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Informe provisional - Informe núm. 58, 1962

Caso núm. 192 (Argentina) - Fecha de presentación de la queja:: 16-ENE-59 - Cerrado

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  1. 432. La plainte primitive de la F.S.M comprenait deux communications datées respectivement du 16 janvier et du 26 février 1959; elle contenait des allégations concernant la grève des cheminots de novembre 1958, ainsi que sa répression, et la grève de l'entreprise frigorifique d'Etat de janvier 1959 - qui devint générale -, ainsi que sa répression.
  2. 433. Lorsque le Comité a examiné le cas à sa vingt-deuxième session (mai 1959), il était saisi d'une communication du gouvernement, du 8 avril 1959, contenant des observations sur la grève des cheminots ainsi que d'une autre communication, du 12 mai 1959, qui constituait une réponse partielle aux allégations relatives à la grève de l'entreprise frigorifique et où le gouvernement annonçait qu'il ferait parvenir ses observations ultérieurement.
  3. 434. Le Comité a soumis au Conseil d'administration ses recommandations sur les allégations relatives à la grève des cheminots de novembre 1958 et sur sa répression, recommandations qui figurent au paragraphe 116 a), b) et c) du trente-sixième rapport du Comité. Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 142ème session (mai juin 1959) et il ne sera donc plus question, dans le présent rapport, des allégations concernant cet aspect du cas.
  4. 435. D'autre part, le Comité a ajourné l'examen des allégations relatives à la grève des travailleurs de l'entreprise frigorifique, en attendant la réponse complète du gouvernement. La F.S.M a fourni, dans sa lettre du 24 novembre 1959, de nouveaux éléments au sujet de ces allégations et présenté de nouvelles allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux et à l'intervention des pouvoirs publics dans l'administration des syndicats, en même temps que la Commission permanente de liaison du Mouvement ouvrier d'Argentine formulait, par une lettre du 3 novembre 1959, une nouvelle plainte sur ces mêmes questions. Dans une communication du 22 juin 1960, le gouvernement a complété les observations qu'il avait formulées dans sa lettre du 12 mai 1959, au sujet de la grève de l'entreprise frigorifique d'Etat.
  5. 436. Saisi du cas à sa vingt-septième session (novembre 1960), le Comité a soumis au Conseil d'administration ses recommandations définitives au sujet de certaines des allégations restées en suspens, savoir, les allégations relatives à la grève des travailleurs de l'entreprise frigorifique d'Etat, ainsi que les allégations relatives à la mobilisation des travailleurs du pétrole, des cheminots et des travailleurs des transports formulées dans la communication de la F.S.M du 26 février 1959. Ces recommandations, qui figurent au paragraphe 189 a) et b) du quarante-neuvième rapport du Comité, ont été approuvées par le Conseil d'administration lors de sa 147- session (novembre 1960); en conséquence, on n'y reviendra pas dans le présent rapport.
  6. 437. Saisi de nouveau du cas à sa vingt-huitième session (mai 1961), le Comité a soumis au Conseil d'administration ses recommandations définitives au sujet d'un certain nombre d'autres allégations restées en suspens, savoir, celles qui ont trait à la détention de dirigeants syndicaux et celles qui se réfèrent à l'intervention des pouvoirs publics dans l'administration des syndicats. Ces recommandations - qui figurent au paragraphe 134 a) et b) du cinquante-sixième rapport du Comité - ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 149ème session (juin 1961); on n'y reviendra donc pas dans le présent rapport.
  7. 438. D'autre part, dans une communication du 3 juillet 1959, la F.S.M avait formulé des allégation relatives à la grève des employés de banque et des assurances, aux mauvais traitements infligés à des syndicalistes incarcérés à la prison de Magdalena et à l'existence de camps de concentration, allégations dont le Comité n'avait pas terminé l'examen. Il ne sera question dans les pages qui suivent que de ces deux séries d'allégations restées en suspens.
  8. 439. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives ù la grève des employés de banque et des assurances

A. Allégations relatives ù la grève des employés de banque et des assurances
  1. 440. Dans sa communication du 3 juillet 1959, la F.S.M, après avoir accusé le gouvernement d'avoir mobilisé les travailleurs, arrêté des syndicalistes et d'être intervenu dans les affaires des syndicats, déclare que toutes ces mesures ont été prises à la suite de la grève des employés de banque et des assurances, qui - selon les plaignants - s'est déroulée de la manière suivante: en raison de l'augmentation du coût de la vie, le Syndicat des employés de banque a réclamé une augmentation de salaire; après plusieurs mois de négociations infructueuses, le 10 avril 1959, le ministre du Travail a fait savoir aux dirigeants dudit syndicat qu'il se proposait d'abroger l'article 31 du décret no 3133/58, lequel garantit le rajustement des salaires des employés de banque, et déclaré, en même temps, qu'il n'y aurait ni augmentation de salaire ni contrat collectif. Devant cette attitude, le Syndicat des employés de banque a ordonné une grève de vingt-quatre heures, le 14 avril 1959, et une grève de durée illimitée en cas de non-règlement du conflit. Le ministère du Travail a décidé alors de placer le syndicat sous contrôle; les locaux en furent occupés par la police le 14 avril, et l'on procéda à l'arrestation de vingt syndicalistes. La grève fut déclarée illégale, et on menaça de licencier les employés qui ne se présenteraient pas au travail. Depuis lors - déclaraient les plaignants -, les employés de banque sont en grève et font l'objet de mesures de répression et de persécution. Toujours d'après la communication des plaignants, datée du 3 juillet 1959, le 22 mai 1959, le ministre du Travail aurait fait savoir que tous les employés de banque en grève étaient automatiquement licenciés, mesure qui aurait touché plus de 40.000 employés. Ce dernier exemple - concluaient les plaignants - ne fait que confirmer les méthodes employées par le gouvernement argentin pour enfreindre les droits syndicaux.
