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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 179. Les plaintes sont exposées dans des communications de l'Union internationale des syndicats des mineurs (F.S.M.), en date du 19 septembre 1956, de la Fédération syndicale mondiale, en date du 25 octobre et du 7 novembre 1956, et du Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord, affilié à la Confédération internationale des syndicats libres, en date du 16 octobre et du 23 novembre 1956. Comme les plaintes se rapportent aux mêmes questions, elles sont analysées conjointement.
- 180. Les allégations peuvent être classées sous deux rubriques principales a) allégations relatives à l'état d'urgence et aux mesures y relatives ; b) allégations se rapportant à l'ordonnance de 1956 (amendement) sur les syndicats et les conflits du travail.
- Allégations se rapportant à l'état d'urgence en Rhodésie du Nord
- 181. Il est allégué que l'état d'urgence a été déclaré à la suite d'une grève des travailleurs africains dans les mines de cuivre, bien que la grève ait été licite et que la politique de répression générale ait été d'autant plus choquante que l'un des objectifs principaux des mineurs est la suppression de la discrimination raciale dont ils sont victimes. Il est allégué que l'état d'urgence a limité d'une manière sensible, pour ne pas dire qu'elle a complètement paralysé, l'activité non seulement du Syndicat des mineurs africains, mais aussi des organisations syndicales de la Rhodésie du Nord dans leur ensemble.
- 182. Il est allégué que différentes mesures ont été prises depuis la proclamation de l'état d'urgence. Ces allégations sont analysées ci-après.
- Allégations relatives aux arrestations de dirigeants syndicaux ou aux restrictions à leur liberté de mouvement
- 183. Dans sa plainte, en date du 19 septembre 1956, l'Union internationale des syndicats des mineurs allègue que le 13 septembre 1956 le gouvernement, faisant usage des pouvoirs exceptionnels dont il dispose en vertu de l'état d'urgence, a arrêté 32 Africains, principalement des dirigeants du Syndicat des mineurs africains, dont M. Nkoloma, secrétaire général de cette organisation, et que le 15 septembre 9 autres personnes ont été arrêtées. Selon la plainte présentée le 16 octobre 1956 par le Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord, 75 dirigeants du Syndicat des mineurs africains ont été arrêtés, et le Syndicat privé de ses chefs élus. Le plaignant allègue que le gouvernement a privé ce syndicat de ses chefs dans l'intention délibérée de le détruire et d'appuyer les compagnies minières, et il soutient que l'« emprisonnement de presque tous les dirigeants syndicalistes connus » désorganise le mouvement syndical. Dans une autre communication en date du 23 novembre 1956, le Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord cite les noms de 28 des dirigeants syndicalistes qui seraient détenus en un endroit situé à 200 milles du territoire minier où se trouve leur syndicat ; parmi eux figurent 8 personnes qui sont également des dirigeants de l'organisation plaignante.
- Allégations relatives à l'interdiction de réunions
- 184. L'Union internationale des syndicats des mineurs allègue que le gouvernement a interdit les réunions de plus de 5 personnes, cette interdiction s'appliquant aussi aux réunions syndicales. Le Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord déclare que les réunions syndicales ne sont pas autorisées. Il est affirmé qu'il est devenu impossible aux dirigeants du Syndicat des mineurs africains restés en liberté de percevoir les cotisations syndicales.
- Allégations relatives à un ordre de reprise du travail
- 185. Il est allégué que bien que leur grève eût été licite, les mineurs ont reçu l'ordre de reprendre le travail.
- Allégations relatives à des mesures d'intervention de la police et de l'armée contre les travailleurs
- 186. Il est allégué qu'il a été fait usage de matraques et de gaz lacrymogènes contre les travailleurs africains, que la police a tiré sur eux, que des renforts de police, des brigades spéciales et, selon quelques rapports, des troupes ont été amenés de la Rhodésie du Sud et du Nyassaland afin d'intervenir contre les travailleurs, et que des forces de police patrouillent aux abords des mines.
- Allégations relatives à l'ingérence du gouvernement dans l'administration du Syndicat des mineurs africains
- 187. Selon le Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord, le gouvernement a, en fait, pris la direction du Syndicat des travailleurs africains et nommé des dirigeants. Le plaignant allègue que le département du Travail a pris en main l'administration du Syndicat et a, en violation de la Constitution, nommé les dirigeants et le conseil suprême du Syndicat, et qu'un fonctionnaire du département du Travail est habilité à assister aux sessions du conseil suprême bien qu'il ne soit pas membre du Syndicat. Le signataire de la plainte, le président de l'organisation plaignante, déclare avoir été informé que « le gouvernement désire se débarrasser des dirigeants extrémistes et former des modérés ».
- Allégations relatives à une censure de la presse
- 188. Il est allégué qu'une censure de la presse a été imposée.
- Allégations relatives à l'ordonnance de 1956 (amendement) sur les syndicats et les conflits du travail
- 189. L'ordonnance de 1956 (amendement) sur les syndicats et les conflits du travail fait l'objet de la plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale en date du 7 novembre 1956. Un certain nombre de dispositions du projet d'ordonnance, dont il est allégué qu'un exemplaire est joint à la plainte, sont critiquées par le plaignant. Les différentes allégations sont analysées ci-après.
- Allégations relatives à l'enregistrement obligatoire des syndicats
- 190. Il est allégué que les articles 2 et 3 de l'ordonnance prévoient l'enregistrement obligatoire des syndicats et que le greffier (registrar) peut refuser ou annuler l'enregistrement, de telle sorte que l'existence d'un syndicat dépend de sa décision. Le plaignant déclare que, tandis que l'annulation de l'enregistrement aux termes de la législation précédente entraînait seulement la perte des privilèges d'un syndicat enregistré, l'annulation aux termes de l'ordonnance - sauf en cas de succès d'un appel interjeté devant la Cour suprême - oblige un syndicat à cesser toute activité et à se dissoudre.
- Allégations relatives à l'enregistrement des locaux des syndicats
- 191. Il est allégué que l'ordonnance stipule que si un syndicat exerce son activité pendant trente jours sans avoir de local enregistré, ses dirigeants sont passibles d'une amende de 5 livres pour chaque jour d'activité sans déclaration, alors qu'un total de 5 livres représentait l'amende maximum fixée pour une telle infraction dans la législation précédente.
- Allégations relatives aux pouvoirs du greffier concernant l'inspection et le contrôle des biens des syndicats
- 192. Le plaignant allègue que toutes les pièces se rapportant aux transactions financières du syndicat doivent être à disposition, pour vérification, au local enregistré d'un syndicat, et que le greffier a le droit de prendre connaissance de la comptabilité d'un syndicat ainsi que de vérifier les avoirs en argent liquide et de procéder à une enquête, ce qui constitue, de l'avis du plaignant, une ingérence grave dans les activités syndicales. Le plaignant allègue en outre que, tandis qu'aux termes de la législation précédente, les administrateurs d'un syndicat pouvaient intenter un procès au trésorier de cette organisation s'il avait refusé, après demande, de remettre les fonds et les biens syndicaux, l'ordonnance autorise le greffier ainsi que les administrateurs à intenter une action devant les tribunaux dans de telles circonstances, ce qui constitue une violation du principe selon lequel un syndicat est libre de gérer ses propres affaires. Enfin, il est allégué que le greffier a des pouvoirs spéciaux sur les biens d'un syndicat en dissolution.
- Allégations relatives aux piquets de grève
- 193. Le plaignant déclare que l'article 10 de l'ordonnance restreindrait d'une manière rigoureuse, pour ne pas dire supprimerait, le droit de placer des piquets lors d'une grève.
- 194. Le gouvernement du Royaume-Uni a présenté ses observations dans une communication en date du 28 janvier 1957 en y joignant une déclaration du secrétaire principal intérimaire sur l'état d'urgence et un extrait du rapport de la Commission nommée pour enquêter sur l'agitation qui s'est manifestée dans l'industrie minière en Rhodésie du Nord de mai à septembre 1956 ; cette commission était présidée par Sir Patrick Branigan, Q.C. Le gouvernement a indiqué que ces documents devaient être joints à sa réponse.
