ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Caso individual (CAS) - Discusión: 2023, Publicación: 111ª reunión CIT (2023)

Convenio sobre el derecho de sindicación y de negociación colectiva, 1949 (núm. 98) - Macedonia del Norte (Ratificación : 1991)

Visualizar en: Inglés - EspañolVisualizar todo

2023-MKD-098-Fr

Discussion par la commission

Président – Nous allons à présent aborder le deuxième cas à l’ordre du jour, la Macédoine du Nord et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective,1949.

Représentante gouvernementale – Après une longue période de préparation de la nouvelle loi sur les relations professionnelles et après dix débats publics qui ont eu lieu à travers le pays, la loi est maintenant dans sa phase finale. Avant d’entrer dans la procédure gouvernementale, le projet de loi sera publié dans le registre national électronique des réglementations, où le public et toutes les parties prenantes pourront faire part de leurs dernières remarques et commentaires.

Le projet de loi a été rédigé conformément au mémorandum technique du BIT, incluant la question de la négociation collective et la conclusion de conventions collectives. Je souhaiterais signaler que, pour la rédaction de cette loi, un vaste groupe de travail a été constitué, comprenant des représentants de tous les syndicats, quelle que soit leur représentativité. Au cours de cette période de cinq ans, tous ont pu contribuer au concept du projet de loi ainsi qu’à la conformité de ses dispositions en fonction, bien entendu, de leurs intérêts. Pour que ce processus se déroule le mieux possible, nous avons reçu l’assistance technique du Bureau de l’OIT.

Nous sommes conscients que certaines entreprises publiques n’agissent pas conformément à la loi sur les relations professionnelles en ce qui concerne la négociation collective et en particulier en ce qui concerne la protection légale des représentants syndicaux et, dans cette perspective, nous prévoyons de sensibiliser davantage les structures concernées des entreprises publiques et des entités juridiques du secteur public. Selon le calendrier d’activités, le gouvernement envisage, jusqu’à la fin de 2025, de travailler à l’amélioration du cadre juridique de la résolution pacifique des conflits du travail, car l’outil d’auto-évaluation du BIT, conçu à cet effet, a mis en évidence certaines faiblesses dans plusieurs sections de cette partie de notre législation. Parallèlement, une attention particulière sera accordée à la question des conflits du travail individuels, mais aussi à la sensibilisation aux avantages que les travailleurs et les employeurs tireront de l’application de ce mécanisme, en tenant compte des licenciements de représentants syndicaux qui peuvent avoir lieu.

En outre, en parallèle à l’adoption de la nouvelle loi sur les relations professionnelles, nous prévoyons d’organiser une formation relative à son application et destinée aux inspecteurs du travail et aux juges, car nous les considérons comme des facteurs importants pour la protection des droits à la négociation collective et pour la protection des représentants syndicaux. Pour ce faire, nous nous appuierons à nouveau sur l’assistance technique du BIT dont nous pouvons bénéficier.

Enfin, en ce qui concerne les allégations du plaignant relatives à la Commission de la représentativité et à son fonctionnement, la procédure et les informations du gouvernement, c’est-à-dire le document, permettront la constitution d’une nouvelle commission pour la représentativité et l’adoption de notre procédure rendra impossible pour un membre de la commission de bloquer le fonctionnement de cette commission.

Membres travailleurs - La convention no 98 est au cœur du dialogue social en ce qu’elle consacre le droit d’organisation et de négociation collective. Cette convention rappelle le principe fondamental de la nécessité pour les travailleurs de bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale. Elle prévoit également que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Or il a été porté à notre attention que des actes d’ingérence dans les activités des syndicats ont été observés dans certaines entreprises. Ces actes consistent à inciter certains travailleurs et syndicalistes à adhérer à un autre syndicat, en violation de la convention. L’article 4 de la convention prévoit que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaires, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. La Macédoine du Nord a ratifié la convention en 1991. Toutefois, nous constatons plusieurs lacunes en ce qui concerne le respect par la Macédoine du Nord des principes énoncés dans la convention, ce qui soulève de sérieuses questions quant à la conformité de la législation et de la pratique en Macédoine du Nord avec la convention. La commission d’experts a, par le passé, adressé 13 observations au gouvernement macédonien concernant l’application de la convention, ce qui témoigne de la persistance des interrogations de la commission d’experts sur la situation dans le pays.

