ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Visualizar en: Inglés - Español

  1. 504. Les plaintes faisant l'objet du présent cas sont contenues dans diverses communications envoyées directement à l'O.I.T par la Confédération latino-américaine des syndicats chrétiens (C.L.A.S.C.) le 12 juin 1967, par la Fédération syndicale mondiale (F.S.M.) le 24 juillet 1967 et par la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) le 28 juillet 1967. Dans une communication du 16 août 1967, la C.L.A.S.C a formulé de nouvelles allégations. Toutes ces communications ont été portées à la connaissance du gouvernement.
  2. 505. Dans une communication en date du 18 juillet 1967, le secrétariat du Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique latine a formulé des allégations au sujet des faits dénoncés par les organisations mentionnées au paragraphe précédent. Par une lettre en date du 25 juillet 1967, le Directeur général a prié le secrétariat en question de lui faire savoir si le Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine possède des affiliés en Bolivie. Malgré le temps qui s'est écoulé depuis lors, cette lettre est demeurée sans réponse.
  3. 506. Dans une communication en date du 25 septembre 1967, le gouvernement a fait tenir ses observations au sujet des plaintes dont le texte lui avait été communiqué.
  4. 507. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais non la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 508. Dans sa communication en date du 12 juin 1967, la C.L.A.S.C demande au B.I.T d'intervenir pour obtenir la libération du dirigeant mineur Waldo Tarqui et d'autres dirigeants syndicaux qui seraient incarcérés. Dans sa communication du 16 août 1967, la C.L.A.S.C déclare que MM. Waldo Tarqui (du syndicat des mineurs de San José), Constancio Apaza et René Cumgoza (dirigeants syndicaux du district de Catavi) sont internés dans un camp de concentration et que M. René Chacón (dirigeant syndical du district de Siglo XX), qui a été arrêté avec les précédents le 24 juin, a été obligé par la suite de quitter le pays.
  2. 509. Dans les communications qu'elles ont adressées au B.I.T le 24 juillet, le 28 juillet et le 16 août, respectivement, la F.S.M, la C.I.S.C et la C.L.A.S.C déclarent toutes trois que les forces militaires déchaînèrent une attaque contre les travailleurs des mines en juin 1967. Selon la C.I.S.C, le 24 juin, alors qu'un groupe de ces travailleurs attendaient le début d'une réunion de travailleurs, en compagnie de leurs femmes et de leurs enfants, des forces de l'armée les surprirent et tirèrent contre eux en faisant de nombreux morts. C'est alors que M. Tarqui, un des chefs de l'Action syndicale bolivienne, aurait été fait prisonnier. Selon la F.S.M, les personnes réunies étaient des grévistes, le nombre des morts s'élevant à vingt-deux et celui des blessés à soixante-seize le 24 juin, et celui des dirigeants syndicaux arrêtés, à soixante.
  3. 510. Les plaintes font aussi état de l'occupation par l'armée des locaux syndicaux et des émetteurs de radio des syndicats. La C.I.S.C affirme que, loin de s'améliorer, la situation des travailleurs de Bolivie semble s'aggraver par suite, notamment, des mesures répressives prises « par le gouvernement militaire ».
  4. 511. Dans sa communication en date du 25 septembre 1967, le gouvernement indique, « afin d'éviter que la vérité ne soit déformée », que devant certaines manifestations d'agitation, il s'est vu obligé de décréter l'état de siège dans les premiers jours de juin, ce qui a eu pour effet de suspendre les droits et les garanties individuels. Cette mesure préventive ne fut pas respectée dans les centres miniers de Huanuni, Catavi et Siglo XX où, au contraire, les activités subversives redoublèrent. Plusieurs districts miniers se seraient déclarés « territoires libres », conception erronée, selon le gouvernement, qui a provoqué des résistances à de nombreuses mesures d'ordre légal ainsi qu'à l'entrée des forces de l'ordre dans les secteurs miniers déclarés arbitrairement et illégalement libres.
  5. 512. La grève, poursuit le gouvernement, est également consacrée dans le pays comme un droit garanti par la Constitution. En revanche, la subversion méconnaît et détruit tout ordre légal, et c'est précisément ce qui s'est produit les 25 et 26 juin, lorsque les troupes, qui se bornaient à exécuter des ordres, se sont heurtées, en voulant pénétrer dans les localités minières, à des rebelles qui, « ouvrant le feu les premiers, ont causé des pertes dans les rangs des forces de l'ordre »; ainsi s'explique l'affrontement armé qui s'est produit et au cours duquel les troupes, « en état de légitime défense, ont repoussé la force par la force ». Le gouvernement ajoute que les décès si malheureusement provoqués ont été le résultat d'idées et d'objectifs bien étrangers aux intérêts syndicaux et que certaines des personnes détenues avaient cessé depuis longtemps de travailler dans les mines de Catavi, de Siglo XX et de Huanuni; par conséquent, elles ne pouvaient pas être considérées comme des syndiqués ou des dirigeants syndicaux.
  6. 513. Le gouvernement signale que les privilèges syndicaux ne sauraient protéger des activités tombant sous le coup de la loi pénale.
  7. 514. Il ajoute que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans l'exercice de ses attributions, ne néglige aucun effort pour défendre les droits légitimes de tous les travailleurs et, actuellement, s'efforce surtout d'intervenir en faveur du secteur minier, afin d'y améliorer les conditions de vie des travailleurs et la protection que leur confère la loi.