  2. 441. Dans les diverses réponses gouvernementales dont le Comité était saisi à sa vingt-sixième session (novembre 1960), le gouvernement s'abstenait de présenter ses observations sur les allégations dont il vient d'être question. Dans ces conditions, le Comité avait chargé le Directeur général de demander au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations relatives à la grève des employés de banque et des assurances et, en particulier, des informations sur les raisons qu'il a eues de la déclarer illégale. Une demande dans ce sens a été adressée au gouvernement par une lettre du 24 novembre 1960.
  3. 442. Dans sa réponse du 24 février 1961, le gouvernement s'abstenait de nouveau de présenter ses observations sur cet aspect du cas. Dans ces conditions, à sa vingt-huitième session (mai 1961), le Comité a recommandé au Conseil d'administration de formuler lui-même la demande de renseignements déjà adressée au gouvernement par le Directeur général au nom du Comité. Le gouvernement a répondu par une communication du 17 octobre 1961.
  4. 443. Dans sa réponse, le gouvernement indique que le personnel des banques privées est considéré comme personnel des services publics, dont l'exercice du droit de grève est soumis à certaines conditions et à certaines limitations. Quant au personnel des banques officielles, il est composé de fonctionnaires qui, comme tels, ne jouissent pas du droit de grève. Il semblerait que la raison pour laquelle la grève a été déclarée illégale réside en ce que les employés de banque se sont mis en faute en ne respectant pas les dispositions législatives en vigueur en matière de grève. Le gouvernement ajoute que, déclenchée dans des circonstances qui mettaient gravement en péril la situation économique du pays, la grève en question revêtait de surcroît un caractère politique.
  5. 444. En ce qui concerne la première catégorie d'employés, c'est-à-dire le personnel des banques privées, considérées en Argentine comme des services publics, il semble, d'après les informations fournies par le gouvernement à l'occasion d'autres cas intéressant l'Argentine, qu'avant de déclencher la grève, les intéressés sont astreints par la loi de respecter un certain délai, durant lequel ils doivent se soumettre à une procédure de conciliation.
  6. 445. Ainsi que le Comité l'a constaté à plusieurs reprises, le seul fait qu'une grève soit considérée comme illégale dans un pays donné ne saurait être suffisant pour l'inciter à ne pas examiner le cas plus avant; encore faut-il, en effet, que les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite soient raisonnables et, en tout cas, ne soient pas telles, qu'elles constituent une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales. A cet égard, dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a reconnu que, par exemple, une notification préalable aux autorités administratives et l'obligation de recourir à des procédures de conciliation et d'arbitrage dans les différends collectifs avant de déclencher une grève figurent dans les législations d'un nombre important de pays et que des dispositions de cette sorte ne sauraient être considérées comme constituant une atteinte à la liberté syndicale.
  7. 446. En ce qui concerne la seconde catégorie d'employés, à savoir ceux qui travaillent dans les banques officielles et qui ont la qualité de fonctionnaires, le gouvernement se borne à déclarer que lesdits employés ne jouissent pas du droit de grève, sans autres précisions.
  8. 447. Ainsi que le Comité l'a constaté à plusieurs reprises, le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Comme le Comité l'a constaté à propos de divers cas, ce principe général souffre des restrictions, soit dans les services essentiels, soit dans la fonction publique. A l'égard de tels cas, le Comité a signalé l'importance qu'il attache à l'existence de procédures susceptibles de garantir la solution pacifique de conflits de cet ordre, de telle sorte que les travailleurs qui se voient privés du moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels que constitue la grève légale puissent compter sur des garanties appropriées.
  9. 448. En ce qui concerne la nature de ces garanties appropriées, le Comité est parvenu à la conclusion que les allégations sur le refus du droit de grève n'appelaient pas un examen plus approfondi, après avoir observé qu'il se trouvait assorti de «certaines garanties destinées à sauvegarder les intérêts des travailleurs: interdiction correspondante du droit de lock-out, établissement d'une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque ces méthodes de conciliation échouent, institution d'une procédure paritaire d'arbitrage ». En ce qui concerne les caractères d'un tel système, le Comité a signalé que la limitation du droit de grève « devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles tes intéressés devraient pouvoir participer ».
  10. 449. En l'espèce, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes rappelés aux deux paragraphes précédents.
  11. 450. Restent un certain nombre d'allégations accessoires, au sujet desquelles le gouvernement, dans sa réponse, ne présente pas de commentaires; il s'agit des allégations relatives à l'occupation de locaux syndicaux par la police, à l'arrestation de quelque vingt syndicalistes - dont les noms et qualités ne sont pas précisés - et au congédiement, à la suite de la grève, de plus de 40.000 employés.
  12. 451. Etant donné l'importance de l'allégation et l'ampleur des mesures alléguées qui sont exposées au paragraphe précédent et au sujet desquelles le gouvernement s'est abstenu de répondre malgré des demandes réitérées, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire connaître ses observations sur les différents points mentionnés par les plaignants et d'indiquer quelle est actuellement la situation à ces divers sujets.
    • Allégations relatives aux mauvais traitements infligés aux détenus de la prison de Magdalena et à l'existence de camps de concentration
  13. 452. La F.S.M allègue, dans sa communication du 3 juillet 1959, que les travailleurs incarcérés à la prison de Magdalena auraient été obligés de travailler gratuitement pour les autorités, bien que le règlement de l'établissement pénitentiaire interdise expressément le travail forcé; ceux qui auraient refusé de travailler auraient été punis et jetés au cachot, privés de distractions et de visites, et se seraient vu retirer le droit de correspondance; le directeur de la prison aurait utilisé les détenus pour effectuer des travaux de pavage au profit d'une entreprise privée. Les plaignants allèguent en outre que de nombreux militants syndicaux auraient été internés en Patagonie dans des camps de concentration tels que ceux de Viedma et d'Esquel.
  14. 453. A sa vingt-huitième session (mai 1961), le Comité avait pris note de la déclaration" du gouvernement selon laquelle la « Commission d'enquête sur les ordonnances illégales de la Chambre des députés » était en train de préparer une information au sujet de l'accusation concernant les prétendus camps de concentration de travailleurs dans le sud du pays et les mauvais traitements infligés dans la prison de Magdalena. Le gouvernement ajoutait que le résultat de l'enquête entreprise serait porté à la connaissance du Comité.
  15. 454. Estimant que les informations complémentaires annoncées par le gouvernement seraient susceptibles de lui faciliter l'établissement dès faits, le Comité avait décidé d'ajourner l'examen de cet aspect particulier du cas en attendant d'être en possession desdites; informations.
  16. 455. Dans sa réponse du 17 octobre 1961, le gouvernement déclare tout d'abord que le rapport de la commission mentionnée au paragraphe 453 ci-dessus n'a pas encore été publié. Dès à présent, toutefois, le gouvernement affirme qu'il n'existe en Argentine aucun camp de concentration, mais uniquement des établissements pénitentiaires répondant aux normes fixées par le Code pénal et dont le régime respecte les garanties établies par la Constitution nationale (art. 18). Il ajoute que la commission mentionnée plus haut a inspecté plusieurs établissements, dont ceux qui sont cités par les plaignants. Il ressort du rapport présenté par la commission que les allégations formulées par les plaignants sont dénuées de fondement. Néanmoins, à la suite de ce rapport, certaines améliorations ont été apportées au régime des détenus et, en vertu d'une loi du Congrès, une prison d'Etat située en Terre-de-Feu a été supprimée en raison du climat trop rigoureux de cette région.
  17. 456. Tour en remerciant le gouvernement des informations qu'il a bien voulu fournir sur cet aspect de la plainte, le Comité estime qu'il serait opportun pour lui de prendre connaissance des informations plus complètes que le gouvernement paraît envisager dé lui communiquer avant de présenter, sur cet aspect du cas, ses recommandations au Conseil d'administration. C'est pourquoi il a ajourné l'examen de cette allégation en attendant d'être en possession des informations complémentaires en question.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 457. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à l'existence de procédures susceptibles de garantir la solution pacifique des conflits du travail impliquant des fonctionnaires, de telle sorte que ces travailleurs, lorsqu'ils sont privés du moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels que constitue la grève, puissent compter sur des garanties appropriées, garanties revêtant la forme de procédures de conciliation et d'arbitrage impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer;
    • b) de demander au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au Conseil d'administration sur les diverses allégations formulées par les plaignants et selon lesquelles la grève des employés de banque de 1959 aurait été marquée par des perquisitions de locaux syndicaux, des arrestations de dirigeants syndicalistes et des licenciements massifs, en indiquant sur ces points quelle est actuellement la situation;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne, d'une part, les allégations mentionnées à l'alinéa b) ci-dessus, d'autre part, les allégations relatives aux mauvais traitements dont certains travailleurs détenus auraient été l'objet et à l'existence de camps de concentration, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport sur ces aspects du cas, lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires attendues du gouvernement.
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