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- 163. Le Comité, ayant pris connaissance du cas lors de sa vingt-sixième session (novembre 1960), a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui fait l'objet des paragraphes 307 à 334 de son quarante-neuvième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 147ème session (novembre 1960).
- 164. Ce cas comprenait cinq séries d'allégations concernant, dans l'ordre, des actes antisyndicaux des employeurs, l'interdiction de réunions syndicales dans une enceinte mise à la disposition des travailleurs, l'ingérence dans les réunions syndicales, la détention de dirigeants syndicaux et un projet de règlement. A l'égard de ce dernier point, le Comité a présenté au Conseil d'administration la recommandation qui figure au paragraphe 334 de son quarante-neuvième rapport. Quant aux autres allégations ainsi qu'à celles qui ont trait à l'éviction des bureaux syndicaux et qui ont été formulées par le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company, dans deux lettres des 20 octobre 1960 (à laquelle le gouvernement a répondu par une lettre du 8 février 1961) et 5 février 1961, et par la FUTRA dans une lettre du 1er février 1961 - lettre relative à la demande d'enregistrement présentée par ladite fédération -, elles sont examinées ci-dessous.
- 165. Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives aux actes antisyndicaux des employeurs
A. Allégations relatives aux actes antisyndicaux des employeurs
- 166. Dans leurs communications datées respectivement des 12 septembre et 22 août 1960, la FUTRA et le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company déclarent qu'ils ont à plusieurs reprises demandé au ministre du Travail d'intervenir, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice, pour mettre fin aux poursuites exercées contre les syndicats et leurs dirigeants par les compagnies bananières qui les emploient et par des journaux financés par ces compagnies (des coupures de ces journaux sont jointes aux communications susmentionnées). Parmi les cas concrets cités par la FUTRA, il convient de mentionner les allégations concernant la pression qui serait exercée sur les travailleurs de Corredores par leurs employeurs en vue de les obliger à quitter leur syndicat; les allégations concernant les manoeuvres de la Costa Rican Banana Company et de la Chiriqui Land Company visant à constituer un « comité d'employés» avec des éléments jouissant de la confiance des patrons pour concurrencer le syndicat, manoeuvres soutenues notamment par une campagne de presse et par des tracts distribués par avion (ainsi que cela est décrit dans la lettre du 4 avril 1960 adressée par la FUTRA au ministre du Travail et dont copie est jointe à la plainte). Les plaignants déclarent que, pour leurs machinations, les employeurs utilisent souvent comme agents d'anciens employés, afin de pouvoir eux-mêmes, par la suite, décliner toute responsabilité. Le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company se plaint également dans sa communication du 22 août 1960 des tentatives que les employeurs auraient faites pour l'éliminer en lui opposant le « comité d'employés ». Les deux plaignants déclarent que, malgré le fait que le gouvernement de Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, toutes les demandes qu'ils ont adressées au ministre compétent pour que ce dernier intervienne, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice, sont restées sans suite (les plaignants font parvenir des copies des différentes lettres qu'ils déclarent avoir adressées au ministre à ce sujet).
- 167. Dans sa communication du 5 février 1961, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company déclare que la United Fruit Company a pris de nombreuses mesures réglementant l'emploi afin de réduire le coût de la production et que, devant la résistance du syndicat, la compagnie a dépensé des milliers de dollars pour de la propagande stigmatisant le syndicat comme communiste. Il est allégué que le gouvernement a permis que les syndicats soient persécutés et que le ministère du Travail prend prétexte d'études et d'enquêtes pour faire obstacle à l'action des syndicats qui n'obéissent pas aux directives de l'ambassade des Etats-Unis. C'est là le but - déclarent les plaignants - d'une circulaire publiée récemment et prévenant les syndicats des conséquences possibles « d'activités illégales» de leur part. Les plaignants fournissent copie de la circulaire en question, d'où il ressort que le ministère demandera aux tribunaux de dissoudre tout syndicat qui s'écarterait de son but essentiel, la défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs, et qui se livrerait à des activités politiques ou appuierait de telles activités.
