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- 90. Le comité a déjà examiné ce cas en mai 1975 et a présenté, à cette occasion, un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 185 à 200 de son 151e rapport. Le Conseil d'administration a approuvé ce rapport à sa 196e session (mai 1975).
- 91. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives au retrait de la personnalité syndicale de la FGB
A. Allégations relatives au retrait de la personnalité syndicale de la FGB
- 92. Le plaignant indiquait que la FGB s'était vu retirer la personnalité syndicale et faisait l'objet d'une intervention des autorités parce qu'elle n'avait pas voulu se soumettre au "pacte social" intervenu entre le gouvernement et les associations d'employeurs. Ce pacte aurait établi, sous une forme unilatérale, un gel des salaires pour une période indéterminée, alors que les prix des produits de première nécessité montaient jour après jour, sans aucun contrôle réel et efficace, faisant baisser sensiblement le pouvoir d'achat des travailleurs. Le plaignant ajoutait que le gouvernement s'apprêtait à livrer les biens syndicaux à un groupe irresponsable, dirigé par des personnes qui avaient été écartées par l'organisation en raison de graves fautes syndicales.
- 93. Selon le gouvernement, le retrait, par une résolution du ministère du Travail, de la personnalité syndicale de la FGB était dû, d'une part, à l'utilisation par celle-ci de l'action directe contrairement à un acte d'engagement national, acte revêtu de la force légale et, d'autre part, à des irrégularités dans la gestion financière de l'organisation. Le gouvernement précisait que le syndicat intéressé avait introduit un recours devant la Chambre d'appel du travail qui avait confirmé la décision administrative dans un jugement du 19 décembre 1974.
- 94. Dans son 151e rapport, le comité avait rappelé qu'en Argentine le retrait de la personnalité syndicale n'implique pas la dissolution de l'organisation professionnelle frappée par cette mesure. Toutefois, du point de vue syndical, le rôle imparti aux organisations sans personnalité syndicale est extrêmement limité et la distinction opérée par la loi entre les organisations jouissant de cette qualité et les organisations ordinaires se traduit, pour ces dernières, par une impossibilité de défendre les intérêts professionnels de leurs membres. Le comité avait estimé que les organisations dépourvues de la personnalité syndicale n'ont pas le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d'action.
- 95. Le comité avait considéré en premier lieu que, si les autorités avaient constaté, dans la gestion financière de l'organisation, des irrégularités qui pouvaient nuire au patrimoine social, elles auraient dû, plutôt que d'adopter une mesure qui revient à priver le syndicat de toute possibilité d'action, poursuivre en justice, sur la base de ces irrégularités, les personnes qui en étaient responsables.
- 96. Quant à l'acte d'engagement national, il s'agissait d'un accord conclu entre le gouvernement central, la Confédération générale du travail et la Confédération générale économique qui, entre autres dispositions, apportait certaines restrictions à la négociation collective. Par un décret no 901 du 24 décembre 1973, les conventions collectives en vigueur étaient prorogées durant la durée de validité de l'acte précité, c'est-à-dire jusqu'au mois de juin 1975. A partir de ce moment, les conventions collectives qui auraient été conclues devaient produire leurs effets. Le comité avait signalé qu'il admet qu'un gouvernement, estimant que la situation économique du pays appelle à un certain moment des mesures de stabilisation, restreigne pendant une période raisonnable et à titre exceptionnel la libre négociation collective des salaires, si ces mesures sont limitées à l'indispensable et s'accompagnent de garanties adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs. En l'espèce, la FGB n'avait pas respecté les restrictions temporaires et le recours qu'elle avait introduit en justice contre le retrait de sa personnalité syndicale avait été rejeté. Il restait cependant qu'un tel retrait pouvait aboutir à priver les travailleurs des arts graphiques de toute organisation syndicale représentative et le comité avait recommandé au Conseil d'administration, en raison des conséquences de cette mesure, de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité de réexaminer sa décision.
- 97. Dans sa dernière communication, en date du 30 octobre 1975, le gouvernement rappelle que l'annulation de la personnalité syndicale de la FGB était fondée sur l'article 42, 2), a), de la loi no 20.615 relative aux associations professionnelles de travailleurs, en raison de la violation de certaines dispositions des statuts de cette organisation et que cette mesure avait été confirmée par la Chambre nationale d'appel du travail. Il indique que les actes des représentants légaux d'une personne juridique engagent cette dernière et que la sanction prise contre l'association n'exclut pas les poursuites individuelles.