- Allégations se rapportant à l'état d'urgence en Rhodésie du Nord
- 195. L'explication du gouvernement concernant les événements et les raisons générales qui l'ont conduit à la proclamation de l'état d'urgence est contenue dans les deux documents joints à sa réponse, ainsi que l'indique le paragraphe 194 ci-dessus.
- 196. En ce qui concerne les raisons de l'agitation dans l'industrie minière de la Rhodésie du Nord, le rapport de la Commission met en relief les points suivants. La Commission affirme que, de mai à septembre 1956, la cause de l'agitation a été l'« opposition irresponsable » du Syndicat des mineurs africains à l'égard de la reconnaissance, par les compagnies minières, de l'Association du personnel africain des mines en tant qu'organisation représentant certaines catégories de travailleurs africains occupés par les compagnies. Le rapport déclare que l'attitude du Syndicat des mineurs africains montre que ce dernier n'a pas conscience de ses responsabilités parce que:
- « a) à partir de mai 1956, le Syndicat a prouvé qu'il était déterminé à empêcher les compagnies de mettre en oeuvre leurs accords récents avec l'Association du personnel africain des mines et avec le Syndicat en provoquant des grèves, des boycottages des services de bien-être et des centres médicaux dans les mines, en refusant du travail supplémentaire et en ordonnant des arrêts massifs du travail - mesures visant apparemment à désorganiser l'industrie ;
- b) pour parvenir à ce but, le Syndicat a utilisé la question du port de jambières de protection et celle de la remise des disques d'identité par les mineurs africains occupés au fond - questions dont le règlement par voie de négociation et de consultation avec les compagnies est particulièrement indiqué - comme prétextes pour organiser des arrêts du travail englobant approximativement 75 pour cent des travailleurs africains du fond et un certain nombre de travailleurs africains de la surface ;
- c) la reconnaissance par les compagnies de l'Association du personnel africain des mines a fait l'objet de négociations prolongées avec le Syndicat des mineurs africains en 1955, et nous estimons que les dirigeants syndicaux avaient été pleinement informés par les compagnies, au cours de ces négociations, de l'effet qu'une telle reconnaissance aurait non seulement en ce qui concerne la répartition entre le Syndicat et l'Association des emplois pour travailleurs africains existant alors, mais aussi des emplois qui devaient être à bref délai libérés par le Syndicat des travailleurs européens des mines en vue d'assurer la promotion de la main- d'oeuvre africaine. Après ces négociations, le Syndicat a conclu avec les compagnies, le 11 octobre 1955, un accord par lequel il acceptait la reconnaissance, par les compagnies, de l'Association du personnel africain des mines et le champ de représentation des emplois africains de l'Association ;
- d) dans toutes les grèves de protestation contre l'introduction du système de rémunération mensuelle pour certains employés des mines et, par voie de conséquence, contre la mise en oeuvre de l'accord d'octobre 1955 avec le Syndicat et de l'accord comportant la reconnaissance des compagnies passé avec l'Association du personnel africain des mines, les dirigeants syndicaux, tant au siège qu'à l'échelon local, ont persisté à méconnaître la procédure de négociation fixée dans l'accord intervenu entre le Syndicat et les compagnies ainsi que les dispositions des statuts mêmes du Syndicat ;
- e) il ressort des débats qui ont eu lieu au cours des cinq réunions tenues du 10 au 25 juillet 1956 et des procès-verbaux de ces réunions que les représentants du Syndicat ont constamment maintenu une attitude intransigeante à l'égard de l'accord du 11 octobre 1955 intervenu entre le Syndicat et les compagnies. Ils ont, semble-t-il, soutenu avec opiniâtreté que, malgré cet accord et malgré l'accord de reconnaissance intervenu avec l'Association du personnel africain des mines, certaines catégories de cadres devaient continuer à être représentées par le Syndicat. Ils n'ont fait aucun effort véritable pour examiner les critères formulés par les compagnies en ce qui concerne la division des emplois africains en emplois rémunérés selon le système des tickets et en emplois de cadres. Le but des dirigeants syndicalistes, tel qu'il ressort des procès-verbaux des réunions, semble être, soit de ne pas tenir compte des termes de l'accord d'octobre 1955, soit de le faire modifier de manière à permettre au Syndicat de représenter le personnel africain des catégories de cadres qui était membre de leur Syndicat cela reviendrait à annuler la reconnaissance de l'Association du personnel africain des mines par les compagnies. »
- 197. Le 12 septembre 1956, le secrétaire principal par intérim a fait une déclaration concernant l'état d'urgence proclamé dans les provinces occidentales de la Rhodésie du Nord le 11 septembre 1956. Il a déclaré que, le 17 juin 1956, 7.000 mineurs africains se sont mis en grève pour protester contre la reconnaissance de l'Association du personnel africain des mines en tant qu'organisme représentant certaines catégories de personnel ; ce mouvement a été le premier d'une « série de grèves soudaines à court terme décidées d'avance en vue de nuire », suivies durant les trois mois suivants de plus de 16 grèves du même genre, dont quelques-unes n'intéressaient qu'une ou deux mines tandis que d'autres affectaient la région entière du copper-belt et s'étendaient au-delà. Le 11 juin 1956, le gouvernement a annoncé qu'une commission d'enquête serait instituée et, le 7 septembre, il a publié le mandat de cette commission. Néanmoins, a déclaré le gouvernement, les dirigeants du Syndicat des mineurs africains ont continué à agir sans tenir compte des responsabilités qui leur incombent ; ils ont dénoncé la Commission et déclaré qu'ils refusaient d'avoir quoi que ce soit à faire avec elle. Le secrétaire principal par intérim a déclaré que les dirigeants syndicalistes avaient interdit le travail supplémentaire et le travail du dimanche et qu'ils avaient invité leurs membres à se présenter pour le travail du fond sans porter de jambières de protection et en refusant de remettre leurs disques d'identité, bien que ces deux formalités soient autorisées par les règlements miniers et bien qu'elles soient essentielles pour la sécurité des travailleurs ; ces instructions ont été données en sachant pertinemment que ceux qui s'y conformeraient ne seraient pas autorisés à descendre au fond et il en est, par conséquent, résulté que des milliers de travailleurs n'ont pas pu travailler. Le secrétaire principal par intérim a déclaré que les dirigeants syndicaux ont également indiqué que si les travailleurs n'étaient pas autorisés à descendre au fond sans jambières de protection et sans avoir remis leurs disques d'identité, une grève générale serait bientôt décrétée et ils avancèrent la menace d'une désorganisation des services essentiels, dans cette éventualité.
- 198. Le secrétaire principal par intérim a affirmé que les actions des dirigeants africains visaient à enflammer l'opinion publique, qu'elles avaient déjà entraîné des troubles et que leur intention avait été d'aggraver la situation, ce qui s'était produit en fait. Ces actions, déclara-t-il, menacent non seulement la sécurité et le bien-être de tous ceux qui travaillent dans l'industrie minière, mais aussi la sécurité de la région du copper-belt et l'économie du pays tout entier.
- 199. Le secrétaire général par intérim a démenti que le gouvernement ait aucunement l'intention d'empêcher le Syndicat des mineurs africains d'exercer l'activité qui lui incombe au bénéfice de ses membres et il a déclaré que ce dernier serait aidé et encouragé par le département dans la réalisation de toute mesure qu'il pourrait décider de prendre « en vue de mettre de l'ordre dans sa maison ».
- 200. Il a exposé qu'en état d'urgence le gouvernement dispose du pouvoir d'édicter des ordonnances sur la vérification des personnes, des biens, des lieux, des armes et munitions, des transports et communications, des publications, ainsi qu'en vue du maintien des fournitures et des services. Certaines ordonnances, à savoir des ordres d'arrestation et des ordres interdisant des réunions, ont déjà été édictées. Néanmoins, a-t-il déclaré, en citant le règlement sur les pouvoirs d'urgence, « les occupations ordinaires de la vie et la jouissance de la propriété seront contrariées aussi peu que le permettront les exigences résultant des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et l'ordre public et le maintien des fournitures et des services essentiels à la vie de la collectivité ».