La Confédération des syndicats libres de Macédoine (KSS) a signalé en 2021 un grand nombre d’actes de discrimination antisyndicale. De nombreux licenciements de représentants syndicaux ont été constatés dans de nombreux secteurs. Par exemple, nous avons été informés de l’ingérence de la direction de plusieurs entreprises, principalement dans le secteur public, qui exerce des pressions sur les travailleurs pour qu’ils changent d’affiliation syndicale, créent un nouveau syndicat ou cessent d’exercer des activités au sein d’un syndicat. Les chefs d’entreprise remettent en question les résultats des élections et refusent de reconnaître les dirigeants autorisés par les syndicats à représenter leur organisation. Les mécanismes de prélèvement des cotisations syndicales à la source ont parfois été supprimés, les dirigeants et les membres de KSS ont été licenciés, ou transférés de force dans d’autres régions éloignées de leur domicile.

Les procédures judiciaires pour contester les licenciements abusifs de dirigeants syndicaux sont longues et fastidieuses, et même lorsque le tribunal statue en faveur du travailleur licencié, la mise en œuvre de la décision n’est pas simplifiée. Toutefois, en vertu de la convention, les États Membres sont tenus de prendre des mesures spécifiques pour assurer la protection adéquate des travailleurs contre tous actes de discrimination antisyndicale, tant au moment de l’embauche qu’au cours de l’emploi, ainsi qu’au moment de la cessation de la relation de travail. Cette protection adéquate est particulièrement nécessaire pour les syndicalistes.

Les syndicats fournissent également des informations sur la non-application des conventions collectives. Les résultats des négociations collectives ne sont pas appuyés par le gouvernement, qui ne prend pas les mesures budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de ces accords dans le secteur public. En fait, il enfreint la loi sur le salaire minimum. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est utile de souligner que la convention couvre tous les travailleurs et employeurs et leurs organisations respectives, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Dans le cadre d’une véritable négociation collective sur les salaires, les parties trouvent les meilleures solutions pour atténuer les conséquences de la pandémie de la Covid, de la crise de l’énergie et de la hausse du coût de la vie.

Enfin, la KSS a dénoncé l’incapacité de la Commission de la représentativité à se prononcer sur sa représentativité dans le secteur public. Bien que la demande ait été déposée en 2018, la KSS est toujours confrontée au refus du gouvernement de reconnaître sa représentativité dans le secteur public, ce qui entrave la pleine participation de la KSS au dialogue social et le droit de ses membres de s’organiser collectivement, en violation de la convention.

L’observation de la commission d’experts soulève également la question de la couverture des travailleurs macédoniens par la négociation collective. Il apparaît que le taux de couverture est de 68,7 pour cent dans le secteur privé et de 31,35 pour cent dans le secteur public. Sans être la panacée, le taux de couverture par la négociation collective est un bon indicateur de la qualité du système de négociation collective applicable dans le pays. Nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts et à prendre toutes les mesures utiles pour augmenter le taux de couverture des travailleurs par la négociation collective.

L’Union européenne (UE) a récemment adopté une nouvelle directive sur la promotion de la négociation collective et l’adéquation des salaires minima. Cette directive fixe un objectif de 80 pour cent de couverture des négociations collectives. En dessous de ce seuil, les nouveaux États membres devront mettre en place un plan d’action pour augmenter leur taux de couverture des négociations collectives. La Macédoine du Nord négociant actuellement son adhésion à l’UE, nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement à prendre, dès à présent, les mesures permettant d’augmenter le taux de couverture de la négociation collective dans le pays, conformément à la législation européenne, et à promouvoir ainsi le développement de la négociation collective, comme le prévoit l’article 4 de la convention. Nous espérons que l’Union européenne soutiendra les efforts du gouvernement pour atteindre rapidement le seuil de 80 pour cent de couverture de la négociation collective.

