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- 272. Les plaintes de la Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT) et de la Confédération mondiale du travail figurent dans deux lettres en date respectivement du 7 juillet et du 23 juillet 1976. La CLAT a envoyé des informations complémentaires dans des communications des 9 juillet 1976 et 15 juillet 1977. La CMT a également fait parvenir des renseignements supplémentaires dans une lettre du 5 août 1977.
- 273. Le gouvernement a communiqué certaines observations par une lettre du 21 août 1976. Comme la procédure y autorise le Bureau et sans entrer pour autant dans le fond de la question, le Directeur général a estimé que cette lettre ne contenait pas d'informations suffisantes pour permettre au comité d'apprécier l'affaire et il a, au nom du comité, écrit directement au gouvernement pour lui signaler qu'il serait souhaitable qu'il apporte des éléments d'information plus précis sur les points soulevés par les plaignants. Ces informations faisant toujours défaut en dépit de demandes répétées, le comité, en mai 1977, a adressé au gouvernement un appel afin qu'il transmette d'urgence les renseignements sollicités. Ce dernier a répondu par une lettre du 30 septembre 1977.
- 274. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 275. La CLAT, agissant au nom de son organisation affiliée, la Centrale nationale des travailleurs urbains (CNTU), a déclaré, dans ses communications de juillet 1976, que les dirigeants syndicaux liés à la CLAT ainsi que le mouvement paysan sont en butte à des attaques et à des persécutions. Elle mentionne en particulier les noms des dirigeants suivants qui, selon elle, ont été arrêtés et torturés au début du mois de mai 1976:
- - Emigdio Colman Nuñez, secrétaire général de la CNTU, arrêté avec son fils âgé de 12 ans;
- - Oscar Vicente Rodas, dirigeant du secteur urbain, menuisier, arrêté avec sa fille de 16 ans et son fils de 18 ans;
- - Julian Flor, José Ojeda, José Parra, Fretez et d'autres dirigeants du mouvement paysan.
- Le plaignant signale aussi la fermeture de l'Institut populaire Jean Y%III, créé par la Centrale chrétienne des travailleurs - devenue aujourd'hui la CNTU - en faveur de la jeunesse du pays.
- 276. La CLAT décrit également les incidents survenus à la même époque, dans la ville de Pedro Juan Caballero, à l'encontre de dirigeants syndicaux: Marcos Acosta et Luis Oscar Rolón ont été arrêtés et conduits à la délégation gouvernementale où ils restèrent 15 jours; Severo Delgado, militant du secteur paysan, fut recherché et sa maison l'objet d'une perquisition; il pût s'échapper au Brésil avec d'autres personnes. La CLAT estime que le mouvement syndical d'inspiration chrétienne fait l'objet d'une véritable persécution au Paraguay. Elle affirme également que la torture est pratiquée sans scrupule.
- 277. La CMT se réfère également, dans sa lettre du 23 juillet 1976, à l'arrestation les 4 et 5 mai 1976 de plusieurs des personnes citées par la CLAT. Elle souligne la violence de la répression qui s'abat sur les syndicalistes, principalement sur les dirigeants et militants paysans. Elle estime que l'accrochage survenu en avril 1976 entre les forces armées et un groupe de guérilleros a servi de prétexte pour s'attaquer à toute organisation qui oeuvre en vue d'une réforme sociale et de l'amélioration du sort misérable des paysans.
- 278. La CLAT ajoute dans sa lettre du 15 juillet 1977, en déclarant agir au nom des ligues agraires chrétiennes du Paraguay, que le dirigeant syndical paysan Martino Rolón Centurión a disparu mystérieusement le 4 avril 1976, arrêté sans doute par la garde nationale. Le plaignant croit savoir que l'intéressé est vivant et détenu dans une caserne de la garde nationale; il serait soumis à des tortures. Il n'a jamais été accusé d'un délit quelconque, ni jugé, ni condamné. La communication de la CMT en date du 5 août 1977 porte sur les mêmes faits. Elle précise que l'intéressé fut blessé le jour de son arrestation en cherchant à défendre son foyer. Il se trouve au secret et dans un état pitoyable. La CMT signale encore que les trois frères de Martino Rolón Centurión sont également détenus: Domingo au département des investigations (ou se trouvent des chambres de torture), Melchor et Santiago, détenus au pénitencier d'Emboscada et poursuivis devant les tribunaux.