- 168. Le gouvernement a présenté ses observations à l'égard des faits qui lui sont reprochés par la FUTRA dans ses communications des 1er et 2 novembre 1960. C'est injustement - déclare le gouvernement - que le ministre du Travail est accusé de n'être pas intervenu alors qu'il aurait dû le faire, soit par voie d'arbitrage, soit par une action en justice puisque, dès que la requête de la FUTRA lui est parvenue, il a chargé un inspecteur du travail de procéder à une enquête approfondie au sujet des circonstances entourant les faits allégués. Selon le rapport établi par ce fonctionnaire - dont le texte est annexé à la réponse du gouvernement -, les accusations en question ne sont pas fondées. Le fait qu'aucune action en justice n'a été ouverte à la suite de ces événements - poursuit le gouvernement - ne peut être interprété comme un déni de justice, puisque les éléments d'information rassemblés ne permettaient pas au gouvernement de partager l'opinion des plaignants, selon laquelle de tels actes auraient été commis ou seraient illicites et que, par ailleurs, les lois en vigueur disposent d'une manière tout à fait claire que toute personne - qu'il s'agisse d'un citoyen ordinaire ou d'un organisme légalement constitué - est libre, si elle considère qu'il a été porté atteinte à ses droits, de demander justice aux tribunaux, lesquels sont dans l'obligation, en vertu du «pouvoir d'intenter action d'office », de poursuivre la procédure jusqu'à ce qu'elle ait été conclue par le prononcé du jugement.
- 169. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle une pression a été exercée sur les travailleurs en vue de les inciter à quitter leur syndicat, le gouvernement invoque également le rapport d'un inspecteur du travail. Ledit fonctionnaire fait état d'entrevues avec différentes personnes qui ont été en relation directe avec les événements en question, notamment le chef du Bureau du travail et des affaires sociales de la Compagnie bananière, certains des travailleurs ayant quitté le syndicat, enfin, la personne se trouvant à l'origine de la plainte, M. Solis Barboza. D'après la première des personnes susnommées, la Compagnie n'a en aucun cas exercé de pression tendant à inciter les travailleurs à quitter le syndicat, et ceux qui l'ont quitté l'ont fait de leur propre mouvement. Les travailleurs auxquels l'inspecteur du travail a parlé ont confirmé ce qui précède, indiquant qu'ils se sont retirés de leur plein gré, et les questions posées ont permis d'établir qu'ils n'avaient pas connaissance du fait que certains de leurs compagnons de travail avaient fait l'objet d'une pression de cette nature. Enfin, M. Solis Barboza, pressé lui-même d'indiquer le nom exact de tout travailleur qui aurait été soumis à une telle manoeuvre coercitive, s'est montré dans l'impossibilité de se rappeler un seul nom.
- 170. La réponse du gouvernement porte ensuite sur l'allégation selon laquelle la Costa Rican Banana Company et la Chiriqui Land Company ont constitué le « comité d'employés » destiné à contrecarrer les activités du syndicat. Le gouvernement déclare que ce comité est une association de fait, formée de travailleurs appartenant aux deux plus grandes compagnies bananières, mais ne fonctionnant pas en qualité d'agents de celles-ci. Pour appuyer cette déclaration, le gouvernement annexe à sa réponse deux télégrammes qui ont été envoyés au ministre du Travail, l'un par le directeur de la Costa Rican Banana Company et l'autre par le «comité d'employés ». Ils précisent l'un et l'autre que le comité en question n'est pas un organisme dépendant des entreprises et qu'il ne reçoit d'elles ni ordres, ni instructions, ni aide financière. Le gouvernement produit également un communiqué publié par le «comité d'employés» dans le journal La Nación, du 13 février 1960, exposant la nature et les objectifs dudit comité et destiné à répondre à ceux qui ont prétendu qu'il y avait collusion entre les entreprises et lui. Le gouvernement estime que l'existence de ce comité est parfaitement normale en vertu même du système démocratique de la liberté d'association qui est établi aux articles 25 et 28 de la Constitution politique de Costa Rica. En l'absence d'une preuve quelconque - soutient le gouvernement - établissant que le comité agit comme agent des entreprises, il ne peut être procédé à une enquête relative à ses activités en prétextant que celles-ci constituent une atteinte à la liberté syndicale. Tant que cette preuve n'aura pas été apportée - continue le gouvernement - toute expression de la part dudit comité d'une opinion que les syndicats estimeraient offensante ou diffamatoire à leur égard tombe sous la juridiction des tribunaux pénaux, devant lesquels les parties intéressées doivent ouvrir les actions appropriées. Des explications du même ordre sont données dans la lettre envoyée par le ministre du Travail à M. Solis Barboza le 29 juillet 1960, dont le gouvernement joignait la copie à sa communication.