Des études montrent que les pays où la négociation collective est très bien coordonnée tendent à avoir moins d’inégalités salariales, un chômage plus faible et moins persistant et des grèves moins nombreuses et plus courtes que les pays où la négociation collective est moins bien établie. La pratique des bas salaires, qui constitue une forme d’exploitation, que soutient la Macédoine du Nord, a déjà entraîné un exode massif des travailleurs. Or, au lieu d’améliorer les conditions de travail, de promouvoir des salaires décents et d’encourager la négociation collective, le gouvernement entend légaliser des milieux de travail fondés sur l’exploitation, par le biais de modifications dangereuses de la législation sur le travail, en contournant les mécanismes de dialogue social au niveau national sous la pression des entreprises étrangères. Ce n’est pas ce que l’on attend d’un pays qui adhère aux normes internationales et européennes. Nous ne pouvons donc qu’encourager le gouvernement à promouvoir davantage la négociation collective dans le pays, en pleine conformité avec la convention.

Membres employeurs – Nous remercions le gouvernement de Macédoine du Nord pour les informations orales fournies dont nous avons entièrement pris note. Les membres employeurs soulignent l’importance pour les États de se conformer à cette convention qui est l’une des dix conventions fondamentales de l’OIT. Plus précisément, nous pensons que ce cas concerne l’entretien essentiel du dialogue social, l’indépendance des partenaires sociaux et leur capacité à exercer les droits prévus par la convention sans ingérence de la part de l’État. C’est la première fois que le cas du respect de cette convention par la Macédoine du Nord fait l’objet d’une discussion au sein de cette commission. La Macédoine du Nord a ratifié la convention en 1991. Depuis lors, la commission d’experts a adressé 13 observations, ce qui témoigne de la persistance des problèmes de respect des obligations énoncées dans la convention par le pays. Les membres employeurs souhaiteraient souligner que le gouvernement a bénéficié de l’assistance technique du BIT concernant l’adoption du nouveau projet de loi sur le travail et de la loi spéciale sur les organisations de travailleurs et d’employeurs et la négociation collective. Le Bureau a formulé des commentaires sur ces deux textes.

Avant d’aborder les questions clés de ce cas, permettez-moi de vous donner quelques informations sur la situation du pays. Sur le plan politique, des élections présidentielles ont eu lieu en Macédoine du Nord au printemps 2019 et des élections législatives anticipées en juillet 2020, qui ont vu le parti au pouvoir remporter une courte victoire sur le principal parti d’opposition. En ce qui concerne la liberté d’association et de réunion, ces droits sont inscrits dans la constitution. En outre, la loi sur les associations et les fondations de citoyens, adoptée en 1998 et modifiée en 2007 et 2009, permet aux citoyens de former et de rejoindre des groupes politiques ou civiques indépendants.

Permettez-moi à présent d’aborder les questions clés de ce cas: dans ses observations de 2022, la commission d’experts a identifié deux principaux sujets de préoccupation concernant le respect de la convention par la Macédoine du Nord. Ces préoccupations concernaient le respect de l’article 4 de la convention.

Les membres employeurs souhaitent souligner que, depuis 2018, le dialogue social est entretenu et développé. Toutefois, la loi sur les relations de travail n’est toujours pas entièrement harmonisée et finalisée malgré six années de négociation et de dialogue formel. Concernant cette loi, selon les informations du gouvernement, il a finalement été décidé d’inclure dans son cadre les articles relatifs à l’organisation des travailleurs et des employeurs ainsi qu’à la négociation collective. Nous notons également que, selon le gouvernement, le processus d’élaboration de la loi sera finalisé. Cependant, nous pensons qu’il serait souhaitable que le processus d’adoption de la nouvelle loi sur les relations professionnelles soit accéléré et aboutisse sans délai excessif.

Nous prions le gouvernement de tenir dûment compte des commentaires formulés par le Bureau et de veiller à ce que la nouvelle loi sur les relations professionnelles soit élaborée conformément à la convention. Nous prions également le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard. S’agissant de la négociation collective dans la pratique, les membres travailleurs prennent note de la forte augmentation du nombre de négociations collectives couvertes entre 2019 et 2021. Notamment, selon les données de l’Office d’État des statistiques pour le premier trimestre de 2021, la convention collective d’ordre général dans le secteur privé couvre 449 822 salariés, soit 68,7 pour cent des 654 662 salariés que compte le pays. En outre, la convention collective d’ordre général dans le secteur public couvre près de 205 000 salariés, soit 31,3 pour cent du nombre total de salariés du pays.

