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Informe definitivo - Informe núm. 190, Marzo 1979

Caso núm. 889 (Colombia) - Fecha de presentación de la queja:: 07-SEP-77 - Cerrado

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  1. 128. Le comité a déjà examiné cette affaire en février, puis en novembre 1978, et il a présenté à chacune de ces sessions des conclusions intérimaires qui figurent dans ses 177e et 187e rapports respectivement.
  2. 129. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas par le comité

A. Examens antérieurs du cas par le comité
  1. 130. L'affaire porte essentiellement sur la mort, l'incarcération, la mise à pied ou le licenciement allégués de nombreux dirigeants et militants syndicaux ainsi que sur la suspension, le retrait ou le refus de la personnalité juridique à plusieurs organisations syndicales. Selon les plaignants, ces faits s'étaient produits en particulier - mais non pas exclusivement - à la suite d'une grève générale de 24 heures organisée le 14 septembre 1977 par les centrales syndicales du pays.
  2. 131. En examinant le cas, le comité avait pris connaissance du décret no 2004 adopté le 25 août 1977 par le gouvernement colombien. D'après ce décret, ceux qui organisent, dirigent, provoquent, encouragent ou favorisent d'une manière quelconque l'arrêt total ou partiel, continu ou échelonné, des activités normales de caractère professionnel ou autre sont, tant que durera l'état de siège, punis d'un emprisonnement de 30 à 180 jours. La sanction est prise par des gouverneurs, intendants, commissaires et par le maire du district spécial de Bogotá, au moyen d'une résolution motivée. Ces peines ou la participation aux arrêts de travail précités constituent en outre un juste motif de licenciement. Le gouvernement avait confirmé que ce décret avait été adopté à titre préventif afin de contenir la grève nationale du 14 septembre 1977. Tout en observant le caractère contradictoire des versions des événements données par les plaignants et le gouvernement, le comité avait relevé la sévérité des méthodes utilisées en réponse à une grève de 24 heures, qui semblait avoir été en grande partie l'expression d'un malaise de beaucoup de travailleurs puisqu'elle était organisée par toutes les grandes tendances du mouvement syndical colombien. Le comité avait estimé que, si aucune mesure n'était prise, les suites de cette grève risquaient de détériorer pour longtemps le climat des relations professionnelles dans le pays.
  3. 132. A propos de la mort de syndicalistes, le gouvernement avait déclaré que l'ouverture d'une enquête n'était pas de la compétence du ministère du Travail, mais incombait aux tribunaux. Le comité avait expliqué qu'il ne voulait en aucune manière mettre en cause les prérogatives du pouvoir judiciaire dans ce domaine; il estimait, au contraire, qu'une procédure légale régulière, menée par les tribunaux compétents, permettrait d'éclaircir les faits et de déterminer en pleine objectivité et indépendance les responsabilités.
  4. 133. D'autre part, signalait le gouvernement, un nombre réduit d'autorisations de licenciements avaient été accordées à la suite de la grève générale du 14 septembre 1977. Le comité avait toutefois observé sur ce point que des plaignants avaient fait état de plusieurs centaines de licenciements de travailleurs et syndicalistes et qu'en particulier la CISL s'était référée, en indiquant le nom des entreprises ou des syndicats concernés, dans une annexe à sa plainte, à quelque 380 mesures de ce type. Le comité avait estimé, se référant à d'autres cas, que des licenciements survenus à la suite de grèves comportaient de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Il avait considéré aussi que le développement des relations professionnelles pourrait être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs de sanctions trop sévères pour faits de grève. Eu égard à ces considérations, le comité avait été d'avis qu'il serait particulièrement utile que le gouvernement prenne des mesures en vue de favoriser la réintégration des travailleurs licenciés.