- 201. Dans ses observations, le gouvernement déclare que toutes les mesures prises en vertu des règlements de 1956 sur les pouvoirs d'urgence étaient des mesures de sécurité nécessaires pour rétablir et sauvegarder l'ordre public et il dément que ces pouvoirs aient été pris et utilisés dans le but de mettre fin à une grève licite visant à supprimer la discrimination raciale ou que le gouvernement se soit proposé de porter atteinte au syndicalisme, d'appuyer les compagnies minières ou de détruire le Syndicat des mineurs africains. Le Syndicat, déclare le gouvernement, a continué à exercer toutes ses fonctions licites bien que certaines des mesures d'urgence aient causé quelque incommodité aux syndicalistes se trouvant dans la région où l'état d'urgence était en vigueur de même qu'aux autres membres de la collectivité qui avaient à faire dans cette région.
- Allégations relatives aux arrestations de dirigeants syndicaux ou aux restrictions à leur liberté de mouvement
- 202. Le gouvernement déclare que 50 membres ou employés du Syndicat des mineurs africains ont été arrêtés et emprisonnés ; 6 d'entre eux ont été libérés et 44 sont encore l'objet de mesures limitant leur liberté de résidence à des degrés différents, mais leur interdisant dans tous les cas l'entrée du copper-belt ; des ordres restrictifs ont été édictés contre 9 autres membres du Syndicat. Le gouvernement dément que ces mesures aient été prises pour aider les compagnies minières ou pour affaiblir le Syndicat.
- Allégations relatives à l'interdiction de réunions
- 203. Le gouvernement déclare que les réunions de plus de 5 personnes ont été interdites. Il dément que cette mesure a été prise pour empêcher la perception des cotisations syndicales. Le gouvernement déclare que le président du Syndicat des mineurs africains a pu convoquer une réunion du conseil suprême du Syndicat dans les quinze jours suivant la proclamation de l'état d'urgence et qu'il a continué à exercer toutes ses fonctions licites.
- Allégations relatives à un ordre de reprise du travail
- 204. Il est particulièrement démenti que le gouvernement ait édicté des ordres invitant les travailleurs à reprendre le travail.
- Allégations relatives à des mesures d'intervention de la police et de l'armée contre les travailleurs
- 205. Le gouvernement déclare que des renforts de police, des brigades spéciales et des troupes ont été introduits dans la région où l'état d'urgence était en vigueur à titre de précaution, mais que les troupes ne sont pas intervenues. A plusieurs reprises, mais particulièrement à Ndola, qui n'est pas l'une des agglomérations minières, des matraques et des gaz lacrymogènes ont été utilisés dans la mesure strictement nécessaire pour disperser des rassemblements illicites ; des coups de feu n'ont été tirés qu'une seule fois.
- Allégations relatives à l'ingérence du gouvernement dans l'administration du Syndicat des mineurs africains
- 206. Le gouvernement dément avoir pris en main le Syndicat dont il s'agit et en avoir confié l'administration à des personnes nommées par lui ; il déclare que, si le conseil suprême du Syndicat a nommé des dirigeants, aucun dirigeant ou membre du conseil suprême n'a été nommé par le gouvernement et qu'aucun agent du gouvernement n'était présent lors de ces nominations. L'unique occasion où un fonctionnaire du département du Travail ait assisté à une réunion du conseil suprême du Syndicat se situe, selon la déclaration du gouvernement, le 26 septembre 1956, date à laquelle le commissaire du travail par intérim a, sur demande, exposé devant le conseil suprême l'effet de l'action déployée aux termes des règlements sur les pouvoirs d'urgence, après quoi le conseil suprême s'est réuni en séance privée selon la pratique normale. Aucun fonctionnaire du gouvernement n'est habilité à assister à des réunions syndicales. A de très rares occasions, les fonctionnaires du Service du travail sont invités à assister à des réunions syndicales dans des buts particuliers, pour expliquer, par exemple, la portée d'une mesure législative ou faire un exposé sur des questions d'intérêt général.
- Allégations relatives à une censure de la presse
- 207. Le gouvernement déclare qu'une censure de presse a été imposée pendant quelques jours afin d'empêcher la circulation de bruits alarmistes.
- Allégations relatives à l'ordonnance de 1956 (amendement) sur les syndicats et les conflits du travail
- 208. Cette ordonnance, dont les plaignants parlent comme d'un projet, a, en fait, été sanctionnée le 18 septembre 1956. Le gouvernement relève que cette ordonnance avait, le 24 août 1956, passé par tous les stades réguliers de la procédure au Conseil législatif et qu'elle n'a pas été édictée en vertu des pouvoirs spéciaux.
- Allégations relatives à l'enregistrement obligatoire des syndicats
- 209. Le gouvernement déclare que les dispositions relatives à l'enregistrement des syndicats ainsi que les dispositions relatives aux questions financières ont été jugées nécessaires afin d'empêcher les abus et de protéger les membres contre une action frauduleuse possible des dirigeants syndicalistes et qu'elles ne constituent pas une ingérence dans le fonctionnement des syndicats. Le gouvernement déclare qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance principale le greffier est obligé d'enregistrer un syndicat sur demande s'il a la preuve que le syndicat s'est conformé aux règlements sur l'enregistrement et que les statuts du syndicat portent sur les questions énumérées à l'article 9 de l'ordonnance principale, à moins qu'il n'estime, compte tenu des statuts du syndicat, que les principaux objectifs du syndicat ne sont pas licites ou que le syndicat n'a pas la possibilité de mettre en rouvre telle ou telle disposition contenue dans ses statuts. Selon l'article 11 de l'ordonnance principale, toute personne s'estimant lésée par le refus du greffier d'enregistrer une association comme syndicat ou par l'annulation ou le retrait d'un certificat d'enregistrement, peut faire appel devant la Haute Cour.
- Allégations relatives à l'enregistrement des locaux des syndicats
- 210. Le gouvernement ne se réfère pas particulièrement à cette question.
- Allégations relatives aux pouvoirs du greffier concernant l'inspection et le contrôle des biens des syndicats
- 211. Le gouvernement ne traite pas les points séparés soulevés dans ces allégations ; il se borne à déclarer que les dispositions de l'ordonnance traitant des questions financières, comme celles concernant l'enregistrement, ont été jugées nécessaires pour prévenir les abus et protéger les membres d'un syndicat contre d'éventuels agissements frauduleux de ses membres et qu'elles n'autorisent aucune ingérence dans le fonctionnement des syndicats.
- Allégations relatives aux piquets de grève
- 212. Le gouvernement dément que l'article 10 de l'ordonnance modificatrice supprime ou restreigne le droit de poster des piquets lors d'une grève et déclare que les nouvelles dispositions définissent les limites du droit de poster des piquets de grève au sens de l'ordonnance principale. L'article 25 2) interdit les piquets de grève dans un but d'intimidation et vise à empêcher un syndicat de poster des piquets en outrepassant le droit de poster de tels piquets pacifiques reconnu par l'article 25 1). Finalement, le gouvernement déclare que l'article 25 4) garantit qu'aucun travailleur ne sera surveillé ni molesté à son domicile.
213. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, et, selon la déclaration qu'il a faite, les dispositions de cette convention sont applicables en Rhodésie du Nord.
213. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, et, selon la déclaration qu'il a faite, les dispositions de cette convention sont applicables en Rhodésie du Nord.- Allégation se rapportant à l'état d'urgence en Rhodésie du Nord
- 214. Les plaignants allèguent que l'état d'urgence a été proclamé à la suite d'une grève licite survenue dans les mines de cuivre - l'un des objectifs visés par les mineurs étant l'abolition des discriminations raciales auxquelles ils disent être soumis - et que la proclamation de l'état d'exception a considérablement restreint, pour ne pas dire paralysé, l'activité du Syndicat des mineurs africains et des syndicats de la Rhodésie du Nord en général. Le gouvernement conteste que les mesures d'exception aient été prises et employées « dans le but de mettre fin à une grève licite visant à la suppression des discriminations raciales ». Les raisons de la proclamation de l'état d'exception ont été exposées en détail par le gouvernement et peuvent se résumer comme suit. Une grève a eu lieu en juin 1956 à propos de la reconnaissance de la personnalité syndicale quant à certaines catégories de salariés ; elle fut suivie d'une série de grèves, qualifiées de grèves perturbatrices par le gouvernement, et par un refus d'effectuer des heures supplémentaires et de travailler le dimanche ; en outre, des ouvriers syndiqués se sont présentés pour les travaux du fond sans porter de jambières de protection et sans arborer leur disque d'identité, ce qui, de l'avis du gouvernement, équivaut à un refus de travail, car il n'est pas possible d'autoriser des hommes à travailler au fond dans de telles conditions. Le gouvernement ajoute que l'on a menacé de déclencher une grève générale qui entraverait le fonctionnement de services essentiels. Bien que le gouvernement affirme qu'il y a eu attentat contre l'ordre public, la raison véritable pour laquelle il a proclamé l'état d'exception semblerait résider dans le fait que la situation s'était aggravée à tel point, par suite des grèves et des autres mesures prises par les dirigeants des mineurs, qu'elle mettait en danger, selon le gouvernement, la sécurité et le bien-être de la région minière et des personnes qui y travaillaient, ainsi que l'économie générale du pays.
- 215. Le gouvernement fait valoir que ces grèves étaient illégales, en ce sens qu'elles constituaient une rupture d'un accord relatif à la personnalité syndicale, accord qui avait été signé par les compagnies minières et par le Syndicat des mineurs africains le 11 octobre 1955 ; cette affirmation s'appuie sur les conclusions d'une commission d'enquête. Le gouvernement avance également que les autres mesures prises par les dirigeants syndicalistes visaient à empêcher l'application de cet accord et à provoquer à cette occasion le chaos dans l'activité industrielle. Enfin, le gouvernement déclare que les chefs syndicaux ont conservé la même attitude après la nomination d'une commission d'enquête et ont refusé de collaborer à ladite enquête.
- 216. Le Comité a pris en considération le fait qu'une commission d'enquête indépendante, présidée par Sir Patrick Branigan, Q.C, ancien ministre de la Justice de la Côte-de-l'Or et aujourd'hui membre du Tribunal des différends du travail de Grande-Bretagne a enquêté sur les événements qui ont conduit à la situation actuelle en Rhodésie du Nord et qu'il semble que la cause véritable de cette situation soit un conflit de compétence entre deux syndicats, conflit qui a provoqué toute une série d'incidents et a conduit finalement à la proclamation de l'état d'exception. Le Comité juge inopportun, conformément à la pratique qu'il a suivie antérieurement, d'examiner le bien-fondé d'un conflit de compétences entre syndicats, d'autant plus qu'une telle question a déjà fait l'objet d'un examen et d'un rapport par une commission d'enquête indépendante.
- 217. A l'occasion de certains cas antérieurs, le Comité avait conclu que la question d'un état de siège ou d'exception présentait en elle-même un aspect purement politique, sur lequel il ne lui appartenait pas de se prononcer, mais qu'il convenait d'en examiner les effets sur les seuls aspects de la liberté syndicale et des droits syndicaux. Dans le cas présent, le Comité estime qu'il n'est pas en mesure de se prononcer sur la question de savoir si l'état d'exception comme tel se justifie ou non, car un tel avis requerrait une connaissance et une évaluation de faits et de considérations de caractère local en rapport avec la situation qui ne sont pas à la portée du Comité ; ce dernier, par contre, a tenu à examiner si les mesures prises par le gouvernement en conséquence de la situation décrite ci-dessus comportent une ingérence dans les droits syndicaux. Le Comité, à diverses reprises, avait relevé que la plupart des pays reconnaissent que les grèves constituent une arme légitime des syndicats pour la défense des intérêts de leurs membres, aussi longtemps qu'elles se déroulent sans violence et en tenant dûment compte des restrictions temporaires qui peuvent leur être imposées (par exemple, cessation de la grève pendant les procédures de conciliation et d'arbitrage, non-recours à la grève en rupture d'accords collectifs, restriction au droit de grève lorsqu'il affecterait des services essentiels jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés). Dans le cas no 56 concernant l'Uruguay, le Comité avait exprimé l'espoir que les gouvernements, qui désirent voir les relations du travail se dérouler dans une atmosphère de confiance réciproque, auront recours pour résoudre les situations résultant de grèves ou de lock-outs, à des mesures relevant du droit commun et non pas à des mesures d'exception, qui, de par leur nature même, risqueraient d'entraîner certaines restrictions à des droits fondamentaux. Sous réserve des remarques qui précèdent, le Comité a examiné tout spécialement l'allégation précise selon laquelle l'état d'exception a donné lieu à des actes déterminés portant atteinte aux droits syndicaux.
- Allégations relatives aux arrestations de dirigeants syndicaux ou aux restrictions à leur liberté de mouvement
- 218. Les plaignants allèguent que 75 dirigeants élus du Syndicat des mineurs africains ont été arrêtés et que 28 d'entre eux, dont ils indiquent le nom et la fonction, sont détenus en un lieu situé à 200 milles de la région minière où se trouvent les syndicats auxquels ils appartiennent. Le gouvernement ne mentionne que 59 personnes, en indiquant que 6 d'entre elles ont été relâchées et que 53 ont fait l'objet de décisions limitant leur liberté de résidence et leur interdisant de pénétrer dans la région minière en cause. Le gouvernement qualifie ces personnes de membres ou employés du Syndicat des mineurs africains, mais n'en indique pas le nom ni ne désigne aucune d'entre elles comme fonctionnaire syndical, ce qui fait que la situation des 28 fonctionnaires syndicaux mentionnés dans la plainte n'est pas claire.
- 219. Dans certains cas antérieurs à l'occasion desquels on avait allégué que des fonctionnaires ou des membres de syndicats avaient été détenus à titre préventif, le Comité avait exprimé l'avis que des mesures de détention préventive peuvent comporter une sérieuse atteinte à l'exercice des droits syndicaux, atteinte qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'un danger grave et qui pourrait faire l'objet de critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties judiciaires appropriées accordées dans un délai raisonnable ; le Comité avait aussi déclaré que tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, au droit de toute personne détenue d'être jugée équitablement le plus tôt possible.
- 220. Le Comité considère que le fait de restreindre à une région limitée la liberté de mouvement d'une personne et de lui interdire l'accès de la région où le syndicat auquel elle appartient exerce son activité, et où elle remplit normalement ses fonctions syndicales, est également incompatible avec la jouissance normale du droit d'association et avec l'exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales, et qu'une telle restriction devrait aussi être accompagnée de garanties judiciaires appropriées, accordées dans un délai raisonnable et, en particulier, de la protection du droit des intéressés à être jugés équitablement le plus rapidement possible. Dans ces conditions, le Comité a jugé opportun de charger le Directeur général de demander au gouvernement de fournir des précisions quant aux accusations portées contre ces personnes et notamment contre les 28 personnes désignées comme fonctionnaires syndicaux dans la plainte du Congrès des syndicats de la Rhodésie du Nord, personnes dont la liberté de mouvement a été restreinte ; la demande de renseignements pourrait aussi porter sur les jugements prononcés ainsi que sur la date à laquelle il est prévu d'ouvrir les poursuites judiciaires et les chefs d'accusation retenus contre les personnes à l'égard desquelles une action judiciaire n'aurait pas encore été introduite.