À la lumière de ces informations, nous prions le gouvernement:

- premièrement, d’indiquer les facteurs qui ont conduit à une telle augmentation;

- deuxièmement, de fournir des informations sur les dispositions réglementant les relations entre les conventions collectives générales et spécifiques dans les secteurs privé et public;

- troisièmement, de continuer à fournir des informations sur l’application de la convention dans la pratique, notamment des données statistiques concernant le nombre de conventions collectives conclues dans les secteurs public et privé et le nombre de travailleurs couverts.

Enfin, nous notons que, selon les observations de la commission d’experts, le gouvernement ne répond pas aux allégations de la KSS de 2021 concernant:

- des actes de discrimination antisyndicale, y compris des licenciements, à l’encontre de représentants syndicaux;

- la non-application des conventions collectives par le ministère de l’Éducation;

- l’incapacité de la Commission de la représentativité à se prononcer sur la représentativité de la KSS dans le secteur public.

Nous prions le gouvernement de fournir ses commentaires concernant ces allégations.

Membre travailleur, Macédoine du Nord – La mise en œuvre de la convention est très problématique et mise à mal par le gouvernement et des membres du Parlement de la majorité au pouvoir car, grâce à un processus d’amendement accéléré, la législation sur le travail a été modifiée et fixe désormais à 72 heures la semaine de travail en Macédoine du Nord. La Confédération de Macédoine, seul syndicat représentatif et partenaire social national, n’a pas été consultée lors de l’adoption de la loi spéciale sur la détermination de l’intérêt public et la nomination d’un partenaire stratégique pour la mise en œuvre du projet de construction des corridors paneuropéens VIII et X, bien que ce soit une obligation en vertu de la convention de l’OIT sur les clauses de travail. Le gouvernement a également l’obligation de consulter les représentants des travailleurs et des employeurs. La Fédération des syndicats de Macédoine (SSM) n’a pas été consultée ni informée des nouveaux amendements et ajouts proposés à la loi sur les relations professionnelles. Ces amendements ont été soumis au Parlement dans le cadre d’une procédure accélérée, alors qu’une nouvelle loi sur les relations professionnelles est en cours de négociation depuis plus de cinq ans. Au cours de ces cinq années de négociation, de tels propositions et amendements en procédure accélérée n’ont pas été envisagés, ni mentionnés par le gouvernement.

Cela nous indique que l’ensemble du processus de négociation est fracturé et n’est pas mené sur des bases saines et acceptables. Les opinions des syndicats impliqués dans le secteur civil et de la communauté scientifique du pays ne sont pas du tout respectées, et ce pour satisfaire un consortium étranger qui pourra déterminer non seulement le sort des travailleurs, mais aussi celui de l’État tout entier. Nous tenons à vous informer que l’année dernière, le SSM et le syndicat de la construction SJB ont lancé une initiative concernant la disposition relative à l’imposition de la semaine de 72 heures. Pour la construction du corridor VIII, cette disposition a été jugée inconstitutionnelle et illégale par la Cour constitutionnelle de Macédoine.

L’article 12 de la loi qui détermine si l’intérêt général justifie la nomination d’un partenaire stratégique pour la mise en œuvre des projets de construction du corridor d’infrastructure VIII a été ignoré par la Cour constitutionnelle. La SSM et le SJB ont soumis une demande auprès du Parlement s’opposant aux amendements proposés. Ces amendements étaient extrêmement injustes pour les travailleurs. Un groupe de députés, contrariés par la décision de la Cour constitutionnelle, et pour contourner cette dernière, a proposé de modifier une disposition de la loi sur les relations professionnelles, fixant désormais à 72 heures en moyenne la semaine de travail, soit une augmentation de 50 pour cent du temps de travail avec des heures supplémentaires, contre 40 heures par semaine et 8 heures par jour dans la loi actuelle. Cela discrédite la constitution, la législation, les conventions collectives, les décisions de la Cour constitutionnelle, les normes internationales du travail, la convention sur le temps de travail, les directives de l’UE et d’autres documents internationaux, et va à l’encontre des horaires de travail décents et des emplois décents qui constituent l’un des plus grands bienfaits de notre civilisation. Par ailleurs, nous profitons de l’occasion pour vous informer que la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt N4/2022. Elle n’a pas engagé de procédure pour violation de la constitutionnalité de la loi, des amendements et des suppléments en matière de relations professionnelles.