  5. 134. Le gouvernement avait encore déclaré que le retrait de la personnalité juridique était une prérogative réservée à la justice du travail ordinaire. Le comité avait en effet constaté que la sanction la plus grave (prévue par le code du travail en son article 380) qui peut être imposée à un syndicat pour violation des dispositions du code est le retrait de la personnalité juridique et la dissolution du syndicat; cette dernière mesure est prise par les tribunaux du travail à la requête du ministère du Travail. Cependant, le comité relevait également que le ministère peut décider, dans le cas d'une grève déclarée illégale, de suspendre jusqu'à six mois la personnalité juridique d'un syndicat, et même de le dissoudre (article 450). Dans ces conditions, le comité avait rappelé l'importance de la norme contenue à l'article 4 de la convention no 87; selon celle-ci, les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à suspension ou dissolution par la voie administrative. Pour que ce principe puisse être appliqué convenablement, il ne suffit d'ailleurs pas que la législation prévoie un droit d'appel contre les décisions administratives, mais que ces dernières ne puissent prendre effet qu'une fois écoulé le délai légal sans qu'un appel ait été interjeté ou lorsque ces décisions ont été confirmées par l'autorité judiciaire. Il convient aussi que les juges puissent connaître le fond de la question dont ils sont saisis.
  6. 135. Ces principes revêtent, ajoutait le comité, une importance toute particulière dans le cas de la Colombie dans la mesure où, aux termes de l'article 372 du code du travail, aucun syndicat ne peut fonctionner en tant que tel, ni exercer les fonctions que la loi et ses statuts lui attribuent et les droits qui lui incombent, tant qu'il n'a pas bénéficié de la reconnaissance de sa personnalité juridique. De plus, il ne peut fonctionner que pendant la validité de cette reconnaissance. De ce fait, une mesure de suspension de la personnalité juridique d'un syndicat entraîne pour ce dernier l'impossibilité de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres. Compte tenu de ces considérations, le comité estimait qu'il serait très souhaitable que le gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de mettre la législation en conformité avec les principes exposés ci-dessus.
  7. 136. Le gouvernement n'avait pas communiqué ses observations sur l'arrestation de syndicalistes. A cet égard, le comité avait exprimé sa préoccupation au sujet du caractère sommaire de la procédure prévue par le décret no 2004 précité. La présentation rapide de personnes ayant des activités syndicales devant le juge compétent constitue, poursuivait le comité, l'une des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir plus réellement l'exercice des droits syndicaux.
  8. 137. Dans ces conditions, le Conseil d'administration avait, en novembre 1978, décidé sur recommandation du comité:
    • a) au sujet de la mort de syndicalistes, de signaler à l'attention du gouvernement la nécessité de mener à bien des enquêtes, dans de tels cas, en vue d'éclaircir les faits et de déterminer les responsabilités;
    • b) au sujet des mesures de licenciement, de signaler à l'attention du gouvernement les principes et considérations rappelés ci-dessus et de lui suggérer de prendre les mesures qui seraient nécessaires en vue de favoriser la réintégration des travailleurs licenciés;
    • c) au sujet de la suspension de la personnalité juridique de plusieurs syndicats ou de leur dissolution, de demander au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de mettre la législation en pleine conformité avec l'article 4 de la convention no 87 selon lequel les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à suspension par voie administrative, ainsi que de réexaminer la situation des syndicats dissous à l'occasion de la grève générale du 14 septembre 1977;
    • d) au sujet des arrestations de travailleurs et de syndicalistes, d'exprimer sa préoccupation quant au caractère sommaire de la procédure prévue par le décret no 2004 et de prier le gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle des personnes arrêtées lors de la grève générale du 14 septembre 1977.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 138. Le gouvernement a répondu par des lettres des 10 et 17 janvier 1979. Il indique à propos des enquêtes sur la mort des personnes que celles-ci sont du ressort des autorités judiciaires et que le gouvernement n'a pas accès aux dossiers d'instruction. Néanmoins, poursuit le gouvernement, il est impossible de soutenir, sur la base des informations disponibles, que parmi les personnes mortes le 14 septembre 1977 se trouvaient des syndicalistes: la liste des 14 personnes mortes ce jour-là (communiquée par le gouvernement) ne comprend, selon lui, le nom d'aucun dirigeant syndical ni d'aucune personne qui serait membre d'une organisation syndicale.
