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Observación (CEACR) - Adopción: 2023, Publicación: 112ª reunión CIT (2024)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Níger (Ratificación : 1961)
Protocolo de 2014 relativo al Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 - Níger (Ratificación : 2015)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2022. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention et article 1, paragraphe 1, du protocole. Mesures efficaces pour lutter contre l’esclavage et les pratiques assimilées. Action systématique et coordonnée. La commission a précédemment souligné l’importance d’adopter une politique nationale et un plan d’action spécifiques de lutte contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, compte tenu de la persistance de ces pratiques au Niger et de la complexité des facteurs qui en sont à l’origine.
Le gouvernement indique dans son rapport qu’un processus est en cours en vue d’intégrer les questions de travail forcé, d’esclavage et de pratiques analogues à l’esclavage dans le Plan d’action national 2022-2026 de la Commission nationale de Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes (CNCLTP). Dans ce cadre, des ateliers de renforcement des capacités des membres de la CNCLTP et de l’Agence nationale de Lutte contre la Traite des Personnes et le Trafic illicite de Migrants (ANLTP/TIM), structure opérationnelle d’exécution et de mise en œuvre des politiques et stratégies adoptées par la CNCLTP, ont été organisés en 2022 dans le cadre du projet de coopération technique du Bureau (Projet Bridge). Ces ateliers ont permis une meilleure compréhension des différentes formes de travail forcé et des textes pertinents, ainsi que des rôles des parties prenantes et des possibilités de coopération, en vue d’une mise en œuvre cohérente du Plan d’action national.
Le gouvernement indique par ailleurs que plusieurs ateliers de renforcement des capacités des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives ont été organisés en 2020 et 2021, dans le cadre du projet Bridge, dans l’optique de favoriser leur participation au processus d’élaboration et de mise en œuvre du Plan d’action national. Le gouvernement précise qu’il prévoit de modifier le décret 2012-082/PRN/MJ du 21 mars 2012 portant organisation, composition et fonctionnement de la CNCLTP afin que les organisations d’employeurs et de travailleurs y soient représentées.
La commission note que, dans ses observations, la CSI souligne que, bien que le gouvernement ait exprimé une forte volonté politique de s’attaquer à l’esclavage fondé sur l’ascendance et à la discrimination qui y est associée, l’absence de ressources suffisantes pour mettre en œuvre et appliquer les lois, politiques et programmes de lutte contre l’esclavage constitue un problème important. La CSI note que le mandat de l’ANLTP/TIM ne porte pas sur l’esclavage fondé sur l’ascendance, et insiste sur l’importance de la mise en place d’une stratégie nationale et d’un plan d’action spécifiques pour l’éradication de l’esclavage et des pratiques analogues à l’esclavage.
La commission relève que, dans son rapport annuel 2021, la Commission nationale des droits humains (CNDH) souligne la survivance des pratiques esclavagistes et des séquelles de ces pratiques ainsi que la dimension socioculturelle de l’esclavage. En outre, la commission observe que, dans ses observations finales du 24 mai 2023, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies s’est déclaré gravement préoccupé par les informations concernant la persistance de pratiques d’esclavage ainsi que de pratiques néfastes à l’égard des femmes, notamment d’ascendance esclave, telles que la pratique esclavagiste de la wahaya, qui consiste en l’achat d’une fille, généralement descendante d’esclaves, pour en faire une cinquième épouse (CERD/C/NER/CO/22-25).
Au vu des informations qui témoignent de la persistance des pratiques esclavagistes et des pratiques analogues à l’esclavage dans le pays, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour adopter une politique et un plan d’action national visant la suppression effective de l’esclavage et des pratiques esclavagistes. Elle veut croire que l’autorité compétente qui sera désignée pour la mise en œuvre de cette politique disposera des moyens nécessaires pour mener à bien ses fonctions sur l’ensemble du territoire.
Article 2 du protocole. Prévention. Alinéas a) et b). Sensibilisation, éducation et information. En ce qui concerne l’état des lieux des pratiques esclavagistes et les activités de sensibilisation menées, le gouvernement se réfère à plusieurs études récentes, portant notamment sur les poursuites judiciaires pour faits d’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage. La commission note cependant que ces études ne sont pas accessibles. En outre, le gouvernement indique que la journée nationale de mobilisation contre la traite des personnes intègre depuis 2020 de manière explicite la question de l’esclavage. Ainsi, dans le cadre de cette journée, l’ANLTP a, avec le soutien du projet Bridge, organisé plusieurs conférences publiques sur l’esclavage. Des activités de formation des journalistes ont aussi été organisées en 2020 et 2021, afin de promouvoir la communication sur le travail forcé et l’esclavage. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts afin de sensibiliser, éduquer et informer la population, en particulier la population à risque et les chefs traditionnels et religieux, sur la réalité des pratiques relevant de l’esclavage (par exemple, en informant sur les différentes formes d’esclavage et pratiques analogues, leurs manifestations et conséquences, la législation existante, les peines encourues, et les droits des victimes). La commission prie en outre le gouvernement de communiquer une copie des études les plus récentes sur l’état des lieux de l’esclavage et des pratiques esclavagistes.