Quant à l’initiative des syndicats et de la chambre de commerce de la Macédoine du Nord d’établir dimanche en tant que jour non ouvrable du dimanche comme droit pour les travailleurs depuis janvier 2022, la cour constitutionnelle a statué que la loi sur les relations professionnelles offre une solution favorable, avec un effet notable sur le plan matériel et social, dans la réalisation des droits des travailleurs.

En ce qui concerne les jours non travaillés de la semaine et les compensations pour le travail du dimanche et des jours fériés, le gouvernement et les membres du Parlement veulent satisfaire les intérêts d’un consortium étranger, au détriment de la vie et de la santé des travailleurs, ce qui, pour les syndicats, est illogique, inhumain et totalement amoral, et contraire aux intérêts des travailleurs. Nous avons fait remarquer au gouvernement et aux députés que le 1er mai est célébré précisément en signe de respect pour les victimes de la grève qui a eu lieu du 1er au 4 mai 1886 à Chicago et qui a été organisée pour instaurer une journée de travail de huit heures. Avec les propositions d’amendements et de suppléments à la loi sur les relations professionnelles, à l’issue d’une procédure accélérée, sans dialogue social, sans consultation, un petit groupe de députés a réussi à piétiner les droits fondamentaux à des horaires de travail décents et à un travail décent qui remontent à 1886, ramenant les travailleurs macédoniens 157 ans en arrière.

Au nom de la solidarité et de l’humanité, nous ne pouvons pas laisser prévaloir ces amendements à la loi sur les relations professionnelles. Cette loi inhumaine coûtera des vies humaines et c’est hors de question. Cette loi est également contraire à notre constitution, qui stipule que les travailleurs ne peuvent renoncer à leurs droits à des jours de repos quotidiens, hebdomadaires et annuels, car il s’agit d’un droit constitutionnel fondamental dont les travailleurs doivent jouir.

Pour mettre de l’huile sur le feu, ces amendements à la législation du travail ont été adoptés par le Parlement, à la faveur d’une procédure accélérée, et le gouvernement a apposé un drapeau de l’UE sur les amendements à la loi pour en garantir l’adoption, même si la Commission européenne et la délégation de l’UE en Macédoine du Nord ont ouvertement critiqué le gouvernement et se sont opposées à ce que le drapeau de l’UE soit apposé sur les amendements parce qu’ils sont contraires aux valeurs européennes.

Nous ne devons permettre à personne de jouer avec la vie et la santé des travailleurs. C’est pourquoi le SSM et le syndicat de la construction SJB utiliseront tous les mécanismes à leur disposition pour préserver un temps de travail décent, qui est un pilier des droits des travailleurs et doit s’appliquer aux travailleurs macédoniens comme il s’applique aux travailleurs européens.

Dans le même temps, le gouvernement et le ministère du Travail ont promulgué un règlement qui interdit la signature de conventions collectives avec le secteur public sans l’accord écrit exclusif du ministre des Finances. Cette disposition est contraire à la législation sur le travail, à la constitution de la Macédoine du Nord et aux conventions de l’OIT que la Macédoine a ratifiées.

En ce qui concerne les accords salariaux dans le cadre de la convention collective, nous menons depuis quatre ans des négociations pour trouver une nouvelle convention collective pour les travailleurs du secteur public et, depuis le début des négociations, le gouvernement a augmenté le salaire de tous les fonctionnaires du pays de 78 pour cent, soit plus de 1 000 euros par mois pour les fonctionnaires, alors qu’il a toujours refusé d’augmenter les salaires des travailleurs du secteur public.

Comme les membres travailleurs l’ont déjà indiqué dans leurs déclarations liminaires, nous sommes confrontés à un exode des travailleurs du secteur public vers le secteur privé et les pays de l’UE.

