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- 366. Le Comité a estimé qu'il serait utile et expédient d'examiner dans un seul document les cas relatifs à l'Espagne actuellement en cours d'examen et qui ont trait aux différentes plaintes qui lui ont été soumises.
- 367. L'Espagne n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 368. La dernière fois qu'il a examiné ces cas au cours de sa 38ème session (novembre 1964), le Comité a soumis à leur sujet au Conseil d'administration des rapports intérimaires qui figurent dans son soixante-dix-huitième rapport, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 160ème session (novembre 1964).
- 369. Le gouvernement a envoyé des informations complémentaires dans ses communications des 4 février et 11 septembre 1965. Le Comité a obtenu également des informations sur certaines questions relatives à la situation syndicale en Espagne et le texte de quelques-unes des décisions judiciaires qui avaient été demandés, grâce aux bons offices du délégué permanent de l'Espagne auprès des organismes internationaux à Genève.
- 370. Le Comité examine ci-après les informations fournies par le gouvernement sur certaines questions relatives à la situation syndicale en Espagne et les diverses allégations encore en suspens.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- Conseils de travailleurs et conseils de chefs d'entreprise
- 371 Le Comité avait signalé dans le passé que les travailleurs doivent avoir le droit sans autorisation préalable, tant de constituer les organisations de leur choix que de s'y affilier, et que de telles organisations doivent avoir le droit d'élire librement leurs représentants. Le gouvernement déclare maintenant que les sections sociales (travailleurs) et économiques (chefs d'entreprise) de l'organisation syndicale espagnole ont acquis une indépendance progressive en ce qui concerne la négociation et la désignation de représentants chargés de négocier les conventions collectives, cette évolution étant parvenue à son point culminant, avec les règlements internes de l'organisation syndicale, qui instituent les conseils de travailleurs et les conseils de chefs d'entreprise (arrêtés nos 90 et 91, du 5 novembre 1964). Ces conseils, qui fonctionnent en plénière et en commission permanente, sur le plan provincial comme sur le plan national, sont définis et agissent comme des organes d'expression, de représentation et de coordination intersyndicale des intérêts généraux et communs des travailleurs » (arrêté no 90 sur les conseils de travailleurs, art. 1), ou « ... des chefs d'entreprise » (arrêté no 91 sur les conseils de chefs d'entreprise, art. 1), les conseils donnent aux chefs d'entreprise et aux travailleurs un nouveau mode d'expression conjointe, aussi bien sur les problèmes qui, en tant que génériques et communs, les affectent globalement comme chefs d'entreprise ou comme travailleurs, que sur les questions spécifiques à leur branche ou à leur groupe d'activité qui doivent continuer à être traitées dans la section économique - pour les chefs d'entreprise - et dans la section sociale - pour les travailleurs - du syndicat dans le cadre duquel ces questions se posent. Les conseils provinciaux de travailleurs et de chefs d'entreprise, qui ont commencé à se constituer au mois de mars 1965, sont déjà en plein fonctionnement. Le Conseil national des travailleurs s'est constitué à Valence le 29 juin 1965, et le Conseil national des chefs d'entreprise à Barcelone le 25 octobre 1965. Pour la constitution du Conseil national des travailleurs, plus de sept millions de travailleurs ont élu démocratiquement leurs représentants tant au niveau provincial que pour le Conseil national lui-même. Le président du Conseil national des travailleurs a obtenu 135 voix sur les 273 électeurs présents et votants, les autres candidats ayant obtenu, respectivement, 89, 27 et 20 voix.
- 372 Le Comité remarque, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté no 90 sur les conseils de travailleurs « les présidents et vice-présidents des conseils provinciaux de travailleurs seront choisis parmi les présidents des sections sociales des organismes syndicaux provinciaux, par les assemblées plénières correspondantes, lors de leur première séance, et la nomination desdites personnalités sera proposée au délégué provincial des syndicats à qui elle incombe en sa qualité de président du Conseil syndical provincial », et qu'aux termes de l'article 13 du même texte « le président et les deux vice-présidents du Conseil national des travailleurs seront choisis parmi les membres de la Commission permanente, par l'Assemblée plénière du Conseil, lors de sa première séance, et leur nomination sera proposée au délégué national des syndicats à qui elle incombe ».
- 373 Compte tenu de ces faits, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la création des conseils de travailleurs et des conseils de chefs d'entreprise, laquelle peut constituer un pas préliminaire vers la formation d'organisations de travailleurs et d'employeurs indépendantes, librement constituées par les travailleurs et les employeurs respectivement, et de suggérer au gouvernement d'examiner l'opportunité de prendre de nouvelles mesures dans ce sens afin que tous les postes dirigeants des conseils de travailleurs, sans exception, soient occupés par des personnes élues librement par tous les travailleurs espagnols sans aucune disqualification fondée sur leur rôle ou leur attitude à l'égard d'événements passés.
- Amendements à l'article 222 du Code pénal
- 374 Le Comité avait signalé en diverses occasions que certaines dispositions législatives, et en particulier l'article 222 du Code pénal, sont susceptibles d'être interprétées dans le sens d'une interdiction absolue des grèves. Le gouvernement déclare maintenant qu'en juin 1965 il a approuvé et soumis aux Cortès un projet de réforme de l'article 222 du Code pénal. L'article 222 actuel du Code est ainsi rédigé:
- Seront punis comme coupables de sédition:
- 1) les fonctionnaires ou employés chargés de quelque service public que ce soit et les particuliers qui, par leur profession, prêtent des services d'une nécessité absolue et immédiate lorsque, dans le but d'attenter à la sûreté de l'Etat, de troubler son activité normale ou de porter préjudice à son autorité ou à son prestige, ils suspendront leur travail ou altéreront la régularité du service;
- 2) les ententes patronales destinées à paralyser le travail;
- 3) les grèves ouvrières.
- Selon la modification proposée, l'article 222 serait rédigé de la façon suivante:
- Seront punis comme coupables de sédition:
- 1 Les fonctionnaires, employeurs et particuliers assurant la prestation de quelque service public que ce soit ou de services présentant une nécessité absolue et immédiate, qui suspendent leur travail ou altèrent la régularité du service d'une manière quelconque.
- 2 Les employeurs et les salariés qui, dans le but d'attenter à la sûreté de l'Etat, de troubler son activité normale ou de porter préjudice à son autorité ou à son prestige, suspendront ou altéreront la régularité du travail.
- 375 Selon le gouvernement, ce texte est soumis à l'examen en plénière de la Commission compétente des Cortès, en vue de son approbation finale à la prochaine session des Cortès.
- 376 Compte tenu de ces faits, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la modification proposée à l'article 222 du Code pénal, selon laquelle les grèves et les lock-out ne figurent plus parmi les actes qui constituent le délit de sédition, mais de signaler au gouvernement le danger que pourraient présenter les termes utilisés dans l'article 2 du projet d'amendement, lesquels pourraient être interprétés, dans un sens large, comme interdisant tout genre de grèves, et de suggérer qu'il en soit tenu compte lors de la formulation par les Cortès du texte final du projet afin que soient exclues, sans doute possible, des délits de sédition les grèves que pourraient déclencher les travailleurs dans le but de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels.
- Conventions collectives
- 377 Relativement au régime des conventions collectives, le Comité avait présenté divers commentaires au sujet de l'approbation, par les autorités gouvernementales, des conventions collectives. A cet égard, le gouvernement déclare maintenant que le régime de réglementation des salaires, horaires et autres conditions de travail, passe progressivement d'un système de réglementation administratif à un régime libre de conventions collectives et que les résultats et le développement progressif de ce nouveau régime ne peuvent être mis en doute. Au 1er janvier 1965, au cours des quelques dernières années, 4 736 conventions collectives avaient été conclues dans des branches d'activité très diverses, lesquelles couvrent 7 820 822 travailleurs et 1 445 226 entreprises. Ces conventions ont été librement conclues par les parties patronales et ouvrières. Selon le gouvernement, l'approbation des conventions par l'autorité compétente en matière de travail n'a pas d'autre objet que d'examiner si elles ne présentent pas de vices de forme importants qui puissent les rendre invalides et, d'un autre côté, cette approbation a pour conséquence majeure d'accorder à la convention collective (afin de permettre de s'y référer et de l'utiliser devant les tribunaux judiciaires) un effet de règle de droit au lieu d'être un simple fait contractuel; cela facilite énormément la possibilité de s'y référer et élimine la charge de la preuve quant à son contenu et à son existence juridique, du fait de sa publication immédiate dans les journaux officiels des provinces ou de l'Etat. Sur 4 736 conventions collectives, il n'a été jugé nécessaire de soumettre que 33 d'entre elles à la Commission consultative instituée par le gouvernement pour les affaires économiques; trois seulement n'ont pas été acceptées.
- 378 Le Comité estime, s'appuyant sur le fait que, selon la pratique actuelle, trois seulement des 33 conventions qui lui ont été soumises, sur un total de 4 736, n'ont pas été acceptées par la Commission consultative instituée par le gouvernement pour les affaires économiques, que les conditions actuelles seraient favorables à l'examen par le gouvernement de la possibilité de remplacer l'approbation des conventions collectives dans sa forme actuelle par la création d'un système d'enregistrement des conventions collectives conclues conformément à la loi, de sorte que le simple enregistrement de la convention collective puisse produire les mêmes effets que l'approbation gouvernementale; dans le cas, toutefois, de certaines conventions collectives dont les clauses paraîtraient en opposition avec des considérations d'intérêt général, on pourrait envisager de signaler ces considérations à l'attention des parties afin que celles-ci puissent procéder à un nouvel examen, étant entendu qu'elles devraient rester libres dans leur décision finale. L'institution d'un système de cette sorte serait conforme au principe selon lequel on doit reconnaître aux syndicats le droit de promouvoir, par le moyen de négociations collectives, l'amélioration des conditions de vie et de travail de leurs adhérents, les autorités devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit.
- 379 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note du nombre croissant des conventions collectives conclues en Espagne comme moyen de réglementer les conditions de travail d'un nombre de travailleurs toujours plus élevé;
- b) de suggérer au gouvernement d'étudier la possibilité de remplacer l'approbation des conventions collectives dans sa forme actuelle par la création d'un système d'enregistrement des conventions collectives conclues conformément à la loi;
- c) de signaler que, dans le cas de certaines conventions collectives dont les clauses paraîtraient en opposition avec des considérations d'intérêt général, on pourrait envisager de signaler ces considérations à l'attention des parties afin que celles-ci puissent procéder à un nouvel examen, étant entendu qu'elles devront rester libres dans leur décision finale.
- Juridiction en matière d'ordre public
- 380 Le Comité s'est référé dans ses soixante-quatorzième et soixante-seizième rapports aux modifications introduites dans la juridiction en matière d'ordre public.
- 381 Selon les informations complémentaires fournies par le gouvernement, la loi du 2 décembre 1963 a créé le juge et le Tribunal de l'ordre public. Cette loi proroge expressément le principe d'attribution de la compétence qui incombait auparavant à la juridiction militaire; de plus, un assez grand nombre de causes, dont l'instruction avait débuté avant l'entrée en vigueur de la loi, ont été attribuées au juge et au Tribunal de l'ordre public nouvellement institués, la juridiction militaire ayant été dessaisie en leur faveur. Le Tribunal de l'ordre public est l'unique compétent, pour tout le territoire national, pour connaître des délits appelés communément politiques ou contre la sécurité de l'Etat, tels que les associations illicites, la propagande illégale, les délits contre la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat. Toujours selon le gouvernement, seuls les délits de terrorisme restent de la compétence de la juridiction militaire. La juridiction de l'ordre public comprend un juge spécial et un tribunal appartenant à la juridiction ordinaire avec une compétence exclusive par rapport aux autres instances de ladite juridiction. Le Tribunal est constitué par un président et deux magistrats de l'ordre judiciaire. Concernant la procédure, la loi portant création du Tribunal et du juge de l'ordre public stipule que ceux-ci doivent se conformer rigoureusement aux règles de procédure criminelle ordinaire. Les jugements sont rendus oralement et publiquement dans une salle réservée à cet effet au Palais de justice de Madrid. Les organes de représentation et de défense des inculpés sont également régis par les règles de la juridiction ordinaire. Les jugements rendus par le Tribunal de l'ordre public sont susceptibles de recours en cassation devant la deuxième Chambre de la Cour suprême de justice. Le Tribunal et le juge de l'ordre public ont commencé leurs fonctions le 5 février 1964. Jusqu'au 31 décembre 1964, le juge de l'ordre public a instruit deux cent soixante-sept causes; un bon nombre d'entre elles avaient déjà débuté devant la juridiction ordinaire ou la juridiction militaire avant l'entrée en vigueur de la loi instituant le juge de l'ordre public et qui a dessaisi lesdites juridictions en sa faveur. Le Tribunal de l'ordre public a rendu, au cours de sa première année d'activité, cent vingt-huit jugements. Près de 35 pour cent de ceux-ci ont conclu à l'acquittement. Depuis le début de l'année jusqu'au mois de juin 1965, il a été rendu cinquante-deux jugements.
- 382 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la juridiction militaire ne reste compétente que pour les seuls délits de terrorisme.
- Allégations relatives aux arrestations motivées par les grèves de 1962
- 383 Lors de sa 38ème session (novembre 1964), le Comité avait noté que sur les quarante-sept personnes condamnées à l'origine en raison des grèves de 1962, quarante-trois avaient recouvré la liberté, mais que MM. Gregorio Rodríguez Gordón, Ramón Ormazábal Tife, Antonio Jiménez Pericas et Agustin Ibarrola Goicoechea étaient toujours en prison, et il avait prié le gouvernement de le tenir au courant des mesures qui seraient prises à l'égard de ces personnes.
- 384 Dans sa communication du 4 février 1965, le gouvernement déclare que les peines imposées aux personnes en question s'éteindraient à des dates oscillant entre le 13 juin 1969 et le 13 juin 1978, mais que si les intéressés bénéficiaient d'une remise de peine, ils pourraient être mis en liberté conditionnelle à des dates oscillant entre le 27 mai 1965 et le ter février 1971.
- 385 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des informations fournies par le gouvernement, de le prier de garder cette question à l'étude et de le tenir au courant de toute mesure qu'il adopterait à l'égard de MM. Ormazábal Tite, Rodriguez Gordón, Jiménez Pericas et Ibarrola Goicoechea.
- 386 Encore que la plainte présentée le 24 septembre 1963 par la C.I.S.L et la C.I.S.C ne se référait qu'à divers actes de persécution et de violence comme conséquence d'un conflit du travail, sans apporter plus de précisions quant aux personnes qui auraient subi un préjudice, les informations complémentaires contenues dans la communication du 8 octobre 1963 ont fait état d'une série de détails plus précis, tels que le nom des personnes qui ont été victimes de mauvais traitements et de tortures (une d'entre elles serait décédée des suites de ces traitements) et l'indication du fait que des sanctions auraient été infligées aux entreprises qui embauchaient les travailleurs qui avaient participé aux grèves.
- 387 Dans sa communication en date du 4 février 1965, le gouvernement déclare que les enquêtes effectuées à l'époque avec la plus grande diligence ont démontré sans le moindre doute que les allégations de tortures et de mauvais traitements étaient absolument infondées, ayant été pleinement prouvé qu'il n'y avait eu ni décès ni mauvais traitements, comme on l'affirmait. Le gouvernement ajoute qu'il y a lieu de déclarer catégoriquement qu'aucun mineur n'est mort à la suite de mauvais traitements et qu'il n'y a même pas eu de détenu du nom de Rafael González (qui, selon les plaignants, serait décédé). En ce qui concerne les autres personnes mentionnées dans la plainte, le gouvernement nie qu'il y ait jamais eu de détenu du nom de Silvino Zapico et déclare que l'on ne connaît pas de personne portant ce nom dans la localité et qu'aucun hôpital ne paraît avoir noté une entrée correspondant à une telle identité. En ce qui concerne Vicente Baragaño García, le gouvernement déclare qu'il a été arrêté le 10 août 1963 et mis à la disposition des autorités judiciaires compétentes, pour récidive sous de graves soupçons d'activités subversives, étrangères aux questions syndicales et que les médecins de la prison de Carabanchel n'ont relevé aucun indice des tortures qui lui auraient été infligées, comme on l'affirme. Quant à M. Everardo Lastra Pérez, le gouvernement déclare qu'il avait déjà été arrêté en 1962 pour s'être livré à des activités de nature communiste et que, comme il avait déjà donné en cette occasion des signes d'aliénation mentale, il avait été transféré à la même date à l'hôpital psychiatrique d'Oviedo et que le 10 mai 1963 il fut de nouveau arrêté pour des activités toujours étrangères au domaine du travail, pour être transféré de nouveau à l'hôpital psychiatrique provincial, car il présentait les mêmes symptômes aigus de démence. Quant aux autres accusations, le gouvernement déclare que, ou elles se sont révélées également infondées, ou elles n'ont pas pu faire l'objet d'une enquête de la part du ministère public, car si elles s'étaient révélées fondées, elles auraient constitué une présomption de délits ne pouvant donner lieu à poursuites que de la part des personnes légalement intéressées.
- 388 Le Comité constate que, si les plaignants allèguent que certaines personnes dont ils indiquent les noms ont été l'objet de mauvais traitements et de tortures qui, dans un cas, auraient entraîné la mort, le gouvernement nie catégoriquement la véracité de ces faits, notamment que certaines des personnes mentionnées aient jamais été arrêtées. Compte tenu du fait que ces deux déclarations sont totalement contradictoires et de l'insuffisance des éléments d'appréciation dont il dispose, il semble impossible que le Comité puisse formuler quelque conclusion définitive en pleine connaissance de cause.
- 389 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que, pour les raisons indiquées au paragraphe 388 il lui est impossible de soumettre des conclusions définitives quant aux allégations relatives aux grèves de 1963 restées en suspens.
- Allégations relatives à l'arrestation de M. José María Rodríguez Manzano
- 390 A sa 38ème session (novembre 1964), ayant fait observer que M. Rodríguez Manzano avait été condamné par le Tribunal de l'ordre public pour des activités qui, selon les plaignants, étaient de caractère syndical et, selon le gouvernement, revêtaient un caractère politique, et suivant en cela sa pratique habituelle, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de faire parvenir le texte du jugement rendu, avec ses considérants, ainsi que tout autre élément d'information susceptible d'être utile au Comité.
- 391 Dans sa communication du 11 septembre 1965, le gouvernement qualifie une nouvelle fois de politiques les activités attribuées à M. Rodríguez Manzano et il ajoute que ses affirmations sont confirmées par les déclarations mêmes des responsables de l'action politique clandestine dirigée contre l'Etat espagnol, lesquels reconnaissent et proclament leur intention d'utiliser ces 'conflits pour préparer par la violence le bouleversement de la structure de l'Etat. Ce même caractère politique - selon le gouvernement - ressort de toutes les activités des organisations appelées Alliance syndicale ouvrière et Solidarité des travailleurs basques. Le Parti nationaliste basque lui-même - déclare le gouvernement - le confirme par l'intermédiaire de sa publication Euzko Gaztedi lorsqu'il proclame que la Solidarité des travailleurs basques est un groupement dépendant du Parti nationaliste basque. Le gouvernement ajoute comme preuve du caractère politique de la Solidarité des travailleurs basques une série de déclarations tirées de divers numéros de Lan Deya, feuille d'information clandestine dont, aux termes du jugement, Rodríguez Manzano a rédigé à Pasajes (Guipúzcoa) cinq ou six numéros au cours du printemps de 1963. Les citations transcrites par le gouvernement sont les suivantes: « Il n'est pas nécessaire de rappeler que le régime est illégal quant à son origine et, partant, son développement. » (Lan Deya, no 9). « La Solidarité des travailleurs basques voit clairement la situation et sa conduite est bien établie; la clandestinité est l'unique moyen que nous ayons pour atteindre nos objectifs. » « Toutefois l'adhésion à cette tâche révolutionnaire n'implique pas nécessairement que les membres de la Solidarité des travailleurs basques rejettent toute occasion « légale » d'apporter des solutions aux problèmes des travailleurs. » (Ibid, no 11.) « L'Euzkadi se trouve être soumis à la domination nationaliste. La politique économique et démographique, l'organisation de classes, la discrimination raciale, linguistique et culturelle, comme l'exploitation des travailleurs basques, font obstacle au développement et même à la simple survie de la civilisation basque et, par là, à tout apport véritablement original et libre du génie basque à la société et à la culture universelle. Enfin, le nationalisme hispano-français « ennemi du séparatisme » divise le corps national d'un peuple de deux millions de personnes par une frontière qui n'a pas d'autre raison que l'arbitraire colonialiste. » (Ibid, no 21.)
- 392 Par les bons offices du délégué permanent de l'Espagne auprès des organismes internationaux de Genève, le Comité a obtenu une copie du jugement rendu par le Tribunal de l'ordre public dans le procès de M. Rodríguez Manzano, et une copie du jugement rendu par la Cour suprême le 12 mai 1965 concluant que le recours en cassation interjeté par M. Rodríguez Manzano pour vice de forme et transgression de la loi n'était pas fondé.
- 393 Il ressort des attendus du jugement que les faits qui sont déclarés prouvés constituent juridiquement les délits d'associations illicites, de propagande illégale et d'entrée clandestine en territoire national. Par conséquent, M. Rodríguez Manzano a été condamné à différentes peines de privation de liberté correspondant aux divers délits qui ont été prouvés.
- 394 Le Comité remarque que, parmi les trois délits pour lesquels M. Rodríguez Manzano a été condamné, deux présentent un lien avec l'exercice des droits syndicaux: ceux qui se réfèrent à l'association illicite et à la propagande illégale. Le Comité remarque aussi que l'intéressé a été jugé par le Tribunal de l'ordre public, lequel est l'unique compétent pour connaître des délits politiques, tribunal formé d'un président et de deux magistrats appartenant à la magistrature assise et dans lequel le ministère public est composé de procureurs appartenant à la magistrature debout. Le Comité remarque également que le jugement contre M. Manzano a été rendu oralement et publiquement et que l'intéressé a fait un recours en cassation contre la sentence intervenue, devant la deuxième Chambre de la Cour suprême de justice, laquelle a statué le 12 mai 1965 dans le sens d'un non-lieu.
- 395 Le Comité estime que, tout en ne pouvant conclure catégoriquement, à partir des considérants des jugements en question - dans lesquels sont seuls visés les délits d'association illicite et de propagande illégale - que les faits imputés n'ont aucune relation avec l'exercice des droits syndicaux, il semble cependant que les activités de M. Manzano ont outrepassé, dans certains aspects, le cadre normal des fonctions syndicales proprement dites.
- 396 Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que M. Rodríguez Manzano a fait un recours devant la Cour suprême, laquelle a confirmé la condamnation, et de demander au gouvernement de le tenir informé s'il se produisait de nouveaux développements en la matière.
- Allégations relatives à l'arrestation de travailleurs appartenant à la Commission ouvrière de Biscaye
- 397 Par une communication conjointe en date du 28 avril 1964, la C.I.S.C et la C.I.S.L avaient indiqué que les travailleurs Valeriano Gómez Lavin, Ricardo Basarte Amézaga, Agustin José Begona Sánchez y Corrales, José Maria Echevarria Heppe et David Morin Salgado, membres de la Commission ouvrière de Biscaye, qui avaient été élus par les travailleurs de Bilbao pour négocier avec les autorités la réintégration des 52 travailleurs licenciés pendant les grèves de 1962, avaient été arrêtés. Ultérieurement, par une communication datée du 15 mai 1964, les plaignants ont indiqué que ces personnes avaient été remises en liberté. Le 29 octobre 1964, la C.I.S.L et la C.I.S.C ont indiqué que, le 16 octobre de la même année, avait eu lieu à Madrid, devant le Tribunal spécial de l'ordre public, le procès des membres de la Commission ouvrière de Biscaye, les intéressés ont été condamnés chacun à six mois de prison.
- 398 Dans sa communication du 11 juin 1964, le gouvernement a déclaré qu'il est inexact que les cinq personnes mentionnées aient été membres d'une commission ouvrière de Biscaye et qu'elles aient été élues par les travailleurs de Bilbao. D'autre part, leur arrestation n'aurait pas été due au fait qu'elles s'étaient arrogé un droit de représentation, mais à leur participation active à des actes illégaux visant à perturber et à entraver la libre manifestation de la volonté des travailleurs lors d'élections ouvrières. Ces personnes ont été mises à la disposition de la justice ordinaire compétente, qui a prononcé récemment leur mise en liberté.
- 399 Lors de sa 38ème session (novembre 1964), le Comité a demandé au gouvernement certaines précisions sur la contradiction qui semblerait exister entre les informations qui avaient été soumises et le texte des jugements rendus contre les personnes en question et de leurs considérants.
- 400 Dans une communication en date du 19 janvier 1965, la C.I.S.L et la C.I.S.C ont communiqué le texte du jugement rendu par le Tribunal spécial de l'ordre public contre les membres de ladite commission, jugement qui a été transmis au gouvernement.
- 401 Dans sa communication en date du 11 septembre 1965, le gouvernement déclare qu'il n'y a pas de contradiction entre le fait que, dans la réponse du gouvernement datée du 11 juin 1964 et reprise dans la réponse du 14 octobre de la même année, on indiquait que ces cinq personnes étaient en liberté et le fait que, par la suite, elles ont été jugées par le tribunal compétent, puisque, aux termes de toute loi de procédure, il est parfaitement compatible et même fréquent qu'un individu soit sujet à des poursuites mais qu'il reste en liberté jusqu'au moment où le procès a lieu, et que c'est exactement ce qui s'est passé dans le cas en question. Le gouvernement ajoute que, selon le jugement communiqué par la C.I.S.L et la C.I.S.C, les inculpés ont été mis en état d'arrestation provisoire, par ordre de l'autorité judiciaire compétente, le 24 avril 1964, qu'ils sont restés en liberté provisoire, en vertu d'une décision prise par la même autorité le 13 mai suivant, jusqu'au jour du verdict où ils ont été condamnés à une peine de six mois de prison, sous déduction de la durée de la prison préventive. Le gouvernement ajoute également qu'au jour de la rédaction de sa réponse (11 septembre 1965), les personnes en question se trouvaient encore en liberté provisoire car elles avaient interjeté appel devant la Cour suprême contre le jugement rendu. Le gouvernement déclare enfin que le premier considérant du jugement est également clair puisque le juge déclare qu'il est prouvé que, parmi d'autres activités, les personnes mentionnées se sont mises d'accord pour « boycotter les élections syndicales en s'abstenant de s'inscrire sur les listes électorales ».
- 402 Le Comité prend note que la déclaration du gouvernement, laquelle dissipe ce qui semblait constituer une contradiction entre les déclarations des plaignants et celles du gouvernement quant à l'état de liberté dans lequel se seraient trouvées les cinq personnes en question.
- 403 Concernant l'autre point sur lequel le Comité avait sollicité certaines explications, à savoir que « les intéressés auraient été arrêtés pour avoir participé à des actes illégaux tendant à empêcher les travailleurs d'exprimer librement leur volonté durant les élections », le Comité remarque que le gouvernement signale que la réponse se trouve dans le premier considérant du Tribunal de l'ordre public, lorsqu'il déclare que les intéressés, entre autres activités, se sont mis d'accord pour « boycotter les élections syndicales en s'abstenant de s'inscrire sur les listes électorales ».
- 404 Le Comité estime qu'on ne peut nécessairement déduire de la simple invitation faite aux travailleurs de s'abstenir de participer à une élection syndicale qu'il y a eu intention d'empêcher les travailleurs d'exprimer librement leur volonté durant les élections, à moins que l'invitation ne se soit accompagnée ou n'ait été suivie de mesures coercitives qui aient empêché l'exercice du droit syndical ou qui lui aient fait obstacle.
- 405 Le Comité prend note également du fait que les intéressés demeurent en liberté provisoire parce qu'ils ont interjeté recours devant la Cour suprême contre le jugement rendu.
- 406 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que les travailleurs appartenant à la Commission ouvrière de Biscaye demeurent en liberté provisoire en raison du recours fait devant la Cour suprême contre le jugement les condamnant, et de demander au gouvernement d'envoyer le texte du jugement que ladite Cour rendra en cette affaire et de décider, en attendant, d'ajourner l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations relatives à la condamnation de trois dirigeants syndicaux
- 407 Dans leur plainte originale, les plaignants avaient indiqué que les dirigeants syndicaux Francisco Calle, Agustin Mariano et José Cases avaient été emprisonnés et poursuivis pour activités syndicales. Ils ont déclaré ultérieurement que des peines sévères avaient été prononcées contre eux. Le gouvernement, de son côté, avait assuré que les personnes en question avaient été détenues non en raison d'activités syndicales mais pour activités politiques subversives et association illégale orientées vers l'altération, par la violence, de l'ordre existant dans l'Etat espagnol et que le tribunal a rendu un jugement, le 6 août 1964, condamnant les accusés comme reconnus coupables du délit d'association illicite et du délit de propagande subversive, délits définis et sanctionnés par le Code pénal.
- 408 A sa 38ème session (novembre 1964), le Comité, ayant fait observer que le gouvernement n'avait envoyé aucune information quant aux actes précis qui avaient motivé les condamnations en question, avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de faire parvenir le texte des jugements rendus contre les personnes en cause ou, tout au moins, une relation des faits qui avaient provoqué la procédure.
- 409 Dans sa communication en date du 4 février 1965, le gouvernement renouvelle les déclarations faites dans ses communications antérieures et ajoute qu'il veut croire que l'objectivité du Comité l'empêchera de se laisser prendre à la manoeuvre qui consiste à conserver artificiellement un caractère d'actualité à un problème inexistant et qui n'a jamais eu le moindre fondement.
- 410 Le Comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu de façon précise à la demande d'informations complémentaires qui lui a été adressée et qui n'a d'autre objet que de mettre à la disposition du Comité tous les éléments nécessaires pour lui permettre de se prononcer sur la question en pleine connaissance de cause et en toute objectivité. Le Comité espère que le gouvernement trouvera la possibilité de donner suite à sa requête, comme il l'a déjà fait à propos d'autres questions analogues examinées par le Comité (voir paragr. 392).
- 411 Par une communication du 22 mars 1965, la C.I.S.L a fait savoir que la Cour suprême avait confirmé au début de février les peines qui avaient été infligées aux trois syndicalistes.
- 412 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander de nouveau au gouvernement, en raison du manque d'informations sur les faits ayant motivé la condamnation de MM. Francisco Calle, Agustin Mariano et José Cases, de bien vouloir communiquer les sentences prononcées contre ces personnes ou, tout au moins, une relation des faits qui ont provoqué la procédure, et de décider, en attendant, de différer l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations relatives à la détention de travailleurs à l'occasion des grèves de 1964
- 413 Lors de sa 38ème session (novembre 1964), le Comité a examiné ces allégations relatives à la détention de travailleurs à Bilbao, Sabadell et dans les mines des Asturies en raison de diverses grèves. Le gouvernement avait déclaré dans sa réponse que quelques unes de ces personnes étaient à la disposition du Tribunal civil pour activités clandestines d'une association terroriste ou pour activités politiques illicites et association illégale. Dans ces conditions, et selon sa pratique habituelle, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de faire parvenir le texte des jugements rendus et de leurs considérants.
- 414 Dans sa communication du 11 septembre 1965, le gouvernement réitère ce qui avait été dit dans les communications antérieures et n'apporte, par conséquent, aucun nouvel élément susceptible de permettre au Comité de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 415 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander une nouvelle fois au gouvernement de faire parvenir les textes des jugements rendus et de leurs considérants, aussi bien que tout autre élément pouvant servir à qualifier les activités des personnes en question, et de décider, en attendant, d'ajourner l'examen de cet aspect du cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 416. En ce qui concerne l'affaire dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- 1) s'agissant des informations fournies par le gouvernement sur diverses questions relatives aux droits syndicaux en Espagne:
- a) de prendre note de la création des conseils de travailleurs et des conseils de chefs d'entreprise, laquelle peut constituer un pas préliminaire vers la formation d'organisations de travailleurs et d'employeurs indépendantes, librement constituées par les travailleurs et les employeurs respectivement, et de suggérer d'examiner l'opportunité de prendre de nouvelles mesures dans ce sens, afin que tous les postes dirigeants des conseils de travailleurs, sans exception, soient occupés par des personnes élues librement par tous les travailleurs espagnols, sans aucune disqualification fondée sur leur rôle ou leur attitude à l'égard d'événements passés;
- b) i) de prendre note de la modification proposée à l'article 222 du Code pénal, selon laquelle les grèves et les lock-out ne figurent plus parmi les actes qui constituent le délit de sédition;
- ii) de signaler le danger que pourraient présenter les termes utilisés au paragraphe 2 du projet d'amendement, lesquels pourraient être interprétés, dans un sens large, comme interdisant toute grève et de suggérer qu'il en soit tenu compte lors de la formulation, par les Cortès, du texte final afin que soient exclues, sans doute possible, des délits de sédition, les grèves que pourraient déclencher les travailleurs dans le but de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels;
- c) i) de prendre note du nombre croissant des conventions collectives conclues en Espagne comme moyen de réglementer les conditions de travail d'un nombre de travailleurs toujours plus élevé;
- ii) de suggérer au gouvernement d'étudier la possibilité de remplacer l'approbation des conventions collectives dans sa forme actuelle par la création d'un système d'enregistrement des conventions collectives conclues conformément à la loi;
- iii) de signaler que, dans le cas de certaines conventions collectives dont les clauses paraîtraient en opposition avec des considérations d'intérêt général, on pourrait envisager de signaler ces considérations à l'attention des parties, afin que celles-ci puissent procéder à un nouvel examen, étant entendu qu'elles devront rester libres dans leur décision finale;
- d) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la juridiction militaire ne reste compétente que pour les seuls délits de terrorisme;
- 2) concernant les allégations relatives aux grèves de 1963, de prendre note du fait que, pour les raisons indiquées au paragraphe 388, il n'est pas possible de soumettre des conclusions définitives;
- 3) concernant les allégations relatives à l'arrestation de M. José Maria Rodriguez Manzano, de prendre note du fait que l'intéressé a fait un recours devant la Cour suprême, laquelle a confirmé la condamnation, et de demander au gouvernement de le tenir informé s'il se produisait de nouveaux développements en la matière;
- 4) concernant les allégations relatives aux arrestations motivées par les grèves de 1962, de prendre note des informations fournies par le gouvernement et de le prier de garder cette question à l'étude et de le tenir au courant de toute mesure qu'il adopterait à l'égard de MM. Ormazábal Tife, Rodriguez Gordón, Jiménez Pericas et Ibarrola Goicoechea;
- 5) de prendre note du fait que les adhérents à la Commission ouvrière de Biscaye sont en liberté provisoire;
- 6) de demander au gouvernement de faire parvenir les jugements et les considérants relatifs:
- a) à la condamnation de MM. Francisco Calle, Agustin Mariano et José Cases;
- b) aux recours en cassation interjetés devant la Cour suprême par les adhérents de la Commission ouvrière de Biscaye;
- c) aux travailleurs détenus à l'occasion des grèves de 1964;
- 7) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un nouveau rapport, une fois reçues les informations demandées au gouvernement.