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Observación (CEACR) - Adopción: 2015, Publicación: 105ª reunión CIT (2016)

Convenio sobre la abolición del trabajo forzoso, 1957 (núm. 105) - Turkmenistán (Ratificación : 1997)

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La commission prend note du rapport reçu du gouvernement. Elle note également la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue le 1er septembre 2015, ainsi que la réponse du gouvernement à cet égard en date du 23 octobre 2015.
Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant une obligation de travailler imposées pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle les articles 28 et 29 de la Constitution du Turkménistan garantissent le droit d’avoir et d’exprimer librement des opinions, ainsi que le droit de tenir des réunions et d’organiser des manifestations, dans le respect de la loi. Elle a noté cependant que toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations constitue un délit à la fois administratif et pénal passible d’une amende, d’une peine de rétention administrative ou de rééducation par le travail (art. 178(2) du Code des infractions administratives de 1984) ou d’une peine de rééducation par le travail pouvant aller jusqu’à un an ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois (art. 223 du Code pénal). La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application de ces deux dispositions dans la pratique, en précisant si l’imposition d’une peine de rétention administrative peut comporter une obligation d’exercer un travail d’intérêt général ou toute autre forme de travail obligatoire.
La commission note que le rapport du gouvernement ne répond à ces demandes. Se référant à ses commentaires sur l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission note toutefois qu’un nouveau Code des infractions administratives a été adopté le 29 août 2013 et que l’article 178(2) précité a été remplacé par l’article 63 du code qui prévoit une amende ou une peine de rétention administrative en cas de violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. La commission note que l’article 233 du Code pénal reste inchangé et prévoit des peines de rééducation par le travail ou d’emprisonnement, impliquant toutes deux du travail obligatoire. Elle note en outre que les insultes ou propos diffamatoires envers le Président sont passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans, et que les propos diffamatoires envers un juge, un juge non professionnel, le ministère public, un enquêteur ou la personne chargée de l’instruction peuvent être sanctionnés d’une amende, d’une peine de rééducation par le travail jusqu’à deux ans ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans (art. 176 et 192 du Code pénal). La commission note l’adoption de la loi sur le développement et les services d’Internet du 20 décembre 2014, et les préoccupations exprimées à cet égard par le représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) face à l’imprécision de la définition de l’incitation à la violence ou à la cruauté et à la responsabilité des utilisateurs d’Internet quant à l’exactitude de toutes les informations qu’ils postent et à la publication de matériels contenant des insultes ou des propos diffamatoires contre le Président (art. 30(3) de la loi).
La commission prend note des allégations de la CSI selon lesquelles le gouvernement ne respecte pas la liberté d’association et d’expression, et les défenseurs des droits de l’homme s’exposent à des risques personnels graves et doivent agir dans la clandestinité pour éviter le harcèlement et les représailles.
La commission note par ailleurs que l’Union européenne, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Comité des droits de l’homme, le Comité contre la torture ainsi que plusieurs gouvernements, dans le cadre de l’Examen périodique universel relatif au Turkménistan, ont exprimé leur préoccupation au sujet des restrictions graves visant la liberté d’expression et les allégations concordantes faisant état d’arrestations arbitraires de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes pour des délits pénaux, apparemment en représailles de leur travail (Union européenne, communiqué de presse du 17 juin 2015 sur le «Dialogue UE-Turkménistan sur les droits de l’homme»; CCPR/C/TKM/CO/1; CAT/C/TKM/CO/1; A/HRC/17/27/Add.1; A/HRC/WG.6/16/TKM/2; A/HRC/WG.6/16/TKM/3 et A/HRC/24/3). A cet égard, la commission note que le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a adopté des avis dans lesquels il conclut, pour plusieurs cas, que l’emprisonnement constitue une privation de liberté arbitraire pour avoir exercé pacifiquement le droit à la liberté d’expression (A/HRC/WGAD/2014/40; A/HRC/WGAD/2013/22 et A/HRC/WGAD/2013/5).
La commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin de s’assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne peut être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Dans l’attente de l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives; des articles 176, 192 et 233 du Code pénal; ainsi que de l’article 30(3) de la loi sur le développement et les services d’Internet de 2014.
Article 1 b). Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Dans ses précédents commentaires adressés au gouvernement au titre de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, la commission a noté que, selon l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent réquisitionner des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. Elle a considéré que la notion de «à des fins de développement économique» ne semble pas satisfaire aux critères de la «force majeure» définie dans la convention no 29 et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et produire des biens et des services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. La commission note également que le gouvernement indique que l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans rapport avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
La commission note toutefois que, dans ses observations, la CSI allègue que, en 2014, des dizaines de milliers d’adultes des secteurs public et privé ont été forcés de participer à la récolte du coton, et que des fermiers ont dû remplir les quotas de production de coton imposés par l’Etat, tout cela sous la menace de sanctions. D’après la CSI, chaque année, le Président transmet des instructions en matière de production de coton aux gouverneurs des provinces qui risquent la destitution s’ils ne remplissent pas les quotas qui leur sont assignés. Les gouverneurs définissent ensuite les responsabilités des fonctionnaires des districts et des villes qui, à leur tour, publient des ordres à l’intention des administrateurs d’écoles et autres institutions publiques et des chefs d’entreprises. Aux termes de la législation en vigueur, le gouvernement décide de l’affectation des terres par l’intermédiaire des associations de fermiers, qui peuvent priver un fermier de son droit pour «utilisation irrationnelle et inappropriée» de la terre. Les gouverneurs des provinces font rapport au Président sur le contrôle qu’ils exercent sur les associations de fermiers, qui gèrent les fermiers, et sur les agents locaux de l’administration, qui mobilisent d’autres citoyens pour la récolte du coton. La CSI allègue en outre que des entreprises d’Etat exercent également un monopole sur la production de coton. D’après la CSI, des fermiers indiquent qu’il leur est régulièrement facturé par ces entreprises d’Etat des services qui ne leur sont jamais fournis ou que les responsables de l’égrenage comptabilisent des volumes inférieurs et un coton de moindre qualité par rapport à ce que le fermier a livré.