Interprétation de l’allemand: Membre travailleuse, Allemagne – C’est avec un net sentiment d’inquiétude que nous avons suivi un certain nombre d’événements récents survenus en République de Macédoine du Nord, notamment en ce qui concerne la liberté syndicale et le droit à la négociation collective. Dans le rapport de la commission d’experts, la commission prie le gouvernement, à juste titre, d’adapter la nouvelle loi sur le travail pour qu’elle soit conforme à la convention et qu’elle consacre ces droits. Après cinq années sans progrès significatif dans le processus de réforme, à la fin du mois dernier, de profonds changements ont soudainement été introduits dans la législation du travail, qui vont dans la mauvaise direction et nous préoccupent vivement.

Les amendements adoptés par le Parlement le 25 mai 2023 autorisent des exceptions à la législation nationale sur la durée maximale du travail, au motif que cette durée maximale nuit au soi-disant «intérêt national», lequel n’est pas précisé. Le calendrier et la nature précipitée de cette réforme suggèrent qu’elle vise à accélérer l’achèvement du projet d’autoroute par une coentreprise américano-turque. Ces projets de construction sont un élément clé de la planification de la communauté des transports entre l’UE et les pays des Balkans occidentaux. Ce projet d’infrastructure du nord de la Macédoine vise à rapprocher les régions situées entre la mer Noire et la mer Adriatique.

Les syndicats n’ont pas participé de manière substantielle au processus législatif. Le système bien établi de dialogue social tripartite, par l’intermédiaire du Conseil économique et social, a été contourné par le gouvernement. Cette situation est d’autant plus grave que la législation sur le travail a été fondamentalement modifiée. La nouvelle législation rendrait théoriquement possible une semaine de travail de 72 heures, ce qui affecte les travailleurs du secteur de la construction. Cela remettrait en question la journée de travail de huit heures, en vigueur depuis 170 ans, qui a fait l’objet d’un combat historique et a été consacrée. Nous constatons également que l’UE a une responsabilité dans ces projets d’infrastructure. Elle doit veiller à ce que la participation des syndicats soit équitable. Ces projets ne doivent en aucun cas conduire à un affaiblissement des lois fondamentales du travail.

Dans le cas présent, nous voyons les conséquences de la pénurie omniprésente de main-d’œuvre qualifiée. Chaque année, il manque 10 000 travailleurs qualifiés dans la République de Macédoine du Nord. Cette situation est liée à l’émigration massive vers les États membres de l’UE et les conditions de travail insatisfaisantes sont souvent pointées du doigt comme raison de l’émigration. L’affaiblissement des règles relatives à la durée maximale du travail représente également un affaiblissement supplémentaire de la législation sur le travail.

En outre, l’UE et ses États membres, ainsi que la République de Macédoine du Nord, ont le devoir d’élaborer une politique du travail socialement responsable. Nous soutenons pleinement les syndicats de Macédoine du Nord, afin qu’ils puissent jouir pleinement de leurs droits.

Membre travailleuse, Belgique – En tant que représentante des travailleurs d’un pays où coexistent différentes organisations syndicales, je voudrais faire part de mes préoccupations concernant la discrimination syndicale exercée par les agents de l’État et les institutions publiques de Macédoine du Nord, en violation de la convention.

La demande de représentativité de la KSS est toujours pendante devant les autorités depuis plusieurs années. De facto, la demande de la KSS a été rejetée. Le syndicat s’est donc vu refuser la pleine participation au dialogue social national, empêché de participer au processus d’élaboration de la politique économique et sociale, et privé de la possibilité de représenter les intérêts, et de promouvoir les droits de ses membres au sein des organes tripartites nationaux.

En outre, il est clairement établi que la direction d’un certain nombre d’entreprises appartenant essentiellement à l’État a fait pression sur les travailleurs pour qu’ils changent d’affiliation syndicale, créent un nouveau syndicat, ou cessent d’être actifs au sein d’un syndicat. Les managers ont remis en question les résultats des élections. Ils ont refusé de reconnaître les dirigeants autorisés par les syndicats à représenter leurs organisations. Les facilités de prélèvement des cotisations syndicales ont parfois été supprimées. Des dirigeants et des membres de la KSS ont été licenciés ou transférés de force dans d’autres régions, loin de leur domicile. Ces mesures ont entraîné une réduction massive du nombre des membres de la KSS.