Alinéa f). Lutte contre les causes profondes de l’esclavage. S’agissant des mesures s’attaquant aux causes profondes des survivances de pratiques esclavagistes, la commission salue la mise en œuvre, dans le cadre du projet Bridge, d’un programme d’appui au développement de moyens de subsistance, qui a bénéficié à 400 femmes d’ascendance d’esclave dans 22 villages des régions de Tahoua et d’Agadez, avec une association de lutte contre l’esclavage. Le programme est bâti autour d’un ensemble d’activités visant la réinsertion économique et l’autonomisation des bénéficiaires, via notamment la formation professionnelle, la dotation de capital pour des activités génératrices de revenu, la formation en compétences de vie et compétences entrepreneuriales, et l’alphabétisation. Le gouvernement indique en outre que diverses mesures favorisant la scolarisation des enfants d’ascendance esclave, dont des enfants des femmes wahaya, ont été mises en œuvre, ayant permis l’établissement de 848 actes de naissance aux enfants de huit villages, l’inscription de 201 de ces enfants à l’école en 2021/2022, et la dotation de kits scolaires pour ces enfants. Par ailleurs, 352 adultes d’ascendance esclave ont pu disposer d’une carte nationale d’identité et 457 autres d’un acte de naissance, au cours d’audiences foraines organisées à cet effet.
La commission note cependant que, d’après les observations formulées par la CSI, les communautés issues de l’esclavage sont victimes d’une stigmatisation et d’une discrimination généralisées et que, du fait de leur marginalisation et de l’éloignement de leurs lieux d’habitation, ces communautés sont généralement négligées par les services gouvernementaux et les programmes de lutte contre la pauvreté. Les descendants d’esclave peuvent être donnés en cadeau ou transmis en héritage, ils se voient refuser la reconnaissance de leur état civil et n’ont pas accès aux documents d’identité, et la plupart des enfants descendants d’esclaves n’ont pas accès à l’éducation. La CSI souligne la nécessité de promulguer une législation offrant une protection totale et efficace contre la discrimination dans tous les domaines et contenant une liste exhaustive des motifs de discrimination interdits, y compris sur la base de l’ascendance esclavagiste.
La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la stigmatisation et les discriminations dont font l’objet les anciens esclaves et descendants d’esclaves; elle renvoie à cet égard également aux commentaires formulés sous la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. La commission prie également le gouvernement de poursuivre ses efforts visant à lutter contre les causes profondes des survivances de pratiques esclavagistes, et notamment de garantir l’accès effectif aux services d’enregistrement des naissances, à l’éducation, et à l’emploi; la commission renvoie à cet égard également aux commentaires formulés sous la convention (n° 122) sur la politique de l’emploi, 1964.
Article 3 du protocole. Identification et protection des victimes. La commission note l’absence d’informations concernant l’identification, la libération et la protection des victimes d’esclavage. Elle note que, d’après l’édition 2020 de l’Annuaire statistique du ministère de la Justice, joint au rapport du gouvernement, aucune victime d’esclavage et de pratiques analogues n’a été enregistrés en 2018, et deux ont été enregistrées en 2017. La commission note que, dans ses observations, la CSI souligne que les victimes d’esclavage n’ont pas accès à des mesures de réadaptation adéquates, et qu’il n’existe pas de procédure pour identifier et soutenir les victimes et survivants de l’esclavage. La CSI souligne la nécessité de concevoir un plan d’identification et de libération des victimes et survivants des pratiques esclavagistes, ainsi que de développer un programme complet de réadaptation, comprenant l’accès rapide à un abri sûr, à des soins médicaux et psychologiques et aux services juridiques et sociaux. La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre les mesures nécessaires proactives pour identifier, libérer et protéger les victimes de pratiques esclavagistes, notamment à travers l’élaboration et la diffusion d’une procédure d’identification des victimes et l’établissement d’une structure d’accueil permettant aux victimes de se reconstruire psychologiquement, économiquement et socialement. Prière de fournir des informations sur le nombre de victimes de pratiques esclavagistes identifiées, ainsi que sur le nombre de victimes ayant bénéficié de mesures de protection et d’assistance.