- Allégation relative à l'interdiction de réunions
- 221. Le gouvernement reconnaît qu'il a interdit les réunions de plus de 5 personnes, mais il ne précise pas dans quelle mesure cette interdiction a été effectivement appliquée aux réunions syndicales. Le gouvernement affirme toutefois que le président du Syndicat des mineurs africains a pu convoquer une réunion du Conseil suprême du syndicat dans les quinze jours qui ont suivi la proclamation de l'état d'exception et que le Conseil a continué à remplir toutes ses fonctions normales. Il n'a toutefois pas été précisé si la réunion du Conseil suprême exige une autorisation préalable. Dans ces conditions, le Comité souligne une fois de plus, comme il l'a fait à de nombreuses reprises, que la liberté des réunions syndicales constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux.
- Allégations relatives à un ordre de reprise du travail
- 222. Le gouvernement repousse catégoriquement l'allégation selon laquelle il a donné ordre aux grévistes de reprendre le travail. Le plaignant, pour sa part, ne donne aucun renseignement quant à la date et au libellé de l'ordre donné et ne fournit aucun détail concernant cette question. Dans ces conditions, le Comité considère qu'il n'a pas été fourni de preuve à l'appui de cette allégation et recommande donc au Conseil d'administration de décider que cette question n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à des mesures d'intervention de la police et de l'armée contre les travailleurs
- 223. Le plaignant prétend que l'on a employé des matraques et des gaz lacrymogènes contre les ouvriers africains, que la police a tiré contre ces ouvriers et que l'on a fait appel à des renforts de police, à des pelotons de répression et à la troupe. Le gouvernement affirme que, si ces éléments des forces de sécurité ont bien été introduits dans la région soumise à l'état d'exception, il n'a pas fait intervenir la troupe, que l'usage des matraques et des gaz lacrymogènes a été restreint au minimum nécessaire pour dissoudre des réunions illégales et que des coups de feu n'ont été tirés qu'en une seule occasion. Dans un certain nombre de cas examinés antérieurement, le Comité a recommandé de classer les allégations concernant l'emploi des forces de sécurité, lorsque les faits prouvaient que l'intervention de celles-ci avait été limitée au maintien de l'ordre public et n'avait pas porté atteinte à l'exercice légitime du droit de grève ; en même temps, le Comité avait laissé entendre que, dans de tels cas, il aurait considéré comme une atteinte aux droits syndicaux l'emploi de la police pour briser une grève. Le Comité estime qu'avant de formuler ses recommandations définitives sur cet aspect du cas, il devrait demander au gouvernement de lui fournir des informations plus détaillées sur la nature et le but des manifestations qui ont été considérées comme des rassemblements illicites et les circonstances exactes dans lesquelles matraques et gaz lacrymogènes ont été utilisés et les coups de feu tirés.
- Allégations relatives à l'ingérence du gouvernement dans l'administration du Syndicat des mineurs africains
- 224. Les plaignants allèguent que le gouvernement a pratiquement mis la main sur le syndicat en question et qu'il a nommé des fonctionnaires syndicaux ainsi que des membres du conseil suprême du Syndicat ; ils font valoir également qu'un fonctionnaire du département du Travail est habilité à assister aux réunions du conseil suprême. Le gouvernement nie formellement qu'il ait assumé la gestion du Syndicat, nommé des fonctionnaires syndicaux ou des membres du conseil suprême ; il déclare, en outre, qu'aucun fonctionnaire du gouvernement n'est habilité à assister aux réunions, bien qu'en quelques très rares occasions un fonctionnaire du département du Travail ait pris part à des réunions syndicales pour exposer des questions de droit ou autres, après y avoir été expressément invité par le Syndicat. Le Comité, tenant compte des dénégations expresses et des explications fournies par le gouvernement, tenant compte également du caractère éminemment vague de la plainte, estime qu'il n'a nullement été prouvé que, dans le cas d'espèce, les droits syndicaux aient été violés ; en conséquence, il recommande au Conseil d'administration de ne pas soumettre cette allégation à plus ample examen.
- Allégations relatives à une censure de la presse
- 225. En réponse à l'allégation selon laquelle la presse aurait été soumise à la censure, le gouvernement déclare qu'en fait la censure de la presse a été instituée pour une période de quelques jours afin d'empêcher que des bruits alarmistes ne circulent. Le Comité estime que, si l'institution d'une censure générale est avant tout une question ressortissant aux libertés civiles et non pas aux droits syndicaux, l'application de la censure de la presse pendant un différend du travail peut avoir des effets directs sur l'évolution de ce conflit et porter ainsi préjudice aux parties en empêchant la diffusion des faits exacts. Le Comité prend note de la déclaration faite par le gouvernement que la censure de la presse a été imposée pour prévenir la diffusion de bruits alarmistes à un moment où la situation était tendue en Rhodésie du Nord, mais il éprouve des doutes sérieux sur la question de savoir s'il était souhaitable de recourir à une telle censure à l'occasion d'un différend du travail.
- Allégations relatives à l'ordonnance de 1956 (amendement) sur les syndicats et les conflits du travail
- 226. L'ordonnance modificatrice a été promulguée le 18 septembre 1956. Le gouvernement indique dans sa réponse que l'entrée en vigueur de cette ordonnance est sans aucun rapport avec l'état d'exception. L'ordonnance principale dont l'ordonnance de 1956 porte amendement est l'ordonnance de 1949 sur les syndicats et les différends du travail.
- Allégations relatives à l'enregistrement obligatoire des syndicats
- 227. Les plaignants allèguent que l'amendement rend obligatoire l'enregistrement des syndicats, alors qu'auparavant il était facultatif, et que le greffier peut refuser ou annuler l'enregistrement, le fait de ne pas être enregistré obligeant désormais un syndicat à cesser toute activité et à procéder à sa dissolution, alors qu'aux termes de l'ordonnance principale le syndicat perdait simplement les privilèges découlant de l'enregistrement. Le gouvernement déclare que les nouvelles dispositions ont été rendues nécessaires pour prévenir des abus et pour protéger les membres des syndicats contre les négligences possibles des fonctionnaires syndicaux ; il se réfère en outre aux garanties contenues, à son avis, dans les articles 8, 9 et 11 de l'ordonnance principale.
- 228. L'article 6 de l'ordonnance principale, qui prévoyait l'enregistrement facultatif, est remplacé dans l'ordonnance d'amendement par un texte nouveau et par un article additionnel figurant comme article 6 A.
- Les articles 6 et 6 A de l'amendement ont la teneur suivante:
- 6. 1) Tout syndicat devra être enregistré conformément aux dispositions de la présente ordonnance, ou dissous dans un délai de six mois à compter:
- a) de la date de sa constitution; ou
- b) de la date à laquelle le greffier aura notifié qu'il a refusé de procéder à l'enregistrement du syndicat en vertu de l'article 8; ou
- c) du premier avril mil neuf cent cinquante-sept ; le délai courant à compter de la plus récente de ces dates.
- 2) Tout syndicat qui n'aura pas été enregistré ou dissous dans le délai prescrit au paragraphe précédent, et tout fonctionnaire de ce syndicat, seront passibles d'une amende n'excédant pas 5 livres pour chaque jour suivant l'expiration du délai durant lequel le syndicat aurait dû être enregistré.
- 3) Cet article n'est pas applicable aux syndicats enregistrés en vertu de l'ordonnance de 1949 sur les chemins de fer rhodésiens ou de toute loi portant amendement à ladite ordonnance ou la remplaçant.
- 6 A. 1) Aucun syndicat ne pourra agir en exécution des fins pour lesquelles il a été créé tant qu'il n'aura pas été enregistré conformément aux dispositions de la présente ordonnance.
- 2) Tout syndicat ou fonctionnaire syndical qui contrevient aux dispositions du présent article sera passible d'une amende qui n'excédera pas 25 livres.
- 3) Le présent article n'est pas applicable aux syndicats enregistrés en vertu de l'ordonnance de 1949 sur les chemins de fer rhodésiens ou de toute loi portant amendement à ladite ordonnance ou la remplaçant.