Il est très inquiétant que cela se produise avec la bénédiction du gouvernement, car cela concerne principalement des entreprises publiques. La soumission de la KSS aux experts contient des exemples très clairs de toutes ces ingérences.

Nous attendons du gouvernement qu’il crée les conditions du libre choix des travailleurs d’être ou de ne pas être membres d’un syndicat ou d’un autre, sans exercer de contrainte, sans établir de conditions préférentielles. Nous attendons également que les cas d’ingérence et de discrimination fassent l’objet d’enquêtes appropriées, et que les sanctions prises à l’encontre des auteurs de ces ingérences permettent de dissuader de tels comportements dans le secteur public ou privé. Nous attendons finalement du gouvernement qu’il n’entrave pas la participation de la KSS au dialogue social au niveau national en manipulant les procédures de certification de la représentativité.

Représentante gouvernementale – J’aimerais apporter des explications supplémentaires concernant la procédure de reconnaissance de représentativité pour la Confédération des syndicats libres de Macédoine (KSS). En fait, la Commission de la représentativité a statué conformément à la procédure déterminant la représentativité des syndicats pour le territoire national de la République de Macédoine, y compris pour le secteur public. Selon la décision de décembre 2021, la SSM, une fédération de syndicats, a obtenu la possibilité de représenter le secteur public sur le territoire de la République de Macédoine. Auparavant, la KKS disposait de cette habilitation. Elle a donc perdu son habilitation la même année que celle où elle a soumis ses allégations. Elle pourra soumettre une nouvelle demande lorsque le moment sera venu, conformément à la législation. En ce qui concerne la nouvelle loi, les amendements à la loi sur les relations professionnelles mentionnés par M. Deanoski ne concernent que le travail sur des projets d’importance stratégique nationale définis par la loi. Les exceptions au cadre légal de la durée du travail à temps plein, du travail hebdomadaire ou des heures supplémentaires qui sont autorisées ne concernent que les projets d’importance stratégique et nationale, tel que défini par la loi. Cela signifie que ces dispositions ne peuvent pas être appliquées si elles ne sont pas confirmées par la loi, ce qui, vous en conviendrez, est vraiment difficile à faire dans tous les cas. Le travail au-delà des 40 heures par semaine est considéré comme des heures supplémentaires, nécessite l’accord obligatoire du travailleur et doit respecter les dispositions relatives au repos journalier et hebdomadaire prévues par la loi.

Membres employeurs – Les membres employeurs remercient les différents orateurs qui ont pris la parole et notamment le gouvernement de Macédoine du Nord pour son intervention et les informations détaillées qu’il a fournies. Les membres employeurs répètent l’importance pour les États de se conformer à cette convention qui est l’une des dix conventions fondamentales de l’OIT.

À la lumière des discussions qui se sont tenues aujourd’hui, les membres employeurs recommandent au gouvernement, en premier lieu, de fournir des informations sur les progrès accomplis concernant la nouvelle loi sur les relations professionnelles; deuxièmement, d’indiquer les facteurs qui ont conduit à l’augmentation de la couverture de la négociation collective entre 2019 et 2021; troisièmement, de fournir des informations sur les dispositions réglementant les relations entre les conventions collectives générales et spécifiques dans les secteurs privé et public. Enfin, le gouvernement est prié de fournir des commentaires sur les allégations d’actes de discrimination antisyndicale, le refus d’application de conventions collectives par le ministère de l’Éducation et l’incapacité de la Commission de la représentativité à se prononcer sur la représentativité de la KSS dans le secteur public.

Membres travailleurs – En premier lieu, je voudrais remercier le gouvernement de Macédoine du Nord pour les informations fournies. Nous apprécions également que la représentante des travailleurs de Macédoine du Nord ait pris la parole, et nous regrettons qu’aucun employeur de Macédoine du Nord n’ait profité de l’occasion pour exposer ses points de vue.

La situation en Macédoine du Nord continue de préoccuper les membres travailleurs. On constate encore de nombreuses violations graves de la convention. De nombreux actes de discrimination antisyndicale ont été signalés par la KSS. Pour remédier à ces lacunes, le gouvernement devra veiller à ce que les travailleurs soient protégés de manière adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale des travailleurs. Il est également utile de rappeler au gouvernement qu’il doit garantir la mise en œuvre de procédures rapides et efficaces ainsi que de sanctions efficaces et suffisamment dissuasives qui assurent l’application pratique des protections prévues contre les actes de discrimination antisyndicale.