  2. 139. Le gouvernement signale, d'autre part, qu'il n'est pas averti officiellement des licenciements de travailleurs sauf quand une autorisation administrative est requise, ce qui est peu fréquent. Le décret no 2004, pris sur la base du régime de l'état de siège, prévoit comme juste cause de cessation du contrat de travail, l'application de sanctions conformément à ce décret ou la participation à des arrêts de travail prévus dans celui-ci. Des licenciements ont ainsi été opérés dont le gouvernement, poursuit celui-ci, n'a pas eu officiellement connaissance. Une enquête réalisée (et qui est inévitablement limitée) indique que le nombre des renvois n'a pas été important. Le ministère du Travail n'est pas compétent pour ordonner la réintégration des travailleurs renvoyés; c'est aux tribunaux que reviennent ces attributions et les organisations syndicales sont dans l'attente de jugements à cet effet. De nombreuses décisions de réintégrations, ajoute-t-il, ont déjà été rendues par différents juges.
  3. 140. Le gouvernement précise que le ministère du Travail n'a décrété la dissolution d'aucun syndicat. La suspension provisoire (par voie administrative), prévue à l'article 450 du code du travail, des organisations de travailleurs dans le cas d'une grève déclarée illégale peut aller jusqu'à six mois. Des mesures de ce type ont été prises, ajoute-t-il, mais ces sanctions n'ont pas dépassé deux mois et tous les syndicats intéressés, sans exception, ont recouvré la plénitude de leurs droits. Le gouvernement a présenté au congrès, ajoute-t-il, un projet de loi octroyant des pouvoirs extraordinaires pour réviser la législation du travail en vigueur. Il se propose sur cette base de faire part aux commissions d'études qui seront constituées de la recommandation portant sur l'harmonisation de la législation interne avec l'article 4 de la convention no 87. Le gouvernement adoptera une décision définitive après avoir entendu l'avis des travailleurs, des employeurs, des juristes et des parlementaires qui feront partie de ces commissions.
  4. 141. Il n'a pas été établi, indique encore le gouvernement, que les normes du décret no 2004 aient été appliquées à des dirigeants syndicaux ou à des membres connus de leurs organisations. En outre, les peines qui ont été appliquées sur la base de ce décret à différentes personnes pour des raisons tenant à l'ordre public ont déjà été purgées puisque la sanction la plus lourde ne dépassait pas 180 jours de prison. Il n'y a plus aucune personne détenue actuellement à la suite des événements du 14 septembre 1977.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 142. Le comité note les nouvelles informations communiquées par le gouvernement dans cette affaire. Il prend acte en particulier de sa déclaration selon laquelle aucun syndicaliste ne figurait parmi les personnes mortes le 14 septembre 1977, ni parmi les personnes punies de prison sur la base du décret no 2004; de toute manière, personne ne se trouve plus en prison sur la base de ce décret.
  2. 143. Le comité note aussi la déclaration du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail n'a décrété la dissolution d'aucun syndicat; quant aux mesures de suspension, elles ont pris fin. De plus, le gouvernement se propose de faire part à une commission des recommandations du comité sur l'harmonisation de la législation avec l'article 4 de la convention no 87. Le comité a déjà exposé précédemment, comme il le rappelle aux paragraphes 134 et 135 ci-dessus, certains principes et considérations au sujet de cet aspect du cas. Il examine à nouveau cette question, dans le présent rapport, à propos des cas nos 871 et 907 relatifs également 8 la Colombie.
  3. 144. Pour ce qui est des licenciements intervenus, le comité relève que le décret no 2004 du 25 août 1977 autorise le congédiement de travailleurs pour faits de grève tant que durera l'état de siège. Le comité estime que cette disposition, qui s'impose aux tribunaux, comporte de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Il note cependant que, selon le gouvernement, de nombreuses décisions judiciaires de réintégration sont déjà intervenues et que le nombre de licenciements sur la base de ce décret n'est pas important. Il estime utile d'être tenu informé de l'évolution de la situation à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 145. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des déclarations du gouvernement selon lesquelles aucun syndicaliste ne figurait parmi les personnes mortes au cours des événements de septembre 1977 évoqués dans ce cas, ni parmi les personnes punies de prison, lesquelles d'ailleurs se trouvent toutes en liberté;
    • b) de prendre note des informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles tous les syndicats qui avaient fait l'objet d'une suspension de la personnalité juridique ont recouvré la plénitude de leurs droits;
    • c) de noter aussi que de nombreux travailleurs licenciés ont été réintégrés à la suite de décisions judiciaires et de prier le gouvernement de tenir le comité informé de tout nouveau développement à cet égard.
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