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- 15. Les allégations formulées par l'Union ouvrière du Viet-Nam sont contenues dans trois communications datées des 14 mai, 1er juin et 12 juillet 1966. Le texte de ces communications ayant été transmis au gouvernement pour observations, celui-ci a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 4 janvier 1967.
- 16. Le Viet-Nam n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives au feu ouvert sur des travailleurs vietnamiens
A. Allégations relatives au feu ouvert sur des travailleurs vietnamiens
- 17. Les plaignants allèguent que le 10 mai 1966, à la suite d'un attentat à la bombe perpétré à proximité d'immeubles occupés par les militaires américains, la gendarmerie américaine aurait ouvert le feu sur la foule, faisant cinq morts et vingt et un blessés parmi les travailleurs se rendant à leur travail. Les plaignants ajoutent que, par une déclaration faite le 11 mai 1966, le représentant des Etats-Unis à Saïgon a reconnu la responsabilité des forces américaines en la circonstance.
- 18. Dans ses observations, le gouvernement déclare qu'une fusillade a effectivement éclaté immédiatement après un acte de sabotage vietcong dirigé contre les immeubles habités par les militaires américains. Il indique que la mission américaine a officiellement reconnu la part de responsabilité de la police militaire américaine dans la fusillade qui a suivi l'explosion et qu'une commission mixte vietnamo-américaine a accordé aux victimes des dédommagements fixés au mieux des intérêts des personnes blessées.
- 19. Il apparaît clairement que les incidents relatés plus haut, sur le déroulement desquels les plaignants et le gouvernement donnent des versions concordantes, n'ont pas de rapport avec l'exercice des droits syndicaux.
- 20. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à l'assassinat d'un travailleur vietnamien
- 21. Les plaignants allèguent que, le 6 mai 1966, un menuisier vietnamien aurait été tué à coups de carabine sur son chantier de travail à Cam-Rahn, où sont employés quatre mille travailleurs de la compagnie Raymond Morrison Knudsen. « La cause de ce crime - déclarent les plaignants - n'est pas éclairée, bien que l'employeur ait reconnu que le meurtre fut commis par un agent du service d'ordre américain. »
- 22. Au cours de la cérémonie d'inhumation, poursuivent les plaignants, à laquelle assistait l'inspecteur régional du travail, un représentant de l'employeur a remis au père de la victime une somme recueillie par souscription volontaire parmi les camarades de travail de cette dernière. Par contre, déclarent les plaignants, aucun dédommagement n'a été accordé par l'employeur et le meurtrier est demeuré impuni.
- 23. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'à la suite de discussions survenues entre un groupe de quarante-sept travailleurs du chantier de Cam-Rahn et le surveillant philippin du chantier au sujet du décompte des heures de travail effectuées, les travailleurs en question ont amorcé une grève perlée. Il en serait résulté une certaine agitation sur le chantier, ce qui aurait provoqué l'intervention de la sécurité américaine de l'aéroport, qui aurait dépêché trente agents sur place. Ceux-ci, déclare le gouvernement, ont fouillé les locaux et regroupé les travailleurs participant au mouvement afin de leur faire évacuer les lieux. C'est alors qu'un menuisier employé sur le chantier sortit en courant d'une salle de bains; un sergent lui intima l'ordre de s'arrêter, ordre qui ne fut sans doute pas entendu par l'intéressé. Après trois sommations, voyant sa mise en demeure non obéie et croyant à une fuite, le sergent tira, tuant le menuisier sur le coup.
- 24. Le gouvernement déclare qu'une enquête a été effectuée et qu'une délégation du ministère du Travail venue sur les lieux a pris l'affaire en main. La compagnie a versé aux ayants droit de la victime une indemnité conforme à la législation du travail vietnamienne et équivalant à treize mois du salaire de l'intéressé, indemnisation à laquelle est venue s'ajouter le fruit d'une collecte effectuée parmi les camarades de travail de la victime. Sur l'intervention des autorités vietnamiennes, les ayants droit de la victime ont pu bénéficier également de la priorité d'embauchage aux différents emplois réservés expressément pour eux par la compagnie.
- 25. Ici encore, pour regrettable qu'il soit, le décès de la personne intéressée semble bien avoir eu une cause exclusivement accidentelle et, de toute manière, n'avoir pas eu de rapport avec l'exercice des droits syndicaux.
- 26. Le Comité recommande en conséquence au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à des entraves à la liberté syndicale et à la violation du Code du travail par les employeurs étrangers au Viet-Nam
- 27. Les plaignants allèguent que les employeurs étrangers et, singulièrement, la compagnie Raymond Morrison Knudsen-Brown Rootes Jones (R.M.K.-B.R.J), refuseraient de se conformer à la législation vietnamienne du travail.