- 171. Le gouvernement décline toute responsabilité en ce qui concerne l'allégation selon laquelle les entreprises se servent, pour pouvoir mener impunément leur campagne antisyndicale, d'anciens employés influents, en particulier d'un membre de l'Assemblée législative, lequel a affirmé qu'il existe des liens entre les syndicats des zones bananières du Pacifique sud et le communisme international. La liberté d'expression - fait observer le gouvernement - garantie par la Constitution, ne permet pas au ministère du Travail d'interdire ou de punir des déclarations de ce genre. C'est aux personnes offensées elles-mêmes de s'adresser aux tribunaux pour faire établir les responsabilités.
- 172. Il convient tout d'abord de déterminer si le gouvernement était tenu d'intervenir, ainsi que le prétendent les plaignants, en ouvrant une action en justice ou par voie d'arbitrage. Le Comité estime que la question de savoir si un gouvernement devrait exercer des pouvoirs statutaires pour engager une action en justice dans le cas d'ingérence d'une organisation d'employeurs dans les activités d'une organisation de travailleurs est une question sur laquelle il appartient au gouvernement lui-même de se prononcer, en tenant compte du point de savoir si des procédures sont justifiées ou non et si elles sont susceptibles d'être couronnées de succès dans tel ou tel cas particulier, sous réserve que le refus d'agir d'un gouvernement n'équivaille pas à un déni de justice ou qu'il revienne à s'abstenir de faire respecter une garantie prévue par un instrument international, tel qu'une convention qui serait ratifiée par le gouvernement intéressé.
- 173. Le gouvernement désirait en l'espèce, ainsi qu'il l'indique lui-même, vérifier avant toute intervention l'exactitude des faits invoqués et établir si la loi avait été violée. C'est sur la base des résultats obtenus qu'une action ultérieure aurait pu être décidée. Les accusations portées se ramenaient essentiellement aux deux faits suivants: pression exercée par les entreprises sur leurs employés en vue de les inciter à quitter leur syndicat, et mise sur pied par les entreprises d'un «comité d'employés » ayant pour but, selon les plaignants, de concurrencer leur syndicat. Il était nécessaire d'établir en premier lieu la réalité de ces faits et, au cas où ils auraient été confirmés, de déterminer s'ils avaient revêtu le caractère d'une violation des droits syndicaux. En ce qui concerne le premier des faits mentionnés, le ministre du Travail a chargé l'un de ses inspecteurs d'enquêter sur les circonstances sur lesquelles portent les accusations des plaignants. Le rapport établi par ce fonctionnaire a amené le gouvernement à estimer que l'accusation était sans fondement. En ce qui concerne le second fait, le gouvernement a accepté les déclarations catégoriques du « comité d'employés» et de la direction des entreprises, selon lesquelles ces deux entités n'avaient aucun rapport l'une avec l'autre. Le gouvernement attire l'attention sur ces preuves, tout en déclarant que, ne partageant pas l'opinion des parties intéressées, il ne s'est pas senti obligé de prendre les mesures que celles-ci sollicitaient. Quant au refus du gouvernement de porter l'affaire devant les tribunaux, il n'aurait pu, dans ces circonstances, constituer un déni de justice que si les plaignants n'avaient pas eu d'autre moyen d'obtenir la protection des droits qu'ils considéraient avoir été violés. Mais le gouvernement déclare qu'ils pouvaient s'adresser eux-mêmes aux tribunaux en vertu des dispositions du Code du travail de 1943 et des modifications qui lui ont été apportées. L'article 557 donne largement la possibilité de s'adresser aux tribunaux et « d'ouvrir l'action en justice appropriée en cas d'infraction aux lois du travail et du bien-être social ». L'article 558 va même plus loin en spécifiant que de telles infractions devront être obligatoirement signalées par « ...b) tout individu qui a connaissance d'un acte commis en violation de l'une quelconque des interdictions formulées par le présent Code ». La compétence des juges et des tribunaux du travail ainsi établie les met dans l'obligation de se prononcer à l'égard des plaintes qui leur sont soumises selon la procédure prévue à l'encontre d'actes commis par des individus ou des organisations en violation apparente des dispositions légales en vigueur.