- 279. Dans sa première communication, en date du 21 août 1976, le gouvernement déclarait que le ministère de la Justice et du Travail a toujours protégé les droits de tous les travailleurs et que le gouvernement accepte le dialogue avec les syndicats légalement établis, qui jouissent de garanties, conformément à sa politique économique et sociale. Le droit d'association est reconnu dans la Constitution nationale, mais son exercice doit être réglementé par des normes administratives afin de ne pas porter préjudice à la communauté nationale. Les syndicats cités par les plaignants, poursuivait le gouvernement, sont totalement inconnus au ministère où les organisations légalement reconnues se font enregistrer. Celles-ci seraient fondées à porter plainte auprès d'organismes internationaux si l'existence de violation de leurs droits était démontrée. Les déclarations d'organisations illégales comme dans le cas présent - parce qu'elles ne sont pas reconnues et ne l'ont d'ailleurs jamais demandé - sont de pures inventions présentées dans le seul but de donner une fausse image de la réalité nationale, en obéissant à des intérêts mesquins contraires aux intérêts généraux de la nation. A aucun moment, ajoutait le gouvernement, il n'a été porté atteinte à la liberté syndicale; les véritables dirigeants syndicaux, anciens et actuels, n'ont jamais été gênés dans l'exercice de leurs fonctions; quant aux autres, le gouvernement déclarait ne pas connaître leur sort et rejetait les allégations présentées: ceux qui agissent en connaissance de cause dans le domaine du travail à l'intérieur du cadre établi par la constitution et les lois nationales n'ont jamais fait état de difficultés que ce soit à l'intérieur ou en dehors de leurs syndicats.
- 280. Le gouvernement précise, dans sa lettre du 30 septembre 1977, que MM. Emigdio Colman Nuñez, Julian Flor Lugo et Oscar Vicente Rodas ont été arrêtés pour leur participation supposée à des activités subversives; tous trois ont retrouvé leur liberté, les deux premiers en 1976, le dernier en mars 1977. Quant à MM. José Gill Ojeda Falkan, José Parra Gaona et Pedro Fretez, ils restent incarcérés à la prison d'Emboscada, à la disposition de la justice ordinaire, et sont accusés d'avoir enfreint la loi no 209 sur la défense de la paix publique et de la liberté des personnes. Ces faits, poursuit le gouvernement, démontrent clairement que ces personnes ne font partie d'aucune organisation syndicale ou similaire opérant légalement au Paraguay.
- 281. Quant à la fermeture de l'Institut Jean XXIII, déclare le gouvernement, elle fut décidée par le ministère compétent parce que ses responsables n'avaient pas respecté les obligations légales prescrites pour le fonctionnement des institutions d'enseignement moyen. La décision est fondée sur l'article 106 c) du décret no 17.092 du 18 février 1943 qui exige un minimum de 20 élèves par cours pour le fonctionnement d'un établissement, obligation que ne pouvait remplir l'institut fermé; la décision a été communiquée le 2 février 1976. En conclusion, le gouvernement réaffirme que la liberté syndicale règne dans le pays.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 282. Avant d'examiner les allégations spécifiques, le comité désire rappeler que, pour apprécier le caractère professionnel d'une organisation, il ne s'est jamais estimé lié par une définition nationale en ce domaine; il a déclaré, par exemple, que l'absence du dépôt des statuts, qui peut être imposé au syndicat par la législation, ne constituait pas une raison suffisante pour déclarer une plainte non recevable, étant donné que les principes de la liberté syndicale exigent justement que les travailleurs puissent, sans autorisation préalable, constituer les organisations de leur choix pour promouvoir et défendre leurs intérêts. En l'espèce, l'absence d'une reconnaissance officielle des organisations nationales de travailleurs citées, ne peut justifier le rejet des allégations - qui sont d'ailleurs présentées par la CLAT et par la CMT - car il ressort des plaintes que ces organisations ont pour le moins une existence de fait.
