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Observación (CEACR) - Adopción: 2023, Publicación: 112ª reunión CIT (2024)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Líbano (Ratificación : 1977)

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La commission prend note des observations de la Confédération générale des travailleurs libanais (CGTL), qui ont été reçues avec le rapport du gouvernement. La commission note également les observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2023, dans lesquelles l’OIE réitère les déclarations des délégués employeurs lors de la discussion qui s’est tenue au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence (la Commission de la Conférence) en juin 2023. La commission prend note aussi des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 27 septembre 2023. La commission prie le gouvernement de fournir sa réponse à ces observations.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 111 e  session, juin 2023)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence, au sujet de l’application de la convention par le Liban.
Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention. Situation de vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants face au travail forcé. i) Protection juridique. La commission observe que la Commission de la Conférence a exprimé sa profonde préoccupation face à l’absence de protection adéquate des travailleurs domestiques migrants en droit et dans la pratique. Les travailleurs migrants continuent d’être soumis à des conditions de travail abusives qui relèvent du travail forcé – entre autres, confiscation de leur passeport, frais de recrutement élevés, non-paiement des salaires, privation de liberté et abus physiques et sexuels. La Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement d’apporter aux travailleurs domestiques migrants la protection juridique adéquate, y compris en garantissant la restauration et la mise en œuvre effective du contrat standard unifié (CSU) tel que révisé. La Commission de la Conférence a également prié le gouvernement de communiquer des informations sur toute modification législative adoptée ou envisagée pour remplacer le système de la kafala par un système de permis de travail qui permette aux travailleurs domestiques migrants de changer d’employeur. La commission note que, dans ses observations, la CGTL considère que le Code du travail devrait être modifié pour inclure les travailleurs domestiques.
La commission note que le gouvernement indique, dans son rapport, que le dernier projet de Code du travail, élaboré puis adressé au Cabinet des ministres en 2022, inclut dans son champ d’application les travailleurs domestiques, en vertu du nouvel article 15, «pour tout ce qui ne contrevient pas au CSU des travailleurs domestiques, établi en vertu d’une décision du ministère du Travail». La commission rappelle, comme l’a indiqué le gouvernement dans les informations écrites qu’il a adressées à la Commission de la Conférence, que l’application du CSU tel que révisé, qui a été adopté en 2020 par le ministère du Travail et qui comprend de nouvelles dispositions de protection pour les travailleurs domestiques, a été suspendue par le Conseil (Choura) de l’État. Dans l’intervalle, le CSU de 2009 continue de s’appliquer. Plus important, le CSU tel que révisé permettrait aux travailleurs de mettre fin à leur contrat sans le consentement de leur employeur. Le gouvernement indique que le ministère du Travail révise actuellement le précédent projet de CSU, en tenant compte des droits de toutes les parties prenantes. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail a adopté l’arrêté no 1/1 du 5 janvier 2023 portant régularisation du statut des travailleuses domestiques migrantes qui occupent des emplois autres que ceux spécifiés dans le permis de travail.
La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs domestiques migrants une protection juridique adéquate. À cette fin, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de Code du travail soit adopté. Elle prie également le gouvernement d’indiquer si un CSU révisé sera adopté ou si la suspension du CSU révisé de 2020 sera levée, afin de permettre aux travailleurs migrants de quitter leur emploi à certains intervalles, ou après avoir donné un préavis raisonnable en cours de contrat, sans l’exigence du consentement de l’employeur. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations concrètes sur les situations couvertes par l’arrêté no 1/1 du 5 janvier 2023, par exemple le nombre de travailleurs concernés, la possibilité de changer d’employeur, et des informations sur son application dans la pratique.
ii) Accès aux mécanismes de présentation de plaintes. Comme la commission l’avait demandé dans ses précédents commentaires, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs domestiques migrants soumis à des pratiques abusives et à des conditions de travail qui relèvent du travail forcé aient accès à la justice, y compris à une protection, à une assistance et à des voies de recours adéquates.
La commission observe que les travailleurs peuvent déposer une plainte auprès du Département de l’inspection, de la protection et de la sécurité au travail et auprès des bureaux régionaux du travail du ministère du Travail. La commission note aussi que, en vertu de la décision ministérielle no 1/168 de 2015, les agences de recrutement sont tenues de signaler au ministère du Travail les différends entre travailleurs et employeurs et, le cas échéant, de porter plainte. La commission prend note de l’information du gouvernement selon laquelle, en 2020, il a mis en service une ligne téléphonique d’urgence pour permettre aux travailleurs domestiques étrangers de communiquer directement et aisément avec le ministère du Travail afin de porter plainte. Le gouvernement indique qu’une campagne de sensibilisation dans les médias visant à faire connaître la ligne d’assistance téléphonique a été menée en anglais, en arabe et dans d’autres langues utiles. Selon le gouvernement, le ministère du Travail a reçu 77 plaintes en 2020 à travers cette ligne téléphonique. Au cours de l’année 2022, 89 plaintes concernant des travailleuses migrantes ont été adressées au ministère du Travail: i) 62 ont été déposées par un employeur contre des agences de recrutement; ii) 20 ont été déposées par des ambassades, des consulats, des associations et des syndicats - la plupart de ces plaintes portaient sur le fait que des employeurs n’avaient pas versé leurs salaires à des travailleuses migrantes (15 ont été résolues); et iii) 7 ont été déposées par des travailleuses domestiques contre des agences de recrutement, dont six ont été résolues.