Article 4 du protocole. Accès à la justice et réparation. La commission a précédemment prié le gouvernement d’indiquer comment fonctionnait le dispositif d’assistance juridique géré par l’Agence nationale de l’Assistance juridique et judiciaire et comment les différents acteurs coopéraient pour s’assurer que les victimes sont effectivement en mesure de faire valoir leurs droits. Le gouvernement indique que l’association de lutte contre l’esclavage Timidria, avec l’appui du BIT, a recruté 17 parajuristes, déployés dans des zones de prévalence de l’esclavage, dont le rôle est notamment d’informer les victimes sur leurs droits et sur les procédures d’accès à la justice, mais aussi de les aider à constituer un dossier en vue de la saisine des autorités judiciaires ou administratives compétentes, d’obtenir des pièces d’état civil ou d’identité, et de les orienter si nécessaire vers les services compétents. Le gouvernement précise que des Bureaux locaux de l’Assistance juridique et judiciaire, représentant l’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire, sont présents dans les dix Tribunaux de grande instance.
La commission note par ailleurs que la CSI souligne la nécessité de mettre en place un fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes de l’esclavage. La commission observe que, dans ses observations finales du 24 mai 2023, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies s’est dit préoccupé par les difficultés que rencontrent les victimes de pratiques d’esclavage pour accéder aux services de l’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire, en raison du manque de moyens et de ressources de l’institution (CERD/C/NER/CO/22-25).
La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour s’assurer que les victimes de pratiques esclavagistes connaissent et peuvent faire valoir leurs droits, notamment en continuant de prendre des mesures pour faciliter leur accès à la justice, et en s’assurant que l’assistance juridique et des indemnisations leur soient effectivement octroyées. Prière de communiquer des informations sur le nombre de victimes ayant obtenu une assistance juridique et une indemnisation.
Article 25 de la convention et article 1, paragraphe 1, du protocole. Répression et application de sanctions pénales efficaces. La commission a précédemment noté le manque d’informations sur l’application pratique des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal relatifs à l’esclavage, et a instamment prié le gouvernement de renforcer les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi. La commission prend bonne note des activités de formation réalisées au profit des autorités judiciaires et des forces de l’ordre, dans le cadre du projet Bridge, visant notamment à mieux appréhender l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage, à maîtriser les procédures d’identification des cas d’esclavage, et à renforcer le rôle de chacun des acteurs concernés dans la chaine pénale. Le gouvernement indique en outre que deux ateliers de renforcement des capacités des inspecteurs du travail en matière de lutte contre le travail forcé ont été organisés en 2021 et 2022. Il précise que les inspecteurs participeront activement à la mise en œuvre du Plan d’action national de la CNCLTP.
La commission note que, d’après l’édition 2020 de l’Annuaire statistique du ministère de la Justice, joint au rapport du gouvernement, une affaire d’esclavage nouvelle a été enregistrée auprès des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance en 2018-2019, laquelle a fait l’objet de poursuites. La commission note en outre que, d’après l’édition 2022 de l’Annuaire statistique, aucune affaire nouvelle d’esclavage n’a été enregistrée auprès des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance en 2019-2020, et cinq l’ont été en 2020-2021, parmi lesquelles trois ont fait l’objet de poursuites. Au 31 décembre 2020, sept personnes avaient été condamnées pour des faits d’esclavage, et cinq au 31 décembre 2021.
La commission note que la CSI souligne, dans ses observations, que le nombre de poursuites est limité et que seules quelques dizaines d’affaires d’esclavage ont été portées devant les juridictions nationales. La CSI indique en outre que, du fait de la distinction entre le «crime» d’esclavage, puni de dix à trente ans d’emprisonnement, et le «délit» d’esclavage, puni de cinq à dix ans d’emprisonnement, les peines prononcées ne reflètent pas la gravité des violations. La CSI insiste sur la nécessité de former les fonctionnaires judiciaires et les autres acteurs concernés aux dispositions du Code pénal relatives à l’esclavage.
La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer les activités de formation des organes chargés de faire appliquer la loi (inspection du travail, forces de l’ordre, autorités de poursuite et autorités judiciaires) afin de permettre à ces autorités d’identifier les cas d’esclavage, de mener des investigations et d’entamer des poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de telles pratiques. La commission prie également le gouvernement de s’assurer que les auteurs d’infractions relatives à l’esclavage font l’objet de sanctions suffisamment dissuasives, et de continuer à fournir des informations sur les cas d’esclavage ayant été identifiés, les plaintes déposées, les poursuites judiciaires initiées, ainsi que sur le nombre de condamnations prononcées et les sanctions imposées en vertu des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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