- 174. Il est également nécessaire d'examiner si le fait, pour le gouvernement, de ne pas engager l'action est compatible avec les obligations qu'il a assumées. En ratifiant la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, le gouvernement de Costa Rica s'est engagé à assurer l'observation des principes énoncés à l'article 2 de ladite convention, aux termes duquel « les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article, des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs ». Pour donner effet aux dispositions de cette convention, le gouvernement est donc dans l'obligation de veiller à ce que la législation nationale offre aux organisations professionnelles les moyens de faire respecter les droits garantis par lesdites dispositions.
- 175. Avant de s'efforcer d'aboutir à des conclusions définitives sur le point de savoir si le refus d'intervenir du gouvernement était ou non justifié du point de vue de la justice nationale ou de celui des responsabilités internationales incombant au gouvernement, il convient d'élucider un élément essentiel de la réponse du gouvernement. On ne voit pas clairement, en effet, quel article du Code du travail aurait pu être invoqué par les plaignants pour intenter une action en justice sur la base d'une prétendue violation des dispositions dudit Code. Les articles 70 c) et i), 271 et 275 d), prévoient des garanties diverses destinées à protéger les droits des travailleurs contre de telles violations commises par les employeurs, cette protection étant de même nature que celle qui est prévue à l'article 1 de la convention mentionnée ci-dessus. Mais le Code ne semble pas contenir de dispositions relatives à la protection des organisations de travailleurs contre des actes d'ingérence de la part des employeurs ou des organisations d'employeurs, ainsi qu'il est prévu à l'article 2 de ladite convention.
- 176. Dans ces conditions, le Comité, avant de présenter des recommandations définitives au Conseil d'administration, a décidé de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer quel article du Code du travail aurait pu éventuellement être invoqué par les plaignants pour faire trancher par un tribunal du travail la question de l'ingérence alléguée par eux à l'égard des droits, non pas des travailleurs individuels, mais de leurs organisations - en particulier celle commise par le « comité d'employés » - ou, accessoirement, à quels autres moyens légaux auraient pu recourir les plaignants pour faire respecter leurs droits, dans l'hypothèse où leurs allégations auraient été fondées. Le Comité demande également au gouvernement de présenter ses observations sur la communication du 5 février 1961 du syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company.
- Allégations relatives ù l'interdiction de certaines réunions syndicales
- 177. Il est allégué dans l'un des documents annexés à la plainte de la FUTRA du 12 septembre 1960 que, par l'intermédiaire du service de sécurité de Palmar Sud, la compagnie Costa Rican Banana Company a interdit, à partir du 6 septembre 1960, toute réunion syndicale dans les quartiers ouvriers où les plaignants déclarent que ces réunions s'étaient toujours tenues depuis plus de dix-sept ans.
- 178. Dans sa communication du 5 février 1961, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company allègue que l'assemblée générale du syndicat devait avoir lieu ce même jour, à Laurel, dans des locaux propriété de la compagnie où de telles assemblées s'étaient toujours tenues depuis huit ans. L'autorisation de tenir la réunion avait été accordée par le ministère de l'Intérieur; il est allégué que malgré cette autorisation, le maire, fonctionnaire politique en chef de la région de Golfito (représentant local du Président de la République) aurait déclaré que la réunion ne pouvait avoir lieu, «la compagnie ne l'autorisant pas ».
- 179. Le gouvernement indique, à cet égard, dans sa communication du 2 novembre 1960, qu'il n'a pas jugé bon d'ordonner aux compagnies d'autoriser des réunions de travailleurs dans des immeubles dont elles sont légalement propriétaires; que, cependant, conformément à sa politique d'assurer au mouvement syndical costaricien le maximum de protection, il espère obtenir que le règlement syndical actuellement en préparation prévoie - et que les compagnies acceptent - l'introduction de dispositions autorisant des réunions de ce genre, à condition que leur objectif soit purement syndical. Le gouvernement n'a pas encore eu l'occasion de présenter ses observations sur les questions soulevées par le syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company.
- 180. A une autre occasion, le Comité, appelé à examiner des allégations relatives à l'opposition des employeurs des plantations à l'exercice d'activités syndicales dans leur propre immeuble, avait estimé, tout en reconnaissant que les plantations constituent une propriété privée, que - si les travailleurs vivent dans les plantations où ils travaillent, de manière que les représentants syndicaux doivent se rendre dans lesdites plantations pour s'acquitter normalement de leurs fonctions syndicales parmi les travailleurs - il est particulièrement important que ces représentants puissent accéder librement aux plantations pour y exercer légalement leurs activités syndicales, à condition de ne pas gêner la besogne pendant les heures de travail et à condition que des précautions suffisantes soient prises pour la protection de la propriété.
- 181. Ce sont ces mêmes considérations qui ont amené la Commission du travail dans les plantations à affirmer, dans une résolution relative aux relations professionnelles dans les plantations (Bandung, décembre 1950), le principe selon lequel les employeurs des plantations «devraient accorder aux syndicats des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux gratuits à usage de bureau, la liberté de tenir des réunions et la liberté d'accès ».
- 182. Dans ces conditions, le Comité, tenant compte de l'importance qu'il attache aux principes énoncés ci-dessus, exprime l'espoir que le gouvernement prendra, en conformité de la déclaration d'intention contenue dans sa communication du 2 novembre 1960, toutes mesures susceptibles de conduire à un accord entre les employeurs et l'organisation plaignante à l'égard de la tenue de réunions syndicales. Avant de formuler toutefois sa recommandation définitive au Conseil d'administration, le Comité demande au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au sujet des questions soulevées dans la dernière communication du Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company.
- Allégations relatives à l'expulsion hors des bureaux syndicaux
- 183. Ces allégations ont été formulées par le syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company dans une lettre du 20 octobre 1960, à laquelle est annexée la copie d'une plainte adressée à l'autorité d'inspection générale au sujet des événements en question. Selon les plaignants, les faits se sont déroulés de la manière suivante: le jeudi 13 octobre 1960, le chef de la police de Puerto González aurait ordonné à ses subordonnés de mettre le syndicat à la porte d'une maison qu'il occupait depuis plus de six ans dans le domaine de Laurel, et qui avait été mise à sa disposition par la Chiriqui Land Company pour y installer les bureaux du syndicat ainsi que le fonctionnaire syndical qui en a la charge. La police a jeté dans la rue tous les livres, papiers et documents qui se trouvaient dans le bureau et a enlevé les tables et les bancs. Aux protestations opposées, insistant notamment sur le fait que ces objets étaient la propriété du syndicat, un officier de police a répondu, selon les plaignants, que la compagnie ne voulait pas avoir de syndicat à cet endroit. En outre, poursuivent les plaignants, le maire de Golfito a déclaré à la presse qu'il ferait échec à toute tentative de grève dans la zone bananière, dût-il faire couler le sang, déclaration qui montre clairement, concluent les plaignants, que le droit de grève est sérieusement compromis.
- 184. Dans sa communication du 8 février 1961, le gouvernement a fait tenir copie d'un rapport élaboré sur la question de l'expulsion par le maire de Golfito et adressé au ministère de l'Intérieur. Le gouvernement déclare que les procédures légales ont été pleinement suivies, que les règles applicables à ces procédures ont été respectées et qu'il a été donné effet à l'ordre d'expulsion correctement et courtoisement. Dans le rapport annexé à la réponse du gouvernement, il est dit que la Chiriqui Land Company a autorisé son représentant à instituer une action auprès des autorités de police de Puerto González en vue de l'éviction de M. Gregorio Mayorga Correa (un dirigeant de la FUTRA) d'un logement appartenant à la compagnie; l'intéressé, est-il dit, avait ignoré les demandes antérieures visant à ce qu'il libère une moitié du bâtiment en question (no 9104, Laurel Estate). En conséquence, le représentant de la compagnie a introduit une action en expulsion conformément à l'article 2, alinéas 1 et 2, du Code de procédure civile visant à contraindre M. Gregorio Mayorga Correa à évacuer la moitié du bâtiment ou, en cas de refus de sa part, à le faire expulser par la police. La police a notifié à l'intéressé d'avoir à évacuer la moitié du bâtiment le 19 septembre 1960; le 27 septembre, un délai de huit jours a été imparti par écrit à M. Mayorga Correa pour s'exécuter, à défaut de quoi il serait expulsé. Ce dernier a présenté contre cette mesure certains arguments qui ont été rejetés par le chef de la police. Le 13 octobre, le chef de la police a expulsé l'intéressé et a mis ses effets dans la rue; celui-ci les a emportés. Toutes ces mesures, déclare le gouvernement, sont pleinement conformes avec les dispositions du droit administratif national et, en particulier, avec l'article 691, alinéas 1 et 2, du Code de procédure civile.
- 185. En ce qui concerne les déclarations qui auraient été faites à la presse par le maire, le gouvernement déclare que ces allégations sont trop vagues - aucune date n'est donnée et aucun journal mentionné nommément - pour permettre de présenter des observations à leur sujet si ce n'est pour indiquer que les maires ne prennent pas de décisions sur les questions politiques.
- 186. L'allégation a trait à l'expulsion d'un dirigeant syndical de locaux occupés par lui et apparemment utilisés comme local syndical où des documents étaient conservés; les locaux en question étaient la propriété de la Chiriqui Land Company. Indépendamment de la question de la propriété légale, tant la décision que l'exécution de l'expulsion semblent, d'après la procédure décrite par le gouvernement, appartenir à la police, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir de décision d'un tribunal. Cette procédure n'est pas courante. Avant de formuler ses conclusions définitives sur cet aspect du cas, le Comité a décidé de demander au gouvernement de confirmer si, en fait, il est possible d'expulser une personne dans de semblables circonstances sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à un tribunal.
- Allégations relatives à l'ingérence dans les réunions syndicales
- 187. Il est également allégué - dans une communication du 22 août 1960 émanant du syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company - que, le 13 août 1960, alors qu'une réunion générale du syndicat était sur le point de se tenir, les autorités publiques ont envoyé sur les lieux un nombre inusité d'agents de police, provoquant ainsi le départ d'un nombre si élevé de syndiqués que le quorum légal pour que la réunion puisse se tenir ne put être atteint. La réunion fut, en conséquence, reportée au 21 août. Juste avant l'ouverture de l'assemblée ajournée, la police aurait à nouveau été envoyée dans les parages, ce qui explique qu'une centaine de syndiqués seulement ont osé y assister. Pendant la réunion, les locaux du syndicat auraient été placés sous une surveillance étroite de la police. Les plaignants déclarent que, bien que le droit de réunion soit garanti par l'article 26 de la Constitution de Costa Rica, le secrétaire du maire de Golfito a voulu empêcher par la force cette réunion. Ils accusent également les autorités de tentative d'espionnage faite au cours de la réunion dans l'espoir de trouver un prétexte justifiant la dissolution du syndicat; c'est ainsi qu'un inspecteur du travail aurait déclaré qu'il avait reçu pour instructions d'assister à la réunion en qualité d'observateur, mais que le bureau du syndicat n'avait pas été informé de sa présence dès le début, car il ne s'était pas présenté officiellement lors de la première séance de l'assemblée générale qui s'était tenue dans les locaux privés du syndicat.
- 188. Le gouvernement indique dans sa réponse qu'il est d'usage, chaque fois qu'on se trouve en présence d'un grand rassemblement de personnes à l'occasion d'activités sociales, politiques ou autres, de prévoir un renfort de police destiné à maintenir l'ordre public; d'ailleurs, étant donné la réputation dont jouit dans le pays le corps de police, sa présence, loin d'intimider les intéressés, inspire un sentiment de sécurité et de confiance, indépendamment des garanties conférées par la Constitution et la législation, dont l'efficacité s'appuie sur le fait qu'on sait que les institutions sont respectées dans le pays. En ce qui concerne la présence d'un inspecteur du travail à la réunion syndicale, le gouvernement fait observer que les inspecteurs du travail sont suffisamment connus des travailleurs, avec lesquels ils sont en relations constantes, pour que leur présence à une réunion telle que celle dont il est question ne puisse leur causer une surprise. Le gouvernement ajoute que, en vertu de l'article 267 du Code du travail, ces fonctionnaires sont investis du pouvoir légal d'assister aux réunions générales en qualité d'observateurs.