- 98. Le gouvernement signale que les intérêts professionnels dans cette branche d'activité n'ont pas eu à souffrir de la mesure prise puisque la représentation et la défense des travailleurs des arts graphiques ont été assurées par le Syndicat graphique argentin qui constitue, par le nombre de ses affiliés cotisants, le syndicat le plus représentatif, et qui a obtenu la personnalité juridique par la résolution du ministre du Travail no 571 du 12 décembre 1974. Le gouvernement précise que, tant par son objet que par les personnes et les intérêts qu'elle couvre statutairement, l'organisation précitée assure une continuité légale et de fait dans la défense et la représentation des travailleurs intéressés. Des élections libres y ont été organisées et ce syndicat a conclu une nouvelle convention collective de travail qui est actuellement en vigueur.
- 99. Le comité prend note de ces informations communiquées par le gouvernement.
- Allégations relatives à l'arrestation de M. Ongaro
- 100. Le plaignant alléguait également que Raimundo José Ongaro, dirigeant du syndicat graphique, avait été arrêté le 30 octobre 1974, en même temps qu'Alicia Fondevilla, Margarita González et Enriqueta Castro, dirigeants comme lui de la FGB et de la Fédération argentine des travailleurs des arts graphiques.
- 101. Le gouvernement indiquait qu'il avait dû, dans le cadre de la Constitution et de la législation, proclamer l'état de siège dans tout le pays, par le décret no 1368 du 6 novembre 1974, en raison des circonstances auxquelles il devait faire face et suspendre, par conséquent, les garanties individuelles reconnues par la Constitution, dans les limites prévues par celle-ci. M. Ongaro et les trois autres dirigeantes syndicales, poursuivait le gouvernement, avaient été arrêtés et poursuivis pour infraction à l'article 189 bis du Code pénal qui réprime la détention d'armes de guerre ou de munitions. Le comité avait noté que, selon certaines informations parues dans la presse argentine, M. Ongaro et les autres dirigeants auraient bénéficié d'un non-lieu. D'après le gouvernement, toutefois, M. Ongaro avait été mis par la suite à la disposition du pouvoir exécutif national en raison de ses manifestations non équivoques, tendant à créer des perturbations, et attentatoires au programme de reconstruction nationale.
- 102. En mai 1975, le comité s'était abstenu, comme par le passé, de se prononcer sur l'aspect politique de l'état de siège, mais il avait insisté pour que les détentions survenues pendant cette période s'accompagnent de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables et pour que tout détenu bénéficie de la protection d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. Il avait recommandé au Conseil d'administration de rappeler les principes énoncés ci-dessus et de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer, à la lumière de ceux-ci, des informations détaillées sur la situation de M. Ongaro.
- 103. Dans sa réponse, le gouvernement signale que M. Raimundo Ongaro était mis à la disposition du pouvoir exécutif national en vertu du décret no 1810 du 9 décembre 1974, pris à la suite de la proclamation de l'état de siège. Les tribunaux, ajoute-t-il, ont déclaré que l'article 23 de la Constitution nationale reconnaît au pouvoir exécutif la faculté d'arrêter et de déplacer des personnes pendant l'état de siège sans que le pouvoir judiciaire puisse ou doive connaître des circonstances et de la raison des mesures prises dans le cadre de ces attributions. Néanmoins, poursuit le gouvernement, M. Ongaro a fait usage du droit qui lui est octroyé par le même article 23 de la Constitution d'opter pour l'exil et est parti pour Lima le 28 août 1975.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 104. Comme le comité l'a déjà signalé dans un autre cas concernant le même pays, ce qui l'intéresse n'est pas de savoir si les mesures prises sont légales selon la loi argentine, mais si les pouvoirs juridiques conférés au gouvernement argentin ont été ou non exercés d'une manière compatible avec la liberté syndicale. Le comité a souligné l'importance du respect des garanties légales lorsque des syndicalistes sont inculpés de délits politiques ou de délits visés par la législation ordinaire. Le respect de ces garanties légales ne semble pas assuré si, en vertu de la législation nationale, l'état de siège a pour conséquence qu'un tribunal ne peut procéder et ne procède effectivement pas à un examen de l'affaire quant au fond. Le comité a aussi estimé qu'accorder la liberté à un syndicaliste à condition qu'il quitte le pays ne peut être considéré comme compatible avec le libre exercice des droits syndicaux. Compte tenu de ces circonstances, le comité estime qu'il serait souhaitable que le gouvernement reconsidère le cas de M. Ongaro.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 105. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter, au sujet des allégations relatives au retrait de la personnalité syndicale de la FGB, les informations communiquées par le gouvernement;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement, au sujet de la détention de M. Ongaro, sur les considérations et principes énoncés au paragraphe 104 ci-dessus, notamment sur la possibilité de réexaminer le cas de ce dirigeant, et de souligner en particulier qu'aucun syndicaliste ne devrait être maintenu en prison ou privé de sa liberté de mouvement sans avoir été déféré devant les tribunaux dans les meilleurs délais.