- 229. L'article 8 1) de l'ordonnance principale telle qu'elle a été modifiée, dispose ce qui suit:
- 1) Après s'être assuré que le syndicat s'est conformé aux règles d'enregistrement en vigueur sur la base de la présente ordonnance et que ses statuts pourvoient aux points prévus à l'article 9, le greffier procédera à l'enregistrement dudit syndicat et de ses statuts, à moins qu'à son avis, eu égard à l'acte constitutif du syndicat, les fins principales du syndicat ne soient pas des fins prévues par la législation ou que le syndicat ne soit pas en mesure d'appliquer une ou plusieurs des dispositions de ses statuts.
- 230. L'article 9 énumère les points auxquels doivent pourvoir les statuts de tout syndicat qui fait l'objet d'une demande d'enregistrement ou qui a été enregistré. Ces points comprennent la dénomination et l'adresse du syndicat, ses fins, l'élaboration et la modification de ses statuts, la nomination et la révocation du conseil et des fonctionnaires syndicaux, le placement des fonds et la vérification des comptes, la dissolution, le secret des votes relatifs à la déclaration d'une grève, les cotisations syndicales, etc. - tous points qui figurent normalement dans les statuts des syndicats de la quasi-totalité des pays.
- 231. Les paragraphes 1), 2) et 5) de l'article 10 de l'ordonnance principale telle qu'elle a été modifiée sont libellés comme suit:
- 10. 1) Le certificat d'enregistrement d'un syndicat sera retiré ou annulé par le greffier dans les cas suivants:
- a) sur requête du syndicat... ;
- b) s'il lui est prouvé qu'un certificat d'enregistrement a été obtenu par fraude ou par erreur, ou que l'enregistrement d'un syndicat est devenu nul et sans effet en vertu du paragraphe 6) de l'article 8, ou que ledit syndicat a délibérément, et après avertissement du greffier, violé telle ou telle des dispositions de la présente ordonnance, ou a cessé d'exister.
- 2) Le greffier peut retirer le certificat d'enregistrement d'un syndicat si l'acte constitutif de celui-ci a été modifié d'une manière telle qu'à son avis les fins principales du syndicat ne sont plus des fins prévues par la législation, ou si, à son avis, les objectifs principaux en vue desquels le syndicat exerce effectivement son activité ne sont pas des fins prévues par la législation.
- ......................................................................................................................................................
- 5) Tout syndicat dont le certificat d'enregistrement a été retiré ou annulé aux termes du présent article cessera, à partir de la date de ce retrait ou de cette annulation, de fonctionner en tant que syndicat et devra être immédiatement dissous conformément aux dispositions des alinéas a), b) et c) du paragraphe 2) de l'article 39 de la présente ordonnance, à moins qu'appel n'ait été interjeté devant la Cour suprême contre le retrait ou l'annulation de l'enregistrement en vertu de l'article 11 de la présente ordonnance ; toutefois, lorsqu'il s'agit d'un retrait ou d'une annulation qui n'a pas fait l'objet d'un appel devant la Cour suprême, et qui n'a pas été effectué en vertu des dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 1) du présent article, ce retrait ou cette annulation ne portera effet qu'après avoir été confirmé par le gouverneur en Conseil.
- Il y a lieu de remarquer que le paragraphe 5) ci-dessus est un texte entièrement nouveau qui a été inséré dans l'ordonnance par l'amendement de 1956. L'ancien paragraphe 5) disposait seulement qu'un syndicat dont le certificat d'enregistrement a été retiré ou annulé cessera de jouir comme tel des privilèges d'un syndicat enregistré.
- 232. Enfin, l'article 11 de l'ordonnance dispose que toute personne lésée, soit par un refus opposé par le greffier à l'enregistrement d'une association comme syndicat, soit par une décision d'enregistrer une association comme syndicat, soit encore par l'annulation ou le retrait d'un certificat d'enregistrement, pourra interjeter appel devant la Cour suprême. Le greffier pourra comparaître et être entendu dans toute procédure d'appel.
- 233. Dans les dispositions mentionnées ci-dessus, les points importants qui ont le rapport le plus direct avec l'allégation actuellement examinée peuvent être résumés comme suit : tout syndicat doit faire une demande d'enregistrement. Si les exigences formelles de l'ordonnance sont remplies et si les statuts pourvoient aux points mentionnés dans le paragraphe 230 ci-dessus (les points énumérés paraissent tout à fait normaux et nullement restrictifs), le greffier doit procéder à l'enregistrement du syndicat, à moins qu'à son avis, les fins principales du syndicat ne soient pas des fins prévues par la législation (à savoir la réglementation des relations entre salariés et employeurs, ou entre salariés, ou entre employeurs) ou que le syndicat ne soit pas en mesure d'appliquer une ou plusieurs des dispositions contenues dans ses statuts. Un syndicat qui ne demande pas son enregistrement, ou dont l'enregistrement est refusé, ne doit en aucun cas agir en poursuite de ses objectifs et doit être dissous dans les six mois, sous peine d'amende. En plus des raisons qui peuvent être considérées comme formelles, le greffier pourra invoquer pour le retrait ou l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat le fait que ce dernier a violé l'une ou l'autre des dispositions de l'ordonnance. Il pourra retirer l'enregistrement si, à son avis, l'acte constitutif d'un syndicat a été modifié d'une manière telle que les fins principales du syndicat ne sont plus des fins prévues par la législation ou s'il estime que les objectifs principaux en vue desquels le syndicat exerce effectivement son activité ne sont pas des fins prévues par la législation. Lorsque le retrait ou l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat est prononcé, ce dernier doit immédiatement cesser de fonctionner en tant que syndicat et être dissous. Un droit d'appel devant la Cour suprême a été institué contre le refus, le retrait ou l'annulation d'un enregistrement.
- 234. Dans un certain nombre de cas, le Comité a été appelé à examiner des dispositions concernant l'enregistrement des syndicats à la lumière des principes généralement admis en matière de liberté syndicale ; dans deux de ces cas - le cas no 29 concernant le Kenya et le cas no 30 concernant la Fédération de Malaisie - il a dû examiner des dispositions sur l'enregistrement qui avaient une grande analogie avec celles qui sont applicables dans le cas présent, tout en tenant compte en même temps des dispositions contenues dans la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947.
- 235. Lors de l'examen du cas no 29 (Royaume-Uni-Kenya), le Comité a relevé que la loi prescrivait l'enregistrement obligatoire des syndicats et que, pour certains motifs précis - notamment si un syndicat se compose de personnes exerçant des activités professionnelles différentes et si ses statuts ne contiennent pas de dispositions assurant convenablement la protection et le développement de leurs intérêts locaux et professionnels respectifs -, le greffier pouvait refuser de procéder à l'enregistrement d'un syndicat, qui devait alors être dissous. Le Comité a émis l'avis que la situation devait être examinée d'après le stade de développement auquel le Kenya était parvenu en matière de syndicalisme. En faisant remarquer que la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, avait été volontairement rédigée en termes généraux afin de répondre à la situation qui existait en fait dans la plupart des territoires non métropolitains et qu'elle dispose, dans une forme large et simple, que les droits que possèdent les employeurs aussi bien que les salariés de s'associer en vue de tous objets non contraires aux lois doivent être garantis par des mesures appropriées, le Comité a décidé que la question qui se posait était de savoir si les dispositions relatives à l'enregistrement contenues dans la législation du Kenya constituaient des mesures appropriées au sens de la convention. Tenant compte du stade de développement auquel le Kenya est parvenu en matière de syndicalisme, le Comité a conclu que, bien qu'il soit désirable que les dispositions actuelles en matière d'enregistrement au Kenya fassent l'objet d'un nouvel examen de la part du gouvernement, l'allégation concernant cette question n'appelait pas, dans les circonstances prévalant alors, un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- 236. Dans le cas no 30 (Royaume-Uni-Fédération de Malaisie), le Comité a noté que les syndicats ont l'obligation de se faire enregistrer. Si le fonctionnaire préposé aux enregistrements (registrar) est convaincu que le syndicat a satisfait aux dispositions prévues dans la législation, que ses buts, ses statuts et son règlement ne contredisent pas ces dispositions et ne sont pas illégaux, et que le syndicat n'est pas susceptible d'être utilisé à des fins illégales ou incompatibles avec ses buts et son règlement, il doit procéder à l'enregistrement du syndicat. Si l'une des conditions ci-dessus mentionnées n'est pas remplie ou cesse de l'être, il peut refuser de procéder à l'enregistrement du syndicat ou annuler cet enregistrement. Il peut être fait appel de la décision du fonctionnaire préposé aux enregistrements auprès du secrétaire principal (chief secretary) et appel peut ensuite être interjeté devant la Cour suprême. Un syndicat qui néglige de demander son enregistrement ou dont l'enregistrement est, soit refusé, soit annulé, devient une association illégale, qui doit être dissoute. Dans ce cas également, le Comité a examiné les dispositions contenues dans la législation de la Fédération de Malaisie sur l'enregistrement des syndicats d'après le stade de développement atteint par le mouvement syndicaliste et en tenant compte des dispositions de la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947. Le Comité a retenu que le mouvement syndicaliste en Malaisie était d'origine très récente et il a pris note de la déclaration dans laquelle le gouvernement affirme que la législation pertinente avait pour but d'assurer que les syndicats remplissent effectivement le but principal pour lequel ils ont été institués, que leurs règlements se conforment à des normes raisonnables et que leurs membres soient protégés contre des malversations ou des détournements de fonds de la part de dirigeants sans scrupules. Dans ces circonstances, le Comité, tout en estimant que l'on pourrait souhaiter que certaines de ces dispositions restrictives soient réexaminées en temps opportun, a recommandé au Conseil d'administration de décider que l'allégation relative à l'enregistrement n'appelait pas un examen plus approfondi.