Nous avons reçu des informations faisant état d’ingérences dans l’organisation des syndicats. Il est important que le gouvernement veille à ce que les organisations de travailleurs et d’employeurs bénéficient d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.

Nous prions le gouvernement de fournir à la commission d’experts toutes les informations pertinentes concernant les dispositions relatives à l’organisation des travailleurs et des employeurs ainsi qu’à la négociation collective qui figurent dans la nouvelle loi sur les relations professionnelles, et d’indiquer dans quelle mesure ces dispositions ont permis de remédier aux lacunes examinées, et l’état d’avancement de cette législation ainsi que tout autre texte juridique qui ne serait pas à la disposition de l’OIT.

Nous invitons également le gouvernement à promouvoir activement les résultats des négociations collectives en respectant les accords conclus entre les partenaires sociaux, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, et en prenant toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les résultats des négociations collectives. Le gouvernement devrait également veiller à ce que les procédures de reconnaissance de la KSS dans le secteur public, conformément à la législation nationale, soient activées dès que possible, afin d’assurer la pleine participation de la KSS au dialogue social et de garantir le droit de ses membres à s’organiser collectivement.

Nous invitons également le gouvernement à poursuivre ses efforts pour promouvoir la négociation collective dans le pays, notamment en adoptant des mesures qui augmenteront encore le taux de couverture des travailleurs par la négociation collective. Nous l’invitons également à communiquer à la commission d’experts les facteurs qui ont conduit à l’accroissement du taux de couverture de la négociation collective, ainsi que des informations sur les dispositions régissant la relation entre les conventions collectives générales et les conventions collectives spécifiques, dans le secteur privé et le secteur public.

Nous invitons également le gouvernement à continuer à fournir à la commission d’experts des informations sur l’application de la convention dans la pratique, y compris des données statistiques sur le nombre de conventions collectives conclues dans le secteur public et le secteur privé, ainsi que le nombre de travailleurs couverts.

Enfin, pour mettre en œuvre toutes ces recommandations, nous invitons le gouvernement de la Macédoine du Nord à se prévaloir de l’assistance technique du BIT et à accepter une mission de contacts directs afin de donner pleinement effet à ces recommandations.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté avec préoccupation les multiples actes de discrimination antisyndicale signalés dans le pays.

Prenant en compte la discussion, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour:

- veiller à ce que les travailleurs jouissent des droits que leur confère la convention et soient protégés contre les actes de discrimination antisyndicale;

- veiller à ce que les organisations de travailleurs et d’employeurs bénéficient d’une protection adéquate contre toute ingérence en ce qui concerne leur formation, leur fonctionnement ou leur administration;

- veiller à ce que la législation existante et future soit conforme à la convention ; respecter les conventions collectives conclues entre les partenaires sociaux, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, et prendre les mesures appropriées pour mettre en œuvre leurs résultats;

- assurer le bon fonctionnement de la Commission de la représentativité afin que les procédures de reconnaissance de la Confédération des syndicats libres de Macédoine (KSS) dans le secteur public soient activées dès que possible, conformément à la législation nationale, afin d’assurer la pleine participation de la KSS au dialogue social, et de garantir le droit de ses membres de s’organiser collectivement;

- communiquer à la commission d’experts les facteurs qui ont conduit à l’accroissement du taux de couverture de la négociation collective, ainsi que des informations sur les dispositions régissant la relation entre les conventions collectives générales et les conventions collectives spécifiques dans le secteur privé et dans le secteur public;

- continuer à fournir à la commission d’experts des informations sur l’application de la convention dans la pratique, y compris des données statistiques sur le nombre de conventions collectives conclues dans le secteur privé et dans le secteur public, ainsi que le nombre de travailleurs couverts.

La commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour s’assurer qu’il s’acquitte pleinement des obligations qui lui incombent en vertu de la convention, en droit et dans la pratique.

La commission invite le gouvernement à accepter une mission de contacts directs afin d’aider au mieux le gouvernement et les partenaires sociaux à mettre en œuvre ces recommandations.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer