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Informe provisional - Informe núm. 84, 1965

Caso núm. 423 (Honduras) - Fecha de presentación de la queja:: 29-NOV-64 - Cerrado

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  1. 63. Les plaintes du Syndicat national des services publics du Honduras (SINASEPH) sont contenues dans la communication adressée le 29 novembre 1964 par ce syndicat, ainsi que dans les informations complémentaires envoyées en date du 13 janvier 1965. Celles-ci ayant été transmises au gouvernement, ce dernier a fait parvenir ses observations le 19 février 1965.
  2. 64. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 65. L'organisation plaignante a transmis, avec sa communication du 29 novembre 1964, copie d'une lettre adressée au ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, dans laquelle elle signalait que, conformément à l'article 534 du Code du travail, un groupe d'employés des services publics s'était constitué en syndicat le 16 août 1963. Après que ce groupe eut sollicité l'enregistrement de l'organisation et la reconnaissance de sa personnalité juridique, la Direction générale du travail conclut que les documents qui lui avaient été transmis étaient en ordre, à l'exception de quelques erreurs de rédaction qui s'étaient glissées dans les statuts. Toutefois, depuis la communication de cette décision, en date du 6 novembre 1963, et jusqu'à ce jour, les autorités n'ont pris aucune mesure pour l'enregistrement du syndicat, bien que l'article 483 du Code du travail prévoie un délai de trente jours pour cette formalité. D'autre part, le 25 octobre 1964 a eu lieu le premier congrès extraordinaire du SINASEPH, au cours duquel il fut décidé de créer le Comité d'action et des relations extérieures du syndicat, dont le professeur Amilcar Salinas Rivera fut élu secrétaire général. Quatre jours après cette élection, le professeur Salinas fut arrêté et injustement privé de son poste dans l'administration publique. Les plaignants estiment que les mesures prises contre le professeur Salinas Rivera sont en rapport avec son activité syndicale et ils signalent qu'à la même date Mlle Marina Barnica, qui avait joué un rôle éminent dans la création du syndicat, a été destituée de son poste de secrétaire de l'Inspection du travail.
  2. 66. A leur communication du 13 janvier 1965 les plaignants joignaient une lettre qu'ils avaient reçue du ministre du Travail, dans laquelle celui-ci répondait aux protestations qui lui avaient été adressées en raison des mesures prises contre M. Salinas Rivera et Mme Barnica et faisait savoir qu'il procéderait à l'enquête nécessaire. Selon les plaignants, il s'agissait dans ce cas d'une tentative faite pour éluder l'examen du problème conformément aux règles légales. L'organisation plaignante joignait également copie de la décision de la Direction générale du travail, précédemment mentionnée, ainsi que d'une lettre reçue du chef de cet organisme, lettre d'où il ressort que, puisque le syndicat était en voie de formation, le comité directeur de celui-ci se trouvait placé sous la protection spéciale de l'Etat, conformément aux dispositions du Code du travail.
  3. 67. Dans sa réponse du 19 février 1965, le gouvernement déclare que les fonctionnaires et employés de l'administration publique présentent un caractère particulier et qu'on ne peut donc pas les assimiler aux travailleurs du secteur privé. Les premiers n'ont pas de « relation de travail » avec l'Etat, car celui-ci n'est pas un patron, mais ils doivent bénéficier d'un régime spécial de « garanties », puisque leur relation avec l'Etat, définie par ce dernier, offre un caractère légal et réglementaire. Le gouvernement expose ensuite qu'il n'existe pas, actuellement, de fonction publique au Honduras et que, par conséquent, il n'y a pas de fonctionnaire ou employé de l'Etat jouissant du statut de fonctionnaire de la fonction publique; il y a seulement des employés de facto de l'Etat, qui ne bénéficient pas des garanties de jure. Par contre, ils bénéficient des droits reconnus par le Code du travail sous certaines conditions spéciales, et ils se verront bientôt appliquer la loi sur la fonction publique, qui sera promulguée très prochainement. Le Syndicat national des services publics du Honduras n'a pas la personnalité juridique, pour les raisons précédemment exposées, et de ce fait son existence est irrégulière et sans valeur à la fois sur le plan national et sur le plan international.
  4. 68. Quant aux prétendues violations de la liberté syndicale qu'auraient commises au Honduras les autorités à l'égard des membres du syndicat en question, le gouvernement déclare qu'il ne faut pas oublier que les activités de caractère purement politique, telles que la participation à des campagnes électorales, l'agitation, les actes de violence et de subversion, ne sont jamais, ni dans ce pays, ni sur le plan international, des activités licites auxquelles puissent se livrer les divers syndicats dûment constitués, et bien moins encore des groupes de facto comme le SINASEPH. Les seules mesures de sécurité et les seules sanctions légales adoptées par les autorités sont d'ordre individuel et il ne s'agit ni de mesures de caractère général, ni de mesures politiques dirigées contre un syndicat ou un groupe de personnes quelconque. Le gouvernement affirme pour terminer que M. Aristides Mejia Castro, qui signait en tant que président du SINASEPH la réclamation adressée en date du 29 novembre 1964, a cessé d'être fonctionnaire des services publics le 31 août 1964 en vertu d'une décision du secrétariat des Relations extérieures.
  5. 69. Le Comité note que, conformément à la législation en vigueur, les travailleurs des services publics ont le droit de constituer des syndicats. Mais, selon les explications fournies par le gouvernement, ce droit semble être suspendu, étant donné que les employés de l'Etat ne jouissent pas des garanties appropriées, puisqu'ils sont des employés « de fait » en l'absence d'une fonction publique régulière au Honduras. Ce n'est qu'avec l'entrée en vigueur de la loi sur la fonction publique que seront réglementées toutes les questions concernant les fonctionnaires et employés des services publics. C'est pour cela que l'organisation plaignante n'a pas pu obtenir la personnalité juridique, puisque son existence est illicite, selon les dires du gouvernement.
  6. 70. Le Comité a précisé à plus d'une reprise que le but de l'ensemble de la procédure instituée pour l'examen des allégations concernant des violations de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales de jure et de facto et que le droit des travailleurs de constituer librement des organisations de leur choix ne peut être considéré comme établi que s'il est pleinement reconnu et respecté en fait et en droit.
  7. 71. Vu les allégations formulées par les plaignants et étant donné les considérations exprimées par le gouvernement sur la différence existant entre les fonctionnaires et employés des services publics, d'une part, et les travailleurs du secteur privé, d'autre part, quant à la nature de la relation de travail qui les lie à leurs employeurs, le Comité tient à attirer tout spécialement l'attention du gouvernement sur la règle contenue à l'article 2 de la convention no 87, ratifiée par le Honduras, et selon laquelle les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et de s'affilier à ces organisations.
  8. 72. Or la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a déjà souligné que « le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il peut s'agir, soit d'une autorisation visant directement la création de l'organisation syndicale elle-même, soit de la nécessité d'obtenir l'approbation discrétionnaire des statuts ou du règlement administratif, soit encore d'une autorisation dont l'obtention est nécessaire avant la création de cette organisation. » Il n'en reste certes pas moins que les fondateurs d'un syndicat doivent observer les prescriptions de publicité et les autres dispositions analogues qui peuvent être en vigueur en vertu d'une législation déterminée. Toutefois, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable, ni s'opposer à tel point à la création d'une organisation qu'elles puissent constituer en fait une interdiction pure et simple. Même dans le cas où l'enregistrement est facultatif, s'il dépend de cet enregistrement que les organisations obtiennent les droits fondamentaux nécessaires pour pouvoir « défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres », le simple fait que dans ce cas l'autorité chargée de l'enregistrement dispose d'un pouvoir discrétionnaire de le refuser crée une situation qui ne diffère guère de celle qu'entraînerait l'exigence d'une autorisation préalable.
  9. 73. Dans le cas présent, il s'agit de fonctionnaires de l'administration publique qui, après avoir constitué un syndicat, ont demandé qu'il soit enregistré et que la personnalité juridique lui soit reconnue, afin qu'il puisse fonctionner légalement. Cependant, et bien que, d'après les éléments dont dispose le Comité, il n'y ait pas eu de vice de forme de quelque importance qui eût pu s'opposer à l'enregistrement, les autorités n'ont pas accordé cet enregistrement ni, par conséquent, la personnalité juridique sans laquelle l'organisation n'a pas d'existence légale. Dans ces conditions, le Comité tient à souligner expressément, comme il l'a fait en d'autres occasions, l'importance que revêt pour le personnel au service de l'Etat le droit de constituer des syndicats et de les faire enregistrer afin qu'ils puissent fonctionner légalement.