- 237. Dans le cas présentement à l'examen, le Comité a observé que le mouvement syndicaliste en Rhodésie du Nord, comme les mouvements syndicalistes du Kenya et de la Fédération de Malaisie, est d'origine très récente et il a jugé bon de suivre la procédure adoptée dans ces deux cas, pour lesquels il avait tenu compte du fait exposé ci-dessus lors de l'examen auquel il avait soumis, à la lumière des dispositions de la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la législation relative à l'enregistrement des syndicats. Dans le cas concernant la Fédération de Malaisie notamment, le Comité a dû examiner la législation concernant aussi bien la cessation de l'enregistrement et ses conséquences que l'enregistrement même ; on relèvera que cette législation était identique en substance à celle de la Rhodésie du Nord en la matière, et que les raisons avancées par le gouvernement pour justifier de telles dispositions sont également semblables. En conséquence, dans le cas présent et tenant compte de toutes ces circonstances, et en particulier de l'existence du droit d'appel devant la Cour suprême, le Comité, tout en estimant que si l'on peut souhaiter que certaines dispositions restrictives soient réexaminées en temps opportun, recommande au Conseil d'administration de décider que la présente allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à l'enregistrement des locaux des syndicats
- 238. Les plaignants allèguent que les syndicats sont obligés d'avoir un siège enregistré et que le montant de l'amende dont ils peuvent être frappés s'ils n'ont pas un tel siège a été augmenté par l'ordonnance d'amendement. Il y a lieu de noter toutefois que, même aux termes de l'ordonnance principale de 1949, à une époque donc où l'enregistrement était facultatif, les syndicats étaient tenus d'avoir un siège enregistré, faute de quoi ils étaient passibles d'une amende. Le Comité estime qu'une disposition exigeant, sous peine d'amende, qu'un syndicat ait un siège enregistré, est une disposition normale dans un grand nombre de pays et qu'il n'a pas été prouvé que la disposition contenue sur ce point dans la législation de la Rhodésie du Nord constituait en elle-même une violation des droits syndicaux. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de décider que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux pouvoirs du greffier concernant l'inspection et le contrôle des biens des syndicats
- 239. Les plaignants allèguent qu'il y a ingérence dans les activités syndicales du fait que le greffier a le droit d'examiner les comptes syndicaux et de procéder à des enquêtes intéressant les opérations financières des syndicats, qu'il est lui aussi autorisé, en plus des administrateurs, à poursuivre en justice les trésoriers syndicaux qui auraient commis des détournements et qu'il dispose de pouvoirs spéciaux sur les avoirs d'un syndicat en cours de dissolution. Le gouvernement déclare que les dispositions législatives sur lesquelles portent les critiques contenues dans cette allégation ont été jugées nécessaires à la prévention des abus et à la protection des membres des syndicats contre des malversations éventuelles de la part des fonctionnaires syndicaux.
- 240. L'article 15 de l'ordonnance principale, qui prévoit l'établissement par les syndicats d'un relevé annuel sous une forme essentiellement semblable à celle qui est prescrite pour des cas analogues dans un grand nombre de pays, est encore en vigueur, de même que l'article 17 concernant la gestion des biens d'un syndicat par des administrateurs. L'ordonnance d'amendement contient des dispositions complémentaires (articles 15 A, B, C, D) ainsi conçues:
- 15 A. 1) Le greffier, ou toute autre personne qu'il y a autorisée par un ordre général ou spécial écrit de sa main, aura accès à tout moment convenable à toutes les pièces relatives aux opérations financières d'un syndicat et sera habilité à vérifier les espèces en caisse détenues par ce syndicat ; les fonctionnaires et les membres du syndicat seront tenus de fournir à la personne qui procédera à cette vérification tout renseignement financier qu'elle pourrait demander sur les opérations et la marche du syndicat.
- 2) Le greffier pourra effectuer une enquête, ou charger une personne qu'il y aura autorisée par écrit, à effectuer pour son compte une enquête, sur la situation comptable et financière d'un syndicat et pourra communiquer les conclusions de cette enquête aux membres du syndicat ; les membres et fonctionnaires du syndicat seront tenus de fournir au greffier, ou à la personne par lui autorisée, tout renseignement financier que pourrait demander le greffier ou cette personne, au sujet des affaires du syndicat ; ils devront, en outre, produire les espèces en caisse détenues par le syndicat ainsi que toute pièce se rapportant aux opérations financières dudit syndicat.
- 15 B. Tout syndicat enregistré devra, sur injonction du greffier, effectuer les paiements pour vérification de comptes ou contrôle qui pourraient être prévus par voie de règlements.
- 15 C. Un membre quelconque d'un syndicat, ou le greffier, peut demander à un magistrat un ordre interdisant à un fonctionnaire dudit syndicat d'exercer ses fonctions ou de disposer des fonds syndicaux ; ce magistrat pourra donner un tel ordre après s'être assuré que les accusations portées contre ce fonctionnaire en utilisation frauduleuse des fonds syndicaux paraissent fondées ou que ce fonctionnaire n'a pas qualité, aux termes de l'article 15 D de la présente ordonnance, pour remplir une charge dans un syndicat.
- 15 D. Nulle personne qui aurait été condamnée pour un délit impliquant une tromperie ou une malhonnêteté ne pourra, pendant une période de cinq ans à compter de sa condamnation, remplir une fonction dans un syndicat, ni être chargée de recueillir des fonds pour le compte de ce syndicat.
- 241. Le Comité estime que ces dispositions ne semblent pas avoir pour but de conférer au greffier le pouvoir d'empêcher un syndicat d'exercer ses activités ou d'affecter ses fonds à toute fin légitime autorisée par la loi ou par ses statuts. Le Comité a retenu notamment, au sujet de l'article 15 C, que le pouvoir accordé au greffier de demander un ordre aux tribunaux s'ajoute au pouvoir analogue dont dispose tout membre du syndicat, mais ne l'élimine pas. Le fait que le magistrat ne peut donner un tel ordre que pour des motifs qui font manifestement dudit ordre un moyen de protéger les intérêts réels du syndicat et de ses membres, semblerait constituer une protection contre l'abus de ce pouvoir par le greffier. Il y a lieu de noter également que l'article 21 de l'ordonnance principale, contre lequel les plaignants n'émettent aucune critique, conférait déjà au greffier le pouvoir de porter plainte devant le tribunal compétent au cas où il y aurait eu effectivement détournement de fonds syndicaux.
