés pendant ces incidents et que les caisses de l'Etat ont versé 5.000 roupies pour secourir les familles des victimes. Les morts survenues dans l'Etat de Himachal Pradesh, au dire du gouvernement, se sont produites pendant la grève de septembre-octobre 1980 lors de deux réunions violentes déclarées illégales. La police a ouvert le feu dans les deux cas sur l'ordre d'un, magistrat et le gouvernement a accordé à la veuve de M. Prem Chand un emploi rémunéré et une rente familiale, comme il l'a fait pour les proches des deux autres agents publics qui ont été tués par balles.
  9. 674. En réponse à la deuxième communication des plaignants, le gouvernement déclare qu'il a fait tous les efforts possibles afin d'éviter la grève générale prévue pour le 19 janvier 1982 qu'il considérait comme susceptible d'interrompre le fonctionnement des services essentiels et de désorganiser la production industrielle, aggravant ainsi la situation économique déjà difficile. Il n'a pas eu d'autre choix que de prendre certaines mesures préventives contre des personnes antisociales et antinationales aux termes de la loi sur la sécurité nationale, bien que la plupart des arrestations aient été faites aux termes des articles préventifs d'une autre loi que celle qui vient d'être mentionnée. D'après le gouvernement, seules les personnes arrêtées pour des actes de violence risquent d'être traduites devant les tribunaux et la plupart d'entre elles ont été relâchées sous caution.
  10. 675. En ce qui concerne les exemples de mesures antigrève prises dans l'Etat de Haryana et mentionnées par les plaignants, le gouvernement explique que les travailleurs des usines Hansi Coopérative Spinning and Weaving Mills avaient signé en décembre 1981 un accord par lequel ils renonçaient à la grève. Lorsqu'ils se sont joints à la grève générale de janvier 1982, la direction a été obligée de déclarer un look-out qui n'a duré que jusqu'au 26 février 1982. Quant à l'entreprise Haryana Concast Ltd., le gouvernement explique que la direction a mis fin aux services d'un certain nombre de travailleurs parce qu'ils avaient participé à la grève de janvier 1981, mais qu'elle les a réintégrés à partir du 23 janvier 1982. Le gouvernement conclut que ces mesures n'ont été prises que pour faire face à une violence généralisée dans le pays et ne constituaient pas une tentative de supprimer les droits syndicaux authentiques et légaux.
  11. 676. Enfin, en ce qui concerne l'allégation relative á la délégation de l'Inde á la Conférence internationale du Travail, le gouvernement déclare qu'il existe une procédure particulière précisée dans la Constitution de l'OIT pour la sélection des délégués travailleurs à la session annuelle de la Conférence et que la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence s'occupe de questions telles que celles qui ont été soulevées par les plaignants. En conséquence, il ne considère pas nécessaire de présenter d'autres observations sur cet aspect de la plainte.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 677. Ce cas a trait à des allégations selon lesquelles deux actes législatifs récemment adoptés (la loi sur la sécurité nationale et la loi sur le maintien des services essentiels), ainsi que l'article 311(2) de la constitution de l'Inde, sont utilisés contre les travailleurs et les syndicalistes et selon lesquelles le gouvernement a recouru à d'autres mesures antisyndicales comme la modification arbitraire de conventions collectives, le retrait de la reconnaissance des syndicats enregistrés et les tirs de la police lors de réunions des travailleurs en grève. Il contient également une allégation concernant la composition de la délégation de l'Inde à la Conférence internationale du Travail.
  2. 678. En ce qui concerne l'abus allégué de la disposition sur l'arrestation contenue dans la loi sur la sécurité nationale, le comité note que les plaignants ne cherchent pas à fonder leur plainte selon laquelle 12 syndicalistes (dont ils fournissent les noms) ont été en fait arrêtés pour avoir exercé des activités syndicales. Il note par ailleurs que le gouvernement explique en détail les raisons de chaque arrestation et que les sauvegardes contre les abus inscrites dans la loi, ou un règlement de la situation qui avait provoqué les arrestations, ont abouti à la libération de toutes les personnes arrêtées. Le comité considère donc que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  3. 679. Quant à la loi sur le maintien des services essentiels, le comité renvoie aux commentaires qu'il a formulés dernièrement à cet égard lorsqu'il a examiné le cas no 1091, en particulier sur l'article 2 (définition des ^services essentiels" dans lesquels les grèves peuvent être interdites), sur l'article 5 (emprisonnement jusqu'à 12 mois et/ou amende de 2.000 roupies au maximum pour aide financière à des grèves illégales) et sur l'article 10 (arrestation sans mandat de personnes soupçonnées d'être des grévistes). Dans ce cas, le comité a rappelé que le droit de grève peut faire l'objet de restrictions, voire d'interdiction, dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire ceux dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population, mais il a considéré que la gamme des services décrétés comme essentiels par la loi est large et qu'elle va bien au-delà du concept de services essentiels tels qu'ils sont définis ci-dessus. Il avait exprimé l'espoir que le gouvernement étudierait la possibilité de réexaminer sa législation en réduisant la liste des services essentiels dans lesquels les grèves peuvent être interdites aux services essentiels au sens strict du terme et ii avait demandé au gouvernement de lui indiquer toutes mesures prises á cet effet. De plus, étant donné la nature des procédures et la sévérité des peines encourues par les travailleurs qui participent à certaines grèves ou par les personnes qui les soutiennent, le comité a considéré que la législation pouvait constituer un obstacle au développement de relations professionnelles harmonieuses. Tout en rappelant ses conclusions en relation avec le présent cas, le comité entend suivre les faits nouveaux en ce qui concerne cette loi dans le cadre du cas no 1091.