  8. 515. Le gouvernement repousse l'accusation de violation des droits syndicaux et des libertés démocratiques reconnus par les conventions syndicales qui est contenue dans les plaintes. Il proteste en outre contre les termes inadéquats employés dans les plaintes qui lui ont été communiquées.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 516. A cet égard, le Comité entend se borner à signaler, comme il l'a déjà fait en d'autres occasions, qu'eu égard au caractère judiciaire des cas qui lui sont confiés, les plaignants et les gouvernements doivent éviter d'user d'un langage destiné à envenimer plutôt qu'à élucider une controverse et qu'en répondant à une demande d'observations sur une plainte donnée, le gouvernement ne reconnaît pas, de ce fait, l'exactitude et encore moins la validité de la plainte, mais qu'il collabore simplement avec le Comité et le Conseil d'administration en rendant possible un examen impartial de la question.
  2. 517. Le Comité rappelle que, lors de l'examen d'un cas antérieur, no 456, relatif à la Bolivie x, il a été saisi d'allégations relatives à des faits semblables, qui s'étaient aussi produits dans des centres miniers boliviens en mai 1965. A cette occasion et sur la base des renseignements (fournis en partie par les plaignants eux-mêmes) dont il disposait - renseignements dont il se dégageait, notamment, que le mouvement de résistance armée qui accompagnait la grève avait indubitablement outrepassé les limites d'une action de grève - le Comité avait estimé que les mesures prises par le gouvernement pour étouffer cette résistance ne permettaient pas, dans le cas mentionné, d'alléguer une violation des droits syndicaux.
  3. 518. Dans le cas d'espèce et au sujet des graves événements qui, selon les plaignants et le gouvernement, se sont effectivement produits en juin 1967, le Comité constate que si, selon les plaignants, des travailleurs et des membres de leur famille ont été attaqués par des forces militaires alors qu'il se trouvaient réunis, selon le gouvernement, alors que l'état de siège avait été décrété et que, par conséquent, les garanties constitutionnelles étaient suspendues, les mineurs ont proclamé « territoires libres » certaines circonscriptions et ont opposé une résistance à l'entrée des forces de l'ordre, ouvrant le feu contre ces dernières.
  4. 519. La question formulée dans le présent cas ne semble donc pas avoir trait expressément à une grève, mais aux décès et aux arrestations qui auraient suivi l'intervention des forces armées.
  5. 520. Dans d'autres cas analogues, où il était allégué qu'en ouvrant le feu sur des grévistes la police avait fait des morts, le comité a souligné l'importance qu'il a toujours attachée - lorsque la dispersion de réunions publiques par la police pour des raisons d'ordre public ou des raisons similaires avait entraîné la perte de vies humaines - à ce qu'on procédât immédiatement à une enquête spéciale impartiale et approfondie et à ce qu'une procédure légale régulière fût suivie pour déterminer le bien-fondé de l'action prise par la police et les responsabilités.
  6. 521. D'autre part, le gouvernement n'a pas fait tenir d'observations précises au sujet de l'arrestation de quatre dirigeants syndicaux nommés dans les plaintes, en se bornant à déclarer que certaines des personnes détenues ne peuvent pas être considérées comme des syndiqués ou des dirigeants syndicaux, pour avoir cessé depuis longtemps de travailler dans les mines. Même si elle était établie, la circonstance signalée par le gouvernement n'impliquerait pas, à elle seule, que les personnes en question aient cessé d'être considérées comme des dirigeants syndicaux, si les travailleurs les avaient choisies en cette qualité. En effet, en examinant un cas antérieur, no 451 z, relatif à la Bolivie, le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que certaines dispositions légales - selon lesquelles les candidats à un poste de dirigeant syndical devaient faire partie du personnel de l'entreprise, la qualité de dirigeant syndical devenant automatiquement caduque si l'intéressé cesse de faire partie de l'entreprise - étaient incompatibles avec le droit d'élire librement leurs représentants garanti à tous les travailleurs par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Bolivie.
  7. 522. Par conséquent, le Comité estime nécessaire de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire tenir le plus rapidement possible des observations au sujet de l'arrestation de MM. Waldo Tarqui, Constancio Apaza, René Cumgoza et René Chacón, en indiquant notamment la situation actuelle de ces personnes au regard de la loi.
  8. 523. Enfin, le Comité constate que le gouvernement n'a pas non plus présenté d'observations au sujet des allégations selon lesquelles le gouvernement aurait occupé des locaux et anéanti des émetteurs de radio syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 524. Dans ces conditions et au sujet du cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prier le gouvernement de bien vouloir:
    • i) lui faire savoir s'il a été procédé à une enquête, suivie d'une procédure judiciaire régulière, pour déterminer la responsabilité des décès, signalés dans les plaintes, qui sont survenus pendant les événements de juin 1967 et, dans l'affirmative, lui faire connaître les résultats de cette enquête;
    • ii) communiquer des observations précises sur la détention des quatre dirigeants syndicaux nommés par les plaignants et sur la situation actuelle de ces personnes au regard de la loi;
    • iii) faire connaître ses observations au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 523 ci-dessus;
    • b) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations et des observations complémentaires demandées au gouvernement à l'alinéa a) du présent paragraphe.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer