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Informe definitivo - Informe núm. 92, 1966

Caso núm. 376 (Bélgica) - Fecha de presentación de la queja:: 31-ENE-64 - Cerrado

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  1. 18. La plainte de la Confédération internationale des cadres fonctionnaires est contenue dans une communication en date du 31 janvier 1964, adressée directement à l'O.I.T, et complétée par une communication en date du 14 février 1964. La plainte et les observations complémentaires venues l'appuyer ayant été transmises au gouvernement pour observations par deux lettres datées respectivement des 10 février et 3 mars 1964, le gouvernement a répondu par une communication en date du 18 juin 1964. Le Comité a procédé à un premier examen des allégations formulées et des observations présentées à leur endroit par le gouvernement lors de sa 38ème session, tenue au mois de novembre 1964.
  2. 19. La Belgique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 20. Les plaignants alléguaient que le système qui consiste, en Belgique, à réserver certains importants avantages sociaux et pécuniaires aux seuls affiliés à des organisations syndicales déterminées allait à l'encontre des principes de la liberté syndicale. Cette réservation, en effet - poursuivaient les plaignants -, s'exerce au profit exclusif des adhérents aux organisations officiellement reconnues (agréées). Or, nonobstant l'existence de critères, la reconnaissance syndicale dépend en Belgique d'une décision unilatérale de l'autorité politique, ce qui fait que les seuls syndicats agréés sont ceux-là qui, à des degrés divers, sont alliés aux trois partis nationaux participant régulièrement aux coalitions gouvernementales. Il en résulte - affirmaient les plaignants - que les travailleurs désirant voir l'action syndicale demeurer dans l'indépendance ou qui refusent de soutenir des organisations professant une idéologie politique qu'ils ne partagent pas se voient frustrés d'avantages consentis à leurs compagnons de travail. Si - déclaraient les plaignants - il est normal et même souhaitable que le gouvernement encourage l'affiliation des travailleurs à un - syndicat, il est abusif que la pression en vue de cette affiliation s'exerce exclusivement au profit des organisations officiellement reconnues. Un tel système - disaient-ils - aboutit à limiter arbitrairement le choix des travailleurs aux trois grandes organisations existantes: socialiste, chrétienne, libérale.
  2. 21. Dans les observations qu'il a présentées le 18 juin 1964, le gouvernement indiquait que les avantages sociaux et pécuniaires réservés aux syndiqués des organisations reconnues étaient généralement accordés à ces derniers du fait que les organisations syndicales rendaient d'énormes services à la collectivité. En effet - déclarait le gouvernement -, tant sur le plan national que sur le plan professionnel ou celui de l'entreprise, les organisations représentatives de travailleurs prêtent leur concours à la promotion du progrès social et à l'amélioration des conditions de travail du travailleur, tant syndiqué que non syndiqué. Le gouvernement déclarait qu'il fallait donc voir dans les avantages sociaux en question une rémunération de l'action ainsi menée par les syndicats. Le gouvernement ajoutait qu'aucune disposition réglementaire n'avait, à aucun moment, été prise par le pouvoir exécutif excluant expressément les travailleurs non syndiqués du bénéfice d'avantages sociaux. Il précisait que le gouvernement n'étant d'ailleurs pas partie aux accords intervenus entre organisations d'employeurs et de travailleurs concernant la réservation d'avantages sociaux, il n'avait aucun rôle décisif dans la conclusion de ces accords.
  3. 22. Lors de son examen du cas à sa session de novembre 1964, le Comité a estimé que, pour pouvoir apprécier plus nettement la portée éventuelle du système mis en cause par les plaignants, il lui serait utile de connaître, d'une part, la nature exacte des avantages sociaux et pécuniaires évoqués dans la présente affaire, d'autre part, la manière dont s'effectue l'attribution (ou la réservation) desdits avantages et, plus précisément, de savoir si elle s'opère par voie législative ou par voie de conventions collectives. Le Comité a donc prié le gouvernement de lui faire parvenir sur ces deux points des informations complémentaires. Cette demande ayant été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 18 novembre 1964, le gouvernement a répondu par une communication en date du 2 février 1965.
  4. 23. Dans cette réponse, pour mieux faire comprendre le processus du phénomène, qu'il dit récent, de la réservation d'avantages aux travailleurs syndiqués, le gouvernement brosse en premier lieu le tableau de la situation législative et sociologique dans laquelle s'établissent en Belgique les relations collectives de travail.
  5. 24. L'exercice de la liberté syndicale - indique-t-il tout d'abord - est garanti par l'article 20 de la Constitution nationale et par la loi du 24 mai 1921. L'article 1er de cette loi stipule que « nul ne peut être contraint de faire partie d'une association ou de n'en pas faire partie ». L'article 3 prévoit des peines pour celui qui, « pour contraindre une personne déterminée à faire partie d'une association ou à n'en pas faire partie, aura usé à son égard de voies de fait, de violences ou de menaces... ». L'article 4 dispose de peines pour celui qui « aura méchamment, dans le but de porter atteinte à la liberté d'association, subordonné la conclusion, l'exécution ou, même en respectant les préavis d'usage, la continuation d'un contrat de travail ou de services, soit à l'affiliation, soit à la non-affiliation d'une ou de plusieurs personnes à une association ». Ces textes - poursuit le gouvernement - permettent aux particuliers de se faire rendre justice par les tribunaux dans le cas où ils estiment que l'exercice de leur droit d'association a été brimé, par voies de fait, violences, menaces ou contrainte; il ajoute que le recours aux tribunaux en vue d'obtenir des dommages et intérêts reste la voie normale pour obtenir réparation d'un dommage subi même en cette matière.
  6. 25. Le gouvernement déclare ensuite qu'en Belgique, les organisations syndicales de travailleurs ne sont soumises à aucun statut légal obligatoire. Libres de recourir au système de la loi du 31 mars 1898 sur les unions professionnelles ou de ne pas y recourir, les organisations syndicales ont préféré, jusqu'à présent, ne pas user des dispositions de cette loi, constituant donc des associations de fait qui ne sont soumises à aucune entrave quant à leur création ou à leur fonctionnement.
  7. 26. En matière de conventions collectives, poursuit le gouvernement, ces dernières se définissent comme étant des accords portant sur les relations et les conditions générales de travail, conclus entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de travailleurs et, d'autre part, une ou plusieurs organisations d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs, il en résulte, tout au moins sur le plan de l'entreprise ou de plusieurs entreprises, que n'importe quelle organisation syndicale de travailleurs est susceptible de conclure des conventions collectives, portant sur n'importe quelle matière, à condition que leurs dispositions ne soient contraires ni à l'ordre public, ni aux lois et arrêtés. Ces dispositions, déclare le gouvernement, peuvent donc prévoir, pour les travailleurs, des conditions plus favorables que celles prévues par la législation ou prévoir des avantages particuliers non prévus par la législation parmi lesquels des avantages réservés aux seuls syndiqués.
  8. 27. Sur le plan national ou régional, déclare le gouvernement, le législateur a pris des mesures pour favoriser les relations collectives entre organisations d'employeurs et de travailleurs; ces mesures, qui sont essentiellement d'ordre pratique, portent sur les commissions paritaires, lesquelles ont pour mission principale d'établir des bases générales de rémunération correspondant aux différents degrés de qualification professionnelle, notamment par la conclusion de conventions collectives. Toutes les organisations syndicales ne pouvant bien évidemment pas siéger en commission paritaire, le législateur a décrété que seules les organisation les plus importantes en feraient partie; il a, en conséquence, fixé les critères relatifs à la notion d'organisations représentatives: pour être considérées comme représentatives et pouvoir siéger en commission paritaire, les organisations de travailleurs doivent être rattachées à une organisation nationale interprofessionnelle groupant au moins 30 000 membres et représentée au Conseil central de l'économie et au Conseil national du travail.