- 28. D'après les plaignants, les personnes désirant travailler pour la compagnie R.M.K.-B.R.J devraient payer à l'avance à ses agents de recrutement une somme allant de quinze jours à un mois de salaire; la durée hebdomadaire du travail serait de soixante-dix heures; les taux de salaire seraient fixés en tenant compte non seulement de la qualification professionnelle mais aussi de la nationalité des intéressés; les prestations familiales et l'assurance-maladie n'existeraient pas; les salariés recrutés localement ne jouiraient d'aucune garantie et pourraient être à tout moment congédiés sans préavis ni indemnité; le droit de présenter des revendications et de participer à des négociations collectives n'existerait pas, fait d'autant plus grave si l'on songe qu'étant donné la situation particulière du Viet-Nam du Sud, le droit de grève a été suspendu sine die; les ouvriers ou employés syndiqués ou soupçonnés d'avoir des relations avec les syndicats seraient menacés de perdre leur emploi; ils seraient en outre placés sous le contrôle d'un service spécial constitué et armé par la compagnie, qui chercherait à exclure toute activité syndicale ou autres agissements jugés défavorables aux intérêts de la compagnie; dans certaines bases stratégiques, enfin, les travailleurs ne pourraient sortir de l'enceinte des chantiers qu'avec l'autorisation des services de sécurité.
- 29. Sur ces allégations, le gouvernement présente les observations suivantes. Il existe au Viet-Nam deux cent dix-neuf entreprises étrangères, employant en tout 10 806 travailleurs étrangers et 116 492 travailleurs vietnamiens, parmi lesquelles vingt-huit entreprises américaines employant 50 200 travailleurs vietnamiens. Au nombre de ces dernières, la compagnie Raymond Morrison Knudsen, chargée d'exécuter les grands travaux de défense nationale pour le compte du commandement militaire, emploie à elle seule 43 636 travailleurs de toutes nationalités, dont 34 824 Vietnamiens dans quelque trente-trois chantiers de construction établis sur tout le pays.
- 30. Aux termes du Code du travail vietnamien, déclare le gouvernement, toute entreprise installée au Viet-Nam doit se soumettre aux lois et règlements vietnamiens. Périodiquement, poursuit le gouvernement, et en sus du contrôle du service local du travail, une délégation du ministère du Travail parcourt les différents chantiers de la compagnie pour s'enquérir des conditions de travail des travailleurs, contrôler l'application de la législation du travail, recueillir les plaintes et doléances des travailleurs, résoudre sur place les différends éventuels et communiquer à l'employeur toutes suggestions et recommandations utiles tendant à l'amélioration du bien-être des employés.
- 31. Dans chaque localité, poursuit le gouvernement, le recrutement du personnel vietnamien employé dans les firmes étrangères incombe au Comité provincial de sélection de la main-d'oeuvre, qui est présidé par le chef de province et composé de représentants de l'Inspection provinciale du travail, du ministère de l'Edification rurale, de la Sécurité militaire, de la Sécurité nationale, de l'administration régionale du lieu où est établi le chantier et de la direction de la firme intéressée. En plus, indique le gouvernement, dans le cas de la compagnie R.M.K.-B.R.J, il convient de signaler l'existence d'un communiqué conjoint signé le 7 septembre 1966 par le ministre du Travail et le directeur général de cette firme visant à assurer la protection de la persistance de la main-d'oeuvre vietnamienne et le remplacement progressif des travailleurs spécialisés étrangers par des travailleurs spécialisés vietnamiens réunissant les qualifications techniques équivalentes.
- 32. Le gouvernement déclare, en ce qui concerne les conditions de travail (notamment la durée du travail effectif de huit heures par jour, soit quarante-huit heures par semaine, avec la rémunération majorée de 50 pour cent pour les heures supplémentaires, les dimanches et les jours fériés), que l'hygiène et la sécurité du travail, les prestations familiales comme les autres formes de sécurité sociale, les firmes étrangères sont soumises au contrôle des inspecteurs du travail provinciaux. En ce qui concerne le licenciement des travailleurs, celui-ci doit être effectué conformément aux lois et règlements du travail.
- 33. Le gouvernement déclare ensuite que le barème des salaires appliqué par la compagnie R.M.K.-B.R.J. est « en tout point supérieur au taux du salaire minimum garanti fixé annuellement d'après les dispositions de l'article 110 du Code du travail ».
- 34. En ce qui concerne la représentation des ouvriers dans l'entreprise, indique le gouvernement, la compagnie a procédé à l'organisation des élections des délégués du personnel dans les chantiers où sont occupés habituellement plus de cinquante salariés; d'ores et déjà, les cinq chantiers les plus importants o t élu les délégués du personnel selon les procédures réglementaires.
- 35. Le gouvernement déclare ensuite que le décret-loi no 19, du 24 octobre 1964, a consacré le principe de la liberté syndicale et fixé le nouveau régime des syndicats professionnels. Le mouvement syndical du Viet-Nam s'est développé rapidement dans tous les secteurs de l'économie, le nombre des syndicats ayant passé de 531 en 1960 à 687 à fin novembre 1966 et groupant dans trois confédérations nationales quelque 600 000 travailleurs. Le gouvernement affirme que sa politique en ces matières consiste à favoriser le développement du mouvement syndical, à encourager la conclusion de conventions collectives et à intensifier le programme de formation des délégués du personnel et d'éducation ouvrière.
- 36. En ce qui concerne les formalités de contrôle des ouvriers au sein des chantiers, le gouvernement indique que ce contrôle, dans des établissements touchant à la défense nationale est, dans les circonstances actuelles, absolument normal; il n'est nullement vexatoire et ne porte atteinte en aucune manière à la dignité humaine.
- 37. Le Comité constate qu'aux allégations détaillées formulées par les plaignants le gouvernement oppose des explications circonstanciées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 38. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas et, par suite, le cas dans son ensemble, n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.