- 283. Le comité note, d'autre part, les informations communiquées par le gouvernement sur le fond de l'affaire. Ce dernier n'a toutefois pas transmis de renseignements sur les motifs de l'arrestation de Marcos Acosta et de Luis Oscar Rolón, sur les mesures prises à l'égard de Severo Delgado ainsi que sur la situation de Martino Rolón Centurión et de ses frères. Il n'a pas non plus communiqué ses observations en réponse aux allégations selon lesquelles plusieurs syndicalistes cités par les plaignants auraient subi de mauvais traitements.
- 284. En ce qui concerne l'Institut Jean XXIII, les plaignants n'ont pas apporté la preuve que la fermeture de cet établissement d'enseignement moyen, comme le précise le gouvernement, constituait une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
- 285. Si le comité note, par ailleurs, la libération d'Emigdio Colman Nuñez, Julian Flor Lugo et Oscar Vicente Rodas ainsi que de Marcos Acosta et Luis Oscar Rolón, il tient néanmoins à signaler, comme il l'a fait à maintes reprises dans le passée, que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est retenu, peut entraîner des restrictions à la liberté syndicale; le gouvernement intéressé devrait prendre des dispositions afin que les responsables reçoivent des instructions appropriées pour prévenir les risques que comportent les mesures d'arrestation pour les activités syndicales.
- 286. Quant à José Gill Ojeda Falkan, José Parra Gaona et Pedro Fretez, qui restent détenus à la disposition des tribunaux, le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur les faits précis qui ont conduit à leur arrestation. A cet égard, il convient de rappeler, comme le comité l'a déjà fait notamment dans d'autres cas relatifs au Paraguay que, si des plaignants allèguent que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux ont été arrêtés pour leurs activités syndicales et si le gouvernement intéressé se borne à nier semblables allégations ou à indiquer que ces arrestations ont été opérées en raison d'activités subversives, pour des motifs de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s'est fait une règle de demander au gouvernement des renseignements aussi précis que possible sur les arrestations et sur leur motif; il a demandé, en particulier, des informations sur les actions judiciaires entreprises et leurs résultats pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 287. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration:
- a) de décider, pour les raisons exprimées au paragraphe 284, que les allégations relatives à la fermeture de l'Institut Jean XXIII ne méritent pas un examen plus approfondi;
- b) de noter avec intérêt la libération de Emigdio Colman Nuñez, Julian Flor Lugo et Oscar Vicente Rodas ainsi que de Marcos Acosta et de Luis Oscar Rolón, mais de rappeler que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est retenu peut entraîner de graves restrictions à la liberté syndicale;
- c) de prier le gouvernement, pour les raisons exposées au paragraphe 286, de fournir des informations détaillées sur les faits spécifiques reprochés à José Gill Ojeda Falkan, José Parra Gaona et Pedro Fretez et de communiquer, dès qu'ils seront prononcés, le texte des jugements rendus à l'égard de ces personnes avec leurs attendus;
- d) de prier le gouvernement de fournir également des informations sur la situation et les faits précis reprochés à Severo Delgado et Martino Rolón Centurión, ainsi qu'aux frères de ce dernier, d'indiquer si des poursuites judiciaires ont été engagées contre eux et, dans l'affirmative, de communiquer le texte des jugements prononcés avec leurs attendus;
- e) de demander au gouvernement de faire parvenir ses observations en réponse aux allégations concernant les mauvais traitements dont plusieurs détenus auraient été victimes et,
- f) de noter ce rapport intérimaire.