  9. 28. Rien n'empêche, certes - poursuit le gouvernement -, qu'en commission paritaire des conventions collectives soient conclues prévoyant la réservation d'avantages aux syndiqués dont profiteront les seuls membres des organisations signataires, et ce, en application des règles qui régissent le statut des commissions paritaires ainsi que du principe de l'autonomie de la volonté qui reste à la base de la conclusion des conventions collectives. Ce système n'empêche pas non plus - déclare encore le gouvernement - qu'une organisation syndicale suffisamment puissante puisse faire la preuve qu'elle répond aux critères de représentativité sur le plan national et ainsi trouver sa place dans les commissions paritaires.
  10. 29. Avant de se prononcer sur l'ensemble de cette question, il convient de la situer dans le cadre des problèmes dont le Comité a eu à s'occuper dans le passé en matière d'avantages accordés à certains syndicats.
  11. 30. Dans de tels cas, le Comité a distingué selon que ces avantages étaient accordés par l'Etat ou par voie d'accord entre employeurs et travailleurs.
  12. 31. Lorsque c'est l'Etat qui, dans sa législation ou sa pratique, fait une distinction entre les divers syndicats en présence, le Comité a estimé qu'une telle mesure devrait se borner à reconnaître une situation de fait et être fondée sur des critères objectifs établis à l'avance et basés sur des éléments n'offrant pas de possibilités d'abus. Dans ces conditions, le Comité a admis que certains avantages, notamment en matière de représentation, pourraient ainsi être accordés aux syndicats en raison de leur degré de représentativité, mais a considéré que l'intervention des pouvoirs publics en matière d'avantages ne devrait pas être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir.
  13. 32. D'autre part, lorsque les avantages réservés sont attribués par voie de convention collective et sans intervention de l'Etat, ils pourraient être assimilés à des clauses de sécurité syndicale, comme cela sera indiqué plus bas.
  14. 33. Dans ces conditions, si l'on se réfère aux observations du gouvernement dans le cas présent, il semble en ressortir qu'en Belgique, sur le plan national (et, semble-t-il, régional), les conditions requises pour qu'une organisation syndicale soit considérée comme représentative et, par suite, habilitée à siéger en commission paritaire et négocier la réservation d'avantages à ses membres, sont au nombre de trois: que l'organisation soit rattachée à une organisation nationale interprofessionnelle; que l'organisation interprofessionnelle groupe au moins 30 000 membres; que l'organisation interprofessionnelle soit représentée au Conseil central de l'économie et au Conseil national du travail. Dans ses observations, le gouvernement déclare que le système établi n'empêche pas qu'une organisation suffisamment puissante puisse faire la preuve qu'elle répond aux critères de représentativité sur le plan national et ainsi trouver sa place dans les commissions paritaires.
  15. 34. En ce qui concerne les deux premiers critères (que l'organisation soit rattachée à une organisation nationale interprofessionnelle et que l'organisation interprofessionnelle groupe au moins 30 000 membres), on pourrait, semble-t-il, considérer que, dans le cas des commissions paritaires nationales ou régionales, dont la compétence s'étend à l'ensemble des branches d'activité économique, les organisations désireuses de participer aux organismes paritaires pourront y répondre si elles sont suffisamment représentatives. On pourrait cependant se demander si les critères en question sont également valables pour les commissions paritaires limitées à une branche d'activité ou à un secteur déterminé et si, dans un tel cas, on ne risque pas d'aboutir à une appréciation erronée de la représentativité des organisations dans le secteur envisagé.
  16. 35. En ce qui concerne la troisième condition exigée (que l'organisation professionnelle à laquelle est rattachée l'organisation soit représentée au Conseil central de l'économie et au Conseil national du travail), si la représentation à ces deux conseils n'est pas automatique, mais dépend de la seule décision des pouvoirs publics, il serait important que l'intervention des pouvoirs publics ne se traduise pas par une préférence discrétionnaire donnée à certains syndicats au détriment d'autres syndicats et, à cette fin, à ce que la reconnaissance par l'Etat du caractère représentatif des organisations syndicales soit fondée sur des critères objectifs établis à l'avance et n'offrant pas de possibilité d'abus.