- 189. Dans un cas soumis antérieurement au Comité, le secrétaire au Travail des Etats-Unis était accusé d'être intervenu dans des élections syndicales en prononçant un discours où il invitait les travailleurs à voter pour un syndicat déterminé; le Comité, appelé à trancher la question de savoir si cette intervention pouvait être considérée par les travailleurs intéressés comme une menace à l'égard de la liberté de vote au scrutin secret pour le syndicat de leur choix, avait estimé qu'il fallait tenir compte des conditions et traditions prévalant dans le pays, ainsi que de la manière dont les droits civils et la liberté politique y sont protégés.
- 190. Dans le cas examiné ici, il semble que le nombre d'agents de police rassemblés à proximité de l'endroit où devait se tenir la réunion syndicale en vue du maintien de l'ordre public est également une question de fait dont l'appréciation doit obéir à des considérations du même ordre. Le gouvernement fait valoir qu'il lui appartient de maintenir l'ordre public et que ce maintien exige la présence de renforts de police dans tous les cas où un grand nombre de personnes sont rassemblées dans le cadre de manifestations publiques. Il serait très difficile de déterminer, sans connaître les circonstances exactes, le nombre d'agents de police suffisant pour maintenir l'ordre sans porter atteinte au droit des travailleurs de se réunir librement.
- 191. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il convient, en prenant les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, de veiller à ne pas compromettre en même temps le libre exercice des droits syndicaux, et de faire en sorte que les officiers de police respectent les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par Costa Rica.
- 192. En ce qui concerne la présence d'un fonctionnaire public à une réunion se tenant dans les locaux syndicaux - ainsi qu'il est allégué dans le cas présent -, le Comité, appelé à se prononcer à une autre occasion, où il était également allégué qu'un fonctionnaire du gouvernement avait assisté aux élections syndicales, a estimé - ainsi que l'avait fait la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lorsqu'elle a examiné l'application à Cuba de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - que la présence d'un tel fonctionnaire pouvait constituer une «ingérence » dont les autorités publiques doivent s'abstenir en vertu de l'article 3 de la convention mentionnée ci-dessus.
- 193. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il convient, en prenant les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, de veiller à ne pas compromettre en même temps le libre exercice des droits syndicaux, et sur l'opportunité de faire en sorte que les officiers de police respectent les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par Costa Rica;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, quand les autorités envoient leurs représentants à des assemblées ou réunions générales des syndicats se déroulant dans les locaux syndicaux, ou à d'autres réunions syndicales privées, la présence de ces représentants peut être considérée comme une ingérence dont les autorités publiques doivent s'abstenir en vertu de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
- Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux
- 194. Dans sa communication du 22 août 1960, le Syndicat des travailleurs de la Chiriqui Land Company allègue que, le 24 juillet 1960, alors qu'une réunion des membres du syndicat se tenait dans ses propres locaux, à Laurel, deux dirigeants syndicaux, MM. Alvaro Montero Vega et Juan Rafael Solis Barboza, ont été arrêtés et incarcérés sur ordre du maire de Golfito. La FUTRA déclare, dans les annexes jointes à la plainte du 12 septembre 1960, que l'arrestation de ces deux personnes, respectivement vice-président et secrétaire général de l'organisation en question, a eu lieu peu de temps après une visite qu'elles avaient rendue au Président de la République pour se plaindre des poursuites contre le mouvement syndical; la FUTRA indique également que le Président avait promis de prendre des dispositions afin de mettre fin à cet état de choses, et que cette interview a paru dans la presse le lendemain. Les plaignants allèguent encore qu'une protestation ultérieure, adressée personnellement au Président de la République, est restée sans suite. Ils font, en outre, parvenir un extrait du journal La República, daté du 26 juillet 1960, relatant leur arrestation.