La commission observe que le nombre de plaintes signalées semble faible d’autant plus que la plupart de ces plaintes sont déposées par des employeurs contre des agences. La commission prie donc instamment le gouvernement de renforcer ses efforts pour que les travailleurs domestiques migrants puissent facilement et efficacement déposer des plaintes auprès des autorités compétentes, et demander réparation en cas d’atteintes à leurs droits ou d’abus, sans crainte des représailles. À cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de travailleurs domestiques migrants qui ont eu recours aux mécanismes de plainte, ainsi que des informations plus spécifiques sur les infractions dénoncées, la suite donnée aux plaintes et les réparations obtenues.
Article 25. Application et sanctions. i) Infractions à la législation du travail. La commission note que la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement d’engager et de former des inspecteurs du travail supplémentaires, et d’augmenter les ressources matérielles qui leur sont nécessaires, pour effectuer des inspections du travail dans le secteur du travail domestique, et de fournir à la commission d’experts des informations sur les formations dont ont bénéficié les inspecteurs du travail, sur le nombre d’inspections effectuées dans le secteur du travail domestique, sur le nombre d’infractions constatées et sur les sanctions imposées pour des infractions à la législation du travail. La commission note que le gouvernement ne fournit pas d’informations à ce sujet. Toutefois, il indique que, même si les travailleurs domestiques migrants ne sont pas couverts par le Code du travail, ces travailleurs peuvent néanmoins intenter une action au civil en invoquant la loi relative aux obligations et aux contrats.
La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas de violations des droits au travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail forcé, dans la mesure où les pratiques de travail forcé se caractérisent, le plus souvent, par la concomitance de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. De plus, prises dans leur ensemble, ces infractions peuvent constituer le délit de travail forcé, qui lui-même appelle des sanctions pénales spécifiques. La commission observe que le CSU de 2009, qui contient des dispositions sur les droits des travailleurs domestiques, est applicable et que le respect de ces droits doit faire l’objet d’un suivi efficace. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de renforcer la capacité des inspecteurs du travail, ou de tout autre organe pertinent chargé de faire appliquer la loi, afin de contrôler efficacement les conditions de travail des travailleurs domestiques migrants. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard, et sur le nombre d’inspections effectuées, le nombre et la nature des infractions constatées, et les sanctions appliquées pour ces infractions.
ii) Contrôle des agences de recrutement. La commission prend note des informations du gouvernement faisant état de l’adoption récente, par le ministère du Travail, de décisions relatives aux agences de recrutement et au statut des travailleuses domestiques migrantes, en particulier la décision no 41/1 du 11 mai 2022 sur la réglementation de l’activité des agences qui recrutent des travailleuses migrantes pour le service domestique (l’article 28 de cette réglementation interdit à ces agences de mettre des frais à la charge des travailleurs domestiques). Le gouvernement ajoute que, à la suite de la réception de plaintes, un certain nombre de mesures administratives ont été prises à l’encontre d’agences spécialisées dans le recrutement de travailleuses domestiques migrantes, pour avoir contrevenu à la décision no 41/1; ces mesures administratives comportaient entre autres la suspension des activités ou le retrait des licences de ces agences. La commission note à ce sujet que le représentant gouvernemental a indiqué, au cours de la discussion de la Commission de la Conférence, que 77 agences de recrutement (20 pour cent de l’ensemble des agences enregistrées) ont été fermées. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour contrôler les agences de recrutement et veiller à ce que les frais de recrutement ne soient pas mis à la charge des travailleurs, et de fournir des informations sur les infractions constatées à cet égard. La commission encourage le gouvernement à prendre des mesures pour renforcer les capacités des agences de recrutement et les sensibiliser aux droits au travail des travailleurs migrants ainsi qu’à la nécessité d’un recrutement équitable. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations concrètes sur les types d’infractions commises par des agences de recrutement qui ont donné lieu à leur suspension ou à leur fermeture, et sur la procédure suivie dans ces cas.
iii) Sanctions pénales pour imposition de travail forcé. À propos des obstacles rencontrés par des travailleurs domestiques migrants lorsqu’ils cherchent à dénoncer des abus, la commission note que la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement d’introduire et d’appliquer des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives aux employeurs et aux recruteurs de main-d’œuvre qui engagent des travailleurs migrants dans des situations qui relèvent du travail forcé, et de renforcer les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi dans ce domaine.