- 242. Dans ces conditions et tout en soulignant - comme dans un cas antérieur - l'importance que revêtent le droit des salariés de créer les organisations de leur choix et la liberté qui appartient à ces organisations de rédiger leurs propres statuts et règlements intérieurs et de décider de leur gestion et de leurs activités, tous droits qui postulent l'indépendance financière, soulignant en outre le fait que les dispositions régissant les opérations financières des organisations de salariés ne devraient pas avoir un caractère tel qu'elles puissent conférer aux autorités un pouvoir discrétionnaire sur ces opérations, le Comité est d'avis qu'il n'a nullement été prouvé que la promulgation des articles 15 A, B, C et D ci-dessus constituent une atteinte aux droits syndicaux, et il recommande donc au Conseil d'administration de décider que l'allégation relative à ce point n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 243. Enfin, les plaignants critiquent les pouvoirs accordés au greffier en cas de dissolution d'un syndicat. Les dispositions pertinentes se trouvent à l'article 39 de l'ordonnance, telle qu'elle a été amendée en 1956. Cet article est rédigé comme suit
- 39. 1) L'intention de dissoudre un syndicat sera notifiée au greffier par un avis signé du secrétaire et de sept membres du syndicat intéressé ; au cas où un syndicat compterait moins de sept membres, l'avis de dissolution sera signé par la totalité de ses membres.
- 2) Lorsqu'un avis de dissolution a été communiqué en vertu des dispositions du paragraphe 1) du présent article, la procédure suivante est applicable:
- a) les biens du syndicat seront confiés immédiatement à la gestion du greffier ;
- b) le greffier procédera à la liquidation des affaires du syndicat et, après avoir acquitté ou pourvu à l'acquittement de toutes les dettes se rapportant à la liquidation, il préparera et soumettra pour information au syndicat ou aux membres du syndicat qui ont signé l'avis de dissolution conformément au paragraphe 1) du présent article, un projet d'affectation des actifs à des fins qui pourraient profiter à la partie de la collectivité à laquelle les membres du syndicat appartenaient plus particulièrement ou à la collectivité dans son ensemble ;
- c) le greffier disposera en vue de la liquidation des mêmes pouvoirs que l'administrateur d'une faillite pour l'identification et la réalisation des biens d'un débiteur, ainsi que de tous les pouvoirs conférés par la loi pour les sociétés ayant un liquidateur officiel.
- 244. Le Comité estime que le fait que le greffier agit comme liquidateur officiel lors de la dissolution du syndicat ne prête pas à critique en lui-même. Dans ces conditions, et sous réserve que le greffier exerce ses pouvoirs en respectant les droits et opinions des membres de l'organisation intéressée, le Comité estime qu'il n'a été nullement prouvé que ces pouvoirs constituent une atteinte aux droits syndicaux et recommande donc au Conseil d'administration de décider que l'allégation ci-dessus examinée n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux piquets de grève
- 245. Les plaignants allèguent que l'ordonnance d'amendement restreint gravement, pour ne pas dire qu'elle abolit, le droit d'établir des piquets en cas de grève. Le gouvernement nie que tel soit le cas et affirme que les nouvelles dispositions ne font que préciser les limites du droit d'établir des piquets de grève, tel qu'il est formulé dans l'ordonnance principale.
- 246. L'article 25 de l'ordonnance principale, tel qu'il a été amendé par l'article 10 de la nouvelle ordonnance de 1956, est rédigé comme suit:
- 25. 1) Il sera licite qu'une ou plusieurs personnes agissant, soit de leur propre initiative, soit sur instructions d'un syndicat, d'un employeur ou d'une entreprise, et ce en prévision ou à l'occasion d'un différend du travail, se postent auprès d'un lieu, autre qu'une habitation, où une personne travaille ou exerce sa profession, pourvu que leur présence n'ait d'autre but que d'obtenir ou de communiquer paisiblement des informations ou de persuader paisiblement une personne de travailler ou de s'abstenir de travailler.
- 2) Il sera illicite qu'une ou plusieurs personnes, agissant, soit de leur propre initiative, soit sur instructions d'un syndicat, d'un employeur ou d'une entreprise, et même si elles le font en prévision ou à l'occasion d'un différend du travail, se postent auprès d'une maison ou d'un lieu où une autre personne habite, travaille ou exerce sa profession, ou simplement se trouve, dans le but d'obtenir ou de communiquer des informations ou de persuader ou d'induire une personne à travailler ou à s'abstenir de travailler, si les personnes postées en ce lieu sont réunies en nombre tel ou se comportent de manière telle qu'elles traduisent l'intention d'intimider une personne se trouvant dans cette maison ou dans ce lieu, d'empêcher qu'on y entre ou qu'on en sorte, ou de provoquer un attentat à l'ordre public.
- 3) Les personnes qui se postent auprès d'une maison ou d'un lieu en tel nombre ou de la manière qui sont déclarés illicites au paragraphe 2) du présent article, seront présumées observer ou épier cette maison ou ce lieu au sens de l'article 29 de la présente ordonnance.
- 4) En dérogation aux dispositions du paragraphe 1 du présent article, il y aura infraction lorsqu'une ou plusieurs personnes, en vue de persuader ou d'induire une autre personne à travailler ou à s'abstenir de travailler, observent ou cernent une maison ou un lieu où une autre personne habite, et toute personne qui agira en contravention des dispositions du présent paragraphe sera passible d'une amende ne dépassant pas 20 livres ou d'un emprisonnement de trois mois au maximum.
- 247. Le Comité estime qu'il n'est pas nécessaire, aux fins du présent cas, d'examiner la question de principe relative à la constitution de piquets de grève, étant donné qu'il n'a pas été apporté de preuve que les dispositions relatives à la constitution de piquets de grève ont été appliquées de manière à porter atteinte aux droits syndicaux ; dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 248. Compte tenu de toutes ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter, sous réserve des observations contenues au paragraphe 217, que le Comité n'estime pas être en mesure de se prononcer sur le fait de savoir si l'état d'exception comme tel se justifie ou non, car un tel avis requerrait une connaissance et une évaluation de faits et de considérations de caractère local en rapport avec la situation prévalant en Rhodésie du Nord qui ne sont pas à la portée du Comité ;
- b) de noter qu'aucune preuve n'a été fournie à l'appui de l'allégation concernant un ordre de reprise du travail et de l'allégation concernant l'ingérence du gouvernement dans les affaires du Syndicat des mineurs africains, et de décider, en conséquence, que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi ;
- c) de noter qu'il n'a été nullement prouvé que les dispositions de la loi exigeant l'enregistrement des sièges syndicaux, que les pouvoirs conférés au greffier en rapport avec les opérations financières des syndicats et les règles relatives à l'établissement pacifique de piquets de grève, constituent une atteinte aux droits syndicaux, et de décider en conséquence que, sous réserve des remarques contenues aux paragraphes 242 et 244 ci-dessus, les allégations relatives à ces différents points n'appellent pas un examen plus approfondi ;
- d) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il pourrait être désirable que certaines des dispositions restrictives contenues dans la législation régissant l'enregistrement obligatoire des syndicats soient réexaminées en temps opportun, mais de décider néanmoins, compte tenu de toutes les circonstances et en particulier de l'existence d'un appel à la Cour suprême, et sous réserve de la recommandation ci-dessus, que l'allégation concernant l'enregistrement obligatoire d'un syndicat n'appelle pas un examen plus approfondi ;
- e) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'inopportunité d'avoir recours à une censure générale de la presse à l'occasion d'un différend du travail ;
- f) de prendre note du présent rapport intérimaire du Comité sur les allégations relatives à l'arrestation et à la restriction de la liberté de mouvement de dirigeants syndicalistes, et à l'intervention des forces de sécurité, étant entendu que le Comité soumettra un rapport plus complet à ce sujet lorsqu'il aura reçu les compléments d'information qu'il a demandés au gouvernement.