  10. 74. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de M. Salinas Rivera et à sa destitution du poste qu'il occupait dans l'administration publique, ainsi qu'à la destitution de Mlle Barnica, le gouvernement n'a fait parvenir aucune explication précise à ce sujet, se bornant à faire allusion à certaines activités de caractère purement politique que ne peuvent pas exercer les syndicats légalement constitués et d'autant moins, par conséquent, les groupements de fait du genre du SINASEPH.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 75. Le Comité rappelle qu'en de nombreuses occasions où des gouvernements avaient répondu à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs auraient été arrêtés en raison d'activités syndicales, en affirmant que les personnes en question avaient été arrêtées, en réalité, pour cause d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou des délits de droit commun, il s'est toujours fait une règle de demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet des arrestations en question et des motifs exacts de ces arrestations; en outre, si, en certains cas, le Comité a décidé que les allégations relatives à l'arrestation ou à l'emprisonnement de militants syndicaux n'exigeaient pas un examen plus approfondi, cela est dû au fait qu'il avait reçu des gouvernements intéressés des renseignements établissant, de façon suffisamment claire et précise, que ces arrestations ou ces emprisonnements n'avaient rien à voir avec les activités syndicales, mais qu'ils étaient fondés sur des activités indépendantes des questions syndicales, dangereuses pour l'ordre public ou présentant un caractère politique. Le Comité a insisté, chaque fois que des syndicalistes ont été arrêtés pour des délits de caractère politique ou des délits de droit commun, sur l'importance qu'il accorde à ce que ces personnes soient jugées dans le plus bref délai possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
  2. 76. D'autre part, le Comité a toujours aussi attribué une grande importance à la règle énoncée à l'article 1 de la convention no 98, selon laquelle les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, cette protection devant notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales.
  3. 77. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle « les activités de caractère purement politique, telles que la participation à des campagnes électorales... sont absolument illégales dans ce pays, comme elles le sont du point de vue international, et que les syndicats dûment enregistrés ne peuvent s'y livrer et encore bien moins des groupes de facto comme le SINASEPH, le Comité renvoie aux déclarations faites en 1959 par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. La Commission a relevé qu'une interdiction de portée générale, déniant aux syndicats la possibilité de toute activité politique, peut soulever des difficultés du fait que l'interprétation qui est donnée dans la pratique aux dispositions concernant ce sujet est susceptible de changer à tout moment et de restreindre considérablement les possibilités d'action des organisations. A cet égard, la Commission a cru utile de se référer à la résolution adoptée à la Conférence internationale du Travail, à sa 35ème session (Genève, 1952), résolution dans laquelle il est précisé, notamment, que lorsque les syndicats entreprennent une action politique, ou s'y associent, cette action ne devrait pas être «de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays ». Il semble donc que, sans aller jusqu'à interdire de façon générale toute activité politique aux organisations professionnelles, les Etats devraient pouvoir laisser aux autorités judiciaires le soin de réprimer les abus auxquels pourraient se livrer les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, qui doit être « le progrès économique et social » de leurs membres.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 78. Dans ces conditions, et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur:
    • i) l'importance que revêt pour les travailleurs au service de l'Etat le droit de constituer des syndicats et de les faire enregistrer afin qu'ils puissent fonctionner légalement, principe qui ressort de l'article 2 de la convention no 87, ratifiée par le Honduras, et selon lequel les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer les organisations de leur choix;
    • ii) l'importance qu'il a toujours attachée à la règle énoncée à l'article 1 de la convention no 98, ratifiée par le Honduras, en vertu de laquelle les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, cette protection devant notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation à un syndicat ou de sa participation à des activités syndicales;
    • iii) le fait que, vu la teneur de la résolution de 1952 sur l'indépendance du mouvement syndical et l'opinion exprimée par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, il n'est pas indiqué d'interdire de façon générale toute activité politique aux organisations professionnelles, les autorités judiciaires devant rester chargées de réprimer les abus auxquels pourraient se livrer les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, savoir: « le progrès économique et social » de leurs membres;
    • b) de demander au gouvernement, conformément à ce qui a été dit au paragraphe 75, et tout en réaffirmant l'importance que le Comité accordé à ce que les syndicalistes arrêtés pour des délits de caractère politique ou de droit commun soient jugés dans le plus bref délai possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, de lui communiquer ses observations précises sur les motifs de l'arrestation de M. Salinas Rivera et sur la situation dans laquelle cette personne se trouve actuellement;
    • c) d'inviter également le gouvernement à lui faire parvenir ses observations au sujet des motifs de la destitution de MI" Marina Barnica et de MM. Salinas Rivera et Mejia Castro;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des observations sollicitées du gouvernement.
      • Genève, 26 mai 1965. (Signé) Roberto AGO, président.
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