La commission note par ailleurs que la CSI allègue que le gouvernement oblige des salariés du secteur public, et notamment des enseignants, des médecins, du personnel infirmier et des agents de l’administration, à participer à la récolte du coton, ou à payer une amende ou engager un remplaçant, sous la menace de perdre leur emploi, d’une diminution de leurs heures de travail ou de déductions salariales. Les administrateurs de banques publiques, d’usines et d’agences gouvernementales obligeraient leurs salariés à signer un formulaire indiquant qu’ils sont conscients de «la responsabilité» qui découlerait de leur refus de récolter le coton, et certains exigeraient de leur personnel des sommes leur permettant d’engager des travailleurs pour récolter le coton à leur place. La commission note en outre que, d’après la CSI, pour la récolte de 2014, le gouvernement a également forcé des entreprises privées à fournir du personnel pour la récolte du coton. Les autorités locales ont décidé de limiter les horaires d’ouverture de tous les marchés et de toutes les épiceries, obligeant les petits exploitants à fermer leur commerce pour participer à la récolte du coton et à produire une attestation signée par le fermier prouvant qu’ils ont bien travaillé dans les champs de coton. La CSI allègue aussi que des moyennes et grandes entreprises ont également été forcées d’envoyer des salariés pour participer à la récolte sous la menace de contrôles exceptionnels des services des finances, des impôts et de la lutte contre l’incendie. Des particuliers propriétaires d’autobus auraient également été obligés de participer en transportant des travailleurs forcés vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leurs licences par la police.
La commission note par ailleurs que, d’après l’Agence officielle de presse du Turkménistan, le Président a organisé en 2015 plusieurs ateliers avec les gouverneurs des provinces pour discuter de la progression dans la récolte du coton. Elle note en particulier que, le 12 octobre 2015, le Président a exprimé son mécontentement devant la lenteur de la récolte et a donné des «instructions» précises à plusieurs gouverneurs de provinces pour que soit respecté le «calendrier fixé», recommandant dans un cas de «mobiliser toutes les réserves disponibles». La commission note encore que, le 27 octobre 2015, le Président a reçu le «rapport sur la victoire du travail des producteurs de coton» du Cabinet des ministres chargé de l’agriculture et des gouverneurs des provinces d’Ahal, de Daşoguz, de Lebap et de Mary Velayat portant sur «l’exécution des obligations contractuelles pour la production de coton».
La commission note avec une profonde préoccupation le recours répandu au travail forcé dans la production de coton qui affecte les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs privé et public, notamment les enseignants, les médecins et le personnel infirmier, sous la menace de perdre leur emploi, de réductions salariales, pertes de terres, ou de faire l’objet d’enquêtes extraordinaires. La commission rappelle que, aux fins des conventions nos 29 et 105, les termes «travail forcé ou obligatoire» désignent «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Dans ce contexte, l’expression «offert de plein gré» fait référence au consentement libre et éclairé des travailleurs de s’engager à tout moment dans une relation d’emploi, ainsi qu’à leur liberté de quitter leur emploi à tout moment, sans crainte de représailles ou de la perte d’un quelconque privilège. En conséquence, même si les transferts temporaires d’emploi peuvent être inhérents à certaines professions et activités, la commission considère que l’application dans la pratique de dispositions, ordonnances ou règlements autorisant le transfert systématique de travailleurs pour exercer des activités qui ne sont pas liées à leur profession habituelle (par exemple, le transfert d’un professionnel des soins de santé à un emploi agricole) devrait être examinée attentivement pour s’assurer que cette pratique n’a pas pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la volonté des parties en un travail imposé par la loi. La commission souligne également que, bien que certaines formes de travail ou de service obligatoire (comme le travail faisant partie des obligations civiques normales des citoyens ou les menus travaux de village) soient explicitement exclues du champ d’application des conventions sur le travail forcé, ces exceptions n’incluent pas le travail ayant une importance quantitative certaine et utilisé à des fins de développement économique. En conséquence, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cette fin, en droit et en pratique, et sur les résultats concrets obtenus.
La commission note par ailleurs que le Comité des droits de l’homme, l’Equipe par pays des Nations Unies et le Comité des droits de l’enfant dans ses observations finales de 2015 ont observé que, bien que le travail des enfants soit illégal, le contrôle de l’application de la loi devrait être renforcé compte tenu de la persistance de l’emploi d’enfants dans la récolte de coton (CCPR/C/TKM/CO/1; A/HRC/WG.6/16/TKM/2; A/HRC/WG.6/16/TKM/3 et CRC/C/TKM/CO/2-4). A cet égard, la commission prie le gouvernement de se référer à ses commentaires sur l’application de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 105e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]
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