  4. 680. En ce qui concerne l'abus allégué de la disposition constitutionnelle autorisant le licenciement des agents publics sans enquête préalable, le comité note que les plaignants n'allèguent pas que les licenciements des trois cheminots dont ils indiquent le nom étaient imputables à leurs activités syndicales. De plus, il note la réponse du gouvernement selon laquelle de telles mesures ne sont prises que dans des cas extrêmes, lorsque des personnes sont, engagées dans des activités subversives ou associées à de telles activités et que ces décisions sont prises par un comité de conseillers de haut niveau qui examine le fond de l'affaire dans chaque cas. Etant donné en outre que les travailleurs en question ont pu contester leur licenciement devant la haute cour, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  5. 681. Le comité note la réponse du gouvernement à l'allégation selon laquelle il modifie arbitrairement les conventions collectives dans le secteur public, en particulier le fait que la cour suprême a maintenu ces modifications lorsqu'elles ont été apportées par voie législative. A cet égard, le comité a déclaré par le passé qu'une disposition législative qui pourrait être appliquée de manière à écarter les dispositions négociées dans les conventions collectives ou à empêcher à l'avenir les travailleurs de négocier les dispositions qui leur apparaîtraient souhaitables si elle était appliquée pourrait porter atteinte aux droits des personnes intéressées de négocier collectivement par l'intermédiaire de leurs syndicats. Le comité souhaiterait donc attirer l'attention du gouvernement sur ce principe dans l'espoir qu'il trouvera le moyen à l'avenir de ne pas recourir à de telles mesures. Il invite le gouvernement à le tenir informé du jugement de la cour suprême dans l'affaire qui lui a été soumise par certains agents de la fonction publique contre les modifications apportées à la loi sur les assurances générales (nationalisation des sociétés).
  6. 682. Le comité note que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle trois dirigeants syndicaux nommément désignés et appartenant à la branche des chemins de fer - branche qui, selon les allégations, est soumise à des représailles antisyndicales particulières - ont été mutés pour avoir exercé des activités syndicales normales, à savoir pour avoir protesté contre la violation des règles de sécurité par l'employeur. En conséquence, il prie le gouvernement de transmettre ses observations sur cet aspect du cas.
  7. 683. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle d'autres activités syndicales normales telles que des réunions sont interdites dans cette branche, le comité note, d'après la réponse du gouvernement, que cette interdiction s'applique seulement pendant les heures de travail. Puisqu'il en est ainsi, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  8. 684. Le comité note qu'en réponse à l'allégation selon laquelle plusieurs entreprises du secteur public retirent arbitrairement leur reconnaissance á des syndicats reconnus, le gouvernement se réfère à l'examen préalable de ces allégations par le comité dans le cas no 1050. Dans ce cas là, le comité avait conclu que le refus, de la part d'un employeur, de négocier avec un, syndicat donné ne constitue pas nécessairement une atteinte à la liberté syndicale parce que la négociation collective doit, pour conserver son efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet de transformer celui-ci. Dans le cas présent, le comité tient donc à réaffirmer ce principe et souhaite en même temps exprimer l'espoir que le gouvernement prendra toutes mesures utiles pour encourager le développement de relations professionnelles harmonieuses dans cette branche.
  9. 685. En ce qui concerne la suppression alléguée des droits syndicaux dans l'Etat de Haryana, le comité note que le gouvernement nie que la police ait ouvert le feu sur une manifestation pacifique des syndicalistes des usines de textiles le 27 avril 1981 et qu'un dirigeant nommément désigné du Syndicat des travailleurs de la fonction publique ait été torturé deux jours plus tard. Face aux déclarations directement contradictoires et en l'absence de preuves apportées par les deux parties, le comité ne peut que rappeler qu'il a toujours souligné l'importance de procéder dans les meilleurs délais à une enquête judiciaire indépendante pour éclaircir les cas allégués de mort, d'agression ou de mauvais traitements de syndicalistes afin d'élucider complètement les faits, de déterminer les responsabilités et de punir les coupables.