  17. 36. En ce qui concerne les questions précises posées par le Comité quant à la nature, à la portée et au mode d'attribution des avantages sociaux et pécuniaires dont il est question dans la présente affaire, le gouvernement explique tout d'abord en quoi, sur le plan moral en quelque sorte, le système des avantages réservés est défendable en indiquant que l'on justifie habituellement ce système en soulignant: que les organisations syndicales contribuent au développement de la vie sociale et économique de la nation; que les organisations syndicales sont les meilleures garantes de la paix sociale; que les membres des organisations syndicales supportent seuls les efforts qui, en définitive, profitent à la communauté, qu'il est équitable que les entreprises, qui profitent du développement économique et de la paix sociale dont il est question ci-dessus, accordent, en compensation des sacrifices consentis, des avantages particuliers à leur personnel syndiqué.
  18. 37. Quant à la portée ratione personae desdits avantages, le gouvernement indique qu'ils sont accordés aux travailleurs syndiqués appartenant à une organisation syndicale signataire de la convention collective ayant pour objet la réservation d'avantages et que la charge en est supportée par le ou les employeurs signataires de cette convention.
  19. 38. En ce qui concerne la nature des avantages réservés et leur mode d'attribution, le gouvernement présente les commentaires suivants. Les avantages en question sont des avantages pécuniaires, le plus souvent sous forme de primes annuelles. Ces primes tendent plus ou moins à recouvrer le montant des cotisations syndicales. Il s'agit d'avantages n'ayant aucun rapport avec un régime contractuel quelconque. En d'autres termes, ces avantages ne sont pas liés à un système légal (lois sur les contrats de travail ou d'emploi, par exemple) ou à une convention individuelle de travail (convention de travail passée entre tel travailleur et tel employeur). Ils ne dépendent ni de l'exécution du travail comme tel, ni d'une législation sociale quelconque. Il s'agit donc d'avantages extra-légaux et extra-contractuels qui ne peuvent pas être qualifiés, à proprement parler, d'avantages sociaux, mais bien d'avantages syndicaux. Les avantages réservés aux travailleurs syndiqués sont toujours attribués par voie de convention collective et non par voie législative.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 39. Il est difficile au Comité d'évaluer exactement dans quelle mesure, tels qu'ils sont décrits par le gouvernement, les avantages réservés revêtent un attrait économique suffisant pour inciter un travailleur à s'affilier à un syndicat plutôt qu'à un autre ou à quitter le syndicat auquel il appartient pour adhérer à un autre syndicat lui offrant le bénéfice des avantages réservés. Par ailleurs, d'après les déclarations du gouvernement, les avantages réservés sont toujours attribués par voie de conventions collectives. La Belgique étant cependant parmi les pays où les conventions collectives sont susceptibles d'êtres étendues par décision gouvernementale, il semblerait approprié, lorsqu'il décide de l'extension d'une convention collective, que le gouvernement prenne soin que cette extension n'aboutisse pas à porter atteinte à la liberté de choix des travailleurs en matière d'affiliation syndicale en raison des effets économiques des clauses prévoyant l'octroi d'avantages pécuniaires.
  2. 40. Cela posé, il n'en reste pas moins que les avantages réservés sont en règle générale attribués par voie de convention collective et qu'à ce titre ils peuvent être assimilés à des clauses de sécurité syndicale. Or, ainsi que le Comité l'avait constaté à l'occasion de cas antérieurs, la Conférence a estimé que les clauses de sécurité syndicale constituaient des questions relevant de la réglementation et de la pratique nationales. Il citait à ce propos une déclaration de la Commission de la Conférence chargée d'examiner cette question, déclaration conçue en ces termes: « La Commission s'est finalement mise d'accord pour exprimer dans son rapport l'opinion que la convention no 98 ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. »

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 41. La Conférence, en adoptant le rapport de la Commission, s'étant ralliée à ce point de vue, le Comité estime n'avoir pas qualité pour examiner le problème quant au fond et il recommande donc au Conseil d'administration, en notant les paragraphes qui précèdent, de décider qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le cas.
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