- 195. Le gouvernement conteste, dans sa communication du 1er novembre 1960, que les dirigeants Juan Rafael Solis Barboza et Alvaro Montero Vega aient été arrêtés le 24 juillet; ce qui s'est passé en réalité est qu'ils ont entrepris de tenir une réunion sans avoir rempli les formalités prévues par la loi à cet effet, fait qui a donné lieu à une sanction, mais non à leur arrestation. A l'appui de cette affirmation, le gouvernement envoie une lettre du ministre du Travail au ministre de l'Intérieur, à laquelle est jointe la réponse de ce dernier. Le ministre de l'Intérieur indique, dans sa réponse, que MM. Alvaro Montero Vega et Juan Rafael Solis Barboza ont été surpris alors qu'ils tenaient une réunion sans avoir accompli les formalités préliminaires requises par la loi, ensuite de quoi, et selon les dispositions de l'article 26 de la Constitution politique de Costa Rica, de l'article 263 du Code du travail et de l'article 137 du Code de police, des sanctions leur ont été infligées par l'administration de Golfito, sans qu'ils aient cependant, à aucun moment, fait l'objet d'une arrestation.
- 196. A d'autres occasions, dans lesquelles il a été appelé à se prononcer au sujet de plaintes relatives à des atteintes au libre exercice du droit de tenir des réunions syndicales, le Comité a estimé que le droit des syndicats de tenir librement des réunions dans leurs propres locaux, sans avoir besoin d'une autorisation préalable et en l'absence de contrôle des autorités publiques, constitue un élément essentiel de la liberté d'association.
- 197. Dans ces conditions, le Comité, avant de présenter ses recommandations, a décidé de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir des informations complémentaires en ce qui concerne les sanctions infligées et les formalités légales qu'il déclare n'avoir pas été remplies en vue de la réunion syndicale tenue dans les locaux syndicaux le 24 juillet 1960.
- Allégations relatives à la demande d'enregistrement présentée par la FUTRA
- 198. L'organisation plaignante déclare, dans une communication du 1er février 1961, que sa création a été décidée lors d'un congrès des syndicats des travailleurs des zones bananières, qui s'est tenu les 13 et 14 février 1960. La demande d'enregistrement fut immédiatement adressée au ministère du Travail. Les plaignants déclarent qu'entre cette époque et le mois de novembre 1960, le ministère a prié la Fédération de procéder à un certain nombre de modifications dans son projet de règlement, modifications dont l'ensemble a été accepté par la Fédération, et qu'en dépit de cette acceptation, le ministère a fait savoir à la Fédération, le 16 janvier 1961, que sa demande devait être maintenue en attente jusqu'à ce que le ministère ait procédé à une enquête relative aux diverses organisations de travailleurs des plantations de bananes déjà existantes. Les plaignants prétendent que ceci équivaut à un refus d'enregistrement. Ils citent les dispositions de l'article 60 de la Constitution de Costa Rica, ainsi que celles des articles 262, 274 et 288 du Code du travail, et allèguent que celles-ci ont été violées par l'absence d'enregistrement de leur organisation par le ministère.
- 199. Cette plainte a été transmise au gouvernement; toutefois, ce dernier n'a pas encore fait parvenir ses observations à cet égard.
- 200. En conséquence, le Comité a ajourné l'examen de cet aspect du cas jusqu'à ce qu'il ait reçu les observations du gouvernement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 201. Pour ce qui est du cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence dans les réunions syndicales:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il convient, en prenant les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, de veiller à ne pas compromettre en même temps le libre exercice des droits syndicaux, et de faire en sorte que les officiers de police respectent les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par Costa Rica;
- ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, quand les autorités envoient leurs représentants à des assemblées ou réunions générales des syndicats se déroulant dans les locaux syndicaux, ou à d'autres réunions syndicales privées, la présence de ces représentants peut être considérée comme une ingérence dont les autorités publiques doivent s'abstenir en vertu de l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
- b) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives aux actes antisyndicaux des employeurs, à l'éviction des bureaux syndicaux, à l'interdiction de certaines réunions syndicales, à la détention de dirigeants syndicaux et à la demande d'enregistrement présentée par la Fédération unique des travailleurs du Pacifique sud, étant entendu que le Comité fera un nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des observations complémentaires et des informations qu'il a prié le gouvernement de bien vouloir fournir.
- Genève, le 24 février 1961. (Signé) Roberto AGO, Président.