  10. 686. En ce qui concerne l'allégation de même ordre selon laquelle six travailleurs nommément désignés ont été tués sous les balles de la police lors de troubles dans le secteur public, le comité note que le gouvernement admet ces décès, mais prétend que, dans chaque incident, les coups de feu ont été tirés en dernier ressort après sommation et dans un but d'autodéfense, et ajoute que plus de cinquante policiers ont été blessés au cours des troubles. Il note également la déclaration du gouvernement selon laquelle les proches des victimes ont reçu une réparation qui leur a été versée par les caisses de l'Etat. Tout en observant qu'il n'a pas reçu des informations précises quant aux fonctions syndicales des victimes, le comité ne peut que regretter profondément la perte de vies humaines et les blessures survenues et il souhaite attirer l'attention du gouvernement sur le principe exposé dans le paragraphe précédent.
  11. 687. Le comité note la réponse du gouvernement en ce qui concerne les allégations de représailles (plus de 50.000 arrestations et 3.000 licenciements) contre des syndicalistes qui ont participé à la grève générale du 19 janvier 1982, et en particulier le fait que la plupart des personnes arrêtées ont été libérées sous caution et que les grévistes licenciés d'une entreprise au moins de l'Etat de Haryana ont été réintégrés à partir du 23 janvier 1982. Néanmoins, le comité considère qu'il doit attirer l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le développement des relations professionnelles peut être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux de peines sévères pour faits de grève et, en particulier, que des licenciements massifs pour participation à des grèves menacent gravement la liberté syndicale.
  12. 688. Enfin, en ce qui concerne l'absence alléguée de représentativité de la délégation de l'Inde à la Conférence internationale du Travail, le comité note la réponse du gouvernement et ajoute qu'il n'est pas compétent pour exprimer un avis sur la question étant donné que l'article 26.3 du Règlement de la Conférence internationale du Travail prévoit que la Commission de vérification des pouvoirs, constituée par la Conférence, "examine toute protestation concernant la désignation d'un délégué ou d'un conseiller technique". Il faut relever à cet égard qu'aucune des huit organisations plaignantes n'ont présenté d'objections à la Commission de vérification des pouvoirs lors des dernières sessions de la Conférence internationale du Travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 689. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, notamment, les conclusions suivantes:
    • a) En ce qui concerne les allégations touchant la loi sur le maintien, des services essentiels, le comité réaffirme les conclusions auxquelles il était parvenu lorsqu'il a examiné cette loi dans le cas no 1091 et il entend suivre les développements à cet égard dans le cadre de ce cas.
    • b) En ce qui concerne la modification par voie législative des conventions collectives dans le secteur public, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel une disposition qui pourrait être appliquée de manière à remplacer les conditions prévues dans les conventions collectives ou à empêcher à l'avenir les travailleurs de négocier telles conditions qui leur apparaîtraient souhaitables porterait atteinte aux droits des personnes intéressées de négocier collectivement par l'intermédiaire de leurs syndicats. Il prie le gouvernement de le tenir informé des jugements de la cour suprême dans l'affaire qui lui a été soumise par certains agents de la fonction publique qui contestaient les modifications apportées à la loi sur tes assurances générales (nationalisation des sociétés).
    • c) le comité prie le gouvernement de lui transmettre ses observations sur l'allégation selon laquelle trois dirigeants syndicaux nommément désignés dans la branche des chemins de fer ont été mutés pour avoir exercé des activités syndicales normales (voir paragr. 6 ci-dessus).
    • d) En ce qui concerne la non-reconnaissance par plusieurs entreprises du secteur public de syndicats qui avaient été reconnus auparavant le comité tout en soulignant la nature volontaire de la négociation collective, exprime l'espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures utiles pour encourager le développement de relations professionnelles harmonieuses dans cette branche.
    • e) En ce qui concerne la mort de six travailleurs nommément désignés lorsque la police a tiré sur des grévistes, le comité regrette profondément les pertes de vies humaines et les blessures survenues et attire l'attention du gouvernement sur l'importance de procéder dans les meilleurs délais à une enquête judiciaire indépendante pour éclaircir les cas de mort, d'agression ou de mauvais traitements afin d'élucider complètement les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables.
    • f) En ce qui concerne les représailles contre les syndicalistes qui ont participé à la grève générale du 19 janvier 1982, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le développement des relations professionnelles peut être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux de sanctions sévères pour faits de grève et, en particulier, sur le fait que des licenciements massifs de grévistes comportent de sérieux dangers pour la liberté syndicale.
    • g) Le comité considère que les autres aspects du cas n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
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