La commission note que le gouvernement indique que la Direction générale de la sûreté générale (DGSG) mène des enquêtes sur toute plainte pour des faits concernant des travailleurs domestiques. Sous la supervision du procureur compétent, la DGSG a le pouvoir d’engager des procédures judiciaires au cas par cas et de prendre les « mesures administratives requises » contre les personnes pour lesquelles il a été établi qu’elles ont commis des actes abusifs à l’encontre de travailleurs domestiques. Le gouvernement fait également référence à la loi no 205 de 2020, qui prévoit des sanctions pour le délit de harcèlement sexuel, commis par un employeur, en particulier dans le cadre d’une relation de dépendance ou d’une relation de travail.
Le gouvernement communique également les informations émanant du Bureau de répression de la traite des êtres humains et de protection de la morale, au sujet du nombre de cas de travail forcé de travailleurs domestiques migrants qui ont fait l’objet d’une enquête et de poursuites. La commission note que les données fournies ne portent pas sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations ayant visé des employeurs qui soumettaient des travailleurs domestiques à des pratiques abusives ou au travail forcé. La commission observe que, d’après ces données, des victimes de traite ou de délits sexuels ont également été arrêtées pour avoir quitté le domicile de leur employeur, et d’autres victimes sont restées au service de leur employeur. Il n’y a pas d’informations détaillées sur les circonstances des cas rapportés dans ces statistiques. La commission note à ce sujet qu’un rapport de l’OIT, de l’OIM et d’ONU Femmes datant de 2020, intitulé Women Migrant Domestic Workers in Lebanon: A Gender Perspective, montre que les travailleuses domestiques migrantes ont rarement pu, en déposant des plaintes pénales, obtenir que leurs employeurs rendent des comptes. Par ailleurs, il ressort d’une étude de 2020 que 91 pour cent des audiences devant les tribunaux, dans des cas impliquant des travailleuses domestiques migrantes, ont eu lieu en l’absence des victimes, ce qui laisse entendre que des femmes victimes sont expulsées avant même que les tribunaux ne soient saisis de leur cas. Le même rapport fait état d’autres atteintes au droit d’accéder à la justice de ces femmes, notamment le fait que, souvent, des travailleuses domestiques sont condamnées pour avoir « fui » leur employeur, alors qu’elles étaient victimes de graves abus, et le fait que des cas de traite des êtres humains ou de travail forcé n’ont pas été pris en considération.
La commission note avec préoccupation le manque d’information sur les sanctions prises à l’encontre des employeurs qui soumettent des travailleurs domestiques à des pratiques abusives ou à des pratiques relevant du travail forcé. La commission rappelle à cet égard que l’article 25 de la convention exige des gouvernements qu’ils s’assurent que l’exaction de travail forcé est passible de sanctions pénales. La commission considère que l’absence de sanctions imposées aux employeurs, conjuguée aux difficultés rencontrées par les travailleurs domestiques migrants pour porter plainte et à l’absence de contrôle efficace des conditions de travail des travailleurs domestiques, peut avoir pour conséquence de placer ces travailleurs domestiques migrants dans une situation de vulnérabilité accrue au travail forcé, mais également avoir pour effet que des victimes du travail forcé ne sont pas identifiées, reconnues et protégées en tant que victimes. Soulignant l’importance d’appliquer des sanctions suffisamment dissuasives aux personnes qui imposent des pratiques de travail forcé, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur les employeurs qui soumettent des travailleurs domestiques migrants à des pratiques qui relèvent du travail forcé, et pour les poursuivre en justice. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour renforcer la capacité des organes chargés de faire appliquer la loi dans ce domaine, sur le nombre de cas de travail forcé de travailleurs domestiques migrants qui ont fait l’objet d’une enquête et de poursuites, et sur le nombre de condamnations prononcées et de sanctions imposées aux employeurs qui ont commis ces actes. Enfin, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que dans de tels cas les victimes bénéficient d’une assistance et de mesures de réadaptation et d’indemnisation adéquates.
Tout en reconnaissant la situation difficile qui prévaut dans le pays, la commission note avec une profonde préoccupation l’absence de protection adéquate des travailleurs domestiques migrants, et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces travailleurs bénéficient de la protection de la convention. À ce sujet, la commission exprime l’espoir que la mission de contacts directs qu’a demandée la Commission de la Conférence sera réalisée dans un proche avenir et que cette mission aidera le gouvernement à redoubler d’efforts pour éliminer les pratiques de travail forcé auxquelles sont confrontés les travailleurs domestiques migrants.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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